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19/05/2022 | FRANCE | N°19/11341

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 mai 2022, 19/11341


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° 2022/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11341 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6PT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/00505



APPELANTE



SAS TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES - TRA

[Ad

resse 2]

[Localité 10]



Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075



INTIME



Monsieur [T] [H]

[Adresse 3]

[Localité 10]



Assisté de Me...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° 2022/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11341 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6PT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/00505

APPELANTE

SAS TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES - TRA

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIME

Monsieur [T] [H]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Assisté de Me Virginie COLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0178

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Manon FONDRIESCHI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 10 juin 2014, à effet au 16 juin 2014, avec reprise d'ancienneté au 21 octobre 2013, M. [T] [H] a été engagé par la SAS Transports rapides automobiles (TRA) à temps plein, en qualité de conducteur receveur, catégorie 25a, coefficient 200, moyennant une rémunération brute de 1 926,21 euros.

Le 23 juin 2016, M. [H] s'est vu notifier un premier avertissement pour avoir porté des écouteurs au volant pendant son service. Le 30 juin 2016, M. [H] a reçu un second avertissement pour absence injustifiée.

Par courrier en date du 28 août 2017, la société TRA a convoqué M. [H], en vue de son licenciement éventuel, à :

- un entretien préalable devant se tenir le 27 septembre 2017,

- une audience d'instruction fixée au 29 septembre 2017 préalable à la réunion du conseil de discipline,

- une audience devant le conseil de discipline fixée au 5 octobre 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 octobre 2017, M. [H] a été licencié pour faute grave.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [H] percevait une rémunération mensuelle brute de base de 2 110,55 euros outre une prime de tansport de 61 euros, soit une rémunération mensuelle brute de 2 171,55 euros.

La société TRA est soumise à la convention collective des transports publics urbains - réseaux de voyageurs et occupait au moins 11 salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny par requête enregistrée au greffe le 23 février 2018, afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 25 juin 2019, auquel il convient de se reporter pour l'exposé de procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section commerce, a :

- condamné la société TRA à verser à M. [T] les sommes suivantes :

- 5 414,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 541,41 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2 819,83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 13 535,20 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

- 1 595,86 euros au titre de la prime de fin d'année 2017 ;

- 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que les créances salariales porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 27 février 2018, et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement ;

- débouté M. [H] du surplus des demandes ;

- ordonné à la société TRA de rembourser à Pôle emploi les indemnités versées à M. [H] dans la limite de six mois de salaire ;

- débouté la société TRA de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la société TRA aux éventuels dépens.

La SAS Transports rapides automobiles (TRA) a régulièrement relevé appel du jugement le 13 novembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante, transmises par voie électronique le 29 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l`article 455 du code de procédure civile, la SAS Transports rapides automobiles (TRA) prie la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la moyenne du salaire mensuel de M. [H] s'élève à la somme de 2 704,04 euros bruts ;

A titre principal :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* l'a condamnée à verser à M. [H] les sommes suivantes :

- 5 414,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 541,41 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 2 819,83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 13 535,20 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

- 1 595,86 euros au titre de la prime de fin d'année 2017 ;

- 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

* a rappelé que les créances salariales porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 27 Février 2018, et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

* lui a ordonné de rembourser à pôle emploi les indemnités versées à M. [H] dans la limite de six mois de salaire,

* l'a déboutée de sa demande reconventionnelle,

* l'a condamnée aux éventuels dépens,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement de M. [H] est fondé sur une faute grave ;

- dire et juger infondées les demandes de M. [H] ;

- débouter M. [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité les condamnations suivantes comme suit: - 5 414,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 541,41 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2 819,83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

En tout état de cause,

- condamner M. [H] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] en tous les dépens, y compris ceux d'appel qui seront recouvrés par la SELARL JRF & Associés, représentée par Me Stéphane Fertier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé, transmises par voie électronique le 13 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [H] prie la cour de :

- débouter la société TRA de son appel ;

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* condamné la société TRA à lui verser :

- 1 595,86 euros au titre du rappel de prime de fin d'année 2017 ;

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

- 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* rappelé que les créances salariales porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 27 février 2018, et les créances à caractère indemnitaire porteront

intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

* ordonné à la société TRA de rembourser à pôle emploi les indemnités versées à M. [H] dans la limite de six mois de salaires,

* débouté la société TRA de sa demande reconventionnelle,

* condamné la société TRA aux entiers dépens,

- réformer le jugement entrepris sur le surplus et statuant à nouveau :

- dire que la moyenne des douze derniers mois de salaires bruts la plus favorable est de 2 999,40 euros ;

