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19/05/2022 | FRANCE | N°19/08741

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 mai 2022, 19/08741


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° 2022/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08741 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOZ3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/05935



APPELANTE



Madame [K] [G]

[Adresse 2]

[LocalitÃ

© 3]



Représentée par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/035135 du 25/07/2019 accordée par le bure...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° 2022/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08741 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOZ3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/05935

APPELANTE

Madame [K] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/035135 du 25/07/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

Association SERVICE SOCIAL BRETON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nelly CAYOT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Manon FONDRIESCHI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [K] [G] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée du 7 janvier 2002 par l'association service social breton qui a pour but d'accueillir les bretons arrivant ou résidant à [Localité 3], de les aider dans leurs besoins d'assistance morale, sociale et médicale, en qualité d'animatrice au foyer d'hébergement de jeunes travailleuses [Adresse 4] à [Localité 3]. Sa rémunération mensuelle brute moyenne était de 1 987,20 euros. Le contrat initialement à temps partiel est devenu à temps plein le 7 août 2008.

Mme [G] a été convoquée par lettre du 4 février 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 février 2015 et reporté au 5 mars 2015.

Par lettre du 12 mars 2015, elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle et pour faute.

L'association service social breton occupe à titre habituel au moins onze salariés et elle applique la convention collective nationale des foyers de jeunes travailleurs.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, le 20 mai 2015 Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 14 juin 2019 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

- débouté Mme [G] de l'intégralité de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que Mme [G] conservera la charge des dépens.

Mme [G] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 31 juillet 2019.

Par conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 2 mars 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé l'avertissement du 31 octobre 2013 comme étant justifié ;

et statuant à nouveau sur les chefs incriminés,

- annuler l'avertissement du 31 octobre 2013 ;

- juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'association intimée à lui verser les sommes suivantes :

* 47 692,80 à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision ainsi que la prise en charge des éventuels dépens par l'association intimée.

Par conclusions transmises et notifiées par RPVA le 29 septembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'association service social breton demande à la cour de :

- constater que l'avertissement du 31 octobre 2013 est bien fondé ;

- constater que le licenciement de Mme [G] est justifié et repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [G] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [G] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2021.

MOTIVATION

Sur l'avertissement

Mme [G] soutient que l'avertissement qui lui a été notifié le 31 octobre 2013 n'était pas fondé et elle en demande l'annulation. Elle ajoute que les faits qui se sont produits le 20 juin 2013 étaient prescrits au jour de sa convocation à un entretien préalable qui s'est tenu le 23 octobre 2013.

L'association fait valoir que les faits reprochés à la salariée sont établis et qu'ils justifiaient un avertissement. Elle soutient que les faits n'étaient pas prescrits au regard de la date à laquelle elle en a eu connaissance.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

L'avertissement du 31 octobre 2013 est fondé sur le fait que Mme [G] aurait usé de pressions et de manoeuvres pour obtenir d'un agent d'acceuil et d'une résidente des témoignages '(...) qui ne reflétaient pas la réalité et qui n'avaient pour seul objectif que de mettre en difficulté(...)' un collègue M. [N] [A]. Il est donc reproché à la salariée d'avoir frauduleusement obtenu au sujet de faits survenus le 20 juin 2013 deux témoignages auprès de tiers ayant un lien avec l'association et les termes de l'avertissement ne visent donc pas les faits en eux-mêmes du 20 juin 2013.

