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19/05/2022 | FRANCE | N°21/096117

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 19 mai 2022, 21/096117


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/09611 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDWWT

Décision déférée à la cour : jugement du 07 mai 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81005

APPELANTS

Monsieur [N] [P]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [B] [Z] épouse [P]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Représentés par Me Jérôme

DUPRE de la SELARL CABINET DUPRE SEROR et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

INTIMÉS

MONSIEUR LE COMPTABLE DU SIE DE PARIS 17ÈME
[...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/09611 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDWWT

Décision déférée à la cour : jugement du 07 mai 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81005

APPELANTS

Monsieur [N] [P]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [B] [Z] épouse [P]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Représentés par Me Jérôme DUPRE de la SELARL CABINET DUPRE SEROR et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

INTIMÉS

MONSIEUR LE COMPTABLE DU SIE DE PARIS 17ÈME
[Adresse 5]
[Localité 8]

MONSIEUR LE COMPTABLE DU PRS PARISIEN 1
[Adresse 4]
[Localité 7]

Représentés par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 7 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Suivant quatre ordonnances du 14 mai 2020, rendues sur requêtes datées du 10 mars 2020, le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Paris a autorisé le comptable du service des impôts des entreprises (SIE) [Localité 9] et le comptable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) Parisien 1 à pratiquer :
- une saisie conservatoire sur des comptes bancaires auprès de la Caisse d'Epargne Ile de France et de la BNP Paribas, à l'encontre de M. et Mme [P] ;
- une saisie conservatoire des parts sociales de la société civile immobiliere GA3M détenues par les intéressés ;

et ce, pour garantie de la somme de 990 000 euros.

En vertu de ces ordonnances, le comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 9] et le comptable du PRS Parisien 1 ont fait procéder :
- le 24 juin 2020, à une saisie conservatoire de créance entre les mains de la BNP Paribas pour la somme de 744 000 euros, au préjudice de Mme [P] ;
- le 24 juin 2020, à une saisie conservatoire de créance entre les mains de la Caisse d'Epargne Ile de France pour sûreté de la somme de 990 000 euros, au
préjudice de M. [P] ;
- le 25 juin 2020, à une saisie conservatoire de créance entre les mains de la Caisse d'Epargne Ile de France pour sûreté de la somme de 990 000 euros, au
préjudice de Mme [P] ,
- le 24 juin 2020, à une saisie conservatoire des parts sociales entre les mains de la société civile immobilière GA3M pour sûreté de la somme de 990 000 euros, au préjudice de M. et Mme [P].

Ces différentes saisies seront dénoncées aux débiteurs le 29 juin 2020.

M. et Mme [P] ayant contesté ces mesures devant le juge de l'exécution de Paris, ce dernier a par jugement avant dire droit en date du 3 novembre 2020 saisi la Cour de cassation pour avis, sur le point de savoir si l'administration fiscale pouvait, devant le juge de l'exécution, se faire représenter par l'un de ses agents y compris lorsque le montant de la dette était supérieur à 10 000 euros ; la Cour de cassation a rendu un avis affirmatif sur ce point le 18 février 2021.

Par jugement en date du 7 mai 2021, le juge de l'exécution a rejeté les demandes de M. et Mme [P] et les a condamnés aux dépens.

Par déclaration en date du 21 mai 2021 M. et Mme [P] ont relevé appel de ce jugement.

En leurs conclusions notifiées le 18 juin 2021, M. et Mme [P] ont fait valoir :
- qu'ils avaient fait l'objet d'une proposition de rectification d'impositions au titre des années 2015, 2016 et 2017 ;
- qu'ils avaient immédiatement formé un recours hiérarchique ;
- que la nullité des ordonnances était encourue, car devant le juge de l'exécution, dès lors que le montant de la créance était supérieur à 10 000 euros, les parties devaient se faire représenter par un avocat comme prévu aux articles L 121-4 et R 121-23 du code des procédures civiles d'exécution, y compris lorsqu'il s'agissait de l'administration fiscale, et ce, nonobstant les dispositions particulières de l'article R 121-7 du même code ;
- que d'autre part, les bénéficiaires des autorisations n'étaient pas mentionnés avec une précision suffisante ;
- que le comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 9] et le comptable du PRS Parisien 1 ne pouvaient utilement invoquer un principe de créance apparemment fondé, dans la mesure où ils ne s'étaient pas adonnés à une activité commerciale occulte de vente de véhicules ;
- que l'administration fiscale avait, suite à leur recours hiérarchique, réduit sa créance de 300 000 euros ;

