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19/05/2022 | FRANCE | N°19/08120

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 mai 2022, 19/08120


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° 2022/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08120 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAL4X



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 18/00147





APPELANTE



La Société LORIMMO venant aux droits de la Société AGENCE DE LA MAIRIE (SAMM)>
[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Jean-Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0672



INTIMEE



Madame [D] [K] NÉE [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° 2022/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08120 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAL4X

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 18/00147

APPELANTE

La Société LORIMMO venant aux droits de la Société AGENCE DE LA MAIRIE (SAMM)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0672

INTIMEE

Madame [D] [K] NÉE [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le 07 Janvier 1963 à

Représentée par Me Marie WATREMEZ-DUFOUR, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Décembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HERVIER, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Manon FONDRIESCHI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de professionnalisation conclu pour la période du 5 novembre 2007 au 26 septembre 2008, Mme [D] [T] épouse [K] a été engagée par la société Agence de la mairie en qualité de négociatrice en immobilier. Elle a ensuite été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er octobre 2008 en qualité de négociatrice en immobilier VRP sur l'agence de [Localité 5]. Par avenant du 1er avril 2013, elle a été promue aux fonctions de directrice de l'agence de [Localité 4].

Par courrier recommandé du 8 septembre 2017, Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 septembre 2017 puis s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier adressé sous la même forme le 22 septembre 2017 avec dispense d'exécution de son préavis, l'employeur lui reprochant en substance un non respect des directives, une absence de motivation, un comportement irrespectueux envers les clients et lui-même et inapproprié envers ses collaborateurs.

La convention collective nationale applicable à la relation de travail est celle de l'immobilier. La société Agence de la mairie employait moins de 11 salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes par requête reçue au greffe le 26 février 2018 afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail. Par jugement du 25 juin 2019 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes, section encadrement, a :

- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Agence de la mairie à verser à Mme [T] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 14/03/2018 :

* 12 491,44 euros au titre de rappel de 13ème mois,

* 21 797 euros au titre du rappel de droit de suite,

- rappelé l'exécution provisoire de droit et fixé la moyenne de salaire à la somme de 7 430,15 euros brut,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Agence de la mairie de remettre à Mme [T] une attestation Pôle Emploi, un certificat de solde de tout compte et un bulletin de salaire rectifiés,

- prononcé l'exécution provisoire en vertu de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté Mme [T] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Agence de la mairie aux entiers dépens.

La SARL Agence de la mairie a régulièrement relevé appel du jugement le 17 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante n°4, transmises par voie électronique le 15 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l`article 455 du code de procédure civile, la société Lorimmo venant aux droits de la société Agence de la mairie suite à une transmission unique de patrimoine, prie la cour de :

Sur l'appel principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [T] la somme de 12 491,44 euros au titre du rappel de 13 ème mois, seule la somme de 2 024,17 euros étant due,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Agence de la mairie à payer à Mme [T] la somme de 21 797 euros au titre du rappel de droit de suite, seule la somme de 6 555 euros étant due,

Sur l'appel incident de Mme [T] :

- l'en débouter et confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé et a débouté Mme [T] du surplus de ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner Mme [T] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée n° 5, transmises par voie électronique le 6 septembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l`article 455 du code de procédure civile, Mme [T] prie la cour de :

- constater qu'elle percevait un salaire moyen de 8 594,77 euros correspondant à la moyenne des 3 derniers mois de salaire de septembre à novembre 2017 et que la société Lorimmo vient aux droits de la Société Agence de la Mairie de Mennecy,

- confirmer le jugement et condamner la société Lorimmo venant aux droits de la société Agence de la Mairie à lui payer les sommes suivantes :

* 21 797 euros à titre de rappel du droit de suite avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2018, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation

* 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer sur le surplus et juger que son licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Lorimmo venant aux droits de la société Agence de la mairie à lui payer les sommes suivantes :

* 178 000 euros de dommages intérêts pour licenciement abusif,

* 17 298,04 euros à titre de rappel de 13ème mois,

* 6 750 euros au titre des primes de tutorat,

* 25 000 euros de dommages intérêts pour manquement de l'employeur à son

obligation de formation,

* 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Lorimmo venant aux droits de la société Agence de la mairie aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 novembre 2021.