Mme [G] produit les deux témoignages visés à l'avertissement qui sont en réalité deux courriers, celui dactylographié de Mme [X] daté du 28 juin 2013 qui relate des faits qui se sont déroulés selon elle le 20 juin 2013 et qui mettent en cause le comportement de M. [N] [A] à l'égard de Mme [G], et un courrier manuscrit de M. [J] [Y] daté du 25 juin 2013 au sujet d'un incident à l'encontre de Mme [K] [G] causé par un certain [N]. L'association fait valoir qu'elle a eu connaissance de l'intervention de Mme [G] auprès des deux auteurs des courriers en recevant un courrier de M. [Y] daté du 8 septembre 2013 qui est produit aux débats et aux termes duquel ce dernier revient sur ses déclarations du 25 juin 2013 qu'il a rédigé selon lui '(...) sous l'initiative mensongère et manipulatrice de Mme [K] [G] (...)'. Il est établi que suite à ce courrier, la salariée a été convoquée, à une date non déterminée, à un entretien qui s'est tenu le 23 octobre 2013.

Au regard de la date de l'entretien - à défaut de la date de convocation qui n'est pas établie ni même précisée - et sur la base du courrier de M. [Y] du 8 septembre 2013 qui détermine la date de la connaissance des faits par l'association, les faits reprochés à la salariée n'étaient donc pas prescrits au jour de la sanction.

Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, à l'appui de cet avertissement, l'association fait état, outre les trois courriers déjà cités des éléments suivants :

- le compte rendu de l'entretien préalable du 23 octobre 2013 produit par Mme [G] qui n'est signé d'aucune des parties et qui fait état de l'audition des deux personnes visées par l'avertissement sans aucun compte rendu ni pièce établissant leurs déclarations ;

- un courrier de Mme [T] [M] sans aucun élément circonstancié permettant de déterminer des faits précis ;

- la copie d'un courrier, produit sous le numéro C5, émanant de trois résidentes qui de façon collective reprennent des propos de Mme [G] sans évoquer Mme [X] et M. [Y].

Les éléments produits n'établissent pas que Mme [G] a usé de pressions et de manoeuvres, dont la nature et les ciconstances ne sont pas énoncées, pour obtenir d'un agent d'acceuil et d'une résidente de fausses déclarations. Il en résulte que les faits reprochés à Mme [G] ne sont donc pas établis par les pièces produites par l'association et il convient d'annuler l'avertissement du 31 octobre 2013. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 12 mars 2015, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

« Madame,

Vous avez été régulièrement convoquée à un entretien préalable Faisant droit à une demande de votre part, la date de cet entretien a été reportée à une date qui a été portée à votre connaissance.

Par suite, vous n'avez pas cru devoir vous rendre à cet entretien préalable.

Après un examen complet de la situation, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour plusieurs motifs d'ordre personnel.

En dépit de votre ancienneté de services, nous avons été amenés depuis quelques années à constater un niveau de prestations de qualité médiocre et un comportement inapproprié en votre qualité d'animatrice que ce soit à l'égard de vos collègues mais aussi et c'est plus grave à l'égard des résidentes.

Nous avons été conduits à vous signaler cet état de fait à plusieurs reprises et à vous mettre en garde si vous deviez persister dans un tel comportement.

A l'occasion d'un entretien annuel professionnel le 5 novembre 2012, nous vous avons précisé vos axes prioritaires d'amélioration à savoir :

- Mieux utiliser les outils mis en place : les fiches techniques d'animation, le suivi social'

- Apporter des restitutions écrites du travail effectué pour émettre une évaluation professionnelle

- Adopter un comportement plus professionnel avec les résidentes

- Ne pas perturber les services et le travail des collègues

Dans les mois qui ont suivi, nous n'avons constaté aucune amélioration notable de votre part.

Bien plus, vous avez été l'objet d'un avertissement par LRAR du 31 octobre 2013.

Compte tenu de cette situation, vous ne pouviez pas ignorer que notre Association attendait de votre part que vous fassiez les efforts nécessaires et que vous opériez un redressement rapide de votre comportement afin de vous inscrire dans une logique de collaboration efficace et respectueuse de votre entourage professionnel.

Force est de constater qu'il n'en a rien été.

D'une part, nous sommes contraintes de relever à votre encontre une insuffisance professionnelle persistante établie à partir d'éléments qui vous sont strictement imputables.