- qu'il n'existait pas de péril sur le recouvrement de la prétendue créance de l'administration fiscale, puisque contrairement à ce qui était soutenu, ils n'avaient jamais envisagé de s'enfuir à l'étranger, alors qu'ils disposaient d'une adresse fixe, au [Adresse 3] à [Localité 9] ;
- qu'ils étaient solvables et détenaient un immeuble au [Adresse 2] à [Localité 9] ;
- que suite à la demande du comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 9] et du comptable du PRS Parisien 1, ils n'étaient nullement restés taisants et avaient immédiatement contacté un avocat, puis introduit un recours hiérarchique pour faire valoir leurs observations.

M. et Mme [P] ont demandé à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de prononcer la nullité des quatre ordonnances, de les rétracter, et d'ordonner la mainlevée des mesures conservatoires prises à leur encontre. En outre, ils ont réclamé la condamnation solidaire des intimés au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées le 9 juillet 2021, le comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 9] et le comptable du PRS Parisien 1 ont exposé :
- que la question de la faculté, pour l'administration fiscale, de se faire représenter devant le juge de l'exécution par l'un de ses agents, lorsque le montant de la créance excédait 10 000 euros, était tranchée par l'avis de la Cour de cassation en date du 18 février 2021 ;
- que tant dans les requêtes que les ordonnances, l'identité des créanciers était bien mentionnée ;
- que sur le fond, M. et Mme [P] avaient fait l'objet d'une opération de contrôle à compter du 15 janvier 2019 ;
- qu'il s'avérait que M. [P] avait cédé deux véhicules en 2015 (pour la somme de 195 000 euros), quatre autres en 2016 (pour la somme de 446 500 euros), et trois autres en 2017 (pour la somme de 179 500 euros) ;
- que la cession de ces neuf véhicules caractérisait une activité commerciale occulte au sens de l'article L 169 du Livre des procédures fiscales ;
- que de plus, M. [P] avait perçu des commissions à hauteur de 8 000 euros qu'il n'avait pas déclarées, alors que lui-même et Mme [P] n'avaient pas non plus déclaré les profits sociaux provenant de l'activité de la société International Hostel (à hauteur de 20 933 euros et 52 842 euros) ;
- que les intéressés ne justifiaient pas de l'origine des fonds présents sur leurs comptes bancaires ;
- qu'ils encouraient en conséquence des pénalités égales à 10 %, 80 % ou 40 % des droits éludés ;
- que l'importance des sommes dues, jointe au fait que les appelants avaient déménagé sans laisser d'adresse, établissait l'existence d'un péril sur le recouvrement de la créance.

Le comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 9] et le comptable du PRS Parisien 1 ont demandé à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner in solidum M. et Mme [P] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS,

S'agissant de la possibilité pour l'administration fiscale de se faire représenter devant le juge de l'exécution par l'un de ses agents, y compris lorsque le montant de la créance excède 10 000 euros, la Cour adopte les motifs du premier juge qui, suivant en cela l'avis de la Cour de cassation en date du 18 février 2021, a justement relevé que le champ d'application de l'article 2 I de la loi no 2007-1787 du 20 décembre 2007 permettant à l'Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics de se faire représenter en justice par leurs agents ne se limite pas aux seules procédures dans lesquelles la représentation par avocat n'est pas obligatoire. Les deux créanciers ont donc pu valablement se faire représenter par l'un de leurs agents lors du dépôt des différentes requêtes, quand bien même le montant de la créance excédait-il 10 000 euros.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétendent les appelants, l'identité des requérants (le comptable du service des impôts des entreprises (SIE) [Localité 9] et le comptable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) Parisien 1) était bien mentionnée dans les requêtes et dans les ordonnances subséquentes, si bien qu'il n'y a pas lieu d'annuler lesdites ordonnances. Le jugement est confirmé sur ce point.

L'article R 512-1 du Code des procédures civiles d'exécution énonce que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il appartient au créancier de prouver que ces conditions sont remplies.

