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19/05/2022 | FRANCE | N°19/11547

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 19 mai 2022, 19/11547


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11547 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA72V



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09083







APPELANT



Monsieur [O] [Z]

[Adresse 5]

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[Localité 4]



Représenté par Me Elodie DENIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0199





INTIMEE



SASU MOD DESIGN

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Sophie CARION, avoca...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11547 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA72V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09083

APPELANT

Monsieur [O] [Z]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Elodie DENIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0199

INTIMEE

SASU MOD DESIGN

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie CARION, avocat au barreau de PARIS, toque : C1443

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat, chargé du rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire,

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [O] [Z] a été engagé par la société Mod Design en qualité de responsable de boutique à compter du 17 novembre 2016 par contrat à durée indéterminée signé le 16 novembre 2016. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 27 septembre 2018, énonçant le motif suivant :

'... En date du 9 juillet 2018, vous nous avez informé avoir découvert qu'il manquait 3.684,00 € dans le coffre de votre boutique. Nous avons alors décelé deux graves irrégularités dans le suivi de notre procédure de sécurité :

- Les dépôts d'espèces en banque sont à effectuer par les responsables de boutique toutes les semaines, or il s'avère que votre dernier dépôt en banque remontait au 1er juin 2018, soit plus d'un mois avant.

- Vous nous avez informé que la clé du coffre que vous deviez conserver avec vous en permanence était finalement sur votre trousseau de clé personnel dans votre veste en réserve, soit à proximité du coffre, à la disposition des membres de l'équipe.

Ce manquement à tout principe de prudence, votre non-respect des procédures et le laxisme dont vous avez fait preuve nous contraignent à prononcer votre licenciement pour faute grave, rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise ...'.

Le dernier salaire mensuel brut moyen de M. [Z] s'élevait à 3597 euros.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles.

Par jugement du 7 juin 2019, le Conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [Z] de ses demandes d'indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

M. [Z] en a relevé appel.

Par conclusions récapitulatives du 26 mai 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, M. [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement, de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la société Mod Design à lui payer les sommes suivantes outre les dépens :

- Indemnité compensatrice de préavis : 7.191,60 €

- Congés payés y afférents : 719,16 €

- Indemnité légale de licenciement : 1.679 ,68 €

- Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7.191,60€

- Application de l'article 700 du code de procédure civile : 2.000,00 €

Par conclusions récapitulatives du 5 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Mod Design demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. [Z] de ses demandes, et de le condamner à lui verser la somme de 3.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

Principe de droit applicable :

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Application du droit à l'espèce

Deux griefs sont formulés à l'encontre de M. [Z] aux termes de la lettre de licenciement du 27 septembre 2018 suite à la disparition d'espèces encaissées par le magasin constatée le 5 juillet 2018 :

- le premier consiste à reprocher au salarié de ne pas avoir procédé à des dépôts d'espèces en banque toutes les semaines, le dernier dépôt en banque remontant au 1er juin 2018, soit plus d'un mois avant le constat du vol du 5 juillet 2018.

- le second grief consiste à lui reprocher d'avoir laissé les clés du coffre dans la poche de sa veste, dans la réserve, à la disposition des autres membres de l'équipe.

M. [Z] ne conteste pas que le dernier dépôt en banque effectué par ses soins remontait au 1er juin 2018, soit plus d'un mois avant la constatation de la disparition d'espèces. Il admet également qu'il ne portait pas sur lui la clé du coffre, laquelle se trouvait dans ses effets personnels, dans la réserve, près du coffre.

La réalité des faits relatés dans la lettre de licenciement est ainsi établie. Cependant, M. [Z] conteste avoir commis des fautes.

Il explique qu'en qualité de responsable de boutique, il avait à disposition une clé permettant d'ouvrir le magasin du quartier des Abbesses, outre une clé du coffre située dans la réserve de la boutique, que le jeudi 5 juillet 2018, il a découvert que l'enveloppe contenant les espèces encaissées par le magasin ne figurait plus dans le coffre situé dans la réserve, qu'il a informé par téléphone, puis par texto sa responsable le jeudi 5 juillet 2018 de ce qu'une somme de 3.683,00 € correspondant à la recette plus 1 euro de pourboire avait été dérobée. Il indique qu'il a ensuite continué à travailler au sein de la Boutique dont il est responsable, à l'exception d'une dizaine de jours de congés payés.

Il rappelle que, près de deux mois plus tard, par lettre du 1er septembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement sans mise à pied à titre conservatoire, de sorte qu'il a continué à travailler au sein de la boutique et à en être responsable jusqu'à son licenciement pour faute grave intervenu par lettre du 27 septembre 2018.

M.[Z] soutient qu'il ne lui a jamais été demandé formellement de procéder à des dépôts d'espèces toutes les semaines et qu'il n'entre pas spécifiquement dans sa mission de procéder à ces dépôts.

S'agissant du second grief consistant à laisser les clés du coffre dans la poche de sa veste dans la réserve, il explique qu'il ne disposait pas d'un meuble de rangement sécurisé et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir laissé les clés parmi ses effets personnels dans la réserve, seul lieu où les salariés de la boutique entreposent leurs affaires, et qu'il n'avait pas l'obligation contractuelle de porter continuellement sur lui une clé de plus de 10 cm.