Soucieux de mieux encadrer votre travail, nous avons fait avec vous un bilan de votre activité professionnelle lors d'un entretien annuel professionnel qui a eu lieu le 23 octobre 2014.

A cette occasion, le constat a été fait d'une prestation de travail bien en-deçà de ce que nous étions en droit d'attendre de vous.

Nous avons alors fait le choix de définir avec vous des missions à court terme. Soit sur environ trois mois.

Une fois encore, le résultat est aujourd'hui bien inférieur à nos attentes légitimes.

D'abord, constatant votre inertie à assurer le suivi d'une résidente pour sa sortie du foyer, nous avons été contraints de confier cette mission à un de vos collègues.

S'agissant ensuite de la mission consistant à organiser une animation de qualité, il est apparu que votre seule et unique proposition est arrivée tardivement et devenait inopportune puisque vous-même n'étiez pas en mesure de l'assurer en raison de vos propres congés ce qui est l'illustration d'une absence totale d'anticipation de votre part.

Persistant dans une abstention totale, vous n'avez strictement remis aucun rapport d'activité, ni même commencé à manifester le moindre intérêt pour cette mission dont pourtant vous ne pouvez pas ignorer l'importance dans le cadre de l'acticité qui est la nôtre. C'est ainsi que nous ne disposons de votre part d'aucun bilan écrit des actions que vous avez menées envers les jeunes résidents depuis janvier 2014.

Vous n'avez pas été en mesure de mettre à jour le tableau de contrôle, lequel pourtant ne nécessite aucune compétence technique particulière.

Vous n'avez pas non plus été en mesure de conseiller utilement et efficacement des résidentes pour la constitution de leur « dossier CAF » ou « dossier APL » lesquels pourtant ne présentaient pas de difficultés particulières.

Plus généralement, il est désormais acquis que vous n'étiez pas en mesure de participer utilement au projet social de l'Association en raison de votre incapacité récurrente et permanente à assurer un accompagnement rigoureux et efficace des résidentes dans leur démarche d'accès à l'autonomie.

Au total votre insuffisance professionnelle est établie.

D'autre part, nous vous reprochons un comportement fautif réitéré et persistant à l'égard de vos collègues et surtout des résidentes.

L'avertissement du 31 octobre 2013 portait déjà sur des dérives de comportement.

Lors de l'entretien d'évaluation du 23 octobre 2014, nous avions eu à déplorer la persistance de votre part à ne pas adopter une nécessaire distance avec les résidentes et à entretenir des relations interférant abusivement dans la sphère privée et intime de ces dernières.

C'est pourquoi l'accent avait été mis sur l' impérieuse nécessité pour vous de faire les efforts nécessaires et de démontrer à court terme que vous étiez capable d'adopter un comportement professionnel et rigoureux conforme à l'éthique du travailleur social, tout en demeurant à l'écoute des résidentes.

Malheureusement, vous avez continué à entretenir des relations non conformes à ladite éthique avec des résidentes, lesquelles se sont plaintes de votre comportement qui a jeté un trouble certain.

D'autre part, il est devenu notoire au sein du foyer que vous êtes l'instigatrice de nombreux incidents avec vos collègues, dénigrant les uns, provoquant les autres, et perturbant le travail d'autres encore.

Les plaintes de collègues à votre encontre se sont multipliées.

La situation est devenue telle qu'une tension, dont vous êtes la seule responsable, est désormais perceptible et a pour effet de perturber le bon fonctionnement de notre foyer, tout sujet, toute discussion avec vous prenant une ampleur injustifiée et démesurée.

En conclusion, nous vous reprochons un comportement fautif qui se traduit par un défaut patent de professionnalisme à l'égard des résidentes et par une totale absence de respect vis-à-vis de vos collègues et de leur travail au sein du foyer.

Enfin, nous vous faisons grief de faire preuve de façon récurrente d'intempérance.