- condamner la société TRA à lui verser :

* 5 998,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

* 599,88 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 2 999,40 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 14 997 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* subsidiairement, 2 999,40 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,

Y ajoutant,

- condamner la société TRA à lui verser la somme de 2 880 euros en application de l'article 700 du code du procédure civile pour la procédure d'appel ;

En tout état de cause,

- rappeler que les créances salariales porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la société TRA de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 27 février 2018 et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

- condamner la société TRA à lui remettre les documents sociaux conformes à la décision à intervenir (bulletins de salaire, attestation pôle emploi, certificat de travail) ;

- débouter la société TRA de toutes ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires;

- condamner la société TRA aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er décembre 2021.

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement du 16 octobre 2017, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit:

« Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28 août 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable le mercredi 27 septembre 2017 à la suite de vos congés payés, en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, auquel vous vous êtes présenté seul.

Au cours de cet entretien, nous vous avons expliqué les motifs pour lesquels nous avons envisagé à votre encontre une mesure de licenciement. Ceux-ci vous sont rappelés ci-après:

Le Jeudi 10 août 2017 vers 18h00, alors que vous étiez affecté sur le service 64216N, sur la ligne 642, qui prévoyait une prise de service à 15h12 et une fin de service à 23h27, à bord du véhicule

47016, vous avez fait usage de votre véhicule professionnel à des fins personnelles pendant vos horaires de service.

En effet, le 11 Août 2017, nous avons été avertis que vous aviez, la veille soit le 10 précédent, aux alentours de 18h00, garé le véhicule qui vous était confié dans le cadre de vos fonctions professionnelles, sur un trottoir, aux environs de la Gare du [Localité 5] [Localité 6], bloquant ainsi la libre circulation des autres usagers de la route, afin «d'aller chercher un kebab».

Un tel comportement est parfaitement inadmissible, négligent, et nuit à l'image de marque de l'entreprise qui ne réalise de ce fait pas convenablement la mission de service public qui lui est confiée, puisqu'un tel comportement nous a valu une réclamation client.

Tout d'abord, nous vous rappelons que la ponctualité et l'assiduité sont les qualités premières d'un conducteur-receveur. Le non-respect de ces valeurs perturbe le bon fonctionnement de l'exploitation et ne nous permet pas d'assurer correctement notre mission de service public. Or, prendre le temps de vous arrêter en pleine course commerciale, de surcroit pour vaquer à vos occupations personnelles, ne vous permet pas d'assurer vos horaires prescrits par votre feuille de service (radar), d'autant que votre « pause » se situe aux alentours de 18h00 et qu'à cette heure-ci, vous auriez déjà dû être aux environs de l'arrêt « Les Bosquets », sur la commune de [Localité 8]. Vous avez donc accru votre retard aux différents arrêts qu'il vous restait à effectuer jusqu'au terminus.

Nous vous rappelons par ailleurs, que l'usage à des fins personnelles d'un véhicule qui vous est confié dans le cadre de vos fonctions professionnelles, est strictement interdit. Vous n'aviez par ailleurs demandé aucune autorisation préalable, auprès du poste de commandement centralisé ou à la Gestion Partagée, de vous absenter pour quelque raison que ce soit. Or, il vous appartient de respecter l'ensemble des directives de l'exploitation ou de prévenir cette dernière en cas de difficultés ne vous permettant pas d'assurer votre service comme initialement prévu, afin que nous soyons en mesure de mettre en place toute disposition pour maintenir le niveau de satisfaction que notre clientèle est en droit d'attendre de notre part.

Aussi, vous avez quitté votre poste de conduite et l'autobus qui vous était confié pour l'exercice de vos fonctions professionnelles, en stationnant votre bus « à cheval » sur un trottoir, et de surcroît sur un itinéraire inconnu de notre entreprise, puisque l'endroit où vous vous êtes arrêté ne se situe en aucun cas sur les tracés de nos lignes.

Enfin, il vous incombe, au regard de vos fonctions de conducteur-receveur investi d'une mission de service public, de garantir un niveau de conditions de sécurité optimales envers les passagers que vous pouvez transporter, vous-même, le matériel qui vous est confié, ainsi qu'envers les usagers de la route. Or, votre comportement démontre une particulière négligence et désinvolture au regard des responsabilités professionnelles qui vous reviennent et nuit à notre image de marque.

Un tel comportement est parfaitement inadmissible pour un professionnel de la route. Il ne reflète en aucun cas le sérieux et le professionnalisme que nous attendons de la part de nos collaborateurs, et ne nous permet pas non plus de placer en vous le niveau de confiance que nous attendons de la part de notre personnel de conduite, afin de garantir le niveau d'exigence requis dans le cadre de notre mission de service public.

