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19/05/2022 | FRANCE | N°21/05750

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 19 mai 2022, 21/05750


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 19 Mai 2022

(n° 51 , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05750 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDL4O



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Novembre 2020 par le juge de l'expropriation de Bobigny RG n° 18/00179



APPELANTS

Madame [C] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Monsieur [B] [M]

[Adresse 6]

[Adresse 6]
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Monsieur [P] [M]

[Adresse 8]

[Adresse 8]



Madame [V] [M] épouse [X]

[Adresse 7]

[Adresse 7]



Madame [O] [M] épouse [S]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Madame [D] [M]

[Adresse 1]

[Ad...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 19 Mai 2022

(n° 51 , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05750 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDL4O

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Novembre 2020 par le juge de l'expropriation de Bobigny RG n° 18/00179

APPELANTS

Madame [C] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Monsieur [B] [M]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Monsieur [P] [M]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Madame [V] [M] épouse [X]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Madame [O] [M] épouse [S]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Madame [D] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Monsieur [W] [M]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Tous représentés par Me Marie-Céline PELÉ de l'AARPI PRACTICE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0930

INTIMÉES

Société ANONYME D'ECONOMIE MIXTE DE CONSTRUCTION ET DE RENOVATION DE LA VILLE DE SAINT OUEN

[Adresse 9]

[Adresse 9]

représentée par Me Christofer CLAUDE de la SELAS REALYZE, avocat au barreau de PARIS, toque : R175 substitué par Me Driss LAHLOU ELOUITASSI, avocat au barreau de PARIS

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE ST DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France domaine

[Adresse 4]

[Adresse 4]

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, président

Monique CHAULET, conseillère

Raphaël TRARIEUX, conseiller

Greffier : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Marthe CRAVIARI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [L] [Y] [M] était propriétaire d'un fonds de commerce exploité dans un local commercial situé [Adresse 5]), sur la parcelle cadastrée section Z n°[Cadastre 2], correspondant à un bâtiment à usage de café, restaurant et hôtel.

Le local loué est situé dans le périmètre du projet de la ZAC de la '[Adresse 11] et l'acquisition par la Société anonyme d'Economie Mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO) des parcelles nécessaires au programme d'aménagement a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique par arrêté préfectoral n°2013-0770 du 25 mars 2013.

Aux termes de l'arrêté préfectoral n°2014-0209 du 3 février 2014, les parcelles situées à l'intérieur de la déclaration d'utilité publique ont été déclarées cessibles au profit de la SEMISO

Par ordonnance du 11 mars 2014, le juge de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Bobigny devenu tribunal judiciaire a prononcé le transfert de propriété au profit de la SEMISO du bien donné à bail à Monsieur [L] [Y] [M].

La SEMISO a notifié son mémoire valant offre à Monsieur [L] [Y] [M] par lettre recommandée avec accusé de réception daté du 30 octobre 2018.

Par une requête reçue le 11 décembre 2018 au greffe, la SEMISO a saisi la juridiction de l'expropriation du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Bobigny le 1er janvier 2020 aux fins de fixer ses obligations à l'égard de Monsieur [L] [Y] [M].

Dans sa requête. la SEMISO indique qu'aucun accord n'est intervenu dans le délai d'un mois prévu à l'article R.311-9 du code de l'expropriation.

Il ressort de l'acte notarié du 4 juillet 2018 que Monsieur [L] [Y] [M] est décédé le 13 mars 2018. Dès lors, ce sont désormais ses ayants-droits qui sont propriétaires du bien, à savoir Madame [C] [M] veuve [M], Madame [V] [M] épouse [X], Monsieur [W] [M], Monsieur [P] [M], Madame [O] [M] épouse [S], Madame [D] [M] et Monsieur [B] [M].

Par jugement du 19 novembre 2020 après transport sur les lieux le 16 janvier 2020, le juge de l'expropriation de Seine-Saint-Denis a':

-Fixé l'indemnité totale d'éviction due par la Société anonyme économie Mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO) à Madame [C] [M] veuve [M], Madame [V] [M] épouse [X], Monsieur [W] [M], Monsieur [P] [M]. Madame [O] [M] épouse [S], Madame [D] [M] et Monsieur [B] [M] au titre de l'opération d'expropriation des locaux commerciaux et d'activité situé [Adresse 5]). sur la parcelle cadastrée section Z [Cadastre 2] à la somme de 405.610 euros (quatre cent cinq mille six cent dix euros) se décomposant comme suit :

-Indemnité principale : 363.642 euros,

-Indemnité de remploi : 35.215 euros,

-Indemnité pour trouble commercial : 6.753 euros.