Confrontées à cet état dont elles subissent directement les conséquences, les résidentes ont été choquées et des plaintes sont remontées à la Direction

Un tel comportement est en effet inacceptable en votre qualité d'animatrice en charge d'un public fragile et souvent démuni.

Vos collègues de travail ont également à se plaindre de votre intempérance répétée qui a une incidence directe sur votre travail contraignant souvent ces derniers à intervenir en vos lieu et place pour faire face aux exigences du métier.

Au total, votre comportement d'intempérance porte une atteinte grave au sérieux et à la rigueur de notre Association et a pour effet d'entrainer de fortes perturbations tant parmi le personnel que parmi les résidentes.

En conclusion, nous considérons que votre maintien au sein de notre Association est devenu impossible. C'est pourquoi, le présent licenciement vous est notifié

La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de deux mois.

Nous vous dispensons de l'exécution de ce denier avec le bénéfice de l'indemnité compensatrice versée aux échéances habituelles du salaire (') ».

Mme [G] fait valoir :

- qu'elle disposait des diplômes et des compétences nécessaires pour exercer ses fonctions;

- que son entretien professionnel de 2011 fait mention de son professionalisme ;

- qu'elle a fait des propositions au début de l'année 2015 que l'association a annulées, que l'association lui a retiré ses permanences et sa participation aux réunions socio éducatives;

- qu'elle a perçu en septembre 2014 une prime justifiant de son investissement ;

- que le compte rendu d'entretien professionnel de 2014 n'est signé d'aucune des parties et n'a donc pas de valeur probante ;

- qu'elle a sollicité des formations qui ne lui ont jamais été proposées ;

- qu'elle a effectué un suivi satisfaisant ;

- que deux courriels ne caractérisent pas une insuffisance professionnelle ;

- qu'elle n'est pas intervenue dans le dossier de Mme [V] et de Mme [C] ;

- qu'elle produit des attestations de salariés de l'association ainsi que de résidentes qui confirment la qualité de son travail ;

- que les faits évoqués par Mme [F] étaient prescrits ;

- qu'elle conteste avoir consommé de l'alcool sur son lieu de travail.

L'association service social breton répond que :

- elle justifie de l'insuffisance professionnelle persistante de Mme [G] depuis 2012 qui a été constatée lors des entretiens de 2012 et 2014 ;

- Mme [G] a toujours refusé les formations qualifiantes et les remises à niveau ;

- la prime exceptionnelle a été versée à l'ensemble des salariés au mois de septembre 2014 en raison du surcroît d'activité ;

- la salariée ne fournissait pas le bilan de ses activités et le nombre de ses suivis était inférieur à celui de ses collègues ;

- elle a commis une erreur dans le dossier de Mme [V] et dans celui de Mme [C] ;

- elle a commis une erreur dans le dossier de Mme [I] en n'étant pas à son écoute ;

- elle a manqué de réserve et de confidentialité dans le dossier de Mme [U], en utilisant le terme de 'cassos' au sujet de résidentes ;

- les faits ne se sont pas prescrits dès lors que le comportement de la salariée s'est poursuivi ou a été réitéré ;

- elle produit plusieurs attestations établissant les problèmes d'intempérance de Mme [G] et son comportement s'est poursuivi dans le temps ;

- elle a été remplacée dans ses fonctions.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué. L'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié. L'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute.

