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19/05/2022 | FRANCE | N°20/16415

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 19 mai 2022, 20/16415


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16415

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUVY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 août 2020 -TJ de PARIS - RG n° 19/01955



APPELANTE



Madame [Z] [N]

[Adresse 3]

[Localité 6]

née le [Date naissance 4]

1952 à [Localité 8] (Serbie)

représentée et assistée par Me Bérengère MOULIN de la SELEURL LiberLex Selarl, avocat au barreau de PARIS, toque : B0156

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Tot...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16415

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUVY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 août 2020 -TJ de PARIS - RG n° 19/01955

APPELANTE

Madame [Z] [N]

[Adresse 3]

[Localité 6]

née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 8] (Serbie)

représentée et assistée par Me Bérengère MOULIN de la SELEURL LiberLex Selarl, avocat au barreau de PARIS, toque : B0156

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/44860 du 16/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

Monsieur [H] [B]

[Adresse 2]

[Localité 5]

né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 9] (France)

représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

assisté par Me Angélique WENGER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre chargée du rapport, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 25 novembre 2000, Mme [Z] [N], responsable de zone pour la société Avon, a été victime d'un accident de la circulation qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint-Denis (la CPAM) qui a fixé la date de consolidation au 1er septembre 2001.

A la demande de Mme [N], alléguant une rechute d'accident du travail, la CPAM a confié une mesure d'expertise médicale au Docteur [T] qui a établi son rapport le 4 juillet 2002, aux termes duquel il a considéré qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre les lésions rhumatologiques invoquées et l'accident ; il a également préconisé un avis spécialisé et la CPAM a mandaté en qualité d'expert le Docteur [B], qui a établi son rapport définitif le 27 septembre 2002.

Par décision du 12 mars 2003, notifiée à Mme [N] le 19 mars 2003, la Commission de recours amiable a refusé la prise en charge des lésions invoquées au titre d'une rechute de l'accident survenu le 25 novembre 2000.

Mme [N] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociales de Bobigny.

Par jugement du 10 février 2005, cette juridiction a ordonné une nouvelle expertise médicale confiée au Docteur [E], rhumatologue qui a établi son rapport le 3 mars 2005.

Par jugement en date du 5 juillet 2005, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a débouté Mme [N] de sa demande de nouvelle expertise.

Mme [N] a interjeté appel de ce jugement qui a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 31 mai 2007.

Par acte d'huissier de justice en date du 5 avril 2011, Mme [N] a fait assigner M. [B] devant le tribunal de grande instance de Paris, pour faire reconnaître sa responsabilité pour faute pour avoir remis deux rapports contradictoires sur la base du même examen et des mêmes éléments issus de son dossier médical et obtenir d'une part, la mise en place d'une expertise afin de 'faire chiffrer ses pertes financières' et, d'autre part, l'allocation d'une provision sur son indemnisation.

Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, par ordonnance du 30 janvier 2012, confirmée par la cour d'appel de Paris par arrêt du 1er février 2013, a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent, le litige relevant de la compétence des juridictions administratives.

Par arrêt du 10 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles.

Par arrêt rendu le 18 octobre 2018, la cour d'appel de Versailles a infirmé l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 31 août 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit qu'aucune faute n'est établie à l'égard de M. [B],

- débouté Mme [N] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [N] aux dépens de l'instance,

- rejeté la demande formée par M. [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 12 novembre 2020, Mme [N] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté ses demandes de condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, à payer à Maître [J] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions des articles 700 du code de procédure civile , 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et à prendre en charge les entiers dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [N], notifiées le 1 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu les articles L 141-2, R 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale,

Vu l'article 1382 ancien devenu article 1240 du code civil,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel de Mme [N],

- infirmer le jugement dont appel,

statuant de nouveau,

- constater que M. [B] a commis des fautes délictuelles au préjudice de Mme [N],

- designer tel expert qu'il appartiendra aux fins de voir chiffrer les pertes financières subies par l'appelante et constituées par la perte de chance de conserver son emploi, de percevoir des indemnités journalières et une rente d'invalidité consécutives à la reconnaissance d'une rechute et/ou des séquelles d'un accident du travail et de percevoir une allocation spécifique de solidarité,

- condamner M. [B] à payer à Mme [N] la somme de 30 000 euros, au besoin à titre de provision, sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- le condamner à payer à Maître [J] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,

- dire que les intérêts légaux courront à compter du 5 juillet 2011,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner M. [B] aux entiers dépens.