S'agissant du principe de créance, il résulte des pièces produites que :
- les époux [P] ont fait l'objet d'une proposition de redressement fiscal ;
- au cours des opérations de vérification, il est apparu que M. [P] avait encaissé des sommes importantes à l'occasion de cession de véhicules ;
- il lui est en effet reproché, et l'intéressé ne le conteste pas, d'avoir cédé deux véhicules en 2015 (pour la somme de 195 000 euros), quatre autres en 2016 (pour la somme de 446 500 euros), et trois autres en 2017 (pour la somme de 179 500 euros) ;
- la cession desdits véhicules caractérise, au moins en apparence, une activité commerciale occulte au sens de l'article L 169 du Livre des procédures fiscales, s'agissant de ventes réalisées par un particulier dans le but de réaliser des bénéfices, la brièveté de la détention de chacun de ces véhicules constituant un indice du caractère lucratif des opérations considérées ;
- M. [P] n'était pourtant pas immatriculé auprès du Centre des Formalités des Entreprises alors qu'il aurait dû l'être, relevant du régime micro BIC ;
- il devait en conséquence régler la TVA, outre des impositions sur son bénéfice industriel et commercial ;
- de plus, les appelants ont fait l'objet d'un redressement fiscal eu égard au fait que des crédits avaient été enregistrés sur leurs comptes bancaires, lesquels provenaient de recettes réalisées par la société International Hostel ; lesdites recettes n'ont jamais été déclarées à l'administration fiscale ;
- en outre, M. et Mme [P] sont redevables de la CSG ;
- ils encourent des pénalités égales à 40 % des impositions pour manquement délibéré, de 80 % au titre de l'article 1728-1 du code général des impôts, et de la majoration de 10 % édictée à l'article 1758 A du même code.

Dans le cadre de la présente instance il n'y a pas lieu de chiffrer la créance, ni de trancher les contestations relatives au montant exact de la dette, étant rappelé que la mise en place d'une mesure conservatoire nécessite seulement que soit établi un principe de créance apparemment fondé.

Le comptable du service des impôts des entreprises (SIE) [Localité 9] et le comptable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) Parisien 1 peuvent dès lors en invoquer un.

S'agissant du péril sur le recouvrement de la créance, il convient de déterminer si les craintes que les intimés entretiennent à ce sujet sont légitimes, sans qu'il soit besoin de démontrer que M. et Mme [P] se trouvent nécessairement en cessation des paiements ou dans une situation financière irrémédiablement compromise.

Les appelants ne peuvent être raisonnablement suspectés d'avoir eu l'intention de prendre la fuite, car ils justifient d'une adresse fixe à [Localité 9] au [Adresse 3], même si antérieurement ils résidaient au [Adresse 1]. Toutefois, au vu du montant du salaire perçu par M. [P] (1 509 euros par mois) ou des indemnités journalières par lui perçues suite à l'accident du travail dont il a été victime, alors que le dernier bulletin de salaire produit par Mme [P] laisse apparaître une rémunération mensuelle de 1 273,21 euros, il appert que la dette invoquée par le comptable du service des impôts des entreprises (SIE) [Localité 9] et le comptable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) Parisien 1 (174 677euros au titre de l'année 2015, 381 842 euros au titre de l'année 2016) est très importante par rapport aux revenus des appelants. Si certes le patrimoine de M. et Mme [P] est consistant, du fait de l'existence de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 9], propriété de la SCI GA3M dont ils sont les deux associés, la seule existence de cet immeuble est insuffisante à rassurer les créanciers quant aux conditions dans lesquelles ils pourraient recouvrer leur dû, et les saisies conservatoires litigieuses constituent, concrètement, le seul moyen pour eux d'être assurés quant au recouvrement futur de leurs créances, sans être primés par des créanciers postérieurs.

Dans ces conditions, le comptable du service des impôts des entreprises (SIE) [Localité 9] et le comptable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) Parisien 1 invoquent à juste titre des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'un principe de créance apparemment fondé. Le jugement est ainsi confirmé.

M. et Mme [P], qui succombent, seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Ils seront enfin condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- CONFIRME le jugement en date du 7 mai 2021 ;

- CONDAMNE in solidum M. [N] [P] et Mme [B] [P] à payer à M. le comptable du service des impôts des entreprises (SIE) [Localité 9] et M. le comptable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) Parisien 1 la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les CONDAMNE aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/096117
Date de la décision : 19/05/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-19;21.096117 ?
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