-Condamné la SEMISO à payer la somme de 2.500 euros (deux mille cinq cents euros) aux expropriés au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné la SEMISO aux dépens ;

-Rejeté toutes les autres demandes des parties.

Les consorts [M] ont interjeté appel le 23 mars 2021 de toutes les dispositions du jugement, celui-ci étant motivé par la circonstance que le juge de l'expropriation a écarté les bilans des locataires gérants des trois dernières années.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- Adressées au greffe, par les consorts [M], appelants, le 22 juin 2021 notifiées le 28 juin 2021 (AR' du 30 juin 2021), le 28 décembre 2021 notifiées le 29 décembre 2021 (AR du 31 décembre 2021 et 03 janvier 2022) et 09 février 2022 notifiées le 10 février 2022 (AR du 11 et 14 février 2022) aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

-Réformer le jugement rendu le 19 novembre 2020 notamment en ce qu'il a écarté les chiffres comptables générés par l'exploitation du fonds de commerce sis [Adresse 5] au titre des années 2017 à 2019 au motif que les liasses n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration fiscale et en ce qu'il a retenu le ratio de 3 pour calculer le prix de vente par rapport au chiffre d'affaire ;

En conséquence :

- Déterminer l'indemnité revenant aux consorts [M] pour l'éviction commerciale du fonds de commerce de café/hôtel Le Nord-Sud sur la base des résultats des années 2017 à 2019 et d'un ratio de 3,5, soit :

- Fixer à la somme de 868.875 euros l'indemnité principale ;

- Fixer à la somme 85.740 euros au titre des frais de remploi ;

- Fixer à la somme de 10.344 euros au titre de l'indemnité pour trouble commercial ;

- Condamner la SEMISO à leur verser le montant de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Condamner la SEMISO à leur verser le montant de 225 euros au titre du timbre fiscal';

- Déposées au greffe, par la SEMISO, intimée et appelante incidente, le 1er octobre 2021 notifiées le 04 octobre 2021 (AR du 6 et 7 octobre 2021) du 24 janvier 2022 notifiées le 26 janvier 2022 (AR du 27 janvier 2021) et du 24 février 2022 notifiées le 25 février 2022 (AR du 28 février 2022) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-Dire la SEMISO recevable et bien fondée en ses écritures.

En conséquence,

-La recevoir.

A titre principal ;

-Infirmer le jugement en date du 19 novembre 2021 en ce qu'il a fixé :

- l'indemnité principale d'éviction à 363.642 euros

- l'indemnité de remploi à 35.215';

En conséquence,

-Fixer l'indemnité principale d'éviction à la somme de 303.035 euros calculée comme suit :

- 121.214 euros (moyenne des chiffres d'affaires des années 2015 et 2016) x 2,5 (ratio prix de vente/chiffre d'affaires) = 303.035 euros

-Fixer l'indemnité de remploi à la somme de 29.153,5 euros

-Infirmer le jugement en date du 19 novembre 2021 en ce qu'il a irrégulièrement et à tort retenu une indemnité pour trouble commercial et l'a fixé à un montant de 6753 euros.

-Rejeter les demandes formulées par les consorts [M] ;

A titre subsidiaire :

-Ordonner aux consorts [M] de produire tout document comptable dévoilant les chiffres d'affaires et/ou les bénéfices réalisés pour chaque activité, à savoir hôtellerie, bar, restaurant, café et jeux de loterie.

En conséquence,

- Surseoir à statuer jusqu'à ce que tout document comptable dévoilant les chiffres d'affaires et/ou les bénéfices réalisés pour chaque activité, à savoir hôtellerie, bar, restaurant, café et jeux de loterie soit produit par les consorts [M]';

Le commissaire du gouvernement n'a pas déposé ou adressé de conclusions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les consorts [M] font valoir que':

-Concernant la critique du jugement entrepris';

-Premièrement, si la SEMISO a implicitement acquiescé au fait qu'une réinstallation ne serait pas possible, elle a en revanche sans cesse contesté devant le juge de l'expropriation de Bobigny le droit des consorts [M] d'être indemnisés'; spécifiquement, elle a tenté d'exploiter outrageusement une simple coquille relevée dans l'un des baux passés avec le locataire, soit le bail conclu le 11 janvier 2010 entre la SCI Le Périph de Saint-Ouen et Monsieur [L] [Y] [M] (ce bail avait malencontreusement visé un « usage exclusif de tout ce qui concerne l'automobile, cycles et poids lourds, qui est la profession du preneur '')'; de manière plus globale, les appelants regrettent l'attitude de la SEMISO, ayant objectivement fait preuve d'une mauvaise foi pénalisante pour une discussion contradictoire constructive'; l'autorité expropriante s'est contentée de contester les demandes des expropriés et les propositions du commissaire du gouvernement, sans soumettre au juge de l'expropriation de Bobigny un calcul pour fixer l'indemnité d'éviction commerciale';