MOTIVATION :

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le bien-fondé du licenciement :

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

' ['] il vous est ainsi reproché :

- un non-respect des directives contractuelles

Ainsi, il est apparu que vous ne respectez pas les directives que je vous donnais concernant la gestion des exclusivités (vous avez décidé de ne pas activer les exclusivités et de les enregistrer en mandat simple pour pouvoir les proposer d'abord à vos clients de [Localité 4] et ne pas être proposés aux deux autres agences du groupe).

Vous faisiez fi par ailleurs :

de la collaboration entre agences du groupe (en décidant de n'envoyer aucun mail aux autres agences du groupe pour les prévenir des nouveaux mandats de vente rentrés (ce qui est contraire aux directives données),

des directives données concernant l'organisation de l'agence (vous avez refusé de rédiger la liste de clés contrairement à ce que je vous avais demandé), photocopies des diagnostics idem vous avez continué à en faire malgré mes demandes).

Une telle attitude est totalement inadmissible de la part de responsable d'agence et est particulièrement dommageable pour l'entreprise, au vu des fonctions occupées et de la confiance que je vous témoignais jusqu'alors.

- Une absence de motivation, un comportement irrespectueux et un individualisme incompatible avec le poste de responsable d'agence'

votre attitude anti professionnelle, qui m'était cachée jusqu'alors apparaît être à l'origine du départ de Mme [S] et de l'arrêt maladie de Mme [Z]. Ce n'est absolument pas concevable et je ne peux que condamner vos méthodes de management non conformes aux valeurs de l'entreprise et la mauvaise ambiance au travail au sein de l'équipe en découlant. Les collaborateurs attachés à l'agence se sont de plus plaints de votre individualisme, de votre désinvolture et de votre désintérêt vis-à-vis de l'agence, ce qui a eu pour conséquence de dégrader les conditions de travail de votre équipe, avec des répercussions sur leurs états physiques et psychologiques'

- une attitude irrespectueuse vis-à-vis des clients (retard incessant et rarement prévenu' non-réponse à leurs demandes de sorte que bon nombre ne veulent plus traiter avec vous allant jusqu'à démandater l'agence (Monsieur et Madame [A], Monsieur [C], Monsieur [M])

- un dénigrement de la société et de moi-même auprès des salariés, des clients et des partenaires' ce qui est pour le moins désagréable à apprendre et à entendre'et ce alors que vous ne m'avez jamais jusqu'alors fait part de difficultés'

Ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et lors de notre entretien du 19 septembre 2017, vous n'avez pas fourni d'explication maintenant à reconsidérer la décision que je projetais de prendre. ['] »

Il ressort de ce courrier que l'employeur forme à l'encontre de Mme [T] une série de reproches reposant sur :

- le non-respect des consignes,

- son comportement inapproprié envers les clients,

- son comportement inapproprié envers ses collaborateurs et ses collègues,

- le dénigrement de l'employeur dont elle fait preuve.

Mme [T] conteste l'intégralité des faits qui lui sont reprochés et conclut au débouté.

S'agissant en premier lieu du non-respect des consignes, l'employeur verse aux débats des attestations d'autres salariés de l'entreprise qui font état de ce que Mme [T] retardait le moment de faire connaître les mandats exclusifs qu'elle recevait afin d'éviter d'avoir à partager avec les autres agences de l'employeur les commissions sur la vente. La cour observe que ces propos ne sont cependant objectivés par aucun élément précis portant sur les mandats exclusifs concernés et la date à laquelle ils ont effectivement été partagés. Par ailleurs, Mme [K] réfute de son côté ces allégations en soutenant que les mandats étaient enregistrés sur le registre à cet effet et partagés sur le logiciel interne de la société. Par ailleurs, la cour observe qu'il n'est justifié d'aucune consigne quant au partage de chaque mandat de vente. Enfin, s'agissant des listes de clés et du nombre de photocopies, Mme [K] conteste les affirmations de l'employeur et il ressort du compte rendu de l'entretien qui s'est tenu le 4 août 2017 qu'elle s'engage à faire attention sur ce point. La cour ne retient donc pas que cette première série de griefs est établie.

S'agissant en second lieu du comportement inapproprié de Mme [T] avec les clients, la cour relève que les attestations sur lesquelles s'appuie l'employeur restent vagues sur les faits, aucune des collaboratrices de Mme [T] ne citant de façon circonstanciée le cas de tel ou tel client. Il en est de même s'agissant des attestations de clients faisant état de retards, le caractère volontaire ou résultant d'une démotivation de la salariée n'étant pas établi alors que celle-ci produit de son côté des attestations ou des messages élogieux et fait état, tableaux à l'appui établis par l'employeur, des statistiques de son agence attribuant le meilleur chiffre à l'agence qu'elle dirigeait pour le premier trimestre 2017. La cour ne retient donc pas que les faits sont caractérisés.