Votre attitude tout à fait regrettable et intolérable est donc inadéquate avec les fonctions que vous occupez, et aurait pu avoir des répercutions dommageables beaucoup plus graves en matière de sécurité.

Lors de l'entretien du 27 Septembre 2017, vous ne nous avez fourni aucune explication nous permettant de revenir sur notre position.

Par conséquent, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave qui prendra effet à la date de notification du présent courrier, sans préavis ni indemnités.'

M. [H] conteste tant la régularité de la procédure de licenciement que le grief formulé à son encontre.

Il fait valoir qu'il se trouvait en congés annuels à l'étranger du 28 août au 22 septembre 2017, soit lors de l'envoi par l'employeur de la lettre de convocation à un entretien préalable, de sorte qu'il n'a disposé que d'un jour ouvrable et n'a pu se faire assister ni pour l'entretien du 27 septembre 2017, ni le 29 septembre faute d'avoir pu disposer du délai légal pour ce faire. Il souligne en outre qu'il n'a jamais eu connaissance du procès-verbal du conseil de discipline lequel n'est pas produit aux débats par l'employeur et que la procédure de licenciement n'était assortie d'aucune mise à pied conservatoire.

S'agissant du motif du licenciement, M. [H] réfute la force probante de la dénonciation anonyme et allègue que si son véhicule était exceptionnellement stationné sur un trottoir, ce n'était pas dans le but mentionné par l'employeur de s'acheter un kebab mais pour utiliser les commodités de cet établissement en urgence, après avoir tenté de joindre le PC radio pour le signaler. Il précise que son véhicule était vide, qu'il a pris toutes les précautions pour éviter de porter atteinte à la sécurité des autres usagers de la route, que le commerce était situé à 600 mètres de la gare du [Localité 5] [Localité 6], à laquelle il s'est ensuite rendu pour prendre en charge les usagers et qu'il n'a reçu aucun rappel du PC dans la tranche horaire concernée, soit aux alentours de 18 heures.

Il souligne que les conducteurs salariés de la société TRA rencontrent des difficultés à 'pouvoir soulager leurs besoins naturels entre deux rotations', cette difficulté ayant déjà été mise en exergue dans un rapport d'expertise du CHSCT au mois de juillet 2013. Il soutient qu'en 2017, le CHST s'était de nouveau plaint de l'état des sanitaires dans les gares d'[Localité 4] et de [Localité 7], et affirme que la majorité des terminus ne comportent pas de points d'eau ou de toilettes et que lorsqu'il en existe, ils sont insalubres. Il ajoute que les temps de trajet imposés ne peuvent être respectés et que les retards sont systématiques, le temps prévu pour les pauses entre deux rotations étant en fait consacré à les absorber.

Il rappelle enfin qu'il a terminé son service, le jour des faits, à l'heure prévue, soit 23h27, de sorte qu'aucune heure supplémentaire n'était due par l'employeur qui ne justifie d'aucun préjudice ni d'aucun impact sur le bon fonctionnement de l'exploitation.

Il relève enfin qu'il s'agit d'un fait isolé sur toute la durée de son contrat, en outre imputable à l'incapacité de l'employeur à fournir des cabinets d'aisance et en nombre suffisant.

La société TRA se réfère aux motifs exposés dans la lettre de licenciement, soutient que la matérialité des faits est incontestable, dès lors que M. [H] était bien le conducteur du véhicule visé par la réclamation du client, que lui-même et le bus mis à sa disposition dans le cadre de la réalisation de son service se trouvaient à un endroit où ils n'auraient jamais dû se trouver après avoir dévié de son itinéraire et que par ses agissements, M. [H] a débuté en retard son service de 17h50 et a perturbé le service, en infraction avec l'article 11 du règlement intérieur, nuisant au bon fonctionnement de l'entreprise. Elle conteste le motif invoqué par M. [H] alors qu'il disposait d'une pause de 28 minutes entre 17h22 et 17h50 pour soulager ses besoins physiologiques, qu'il disposait de commodités accessibles à la Gare du [Localité 5] [Localité 6] et que si réellement ce besoin était pressant, 'c'est que 'physiologiquement' il était déjà en alerte à 17h50 et même bien avant'. Elle affirme que M. [H] n'avait jamais invoqué ce motif dans le passé et conteste la force probante de l'attestation produite par le salarié pour en justifier.

La société TRA soutient qu'en outre, M. [H] a enfreint les règles du code de la route, contraignant les piétons à quitter le trottoir pour circuler et qu'il a adopté un comportement accidentogène.