- Secondement, les modalités de gestion du fonds de commerce ont une incidence importante dans le dossier s'agissant de la détermination de l'indemnité'; pour rappel, l'ordonnance d'expropriation a été rendue le 11 mars 2014, soit à une date où Monsieur [L] [Y] [M] gérait encore personnellement son commerce. Mais il a été contraint de le mettre en location gérance en raison de ses soucis de santé et ce, au mois de juin 2016. Ainsi, au moment où la SEMISO a notifié son offre d'indemnisation au mois d'octobre 2018, ou plutôt son absence d'offre, le fonds de commerce était géré par un locataire-gérant, or l'indemnité d'éviction due par l'autorité expropriante revient au propriétaire du fonds de commerce et non au locataire-gérant puisque le fonds n'appartient qu'au propriétaire (Cour Cass., civ 3ème, 25 janvier 1983, pourvoi n°81-13588)'; d'autres étayent implicitement cette position (Cour Cass., civ 3e 15 janvier 2017, pourvoi n°16- 12944). Ces développements préalables expliqués, les appelants entendent critiquer le jugement du 19 novembre 2020 pour deux motifs :

- le juge de première instance a écarté les chiffres des années 2017 à 2019 au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration fiscale (II.3.1) ;

- le coefficient retenu est de 3 (II.3.2)';

-Concernant les chiffres comptables à retenir'; ceux de l'activité de la société BRB en 2018 n'ayant pas été communiquée dans le cadre de la première instance, le comptable n'avait établi qu'une attestation (Production n°10), il n'en demeure pas moins que les chiffres sont exacts (Production n°11)'; la Cour de cassation n 'aborde nullement la question de savoir si les chiffres d'affaires avaient fait l'objet d'une déclaration auprès des services fiscaux, ce qui étaye implicitement la circonstance que la vérification n'a pas à être opérée (Cour Cass., civ 3ème 4 mars 2022, pourvoi n°19-15686)'; il n'appartient pas au juge de l'expropriation de procéder à cette vérification : le respect des obligations fiscales n'étant pas une condition pour tenir compte des résultats comptables, cette problématique revêtant un caractère distinct de celle que la juridiction de l'expropriation a à trancher'; à titre subsidiaire, les appelants versent aux débats les éléments qui auraient pu être produits si un renvoi d'audience avait été décidé et pas seulement une question posée en cours de délibéré (Production n°12)';

-Concernant les coefficient à retenir'; dans l'ouvrage de M. [T], c'est une fourchette comprise entre 2,5 à 4 fois le chiffre d'affaires moyen qui est proposée pour ce type de commerce (Traité d'évaluation des biens, M. [T], Edition Le Moniteur, 12éme édition, page 221), ce taux a récemment été confirmé par la Cour d'appel de Paris (CA Paris, 14 mars 2019, RG 18/00299)'; ils demandent la fixation du taux à 3,5.

-Concernant la valeur vénale du fonds de commerce exproprié'; la moyenne annuelle du chiffre d'affaires TTC sur les 3 dernières années, s'élève donc à 248.250 euros (259.909 + 111.923 + 372.913 = 744.745 /3 = 248.248,33, arrondis à 248.250) ; la valeur du fonds de commerce peut donc être retenue au montant de 868.875 euros, décomposé comme suit : 248.250 euros x 3,5 = 868.875 euros

-Frais de remploi': 85.737,50 euros, arrondis à 85.740 euros

-Concernant le calcul de l'indemnité pour trouble commercial'; classiquement, l'indemnité correspond au montant le plus élevé des trois calculs suivants : trois mois de résultats d'exploitation ou un mois de salaires et charges sociales ou encore 15 jours de chiffre d'affaire TTC moyen sur les trois derniers exercices'; il s'en suit que c'est le montant de 10.344 euros qui doit être retenu au titre du trouble commercial.