Sur l'insuffisance professionnelle

L'association produit les éléments suivants :

- les comptes rendus d'entretien professionnel du 5 novembre 2011 et du 23 octobre 2014 qui ne sont pas signés par les parties et qui ne peuvent donc avoir une valeur probante quant aux griefs adressés à la salariée, quant à ses remarques et au fait qu'elle en ait eu connaissance ;

- le courrier de Mme [E] [U] du 24 octobre 2014 qui se plaint de ce que Mme [G] ne l'aurait pas bien renseignée dans un dossier à déposer auprès de la caisse d'allocations familiales et de ce qu'elle aurait divulgué auprès d'autres personnes des informations sur sa situation administrative ;

- deux mails de l'association l'un au sujet du premier trimestre 2015 ne faisant état que d'une demande de compte rendu dans un 'brédéa', et le second du 21 janvier 2015 demandant à Mme [G] de remettre un dossier Caf à [D] et les remerciements le 21 janvier 2015 de [D] à Mme [G] au sujet de ce dossier ;

- un extrait du progiciel de 'brédéa' du suivi des résidentes qui n'est accompagné d'aucun document pour justifier de l'utilisation et de l'utilité de ce logiciel ;

- un courrier du service social breton du 9 avril 2015 accompagné de mails de M. [A] qui démontrent une difficulté dans le dossier de Mme [V], l'attestation de Mme [V] déclarant que Mme [G] était chargée de son dossier jusqu'à son départ en mai 2015 et un mail au sujet du dossier de Mme [C] qui n'a pas bénéficié d'une aide au logement sans que le lien avec Mme [G] ne soit établi.

Aucun élément n'est produit concernant le fait que le suivi d'une résidente a été confié à l'un de ses collègues, le fait que sa proposition d'animation est devenue inopportune en raison de ses congés, le défaut de remise de rapport d'activité et du bilan des actions menées qui sont autant de faits énoncés à la lettre de licenciement.

Il ressort de ces éléments rassemblant quelques faits non significatifs sur la durée de l'emploi de Mme [G] sans mise en perspective avec le nombre de résidents suivis que l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n'est pas établie de même qu'il n'est pas établi que la salariée a été mise en mesure d'accomplir convenablement ses fonctions. Il est précisé que l'association ne produit aucun élément justifiant du refus de la salariée de suivre une formation.

Sur son comportement fautif et persistant à l'égard de ses collègues et des résidentes

L'association produit un ensemble de courriers intitulés 'attestation de témoignages' datés du 14 octobre 2014 puis du 5 et 21 janvier 2015 faisant état pour le courrier de Mme [B] de faits datés du 21 janvier 2015.

En application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail déjà cité, les fais visés du fait de leur réitération pour les plus anciens n'étaient donc pas prescrits au jour de la convocation du 4 février 2015.

L'association fait valoir l'avertissement du 31 octobre 2013 qui étant annulé par la présente décision doit être écarté. Elle s'appuie également sur les entretiens d'évaluation professionnelle de 2012 et 2014 dont il a déjà été souligné que n'étant pas signés, ils étaient dénués de valeur probante.

Elle s'appuie sur les courriers de Mme [I] et de Mme [U] qui font état d'un manque de réserve de Mme [G] et de son comportement inadapté sans élément circonstancié. Sous la pièce C 5, il est produit un courrier de trois résidentes qui ne peut être retenu comme valant le témoignage d'une seule personne à défaut d'en attribuer la rédaction. Le courrier de Mme [W] du 31 octobre 2014 est général et non circonstancié de même que celui de Mme [P] du 14 novembre 2014 et ceux de Mme [O] et [L].

L'association produit aussi un échange de mails du 14 janvier 2015 au sujet d'une 'galette' qui ne révèle rien à la charge de Mme [G], un courrier dactylographié de Mme [H] [B], autre salariée chargée de l'accueil, qui dresse la liste de tous les aspects du comportement de Mme [G] qui l'exaspèrent sans indiquer en avoir fait part à la salariée ou à la hiérarchie et sans dater les faits.