Elle rappelle que M. [H] avait fait l'objet de deux avertissements dans le passé, l'un en raison du port non autorisé d'écouteurs au volant en date du 22 juin 2016, le second pour absence injustifée en date du 30 juin 2016.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. Il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.

La société TRA verse aux débats pour fonder les griefs invoqués à l'encontre de M. [H]:

- un message électronique daté du 11 août 2017 à 9h09 émanant d'un tiers non identifié adressé au service client Transdev dans les termes suivants : ' j'ai appris hier que vos conducteurs avaient le droit de se garer sur les trottoirs (et donc plus de place pour passer) et d'utiliser le bus pour aller chercher un kebab (j'ai des photos du bus stationné). Je trouve cela abusé et ce n'est pas la première fois (plusieurs personnes m'en ont déjà parlé).' ;

- trois photographies non datées d'une rue dont l'une sans aucun bus stationné visible et les deux autres représentant un bus stationné en occupant une grande partie du trottoir devant un autre véhicule mais ne présentant aucune gêne pour la circulation automobile ;

- un message daté du 17 août 2017 émanant du service client TRA dont le destinataire est inconnu, non signé de sorte que l'auteur du message ainsi que sa qualité sont également ignorés et rédigé dans les termes suivants : 'J'ai vérifié sur les photos en PJ, il s'agit de M. [H] service 64216 bus 7016. Départ de 17h50 effectué de la gare avec 16 mn de retard après avoir stationné comme vu sur la photo plus de 20 mn sur ce trottoir (tranche horaire 17h35 ou 40 jusqu'à au moins 17h55)' ;

- le règlement intérieur ;

- la liste des toilettes pouvant être utilisées sur le réseau.

La cour relève en l'espèce que M. [H] ne conteste pas être le conducteur du véhicule stationné dans les conditions critiquées, ni la localisation de celui-ci, ni la date des faits.

En revanche, il réfute la motivation de cet incident contraire au règlement intérieur en invoquant l'urgence de la situation, laquelle autorise cet arrêt intempestif et hors de sa zone de circulation, l'article 11 dudit règlement prohibant l'abandon de tout véhicule pour toute raison non directement liée au service ou non justifiée par l'urgence ; il conteste également la désorganisation du service et les manquements à la sécurité qui lui sont imputés.

La cour observe, en application de l'article 6 § 1 et 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que le juge ne peut fonder sa décision uniquement

ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes ; qu'en l'espèce, l'employeur justifie le motif de l'arrêt du véhicule uniquement par le mail anonyme du 11 août 2017, dont la force probante ne peut être retenue quant à la raison pour laquelle M. [H] a stationné son bus, en l'absence de tout élément objectif corroborant la supposition émise par ce témoin lorsqu' il affirme que l'objet de l'arrêt résidait dans l'achat d'un kebab.

Il en est de même pour la récurrence du comportement reproché à M. [H].

En outre, l'employeur échoue dans l'administration de la preuve que l'auteur du message serait un usager alors que les photos démontrent que le bus était vide de tout passager et que l'intéressé lui-même ne fait pas mention de cet état dans son mail mais se plaint de la gêne occasionnée pour les piétons de sorte que comme le souligne à juste titre l'intimé, il s'agirait plutôt d'un riverain utilisant le site de réclamation client.

A contrario, M. [H] verse aux débats le témoignage de M. [E] [X] dont il résulte que l'intimé 's'est bien rendu dans mes locaux au [Adresse 1], le 10 août 2017, aux alentours de 18 heures le temps d'utiliser les commodités' le témoin attestant 'avoir assuré la surveillance du véhicule, à la demande de Monsieur [H]. (BUS 642)'.

Si ce document n'est pas conforme aux règles édictées par l'article 202 du code de procédure civile, il ressort du pouvoir souverain de la cour d'apprécier sa force probante.

Le seul fait que M. [X] ne serait pas le gérant de l'établissement comme l'invoque l'employeur sans en justifier, se révèle insuffisant pour lui oter toute crédibilité, de sorte que la cour retient ce témoignage somme suffisant pour établir la raison pour laquelle M. [H] a stationné son véhicule devant ce commerce et la précaution prise par ce dernier de faire surveiller son bus par le témoin.