- Comme en première instance, les consorts [M] sont fondés à obtenir le versement d'une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de L. 312-1 du code de l'expropriation. En outre, le coût du timbre fiscal de 225 euros, désormais acquitté obligatoirement, sera aussi remboursé';

Dans un second jeu de conclusions';

-le locataire-gérant actuel continue d'exploiter le fonds de commerce jusqu'à la prise de possession des locaux par la SEMISO, le bail s'étant renouvelé tacitement ;

- Si l'autorité expropriante cherche par principe à minorer le montant des indemnités qu'elle doit du fait de l'expropriation, la SEMISO a fait preuve d'un comportement drastique en utilisant tout prétexte pour écarter le principe même d'une indemnisation au bénéfice du propriétaire du fonds de commerce';

- A titre subsidiaire, la SEMISO sollicite en appel la communication de documents comptables supplémentaires afin de distinguer le résultat de chacune des branches d'activités pour déterminer l'indemnité due'; il en ressort que les parties se sont bien accordées à retenir la méthode consistant à multiplier le chiffre d'affaires moyen des trois derniers exercices clos par un ratio prix de vente/chiffres d'affaires. Cette méthode est pleinement en conformité avec la jurisprudence, comme cela est relevé aux termes de l'arrêt rendu le 14 mars 2019, reprenant les conclusions du Commissaire du Gouvernement : « l'estimation des fonds commerciaux dotés d'hôtel-bar est généralement opérée sur la base d'un coefficient multiplicateur du chiffre d'affaires annuel moyen TTC ''';

- Quel intérêt les Consorts [M] auraient de dresser de fausses liasses fiscales ; les Consorts [M] n'ont strictement jamais sollicité l'expert-comptable en ce sens, ayant même rencontré des difficultés pour obtenir les éléments comptables relatifs à l'activité du locataire-gérant'; Cela signifie, d'une part, qu'elle n'est plus en capacité de fournir des documents supplémentaires, d'autre part, que ses comptes ont été scrutés par de nombreux intervenants et experts, tels que le mandataire judiciaire et le juge-commissaire, il serait donc très singulier d'envisager de les falsifier, au surplus que l'expert-comptable accepte de les amender pour servir les intérêts financiers des consorts [M]';

- l'emplacement exceptionnel du fonds de commerce justifie que le ratio se situe dans la fourchette haute, soit celui de 3,5, a minima celui de 3 fixé par le juge de l'expropriation de Bobigny';

- En appel, la SEMISO conteste le principe même de cette indemnité eu égard à l'arrêt en date du 21 mars 2021, en ce que la Cour de Cassation a estimé dans l'affaire jugée que l'indemnité pour trouble commercial n'était pas due au propriétaire du fonds de commerce évincé, car celui-ci était exploité par un locataire-gérant (Cour Cass., civ 3ème, 18 mars 2021, pourvoi n°20-14295). Cette solution a été rendue au visa de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation, qui prévoit de manière constitutionnelle que les indemnités d'expropriation doivent couvrir l'intégralité du préjudice causé par l'expropriation'; contrairement à ce que la SEMISO demande, l'indemnité pour trouble commercial sera effectivement confirmée, sachant qu'en première instance, celle-ci ne contestait pas le principe d'une telle indemnité mais seulement le fait qu'elle puisse reposer sur l'activité de l'hôtel et non sur l'activité de location-redevance';

La SEMISO répond que :

-Concernant la valeur vénale du fonds loué par les appelants';

- A titre principal'; les appelants versent les bilans des années 2017 à 2019, sans autre précision. Or, pour faire foi, ces bilans doivent impérativement être attestés par un expert-comptable et accompagnés des déclarations faites aux services fiscaux (chiffre d'affaires et TVA)'; il est légitime de s'interroger sur la régularité de ces déclarations dès lors qu'une déclaration TDFC de Monsieur [L] [M] a également été produite (pièce adverse n°13) pour la période du 1 janvier au 31 décembre 2017 alors qu'il est acquis que ce dernier a donné son fonds de commerce en location-gérance à la société BRB à compter du 14 juin 2016; d'autre part, aucune de ces déclarations ne renseigne sur les chiffres exacts transmis aux services fiscaux (chiffre d'affaires et TVA)'; Il y aurait donc une différence de chiffre d'affaires annuel de 140.000 euros entre la société BRB et la société Adamy'; un tel écart ne saurait convaincre la cour d'appel que les bilans transmis sont satisfaisants et suffisants'; la cour d'appel ne pourra donc se fonder sur les bilans comptables des années 2017 à 2019 produits par les appelants pour fixer 1'indemnité d'éviction leur revenant'; le coéfficient de 3,5 retenu par les appelants est manifestement surévalué'; les décisions rendues les 21 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Bobigny (TGI Bobigny, 21 novembre 2017, RG 16/00173) et le 14 mars 2019 par la Cour d'appel de Paris (CA Paris, 14 mars 2019, RG 18/00299), citées par les appelants, concernent un bien situé en bord de Seine, donc dans un secteur privilégié par rapport à la Porte de Saint Ouen, le coefficient retenu était donc nécessairement plus élevé que celui qui devra être fixé en l'espèce';