Vu les conclusions de M. [B], notifiées le 8 janvier 2022, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

Vu les articles 455, 562 et 901 du code de procédure civile,

Vu les articles R.141-2, R.141-1 et suivant du code de la sécurité sociale,

Vu l'article 168 du code de procédure civile,

Vu l'article 1382 du code civil,

à titre principal,

- juger que l'acte d'appel du 12 novembre 2020 n'a pas opéré dévolution à la cour du chef du jugement qui a 'dit qu'aucune faute n'est établie à l'égard du Docteur [H] [B]' et que la cour n'en est pas saisie,

- constater que le jugement est définitif en ce qu'il a 'dit qu'aucune faute n'est établie à l'égard du Docteur [B]',

- confirmer le jugement entrepris et débouter Mme [N] de ses demandes,

subsidiairement et si par extraordinaire la cour s'estimait saisie de l'ensemble des chefs figurant dans le dispositif du jugement entrepris,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté toute faute de M. [B],

- déclarer Mme [N] mal fondée en ses demandes,

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,

à titre encore plus subsidiaire,

- juger qu'aucun lien de causalité n'est démontré entre les fautes imputées à M. [B] et les préjudices allégués par Mme [N],

- déclarer Mme [N] mal fondée en ses demandes,

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner Mme [N] à verser à M. [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la saisine de la cour

M. [B] soutient que l'acte d'appel ne reprend pas le chef du dispositif qui 'dit qu'aucune faute n'est établie à l'égard du Docteur [H] [B]', qu'ainsi l'acte d'appel ne tend qu'à infirmer partiellement la décision rendue et que faute d'appel principal et incident sur la détermination de sa responsabilité, le jugement est définitif en ce qu'il a dit qu'aucune faute n'était établie à son encontre ; il ajoute que la deuxième partie de la déclaration d'appel qui concerne les demandes de Mme [N] est inopérante et que les conclusions ultérieures de Mme [N] n'ont pu élargir la saisine de la cour.

Mme [N] répond que les demandes de 'dire' ne constituent pas des prétentions et que la déclaration d'appel d'une part, concerne le rejet de sa demande de condamnation de M. [B] au paiement de dommages et intérêts, de sorte qu'elle a saisi la cour d'une demande indivisible tendant à la reconnaissance d'une faute et d'un lien de causalité avec le préjudice dont elle demande la réparation et, d'autre part, vise l'article 1240 dans sa seconde partie, de sorte que la cour ne peut se méprendre sur l'étendu de saisine.

Sur ce, selon l'article 562 du code de procédure civile 'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.

Le jugement du 31 août 2020 a débouté Mme [N] de l'intégralité de ses demandes et l'appel critique ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ; il en résulte que l'appel porte nécessairement sur le chef du dispositif qui en dépend disant que la preuve d'une faute commise par M. [B] n'est pas établie ; la cour est donc saisie de la question de la responsabilité de M. [B] à l'égard de Mme [N].

Sur la responsabilité

Le tribunal a estimé que M. [B] avait manifestement conclu de manière provisoire dans son premier rapport en date du 12 août 2002, qui n'avait été rédigé, en des termes prudents, que pour respecter les brefs délais impartis par l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale et dans l'attente de pièces justificatives, ce qui expliquait que ce premier rapport n'avait pas été adressé à Mme [N] et à son médecin traitant et que le second rapport contenant les conclusions définitives en date du 27 septembre 2001 avait bien été envoyé à Mme [N] et à son médecin traitant.