S'agissant de la liste des toilettes installées ou accessibles sur le réseau, la cour relève que ce document n'est ni daté ni signé et ne revêt aucun caractère officiel ; en outre, les seules toilettes mentionnées comme se situant sur l'itinéraire de la ligne 642 sont situées à la gare du [Localité 9] ainsi qu'à la gare de [Localité 10], les toilettes afférentes à la gare du [Localité 5] [Localité 6] étant situées dans un café dont la fermeture est à 20h et affectées à la ligne 643, sans que l'employeur ne justifie du changement intervenu dans les itinéraires de ces deux lignes, ni de la date à laquelle elle serait intervenue, la gare de [Localité 6] étant quant à elle dépourvue de toilettes.

Par ailleurs, M. [H] communique un constat effectué par le CHSCT les 30 décembre 2016 et 4 janvier 2017 aux termes duquel ce comité demandait une remise en état rapide des WC et des salles de repli des Gares d'[Localité 4], [Localité 10] et de [Localité 7], les photographies annexées révélant le caractère insalubre des sanitaires et locaux concernés.

De surcroît, M. [H] verse aux débats diverses relances émanant de syndicats auprès de la société TRA et du CHST notamment en date du 9 octobre 2017, le cas de M. [H] étant évoqué dans ce courrier pour mettre en exergue l'absence de sanitaires et de points d'eau aux terminus du réseau TRA/TRANSDEV, une telle situation étant susceptible de générer des risques graves pour la santé des salariés.

De même, par courrier du 6 novembre 2017, le syndicat UNSA Transport a relevé l'absence de point d'eau conforme aux normes d'hygiène, un réel problème se présentant aux salariés souhaitant utiliser les sanitaires, de sorte que le syndicat sollicitait une enquête du CHSCT accompagné d'un délégué du personnel et d'un cabinet d'expertise.

Enfin, il est produit aux débats un rapport d'expertise établi par le CHSCT au mois de juillet 2013, dont il résulte que :

- 50% des temps prescrits sont au-delà de la possibilité théorique mesurée, les retards par rapport au travail prescrit pouvant être bien plus importants pour les montées/descentes des heures de pointe, ceux-ci se répercutant sur les montées suivantes, le CHSCT soulignant que les retards accumulés avaient une double conséquence sur la fatigue et les risques de pathologie professionnelle, notamment de rétention urinaire ;

- l'activité de conducteur engendre des périodes où il est impossible de choisir l'instant où l'on peut uriner et donc satisfaire un besoin primaire non contrôlé, le CHSCT attirant l'attention de l'employeur sur l'absence de toilettes en de nombreux terminus au regard des risques encourus et sur le fait que les conducteurs se mettent en danger notamment lorsqu'ils sont en retard sur leur radar et n'ont pas le temps de s'arrêter ;

- de nombreux conducteurs ont évoqué le sentiment d'une déhumanisation au travail lié à certaines situations 'on est comme des chiens', 'on urine sur les roues des bus' ;

et dont l'une des préconisations reposait sur la création d'espaces de repos avec toilettes aux terminus qui en sont dépourvus.

Or, la cour relève que la société TRA ne justifie pas avoir répondu à ces préconisations dans la mesure où il résulte de la liste des toilettes qu'elle communique, que sur 24 terminus, il subsiste 10 terminus non équipés.

S'agissant du temps de parcours et du retard imputé à M. [H], la cour relève que le courriel communiqué à l'employeur sur un prétendu contrôle est anonyme et n'est corroboré par aucun élément objectif, aucun radar ou tout autre élément de contrôle n'étant produit aux débats, de sorte que les horaires et retards allégués ne sont pas justifiés.

Le courrier du 6 novembre 2017 du syndicat UNSA Transport a souligné le caractère irréaliste des temps de parcours de la ligne 642, au regard dun nombre d'arrêts (48) d'une gare à une autre, et du temps accordé pour effectuer le trajet, soit 55 minutes, le syndicat soulignant que même en effectuant ledit parcours en voiture sans arrêt, il fallait compter au minimum une heure de trajet.

M. [H] communique également les temps de trajet de différents itinéraires effectués en voiture sans arrêt entre la gare de [Localité 10] et de [Localité 5] [Localité 6] avec un départ à 16h30 dont il résulte les temps de trajet suivants;

- 39 minutes, pour l'itinéraire le plus rapide ;

- 52 minutes pour le plus direct ;

- 42 minutes pour celui comportant le moins de kilomètres ;

de sorte que le temps de parcours imposé au salarié, soit 55 minutes constituait une source de retard objective et rendait impossible toute pause de 28 minutes telle que préconisée par la direction.

S'agissant de l'absence d'appel au PC radio, la cour relève que si l'article 11 requiert de respecter les itinéraires fixés sans se dévier pour leurs propres besoins, sauf en cas d'incident après information du PC radio, aucun appel préalable n'est requis en cas d'abandon du véhicule justifié par l'urgence.