- A titre subsidiaire'; si par impossible la Cour de Céans fait droit à la demande des appelants tendant à retenir les chiffres d'affaires des années 2017, 2018 et 2019, la méthode de calcul proposée par ceux-ci, consistant à multiplier la moyenne de ces trois chiffres d'affaires par un coefficient applicable au secteur de l'hôtellerie, ne pourra être retenue'; la SEMISO est parfaitement fondée à solliciter à ce qu'un barème, en fonction du chiffre d'affaires ou du bénéfice de chaque activité, soit appliqué'; elle se fonde sur l'article 138 du code de procédure civile et sollicite du juge d'appel qu'i1 fasse usage des moyens dont il dispose conformément aux articles 138, 139 et 142 du code de procédure civile, afin que les appelants produisent tout document comptable dévoilant les chiffres d'affaires et/ou les bénéfices réalisés pour chaque activité';

-Concernant la fixation des indemnités accessoires'; au vu du montant de l'indemnité d'éviction retenue par la SEMISO, à savoir 303.035 euros, l'indemnité de remploi sera fixée à la somme de 29.153,5 euros '; la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt récent, que l'indemnité pour trouble commercial n'est pas due lorsqu'un fonds de commerce est donné en location-gérance (C.cass, 18 mars 2021, 20-14.295, Inédit).

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 23 mars 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions des consorts [M] du 22 juin 2021, de la SEMISO du 1er octobre 2021 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions hors délai des consorts [M] du 28 décembre 2021 sont de pure réplique à celles de la SEMISO, appelant incident, ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.

Les conclusions hors délai de la SEMISO des 24 janvier 2022 et 24 février 2022 sont de pure réplique à celles des appelants principaux ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel des consorts [M] est limité à l'indemnité totale de d'éviction ; l'appel incident de la SEMISO concerne également ce point, ainsi que sur l'infirmation pour l'indemnité au titre du préjudice commercial.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application des articles L213-6 et L 213-4 du code de l'urbanisme la date du PLU d'Est Ensemble adopté le 4 février 2020 applicable depuis le 27 mars 2020.

Il a ajouté qu'à cette date, le commissaire du gouvernement indique que l'ensemble immobilier était situé en zone UP23C.

Les parties n'ont pas formé appel sur ce point ; les consorts [M] n'a pas conclu sur ce point ; la SEMISO n'a pas conclu sur la date de référence état et fait uniquement état de la situation d'urbanisme, à savoir zone Uao du PLU.

S'agissant des données d'urbanisme, à la date de référence l'ensemble immobilier était situé en zone UP23C.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un ensemble immobilier à usage de café, restaurant et hôtel situé [Adresse 5] sur la parcelle cadastrée section Z N°[Cadastre 2] ; cette avenue est commerçante et très passante, et est desservie par l'arrêt de métro ' porte de [Localité 12] de la ligne 13 (2 mn à pieds), l'arrêt de métro ' Garibaldi' de la ligne 13 (5 mn à pieds) et le boulevard périphérique parisien, situé juste à cote.

Le premier juge précise que :

'l'ensemble immobilier est bien desservi et bénéficie d'une attractivité particulière compte tenu de sa proximité immédiate avec les transports en commun et le boulevard périphérique parisien, ce qui constitue un élément de plus-value ;

'Il ressort du procès-verbal de transport d'un immeuble en angle donnant sur rue et comportant un rez-de-chaussée, 4 étages, ainsi qu'une petite cour à l'arrière du bâtiment, que les façades du bien sont en très bon état et que le café restaurant (situé au rez-de-chaussée) est globalement dans un état correct ; s'agissant de l'hôtel, situé dans les étages, il se compose de 26 chambres ;

'le procès-verbal indique que l'ensemble est globalement dans un état d'usage, avec plusieurs chambres en mauvais état d'entretien. Chaque chambre ne dispose pas d'un sanitaire individuel.

'Monsieur [W] [M] et Monsieur [B] [M], présents lors du transport, ont indiqué que l'hôtel comprend une quinzaine de logements sociaux.

Les consorts [M] soulignent que si la parcelle prend place dans un quartier qui est caractérisé par un bâti ancien, elle est à proximité immédiate de [Localité 10] et des puces, à la réputation mondiale ; outre les commerçants, il existe également à proximité un centre dentaire et surtout l'hôtel Mercure ; l'expert immobilier à qui ils ont confié une mission, conclut que la parcelle bénéficie d'un emplacement favorable pour une exploitation commerciale ; en résumé, la situation de la parcelle profite de nombreux facteurs de plus-value : proximité immédiate de [Localité 10], très bonne desserte, configuration en angle de l'immeuble qui bénéficie d'une situation véritablement très privilégiée au potentiel indéniable.