Elle produit également le courrier dactylographié de Mme [I] du 12 février 2015 reprochant à Mme [G] de ne pas l'avoir écoutée, d'avoir mal rempli un dossier administratif et d'avoir voulu s'attribuer un mérite qui ne lui revenait pas ainsi que le courrier de Mme [Z] [L] du 26 février 2015 qui se plaint de ce que Mme [G] s'est vantée de sa situation financière, de ce qu'elle lui avait fait des confidences inapropriées et du fait qu'elle a désigné des résidentes du vocable 'cassos'. Ces deux écrits établissent que ces résidentes n'étaient pas satisfaites du comportement de Mme [G] sans qu'il soit établi le bien fondé de ces déclarations au regard des tâches à accomplir par la salariée. Les autres courriers produits ne font pas état de circonstances précises permettant de rapporter une preuve contraire.

Il est également reproché au travers de l'attestation de M. [A] au sujet de l'intervention d'un technicien de la société free des faits qui sont qualifiés de violents par le témoin sans que les éléments de cette violence soient précisés. Il est aussi fait état d'une main courante du 4 mars 2015 de Mme [F], directrice de l'association, qui déclare qu'un homme l'a suivi et qu'elle soupçonne Mme [G] d'avoir été en lien avec cette intimidation et il convient de relever que cette déclaration n'est étayée par aucun élément imputable à la salariée.

Il ressort de ces éléments que l'attitude et le comportement de la salariée nétaient pas appréciés de certaines résidentes et de certains de ses collègues mais ils sont insuffisants à établir la réalité d'un comportement fautif à l'égard de ses collègues et des résidentes justifiant cette désapprobation.

Sur une intempérance récurrente

Mme [G] conteste les faits d'intempérance qui lui sont reprochés aux termes de la lettre de licenciement et pour lesquels l'association produit les 'attestations de témoignage' déjà cités, sous les pièces C désignées comme pièces relatives au litige et qui sont rédigées de façon générale et non circonstanciée ne permettant pas à la salariée d'apporter une preuve contraire. Par ailleurs, il convient de souligner que ce grief dont l'association relève qu'il se manifestait de façon récurrente n'a jamais été signalé à la salariée et n'a jamais conduit à un rendez-vous avec la médecine du travail.

Ce grief qui n'est pas établi ne peut davantage être retenu.

Les faits énoncés à la lettre de licenciement n'étant pas établis, le licenciement de Mme [G] est dénué de cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les demandes liées au licenciement

Sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, Mme [G] sollicite la condamnation de l'association à lui payer une indemnité d'un montant de 47 692,80 euros.

L'association service social breton soutient que la moyenne des salaires de Mme [G] sur la dernière année était de 1 990,05 euros et que la salariée a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 9 530,75 euros supérieure à l'indemnité conventionnelle de 8 844,64 euros. Elle soutient que Mme [G] ne rapporte pas la preuve du préjudice dont elle demande réparation dans la mesure où elle justifie de sa prise en charge par Pôle emploi jusqu'au mois de février 2017.

En application des dispositions applicables de l'article L. 1235-3 du code du travail, au regard de l'âge de la salariée née en 1963, des justificatifs de Pôle emploi produits jusqu'au 31 juillet 2017, sur la base du salaire retenu de 1 990 euros, il convient de condamner l'association à payer à Mme [G] une indemnité d'un montant de 26 000 euros. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

Sur le remboursement à Pôle emploi

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par l'association service social breton à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [G] du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite d'un mois d'indemnité.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d'ordonner à l'association service social breton de remettre à Mme [G] une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu d'assortir cette disposition d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'association service social breton sera condamnée au paiement des dépens. Elle sera condamnée à payer à Mme [G] une indemnité d'un montant de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition

INFIRME le jugement,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE l'avertissement du 31 octobre 2013,

DIT le licenciement de Mme [K] [G] sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l'association service social breton à payer à Mme [K] [G] :

- 26 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt ;

ORDONNE le remboursement par l'association service social breton à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [K] [G] du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite d'un mois d'indemnités,

ORDONNE à l'association service social breton de remettre à Mme [K] [G] une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraire,

CONDAMNE l'association service social breton aux dépens.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/08741
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.08741 ?
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