Il a en outre relevé que l'absence de reconnaissance d'une rechute d'accident du travail ne tenait pas au seul rapport de M. [B] puisqu'une expertise rhumatologique avait précédé l'intervention de M. [B], que le tribunal des affaires de sécurité sociale avait ordonné une nouvelle expertise rhumatologique et que le nouvel expert avait également conclu à l'absence de lien entre les lésions apparies à compter en novembre 2001 et l'accident du 25 novembre 2000.

Mme [N] invoque plusieurs violations des dispositions de l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale.

Ainsi M. [B] a selon elle omis de lui adresser ainsi qu'à son médecin traitant son rapport d'expertise rédigé le 12 août 2002 et ses conclusions motivées du 20 août 2002 qu'il a pourtant transmises au service médical de la caisse de sécurité sociale.

Elle précise que M. [B] ne rapporte pas la preuve qu'il lui a adressé, ainsi qu'à son médecin traitant, son second rapport et ses secondes conclusions motivées en date du 27 septembre 2002, rapport qui n'a été adressé par la CPAM que le 3 octobre 2002 non à son médecin traitant mais à son rhumatologue le Docteur [O] et seulement le 4 décembre 2002 à elle-même.

Mme [N] avance en outre que le second rapport d'expertise rédigé le 27 ou le 30 septembre 2002 est intervenu plus de deux mois après le réception du protocole d'expertise du 18 juillet 2002, de sorte qu'il a été adressé dans un délai qui ne respecte pas les dispositions du sixième alinéa de l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale imposant l'envoi du rapport dans le mois de la réception du protocole.

Elle relève que M. [B] ne justifie pas de démarches auprès du service médical de contrôle pour obtenir des délais supplémentaires ce qui est également fautif.

Mme [N] estime enfin que la comparaison des deux rapports de M. [B] démontre qu'il disposait des mêmes éléments médicaux lors de la rédaction de chacun des rapports et qu'il aurait ainsi dû conclure de façon identique et que dans son second rapport d'expertise il a méconnu le principe de la présomption d'imputabilité qui prévaut en matière d'accident du travail, de sorte que ce rapport est affecté d'un vice de fond qui entraîne sa nullité.

M. [B] répond que les courts délais prévus par l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale l'ont contraint à déposer un rapport provisoire dans l'attente de la réception de pièces complémentaires, qu'en effet il avait constaté que le syndrome post traumatique invoqué par Mme [N] n'était pas tout à fait caractéristique, la patiente invoquant des plaintes dépressives essentiellement reliées aux polyalgies, qu'ayant suspecté des épisodes dépressifs antérieurs il a sollicité des documents complémentaires.

Il relève qu'il ne peut lui être reproché d'avoir demandé la communication notamment des comptes-rendus des hospitalisations antérieures et qu'il a fourni à la caisse de sécurité sociale dans son second rapport du 27 septembre 2002 les explications sur les raisons du dépôt du rapport en deux temps.

Il explique que dans son second rapport il a noté l'existence d'antécédents polyalgiques rhumatologiques et anxio-dépressifs datant de 1994 et 1996 au sein de difficultés relationnelles et de travail et a estimé en conséquence que la rechute en tant qu'accident du travail n'était pas justifiée.

M. [B] oppose qu'en toute hypothèse le lien de causalité entre ses fautes prétendues et l'absence de prise en charge des lésions invoquées par Mme [N] au titre d'une rechute de l'accident du travail du 25 novembre 2000 fait défaut.

Il relève sur ce point d'une part, que ses rapports ne sont pas les seuls documents sur lesquels la CPAM s'est fondée pour prendre sa décision et d'autre part, que d'autres experts, dont le Docteur [E] désigné par le tribunal des affaires de sécurité sociale à la suite d'un recours formé par Mme [N] contre la décision rendue par la Commission de recours amiable de la CPAM a également conclu dans son rapport du 3 mars 2005 à l'absence de lien de causalité direct et certain entre les lésions invoquées par Mme [N] et l'accident du travail.