Elle ajoute que l'ensemble immobilier est dans un bon état général, l'immeuble ayant bénéficié récemment d'un ravalement complet, de sorte que les façades sont en très bon état.

La SEMISO indique que la parcelle est située dans un secteur largement dégradé, avec notamment la présence immédiate du boulevard périphérique.

Elle souligne que sur la totalité des chambres, huit sont munies d'un WC et de douches séparées, deux autres de douche et que sur chaque palier se trouve des WC « à la turque » aux autres étages, sauf au 3e étage où ils sont « normaux ».

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 19 novembre 2020.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur les surfaces

Les locaux sont d'une surface de 455, 70 m² non discutée par les parties.

2° Sur la situation locative

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

Comme en première instance, les parties s'accordent à dire que les locaux sont occupés en vertu des contrats suivants :

'bail commercial concédé le 1er janvier 2010 au profit de la société « le Nord-Sud »

'renouvellement de bail non daté concédé au profit de Monsieur [L] [Y] [M] et prévoyant une durée de 9 années à compter rétroactivement du 6 juin 2016 (pièce n°3)

'le preneur a par la suite donné son fond de commerce en location-gérance :

'à la SARL BRB, à compter du 1er juillet 2016 pour une durée de 24 mois selon le contrat daté du 14 juin 2016 (pièce n°4)

'à la SAS ADAMY à compter du 1er septembre 2018 pour une durée de 12 mois selon contrat daté du 24 juillet 2018 (pièce n°5).

Les consorts [M] indiquent qu'actuellement la société Adamy exploite le commerce en vertu d'un contrat qui s'est renouvelé tacitement pour un an, soit le 30 septembre 2020, que le locataire gérant aurait dû libérer les locaux au plus tard le 30 septembre 2020, mais que toutefois celui-ci va continuer à exploiter le fonds de commerce jusqu'à la prise de possession des locaux par la SEMISO.

3° Sur la méthode d'évaluation

Le premier juge s'agissant d'un fonds de commerce ou d'une d'activité, a retenu la méthode du chiffre d'affaires, non contestée par les parties, la discussion portant sur les années de chiffres d'affaires à retenir.

Pour déterminer la valeur de l'entier fonds de commerce, il convient en effet de multiplier le chiffre d'affaires moyen, toutes taxes comprises, les 3 derniers exercices clos, par un ratio prix de vente/chiffre d'affaires, ce ratio en pourcentage étant déterminé en comparant le fonds évalué à des cessions récentes de fonds de commerce similaires sur le marché local ad hoc.

a) sur le chiffre d'affaires des 3 derniers exercices

S'agissant du chiffre d'affaires des 3 exercices, les chiffres d'affaires réalisées par la société ADAMY en 2018/2019 et par la société BRB en 2017 et 2018 n' ayant pas fait l'objet d'une déclaration fiscale, le premier juge ne les a pas retenus, quand bien même ils ont été attestés par l'expert-comptable et il s'est donc basé sur les seuls chiffres d'affaires moyen des derniers exercices clos pour lesquels les déclarations fiscales sont à jour à savoir 2015 et 2016.

Les consorts [M] demandent l'infirmation en indiquant qu'initialement ils avaient dû se baser sur la valorisation par capitalisation de la redevance de location-gérance, ne disposant pas des liasses fiscales des locataires gérants et c'est pour cette raison que l'expert immobilier qu'ils avaient mandaté avait procédé à une telle valorisation par défaut (pièce n°9). Ainsi, celle de l'activité de la société BRB n'ayant pas été communiquée dans le cadre de la première instance, le comptable n'avait établi qu'une attestation (pièce n°10), mais ils n'en demeurent pas moins que les chiffres sont exacts (pièce n°11) ; le comptable, le cabinet FID GESTION a transmis les liasses fiscales se rapportant à l'activité de locataire gérant au mois de juillet 2020.

Ils indiquent qu'aucune décision ne permet de conclure que la prise en compte de résultat est conditionnée par les déclarations fiscales qui ont été faites et il n'appartient pas au juge de l'expropriation de procéder à cette vérification.

En conséquence, selon eux les résultats des 3 dernières années, soit 2017 à 2019 auraient dû être prises en considération, au regard des attestations établies par un expert-comptable, même si les liasses fiscales ne sont pas versées aux débats.

À titre subsidiaire il versent aux débats les déclarations TDFC du 1er janvier au 31 décembre 2017 (société BRB) du 2 octobre 2018 ou 31 décembre 2019 (société Adamy) (pièce numéro 13).