La société Mod Design soutient que les responsables de boutique ont la responsabilité de déposer les espèces en banque chaque semaine et que le dépôt des espèces en banque est une composante logique du poste de responsable de magasin. L'employeur ajoute que si M. [Z] avait conservé les clés sur lui, personne n'aurait eu accès au coffre. Elle fait valoir que si le salarié avait respecté les instructions de la direction, personne n'aurait pu avoir accès à ce coffre, et le vol n'aurait pu être commis. Elle en conclut que la combinaison des deux fautes commises par le salarié a permis le vol. S'agissant du délai entre la constatation des faits et le licenciement, la société rappelle que la mise à pied d'un salarié n'est pas obligatoire lorsque le licenciement pour faute grave est envisagé, que la procédure a été introduite dans les deux mois de la connaissance des faits par l'employeur, et qu'il ne peut pas lui être reproché d'avoir pris le temps de la réflexion pour engager la procédure.

En l'espèce, aucun document contractuel ne précise une obligation de procéder à des dépôts d'espèces toutes les semaines, ni ne précise les modalités de détention des clés du coffre.

Cependant, au vu des courriels et des attestations produites, il est établi que M. [Z] avait bien reçu des instructions claires et précises pour procéder au dépôt des recettes en espèces du magasin toutes les semaines et détenir constamment sur lui les clés du coffre.

Ainsi, dès le 6 décembre 2016, soit quelques semaines après l'embauche de M. [Z], Monsieur [J], comptable de la société Mod Design, s'adressait par courrier électronique à tous les responsables de magasin, leur rappelant :

"A tous les responsables,

Nous vous informons que vous devez garder la clé du coffre sur vous et en aucun cas la laisser traîner dans un tiroir à la portée de n'importe qui.

Pour rappel, vous êtes responsable de ladite clé et les versements en banque doivent être effectués toutes les semaines.

Par mesure de sécurité, nous vous demandons de bien vouloir respecter ces consignes et tout manquement à ces règles seront sanctionnés...".

M.[Z] avait bien pris connaissance de cette instruction, comme tous les responsables de magasin. Il a d'ailleurs intégré ces obligations sur ce point avant même ce rappel puisqu'il a écrit à M. [J] le 2 décembre 2016 :

"Comme convenu, je te confirme le dépôt de 817 € ce jour à l'agence CIC [Adresse 6] fait par mes soins.

A partir de maintenant, je t'enverrai un mail à chaque dépôt que j'effectuerai ainsi qu'une pièce jointe (détail du dépôt + reçu) en attendant que tu aies ces documents en main propre.

En période creuse et si j'ai de l'espèce j'irai tous les vendredis à la banque, même pour 10 euros.

Pourquoi' Cela nous permettra d'avoir une fréquence précise des dépôts.

Cette fréquence augmentera en période de promotions diverses pour ne pas avoir trop d'espèces au coffre.

Dans le cas où je n'aurai rien à déposer, je t'enverrai également un mail pour te le signaler.

Idem si je devais rembourser un client comme tu as pu me le dire au téléphone.

N'hésite pas à me contacter si tu souhaites faire un contrôle coffre/fond de caisse à l'improviste".

Il ressort de ces échanges et de plusieurs attestations de responsables de boutiques (M. [C], Mmes [Y] et [S]) que M. [Z] comme les autres responsables de boutique, devait effectuer le dépôt des espèces en banque chaque semaine et avait l'obligation de garder constamment sur lui les clés du coffre. L'employeur rappelle par ailleurs que le dépôt des espèces en banque constitue une composante logique du poste de responsable de magasin.

Or, lorsque le vol a été constaté le 5 juillet 2018, les espèces n'avaient pas été déposées en banque depuis le 1er juin.

Postérieurement à l'incident du 5 juillet 2018, la société Mod Design a rappelé l'obligation du dépôt d'espèces dans l'ensemble des magasins à raison d'une fois par semaine, mais, contrairement à ce que soutient M. [Z], il ne s'agit pas d'une obligation nouvelle postérieure à l'incident du 5 juillet 2018.

Ainsi, M. [Z], qui a omis de déposer pendant plusieurs semaines les espèces à la banque, a commis un manquement qui a eu des conséquences sur le montant du préjudice consécutif au vol constaté.

De plus, il est établi que M. [Z], au moment du vol, n'avait pas sur lui les clés du coffre dans lequel sont conservées les espèces dans l'attente de leur dépôt en banque. Il s'agit là encore d'un manquement du salarié qui n'a pas respecté les instructions de l'employeur sur ce point. Le fait que l'intéressé ne disposait pas d'un casier sécurisé et que la clé était encombrante ne justifie pas le non respect des instructions par M. [Z].

A cet égard, c'est à juste titre que l'employeur souligne que si M. [Z] avait respecté les instructions de la direction, personne n'aurait pu avoir accès à ce coffre, et le vol n'aurait pu être commis.

Enfin, il est exact que la procédure de licenciement a été introduite près de deux mois après la connaissance de l'incident par l'employeur et que l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une mise à pied conservatoire. Cependant, ces circonstances n'excluent pas la possibilité pour l'employeur de procéder au licenciement de l'intéressé pour faute grave. La société Mod Design a d'ailleurs porté plainte auprès des services de police du [Localité 2] dès le 5 juillet 2018 et, en l'espèce, il ne peut lui être reproché de s'être assuré de la réalité des manquements et de leur imputabilité avant d'engager la procédure de licenciement à l'encontre de M. [Z].

Ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les griefs reprochés à M. [Z] sont établis et constituent une faute grave. En effet, les manquements commis par M. [Z], qui avait la responsabilité d'une boutique et détenait les espèces perçues dans le cadre de l'activité du magasin, constituent en l'espèce une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise.

Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc confirmé et M. [Z] sera débouté de l'ensemble de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE M. [Z] à payer à la société Mod Design en cause d'appel la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

LAISSE les dépens à la charge de M. [Z].

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/11547
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.11547 ?
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