Sur ce, l'expert désigné en matière de contentieux de la sécurité sociale engage sa responsabilité personnelle à raison des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile et ainsi conformément aux articles 1382 et suivants du code civil devenus 1240 et suivants du code civil.

Selon ces dispositions'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer' et 'chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence'.

Il incombe ainsi à Mme [N] de rapporter la preuve des fautes qu'elle reproche à M. [B] et que celles-ci sont en lien de cause à effet avec la perte de chance qu'elle déplore.

L'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date des faits, prévoit que 'Le médecin expert, informe immédiatement le malade ou la victime, des lieu, date et heure de l'examen. Dans le cas où l'expertise est confiée à un seul médecin expert, celui-ci doit aviser le médecin traitant et le médecin conseil qui peuvent assister à l'expertise.

Le médecin expert procède à l'examen du malade ou de la victime, dans les cinq jours suivant la réception du protocole mentionné ci-dessus, au cabinet de l'expert ou à la résidence du malade ou de la victime si ceux-ci ne peuvent se déplacer.

Le médecin expert établit immédiatement les conclusions motivées en double exemplaire et adresse, dans un délai maximum de quarante-huit heures, l'un des exemplaires à la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, l'autre au service du contrôle médical de la caisse d'assurance maladie.

En ce qui concerne les bénéficiaires de l'assurance maladie, les conclusions sont communiquées dans le même délai au médecin traitant et à la caisse.

Le rapport du médecin expert ou du comité comporte : le rappel du protocole mentionné ci-dessus, l'exposé des constatations qu'il a faites au cours de son examen, la discussion des points qui lui ont été soumis et les conclusions motivées mentionnées aux alinéas précédents.

Le médecin expert dépose son rapport au service du contrôle médical avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la date à laquelle ledit expert a reçu le protocole, à défaut de quoi il est pourvu au remplacement de l'expert à moins qu'en raison des circonstances particulières à l'expertise, la prolongation de ce délai n'ait été obtenue.

La caisse adresse immédiatement une copie intégrale du rapport soit à la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, soit au médecin traitant du malade'.

En l'espèce, Mme [N] a fait l'objet d'une première expertise médicale confiée au Docteur [Y], qui a conclu qu'il n'existait pas sur le plan rhumatologique de lien de causalité par origine ou aggravation entre l'accident du 25 novembre 2000 et les lésions et troubles invoqués à la date du 12 novembre 2001, qui consistaient en un syndrome polyalgique diffus et une dépression, mais qu'il était nécessaire de recourir à un avis expertal spécial pour les autres troubles.

Cette expertise a été réalisée par M. [B], expert spécialisé en psychiatrie.

Il ressort du tampon professionnel de M. [B] apposé sur le protocole d'expertise établi par la CPAM concernant Mme [N] que celui-ci a reçu ce document le 18 juillet 2002 ; la convocation adressée à Mme [N] est en date du 31 juillet 2002 pour un examen à réaliser le 5 août 2002.

M. [B] a rédigé le 12 août 2002 un compte-rendu de l'examen de Mme [N] réalisé le 5 août 2002, constituant un premier rapport d'expertise, qu'il reconnaît avoir déposé à la CPAM le même jour ; il a rempli et signé des 'conclusions motivées' sur lesquelles a été apposé un tampon mentionnant 'courrier arrivée 11 juillet 2002 Service médical n° 111/163 secteur 2"; il en résulte que ces conclusions motivées ont bien été notifiées au service médical de contrôle par M. [B] ; en revanche M. [B] ne démontre pas avoir notifié ces conclusions à Mme [N] et à son médecin traitant ainsi qu'imposé par les dispositions précitées ; il a ainsi violé l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale et commis une faute dans l'exercice de sa mission.