En outre, pour justifier de l'absence d'appel préalable de M. [H], la société TRA produit un extrait du relevé des appels PC, comportant un appel de M. [H] du 22 décembre 2016 à l'exclusion de toute autre mention, ce qui paraît peu crédible avec le fait que M. [H] n'était pas le seul employé de la société TRA et qu'il est peu probable qu'en l'espace de 7 mois aucun appel n'ait eu lieu auprès de ce service quelqu'en soit la raison.

S'agissant de la mise en danger des usagers de la route ou des piétons, la cour a relevé précédemment que le bus ne suscitait aucune gêne sur la voie de circulation automobile mais qu'en revanche, son stationnement sur le trottoir empêchait les piétons de passer.

Cependant, la durée du stationnement du bus n'est établie par aucune des pièces produites, de sorte que le caractère momentané de la gêne occasionnée ne justifie ni la désorganisation du service, ni le comportement accidentogène invoqués par l'employeur.

La cour observe enfin que les avertissements notifiés au salarié sont sans rapport avec l'objet du licenciement et que par ailleurs, la société TRA s'abstient de communiquer le procès-verbal dressé à l'issue de la réunion du conseil de discipline, en dépit des demandes réitérées du salarié.

En définitive, au vu de l'ensemble des éléments précités, la cour retient que la société TRA échoue dans l'administration de la preuve d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables à M. [H] constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessitait son départ immédiat sans indemnité. Pas plus n'est justifiée une cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [H].

Dans ces conditions, la cour requalifie la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire fondée sur la procédure irrégulière.

Sur les conséquences financières du licenciement :

Sur les conséquences afférentes à l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel de salaire au titre de la prime de fin d'année 2017 :

M. [H] sollicite le paiement d'une somme de 1 595,86 euros au titre de la prime de fin d'année 2017. Il expose que son contrat de travail prévoyait son versement, qu'il a bien perçu celle-ci les années précédentes et qu'il n'a perçu qu'un acompte au mois de juin 2017.

Il soutient que son licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il ne doit pas en subir les conséquences et que dès lors, sa prime de fin d'année aurait dû s'élever à la somme de 2 171,55 euros composée de son salaire de base majoré de la prime de transport, sur laquelle s'impute l'acompte versé au mois de juin 2017, soit un solde restant dû par l'employeur de 1 595,86 euros.

La société TRA s'oppose à la demande faisant valoir le bien fondé du licenciement.

Aux termes de l'article L. 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite, l'article L. 1331-1 du même code définissant la sanction comme toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En l'espèce, le contrat de travail prévoit l'octroi d'une prime de fin d'année, due au prorata du temps de présence, sous la double condition d'une présence dans la société antérieure au 30 juin de l'année concernée et le 5 décembre de l'année concernée.

M. [H] a été licencié le 16 octobre 2017 et justifie d'une présence avant le 30 juin 2017 et le 5 décembre 2017, préavis inclus.

Il résulte des bulletins de paie versés aux débats que M. [H] a perçu une somme de 1 581,62 euros au mois de décembre 2016 au titre de la prime de fin d'année (PFA) due pour la période du 1er novembre 2015 au 31 octobre 2016 et qu'il a perçu à ce titre au mois de juin 2017 la somme de 575,69 euros à titre d'acompte sur PFA.

En conséquence, la cour condamne la société TRA à verser à M. [H] la somme de 1 534,86 euros au titre du solde restant dû sur la prime de fin d'année 2017 et infirme le jugement quant au quantum alloué de ce chef au salarié.

Sur les dommages et intérêts pour l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail :

M. [H] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 1 000 euros pour l'exécution de mauvaise foi par l'employeur du contrat de travail résultant des manquements de l'employeur à ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité en ne mettant pas à disposition de ses salariés en nombre suffisant et dans des conditions d'hygiène normales des cabinets d'aisance. Il soutient que la société TRA ne respecte pas ses obligations en la matière et n'hésite pourtant pas à sanctionner les salariés qui se cherchent des solutions alternatives afin de pouvoir soulager dignement leurs besoins physiologiques.

La société TRA s'oppose à la demande en invoquant l'absence d'élément afférent à un quelconque préjudice.

Il résulte des dispositions conjuguées des articles 1104 du code civil et L. 1221-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par les parties au contrat.

En l'espèce, la cour a retenu à l'encontre de la société TRA les manquements liés au défaut de mise à disposition des salariés de sanitaires et les difficultés pour ces derniers de bénéficier de leur temps de pause au regard du rythme imposé pour l'accomplissement de leurs fonctions.