La SEMISO rétorque que les appelants versent les bilans de 2017 à 2019 sans autre précision, et que ceux-ci pour faire foi, doivent impérativement être attestés par un expert-comptable et être accompagnés des déclarations faites aux services fiscaux (chiffre d'affaires et TVA) ; s'ils produisent en appel, les déclarations TDFC, il convient de s'interroger sur la régularité de celles-ci alors qu'une déclaration TDFC de Monsieur [L] [M] a été également produite (pièce n°13) pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 alors qu'il est acquis que celui-ci a donné son fond de commerce en location-gérance à la société BRB à compter du 14 juin 2016, qu'aucune de ces déclarations ne renseigne sur les chiffres exacts transmis aux services fiscaux (chiffre d'affaires et TVA), et que surtout la lecture des bilans suscite des commentaires. C'est donc à bon droit, que le premier juge n'a pas retenu le chiffre d'affaires des années 2017 à 2019.

Elle indique en effet que :

'une déclaration de Monsieur [L] [M] est produite (pièce n°13), pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 alors que celui-ci a donné son fond de commerce en location-gérance à la société BRB à compter du 14 juin 2016 (pièces n°6 et n°7)

'aucune des déclarations ne renseigne sur les chiffres exacts transmis aux services fiscaux (chiffre d'affaires et TVA)

'la consultation du service info greffe ne permet pas de s'assurer avec certitude de la véracité des chiffres d'affaires ;

'la lecture des bilans surprend à plusieurs égards : à titre d'exemple, les salaires et traitements varient du simple au double (29'290 euros en 2017 et 54'753,60 euros en 2009).

Il en est de même avec les achats de marchandises de matières premières de 64'408 euros en 2017 et 17'841,60 euros en 2019.

Le chiffre d'affaires de l'année 2018 de la société BRB interroge, car en prenant le chiffre d'affaires sur 9 mois de 96'485 euros et en le ramenant à 12 mois, cela donne un chiffre d'affaires annuelles de 128'646,66 euros.

La société Adamy, revendique un chiffre d'affaires de 332'503 euros/HT sur 15 mois, et en ramenant sur 12 mois, on obtient un chiffre largement inférieur puisque de 266 042,40 euros.

Il y aurait donc une différence de chiffre d'affaires annuelles de 140'000 euros entre la sociéité BRB la société Adamy.

Le même calcul peut être fait pour 2016 avec Monsieur [L] [M] et la société BRB, avec un montant de 141'022 euros pour le premier et 74'976 euros pour la seconde.

De manière générale, les chiffres d'affaires des sociétés BRB et Adamy sont d'un montant largement supérieur à ceux résultant de l'activité de Monsieur [L] [M], pourtant professionnel de l'hôtellerie.

Si les appelants allèguent les grands soucis de santé de Monsieur [L] [M], expliquant la baisse d' activité de ce dernier, les chiffres d'affaires avant 2013 ne sont pas produits.

Cependant, en appel les consorts [M] versent aux débats :

'attestation du comptable 19 juillet 2020 : pièce numéro 10

'pièce numéro 11 :

a/bilan comptable de Monsieur [L] [M] pour l'année 2014

b/bilan comptable de Monsieur [L] [M] pour l'année 2015

c/bilan comptable de Monsieur [L] [M] pour l'année 2016

d/bilan comptable de la société BRB pour l'année 2016

e/bilan comptable de la société BRB pour l'année 2017

f/bilan comptable de la société BRB pour l'année 2018

g/bilan comptable de la société Adamy pour les années 2018/2019

h/attestation du comptable du 28 octobre 2020

'déclaration TDFC de Monsieur [L] [M] du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 : pièce numéro 13

'pièce numéro 15 : bilan comptable de la société Adamy pour l'année 2020.

En outre, l'expert-comptable FID GESTION (pièce n°11), atteste des chiffres d'affaires des années 2016 à 2019 du bar restaurant hôtel du [Adresse 5] comme suit :

Exploitant

Exercice

CA HT

TVA

CA TTC

Salaires et charges

résultat net

[L] [M]

2016

70'511

11'976

82'487

39 782

1097

BRB

2016

37'488

4914

42'402

8166

(-3516)

BRB

2017

224'801

35'108

259'909

29'853

1657

BRB

2018

96'485

15'438

111'923

10'214

618

ADAMY

2018/2019

332'553

40'360

372'913

88'402

31'922

Ces chiffres attestés par un expert-comptable correspondent aux bilans comptables produits et mentionnent les chiffres d'affaires et la TVA.

Ces éléments comptables sont conformes à l'autorité des normes compables fixées par les articles L 123-12, L 123-13 L 123-15 du code de commerce.

L'article L123-23 dudit code dispose en outre que la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce.