M. [B] a précisé dans ses conclusions motivées qu'il y avait un lien de causalité direct et certain entre les troubles et lésions invoqués à la date du 12 novembre 2001 et l'accident du 25 novembre 2000, qu'au 12 novembre 2001 existaient des symptômes traduisant une modification de l'état dû à l'accident du travail et survenus depuis la consolidation fixée au 1er septembre 2001 nécessitant des antalgiques et des antidépresseurs.

Si M. [B] soutient que ses premières conclusions motivées ont été établies dans l'urgence et étaient provisoires, celles-ci ne le mentionnent pas et ne font pas état de l'attente de l'obtention de documents médicaux complémentaires ; en outre M. [B] ne justifie pas avoir sollicité vainement auprès du service médical de la CPAM une prorogation du délai d'un mois imparti pour déposer son rapport.

Dans ce premier rapport d'expertise M. [B] a conclu 'Il existe des antécédents polyalgiques rhumatologiques datant d'au moins 1994 et 1996... Il parait difficile d'attribuer uniquement le syndrome post-traumatique, qui n'est pas très caractéristique, à cet accident sans tenir compte d'un état antérieur arthrosique douloureux au 'moment' de septembre 2001. Il paraît pourtant évident que plusieurs des médecins qui l'ont vu ont attribué ces troubles au traumatisme subi et il est rapidement signalé : résistance de ce syndrome aux traitements proposés. Dans l'état actuel des choses il paraît difficile de revenir brutalement sur cette détermination, qui est sans doute exagérée mais pas notoirement indépendante. Je crois donc qu'on peut attribuer pour l'instant les suites douloureuses à l'accident, quitte à surveiller l'évolution sous une action thérapeutique étroitement encadrée et sans modification incessante des thérapeutiques'.

Le 27 septembre 2002 M. [B] a rédigé un nouveau compte-rendu de l'examen de Mme [N] réalisé le 5 août 2002, constituant un second rapport d'expertise et a signé de nouvelles conclusions motivées.

M. [B] n'a produit aucun pièce pour établir qu'il a adressé son second rapport d'expertise et ses secondes conclusions à Mme [N], au médecin traitant de celle-ci et à la CPAM dans les délais prévus par l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale ; au contraire il s'évince de la lettre de la Commission de recours amiable de la CPAM à Mme [N] en date du 19 mars 2003 que les secondes conclusions de M. [B] ont été envoyées à Mme [N] le 4 décembre 2002 ; M. [B] a ainsi commis une faute dans l'accomplissement de sa mission en ne respectant pas les dispositions de l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale.

Dans ses secondes conclusions motivées, M. [B] a mentionné qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre les troubles et lésions invoqués le 12 novembre 2001 et l'accident du 25 novembre 2000 et que l'état de Mme [N] était partiellement en rapport avec un état pathologique indépendant de l'accident et évoluant pour son propre compte.

Par son second rapport d'expertise M. [B] a conclu notamment 'De ce fait la rechute survenue après une décision de guérison de l'accident du travail plutôt que de consolidation au 1er septembre 2001 est immédiatement contestée par la patiente qui à cette époque évoque justement la reprise de l'ensemble des douleurs et d'un syndrome anxiodépressif qui est relié par la patiente et les médecins soignants directement à l'accident ...Il apparaît donc de ce fait difficilement acceptable d'affirmer au même moment la consolidation guérison de l'accident. D'un autre côté il apparaît illégitime d'attribuer la totalité de la symptomatologie à ce moment ...A la date de la consolidation fixée au 1er septembre 2001, l'état de la patiente justifiait à cette époque des soins, la poursuite d'un traitement algique et antidépresseur. Cette consolidation avec reconnaissance des séquelles aurait pu justifier ultérieurement, en cas de nouvel arrêt de travail le régime maladie, hors accident de travail, la rechute en tant qu'accident du travail n'étant pas justifiée'.

