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19/05/2022 | FRANCE | N°21/096327

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 19 mai 2022, 21/096327


Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/09632 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDWY2

Décision déférée à la cour :
jugement du 17 mai 2021-juge de l'exécution de Paris-RG no 21/80563

APPELANTE

S.A.S. EASY PURCHASING INTELLIGENCE COMPLIANCE SOLUTION-EASYPICS
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Laurent TIXIER de la SE

LARL SAJET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0071

INTIMÉE

Madame [H] [M]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie LA...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/09632 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDWY2

Décision déférée à la cour :
jugement du 17 mai 2021-juge de l'exécution de Paris-RG no 21/80563

APPELANTE

S.A.S. EASY PURCHASING INTELLIGENCE COMPLIANCE SOLUTION-EASYPICS
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Laurent TIXIER de la SELARL SAJET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0071

INTIMÉE

Madame [H] [M]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie LAMY de la SCP BUCHBINDER- LAMY - KARSENTI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Par jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 novembre 2018, la SAS Easy Purchasing Intelligence Compliance Solution (ci-après dénommée société Easypics) a été condamnée à verser à son ancienne salariée, Mme [H] [M], par suite de la résiliation du contrat de travail à ses torts exclusifs, les sommes suivantes :
– 7650 euros à titre d'indemnité de préavis,
– 465 euros à titre de congés payés y afférents,
– 1814 euros au titre des sommes exposées en raison de l'absence de portabilité de la prévoyance,
– 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
– 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 6 janvier 2021, la cour d'appel de Paris a infirmé partiellement le jugement du conseil de prud'hommes en octroyant à Mme [M] une somme supplémentaire de 3000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Cet arrêt a été signifié le 16 février 2021.

Le 12 mars 2021, Mme [M] a fait signifier à la société Easypics un commandement aux fins de saisie-vente portant sur une somme de 15.381,35 euros.

Le 16 mars 2021, la société Easypics a effectué un versement d'un montant de 3381,35 euros entre les mains de l'huissier poursuivant.

Par exploit d'huissier du 19 mars 2021, la SAS Easypics a fait assigner Mme [M] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris pour voir fixer sa créance à la somme de 13.412,41 euros et obtenir le rééchelonnement de sa dette en 24 mensualités de 558,85 euros, avec gel des intérêts à compter du prononcé de la décision à intervenir.

Par acte d'huissier du 24 mars 2021, Mme [M] a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la banque BRED, à l'encontre de la société Easypics, pour obtenir paiement d'une somme de 15.381,35 euros. Cette saisie-attribution a été fructueuse à hauteur de 1317,51 euros.
Elle a été dénoncée à la débitrice le 30 mars 2021.
La société Easypics a contesté cette saisie-attribution par voie de conclusions no2 signifiées le 9 avril 2021.

Par jugement du 17 mai 2021, le juge de l'exécution a notamment :
– rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution ;
– cantonné le commandement de payer aux fins de saisie vente du 12 mars 2021 à la somme de 8.735,63 euros ;
– rejeté la demande de délais de paiement de la SAS Easypics ;
– condamné la SAS Easypics aux dépens ;
– dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a considéré que, faute de production de l'acte de saisie, la demande de mainlevée devait être rejetée ; que compte tenu du solde de la créance de la défenderesse et des sommes déjà versées ou saisies par la débitrice, il y avait lieu de cantonner le montant du commandement aux fins de saisie-vente ; enfin, que les difficultés dont faisait état la demanderesse ne permettaient pas d'établir la faisabilité d'un apurement de la dette sur 24 mois.

Par déclaration du 21 mai 2021, la SAS Easypics a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 23 juin 2021, l'appelante demande à la cour de :
– infirmer les chefs de jugement critiqués ;
– ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-attribution pratiquée le 24 mars 2021 sur son compte ouvert dans les livres de la banque BRED, pour une somme de 1.317,51 euros ;
– l'autoriser à s'acquitter de la somme totale de 10.053,14 euros, selon 24 mensualités égales de 418,88 euros, la première le 5 du mois suivant la notification de la décision à intervenir ;
– ordonner la suspension immédiate des mesures d'exécution ;
– rappeler que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard de paiement cessent d'être dues pendant le délai fixé par le juge ;
– débouter Mme [M] de toutes ses demandes y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [M] aux dépens.

A cet effet, elle fait valoir que :
– c'est à tort que le juge de l'exécution a rejeté sa demande de mainlevée au motif qu'aucun acte de saisie n'avait été produit alors qu'a été versée aux débats l'attestation de la banque justifiant de la saisie-attribution de la somme de 1.317,51 euros ; est néanmoins versé à hauteur de cour l'acte de dénonciation de saisie-attribution du 30 mars 2021 ;
– elle doit faire face à des difficultés financières en raison de dettes importantes auprès de son bailleur et de l'URSSAF et plus largement de la crise sanitaire ; que dans ce contexte économique difficile, elle se trouve dans l'incapacité de régler en un seul versement la totalité de sa dette auprès de Mme [M] ; que l'octroi de délai de paiement lui permettrait de préserver sa trésorerie, maintenir les emplois de ses onze salariés et faire face à ses engagements financiers ;
– les sommes restant dues correspondent à des dommages-intérêts, créance non alimentaire, et son assise sociale lui permettent d'honorer de tels délais de grâce dont l'octroi, contrairement à ce qu'a retenu le juge de l'exécution, n'est pas conditionné par la faisabilité d'un plan d'apurement.