Il convient en conséquence au vu de l'évolution du litige en raison des pièces produites en appel par les consorts [M] de retenir les chiffres d'affaires TTC pour les 3 dernières années :

'chiffre d'affaires TTC BRB 2017 : 259'909 euros

'chiffre d'affaires TTC BRB 2018 (9 mois) : 111'123 euros

'chiffre d'affaires TTC Adamy 2018/2019 (15 mois) : 372'913 euros,

Soit la moyenne annuelle du chiffre d'affaires TTC est de :

744'745 / 3= 248'248,33 euros arrondis à 248'250 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

b) sur le coefficient

Le premier juge au regard des éléments produits par les parties et des caractéristiques du fonds de commerce à évaluer, à savoir en prenant compte de la bonne situation géographique du bien, situé à proximité immédiate de [Localité 10], les transports en commun du boulevard périphérique parisien et de l'état d'entretien du bien, qui est globalement dans un état d'usage avec plusieurs chambres d'hôtel en mauvais état, a retenu un coefficient de 3.

Les consorts [M] demandent de retenir un coefficient de 3,5 à l'appui de leur demande en faisant état de l'excellence de la situation.

La SEMISO, au regard du caractère dégradé du quartier et du mauvais état d'entretien de l'hôtel, demande de retenir un coefficient de 2,5.

Au regard de la bonne localisation mais également en tenant compte de l'état d'entretien qui globalement est dans un état d'usage, il convient de confirmer le jugement qui a retenu un coefficient de 3.

c) sur la fixation de la valeur de l'entier fonds de commerce

La valeur vénale du fonds de commerce exproprié est donc de :

248'250 euros x 3= 774'750 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros

15% entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros

10% sur le surplus soit : (774 750 - 15 000) = 759 750 x 10% = 75 975 euros

soit un total de 78 475 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

2° indemnité pour trouble commercial

Le premier juge a accordé aux consorts [M] une indemnité pour trouble commercial d'un montant de 6753 euros.

Les consorts [M] demandent de fixer l'indemnité de commercial à la somme de 10'344 euros, tandis que la SEMISO rétorque qu'aucune indemnité ne peut leur être allouée, les consorts [M] n'exploitant pas personnellement le fonds de commerce donné en location gérance.

Selon l'article L 321-1 du code de l'expropriation tel qu'interprété par la Cour de cassation (18 mars 2021, numéro 20-14.295, l'indemnité pour trouble commercial n'est pas due lorsque le fond de commerce est donné en location gérance.

En conséquence, le jugement sera infirmé et les consorts [M] seront déboutés de leurs demandes d'indemnités au titre du trouble commercial.

L'indemnité totale d'éviction due par la SEMISO aux consorts [M] est donc de 853 225 euros se décomposant comme suit :

- indemnité principale : 774'750 euros

- indemnité de remploi : 78 475 euros.

- indemnité pour trouble commercial : 0 euros

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

-Sur le montant du timbre fiscal

Les consorts [M] demandent condamner la SEMISO à leur verser le montant de 225 euros au titre du timbre fiscal.

Cependant, l'article 695 du code de procédure civile prévoit que les dépens afférents aux instances et procédures d'exécution comprennent :

1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments parçus par les (décret N°2017-892 du 6 mai 2017, article 68-i-2°) 'greffes' des juridictions ou l'administration des impôts à l'exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l'appui des prétentions du juge.

Le montant du timbre fiscal est donc inclus dans les dépens.

Les consorts [M] seront donc déboutés de leur demande.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SEMISO à payer aux consorts [M] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner la SEMISO à verser aux consorts [M] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

L'infirmation tenant à l'évolution du litige en raison de la production de pièces nouvelles en cause d'appel par les consorts [M], chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Fixe l'indemnité totale d'éviction due par la société anonyme d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO) à Madame [C] [M] veuve [M], Madame [V] [M] épouse [X], Monsieur [W] [M], Monsieur [P] [M] Madame [O] [M] épouse [S], Madame [D] [M] et Monsieur [B] [M] au titre de l'opération d'expropriation des locaux commerciaux et d'activité située [Adresse 5] (93'400 euros, sur la parcelle cadastrée Z numéro [Cadastre 2] à la somme de 853 225 euros se décomposant comme suit :

-indemnité principale : 774'750 euros

-indemnité de remploi : 78475 euros.

-indemnité pour trouble commercial : 0 euros

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les consorts [M] de leurs demandes au titre du timbre fiscal ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société anonyme d'économie mixte de construction de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO) à payer à Madame [C] [M] veuve [M], Madame [V] [M] épouse [X], Monsieur [W] [M], Monsieur [P] [M] Madame [O] [M] épouse [S], Madame [D] [M] et Monsieur [B] [M] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/05750
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.05750 ?
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