M. [B] ne peut légitimement invoquer ne pas avoir eu connaissance à la date de notification de ses premières conclusions motivées et du dépôt de son premier rapport d'expertise du compte-rendu d'hospitalisation de Mme [N] à l'Hôpital [7] à [Localité 6] en date du 25 novembre 1996 faisant état d'un syndrome dépressif associé à des douleurs articulaires, alors que dans son rapport sous la partie consacrée aux antécédents pathologiques il précise que ce compte-rendu lui a été transmis ; il ne justifie pas des pièces médicales complémentaires dont il n'aurait pas eu connaissance lors de son premier rapport.

Il ressort des données qui précèdent que M. [B] a commis une imprudence en déposant des conclusions motivées et des rapports successifs concluant en sens inverse, à très peu de temps d'intervalle, et sans justification d'un élément nouveau, sur le lien de causalité direct et certain entre les troubles évoqués en novembre 2001 et l'accident du 25 novembre 2000, même si le premier rapport était nuancé sur ce point.

En revanche aucune faute ne peut lui être reprochée au titre d'une prétendue méconnaissance de la présomption d'imputabilité qui n'est pas une notion médicale dont il aurait dû tenir compte.

En revanche, il ressort des pièces produites aux débats qu'à la suite de la contestation par Mme [N] devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny de la décision de la Commission de recours amiable de la CPAM prise le 12 mars 2003 ayant estimé au vu de l'expertise de M. [B] qu'il n'existait pas de lien de causalité par origine ou aggravation entre les troubles invoqués le 12 novembre 2001 et l'accident du 25 novembre 2000, le tribunal des affaires de sécurité sociale par jugement du 12 mars 2003 a prescrit une nouvelle mesure d'expertise médicale qu'il a confiée conformément à la demande de Mme [N] sollicitant la désignation d'un médecin spécialisé en rhumatologie, au Docteur [E].

Cet expert a estimé dans son rapport du 3 mars 2005 'il ne peut être établi au plan médico-légal dans le cadre d'une rechute en accident du travail, un lien de causalité entre d'une part la contusion initiale des genoux, et d'autre part un syndrome dépressif multifactoriel, des douleurs diffuses y compris des membres supérieurs et des douleurs rachidiennes' et a conclu à l'absence de lien de causalité par origine ou aggravation des troubles invoqués le 12 novembre 2001 avec l'accident et que l'état de Mme [N] était en rapport avec un état pathologique indépendant de l'accident et évoluant pour son propre compte.

Par jugement du 5 juillet 2005 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny de nouveau saisi par Mme [N] d'une demande d'expertise à confiér à un médecin spécialisé en psychiatrie a rejeté cette demande et cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris par arrêt du 31 mai 2007.

Il résulte des éléments qui précèdent que Mme [N] qui a pu contester les conclusions de M. [B] et a obtenu la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'expertise médicale ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre les fautes commises par M. [B] et la perte de chance dont elle se plaint.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Mme [N] qui succombe en son recours supportera la charge des dépens d'appel ; la demande d'application de l'article 699 du code de procédure civile ne peut prospérer Mme [N] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ; les dépens seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Se déclare saisie de la question de la responsabilité de M. [H] [B] à l'égard de Mme [Z] [N],

- Infirme le jugement en ce qu'il a dit qu'aucune faute n'est établie à l'égard de M. [H] [B],

- Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

- Dit que M. [H] [B] a commis des fautes notamment d'imprudence en ne respectant pas les délais prévus par l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale et en notifiant et déposant des conclusions motivées et des rapports d'expertise successifs concluant en sens inverse sur le lien de causalité direct et certain entre les troubles évoqués en novembre 2001 et l'accident du 25 novembre 2000,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile devant la cour,

- Condamne Mme [Z] [N] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/16415
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;20.16415 ?
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