En outre, le courrier du 9 octobre 2017 adressé par les représentants du personnel au CHSCT pour l'alerter d'une situation extrêmement grave sur le non respect du salarié en matière d'hygiène, relatait que le conducteur receveur concerné, en l'occurrence M. [H], avait été pris d'une extrême douleur au ventre, qu'il avait appelé le PC radio, pour se rendre aux toilettes les plus proches, que sans retour du PC, il avait garé le bus du mieux qu'il le pouvait et qu'il était arrivé trop tard et 'fait un peu dans son pantalon'.

Dans ces conditions, la cour confirme le jugement en ce qu'il a alloué de ce chef à M. [H] la somme de 1 000 euros, suffisant à réparer le préjudice subi par le salarié et inhérent à l'absence de mise à disposition de sanitaires salubres.

Sur les conséquences afférentes à la rupture du contrat de travail :

M. [H] sollicite la fixation de son salaire de référence à la somme de 2 999,40 euros représentant la moyenne des 12 derniers mois de salaire brut, plus favorable que celle des 3 derniers mois égale à 2 707,74 euros. Il indique que le conseil de prud'hommes s'est fondé sur l'attestation Pôle emploi pour le calcul du salaire de référence alors que les bulletins de paie font apparaître un montant différent dans la mesure où l'attestation Pôle emploi mentionne les salaires retenus pour le calcul des cotisations sociales et que l'abattement fiscal est important.

Il fait valoir que s'il a demandé au conseil de prud'hommes que la moyenne des 3 derniers mois soit fixée à 2 707,74 euros c'est uniquement en application de l'article R. 1454-28 3° du code du travail, dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement mais que toutes ses demandes sont calculées sur la base de 2 999,40 euros.

La société TRA s'oppose à la demande et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé à 2 707,74 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire. Elle allègue que M. [H] est irrecevable à solliciter l'infirmation du jugement de ce chef dès lors que celui-ci a fait droit à la demande du salarié à cet égard.

Le salaire de référence correspond à la moyenne des salaires bruts, des primes et bonus compris au cours de l'année écoulée, ou au cours du dernier trimestre selon la moyenne la plus favorable au salarié.

En l'espèce, la cour relève que le conseil de prud'hommes s'est référé à l'attestation Pôle emploi pour calculer la moyenne des 12 derniers mois la plus favorable au salarié pour la fixer à 2 707,74 euros, alors que M. [H] avait sollicité la fixation de la moyenne brute des trois derniers mois de salaires en application de l'article R.1454-28 du travail à ce même montant.

Dans ces conditions, M. [H] est recevable à voir modifier la moyenne retenue par les premiers juges.

La moyenne des douze derniers mois de salaire brut de M. [H] s'établit à la somme de 2 999,40 euros, alors que la moyenne des trois derniers mois s'élève à la somme de 2 707,74 euros.

Dans ces conditions, la cour retient la moyenne la plus favorable au salarié, soit celle des 12 derniers mois et la somme de 2 999,40 euros.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés incidents :

M. [H] sollicite la somme de 5 998,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis représentant 2 mois de salaire, outre celle de 599,88 euros au titre des congés payés incidents.

La société TRA s'oppose à titre principal à la demande et à titre subsidiaire sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

En application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, M. [H] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire, dès lors qu'il justifie d'une ancienneté supérieure à 2 ans.

En conséquence, la société TRA sera condamnée à verser à M. [H] la somme de 5 998,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 599,88 euros au titre des congés payés incidents, le jugement étant infirmé en son quantum.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

M. [H] sollicite la somme de 2 999,40 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

La société TRA s'oppose à titre principal à la demande et à titre subsidiaire sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

En application des dispositions conjuguées des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, en leur version applicable au litige, après 8 mois d'ancienneté, M. [H] peut prétendre à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté et à un tiers de mois de salaire pour les années à partir de 10 ans.

M. [H] justifie d'une ancienneté de 4 ans 1 mois et 20 jours, préavis inclus et peut prétendre à une indemnité légale de licenciement de 3 103,55 euros.

En conséquence, la société TRA sera condamnée à verser à M. [H] une indemnité légale de licenciement d'un montant de 2 999,40 euros, telle que sollicitée par ce dernier, le jugement étant infirmé en son quantum.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. [H] sollicite la somme de 14 997 euros, soit cinq mois de salaire, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir qu'il avait 4 ans d'ancienneté au moment de son licenciement, qu'il s'est inscrit auprès du Pôle emploi et a perçu des allocations représentant la moitié de son salaire, que dans le cadre de ses recherches d'emploi, il a postulé auprès de la RATP à deux reprises sans succès et a dû se résoudre à changer d'orientation professionnelle. Il allègue être resté pendant 16 mois au chômage et avoir enchaîné des contrats de travail temporaires en qualité d'opérateur de production depuis le mois de février 2019 lui assurant un revenu mensuel de 1 500 euros pour un mois complet et qu'il subit une perte de salaire proche de 1 000 euros par mois.