Par dernières conclusions du 22 juillet 2021, Mme [M] demande à la cour de :
Sur l'appel principal,
– dire et juger recevable et fondée la fin de non-recevoir soulevée ;
en conséquence,
– déclarer irrecevable la contestation de la saisie-attribution formulée par la société Easypics ;
– débouter la société Easypics de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Sur l'appel incident,
– la dire et juger recevable et bien fondée en son appel incident ;
– condamner la société Easypics au paiement de la somme de 3.026 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Easypics au paiement des entiers dépens, y incluant le timbre fiscal de 225 euros.

L'intimée soutient que :
– la contestation de la saisie-attribution formée pour la première fois par la SAS Easypics dans ses conclusions no2 du 9 avril 2021 est irrecevable comme n'ayant pas été formée dans le délai d'un mois prévu à l'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution et n'ayant pas été dénoncée à l'huissier de justice instrumentaire ;
– la demande de mainlevée de la saisie-attribution doit être rejetée en ce qu'elle n'est motivée que par la demande d'octroi de délais de paiement, l'appelante ne contestant ni l'existence du titre exécutoire, ni le caractère liquide et exigible de la créance détenue à son encontre ;
– si l'exigibilité de la créance peut être contrariée par l'octroi de délais de grâce au débiteur qui a pour effet de suspendre les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier, le paiement fait au créancier dans le cadre d'une saisie-attribution ne peut être remis en cause dès lors qu'il opère un transfert immédiat de la propriété des fonds saisis dans le patrimoine du créancier ;
– l'appelante prétend pouvoir respecter les délais de paiement qui lui seraient accordés alors que, depuis le 17 mars 2021, elle n'a effectué aucun règlement complémentaire permettant de confirmer qu'elle honorerait quelque délai qui lui serait accordé et que, par ailleurs, elle ne peut faire peser sur elle la responsabilité du maintien des emplois de ses onze salariés alors qu'elle est légitime, compte tenu de la nature du contentieux qui les oppose, à obtenir une exécution rapide.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le chef de jugement ayant cantonné le commandement aux fins de saisie-vente à la somme de 8735,63 euros n'est pas critiqué. Le jugement entrepris est donc définitif de ce chef.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la contestation de la saisie-attribution du 24 mars 2021

Mme [M] soulève l'irrecevabilité de la contestation de la saisie-attribution comme ayant été formée par la société Easypics par voie de conclusions no2 du 9 avril 2021, soit au-delà du délai d'un mois prévu à l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, et comme n'ayant pas été dénoncée à l'huissier de justice instrumentaire.

Certes l'intimée oppose cette fin de non-recevoir pour la première fois à hauteur d'appel, mais, conformément aux dispositions de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause et ne s'analysent pas comme des demandes nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.

Si, contrairement à ce que soutient l'intimée, la contestation de la saisie-attribution pratiquée le 24 mars 2021 est bien intervenue dans le délai d'un mois puisqu'elle a été formée par conclusions du 9 avril suivant, en revanche il est constant, au regard des écritures et pièces produites aux débats, qu'elle n'a fait l'objet d'aucune dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception à l'huissier qui avait procédé à la saisie, en violation des dispositions susrappelées.

Par suite, il y a lieu de déclarer irrecevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée le 24 mars 2021 et, par suite, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté au fond la contestation de cette saisie-attribution.

Sur la demande en délais de paiement

Quelles que soient les difficultés financières dont la société Easypics a justifié aux débats pour les années 2019 et 2021, c'est à juste titre que l'intimée souligne que si l'appelante était réellement déterminée à payer sa dette de manière échelonnée sur 24 mois à raison de mensualités de 418,88 euros comme elle le soutient, elle aurait pu faire la preuve de sa bonne foi en commençant à s'exécuter selon ces modalités. Or il n'est pas contesté qu'elle n'a plus effectué aucun paiement depuis celui intervenu le 16 mars 2021.

La cour ajoute que, à ce jour, la société Easypics aura bénéficié, par rapport à la date de sa demande de délais de paiement formée devant le juge de l'exécution le 19 mars 2021 (et non pas le 19 mars 2020 comme indiqué par erreur matérielle par le juge de l'exécution), du fait des procédures de première instance et d'appel, d'un délai de fait de quatorze mois.

En outre, il convient de souligner que, si les administrations ou les bailleurs institutionnels ont pu accorder des délais de paiement aux entreprises se trouvant en difficulté du fait de la crise sanitaire, la situation de Mme [M], créancière d'indemnités dues à raison de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Easypics, n'est évidemment pas comparable à celle des créanciers précités.

Par conséquent, outre qu'il n'est pas justifié de difficultés économiques actuelles de la société Easypics, la nature de la créance dont il est réclamé l'échelonnement et les délais de fait résultant d'ores et déjà de la procédure judiciaire justifient le rejet de la demande en délais de paiement maintenue devant la cour.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution, statuant à nouveau, de la déclarer irrecevable et de le confirmer pour le surplus.

Sur les demandes accessoires

L'issue du litige justifie la condamnation de l'appelante aux dépens d'appel, qui incluent, aux termes de l'article 695 1. du code de procédure civile, les frais de timbre fiscal sans qu'il y ait lieu de le préciser expressément au dispositif.

L'appelante sera également condamnée au paiement à l'intimée d'une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 24 mars 2021,

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare irrecevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée le 24 mars 2021,

Et y ajoutant,

Condamne la SAS Easy Purchasing Intelligence Compliance Solution à payer à Mme [H] [M] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Easy Purchasing Intelligence Compliance Solution aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/096327
Date de la décision : 19/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-19;21.096327 ?
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