La société TRA s'oppose à la demande et sollicite l'infirmation du jugement et le débouté de la demande du salarié. Elle soutient que M. [H] ne produit, hormis des avis du pôle emploi, aucun élément sur sa situation financière pendant les 16 mois de chômage permettant de corroborer ses allégations et qu'il ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur le préjudice qu'il invoque. Elle réfute les difficultés rencontrées par M. [H] pour retrouver un nouvel emploi alors qu'hormis deux candidatures auprès de la RATP, l'une en fin d'année 2017 et l'autre en fin d'année 2018, il ne verse aucune pièce attestant d'une recherche active mais infructueuse d'emploi au cours des mois qui ont succédé la rupture de son contrat de travail, et ce, alors même qu'il existe un nombre très conséquent d'offres d'emploi de conducteur de voyageurs en région Ile de France proposées par les sites de recrutement, spécialisés ou non dans le transport (Indeed, Adecco, Jobtransport') et par le Pôle emploi. Elle conteste l'écart de salaire invoqué par M. [H].

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, en sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux selon le barême prévu par le texte, soit en l'espèce entre 3 mois et 4 mois pour une ancienneté de 3 ans.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (plus de 10 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H], de son âge à la date du licenciement, soit 28 ans, de son ancienneté au jour du licenciement (3 ans et 11 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle,

M. [H] justifiant de sa prise en charge par Pôle emploi du 1er janvier 2018 au 13 décembre 2018, l'allocation de retour à l'emploi mensuelle moyenne s'élevant à 1 236 euros, de ses recherches d'emploi ainsi que de la précarité de sa situation par les missions de travail temporaires effectuées en 2019 et en 2020 et des avis d'imposition correspondants, la cour condamne la société TRA à payer à M. [H] la somme de 11 997 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, suffisant à réparer son entier préjudice, le jugement étant infirmé en son quantum.

Sur les intérêts :

La cour dit qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit en l'espèce le 27 février 2018 et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

Sur la remise des pièces :

M. [H] sollicite la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir à savoir les bulletins de salaire, l'attestation pôle emploi, le certificat de travail.

La société TRA s'oppose à la demande.

Il sera fait droit à la demande du salarié, laquelle est fondée au regard de la solution du litige et le jugement ayant omis dans son dispositif d'ordonner la remise des pièces qu'il avait prévue dans sa motivation.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, en sa version applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il sera fait application des dispositions qui précèdent à l'encontre de la société TRA dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les mesures accessoires :

La société TRA, partie succombante, est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé quant à la charge des dépens de première instance.

En outre, la société TRA est condamnée en application de l'article 700 du code de procédure civile à indemniser M. [H] des frais irrépétibles non compris dans les dépens, à hauteur de la somme de 2 500 euros, le jugement étant confirmé en ce qu'il a alloué à M. [H] la somme de 1 200 euros à ce titre.

Enfin, la société TRA sera déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le jugement confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande présenté en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la SAS Transports rapides automobiles (TRA) à verser à M. [T] [H] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'exécution de mauvaise foi par l'employeur du contrat de travail, en ce qu'il a ordonné le remboursement par la SAS Transports rapides automobiles (TRA) des indemnités de chômage versées à M. [T] [H] dans la limite de six mois, et en ses dispositions afférentes aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REQUALIFIE le licenciement notifié le 16 octobre 2017 par la SAS Transports rapides automobiles (TRA) à M. [T] [H] pour faute grave, en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS Transports rapides automobiles (TRA) à verser à M. [T] [H] les sommes suivantes :

- 1 534,86 euros au titre du solde restant dû sur la prime de fin d'année 2017 ;

- 5 998,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 599,88 euros au titre des congés payés incidents ;

- 2 999,40 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 11 997 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit en l'espèce le 27 février 2018 et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE la remise des documents sociaux conformes à la présente décision, à savoir les bulletins de salaire, l'attestation pôle emploi et le certificat de travail,

CONDAMNE la SAS Transports rapides automobiles (TRA) à payer M. [T] [H] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS Transports rapides automobiles (TRA) de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SAS Transports rapides automobiles (TRA) aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/11341
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.11341 ?
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