S'agissant en troisième lieu du comportement de Mme [T] avec ses collaborateurs et notamment avec Mmes [Z] et [S] qu'elle aurait poussée à la démission et rendue malade pour l'une et dont elle aurait découragé la vocation pour l'autre, la cour relève qu'aucun lien médical n'est justifié entre la dégradation de l'état de santé de Mme [Z] et le comportement de Mme [T] d'autant moins que les échanges de sms communiqués laissent apparaître une relation empreinte de cordialité en mai et juin 2017. Par ailleurs, s'agissant de Mme [S], la cour relève qu'elle travaille finalement pour l'employeur de sorte que son attestation présente une valeur probatoire insuffisante pour caractériser les faits en l'absence d'éléments objectifs venant la corroborer. Enfin, aucune des attestations des apprenties communiquées par l'employeur ne permet de caractériser un comportement répréhensible de Mme [T] par le rapport d'éléments de faits précis et circonstanciés. La cour ne retient donc pas cette troisième série de faits.

S'agissant en quatrième lieu du dénigrement de l'employeur auquel se serait livré Mme [T], la cour relève que là encore, les attestations communiquées ne sont ni précises ni circonstanciées et ne suffisent pas à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Au vu de ce qui précède, la cour considère que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Employée dans une entreprise comprenant moins de onze salariés, Mme [T] est fondée à percevoir une indemnité au titre du licenciement abusif en fonction du préjudice subi en application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2017-1987 du 22 septembre 2017. Eu égard à l'âge de la salarié (née en 1963), son ancienneté dans l'entreprise ( près de 10 ans), au montant de sa rémunération, aux circonstances de son licenciement, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure au licenciement, la cour condamne la société Lorimmo à verser à Mme [T] la somme de 40 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice et le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel de 13ème mois :

Mme [T] soutient qu'aucune somme ne lui a été versée au titre du treizième mois jusqu'en janvier 2017 alors que la convention collective prévoit un tel versement et que son contrat en faisait bien mention.

L'employeur conclut au débouté en faisant valoir que la rémunération versée à la salariée comprend le 13ème mois sur les commissions, communiquant une attestation de son expert comptable en ce sens, et reconnait seulement ne pas avoir payé le treizième mois sur le salaire de base jusqu'en décembre 2016.

L'article 38 de la convention collective nationale prévoit que 'Les salariés à temps complet ou partiel reçoivent un supplément de salaire, dit 13e mois, égal à 1 mois de salaire global brut mensuel contractuel tel que défini à l'article 37.3.1. Il est acquis au prorata du temps de présence dans l'année et réglé sur la base du salaire de décembre. Il peut également faire l'objet d'un fractionnement en deux versements semestriels.

Les périodes pendant lesquelles les salariés bénéficient du maintien de leur salaire à 90 % ou à 100 %, en application des articles 21,22,24 ou 25 de la convention collective, sont considérées comme temps de présence.

Les salariés quittant l'entreprise en cours d'année reçoivent cette gratification décomptée pro rata temporis sur la base de leur dernier salaire global brut mensuel contractuel.

Toutefois, pour les salariés dont la rémunération est en tout ou partie établie sur la base d'un barème de commission convenu entre les parties, le contrat de travail peut inclure le 13e mois dans la rémunération sous réserve qu'il fixe les modalités de règlement des commissions de telle façon que le salarié soit assuré de percevoir dans l'année civile une rémunération au moins égale au salaire minimum brut annuel correspondant à son niveau.

Ce calcul étant ' proraté ' selon le nombre de mois de présence pendant l'exercice considéré en cas d'entrée ou de sortie en cours d'année ou de suspension du contrat de travail.

(1) Pour la prime de 13e mois des négociateurs, se référer à l'annexe IV « statut du négociateur immobilier ».

Aux termes de son contrat de travail, Mme [T] est rémunérée en pourcentage des honoraires nets perçus par la société. Il est indiqué que sa rémunération comprend le treizième mois.

La cour observe que ses bulletins de salaire ne portent mention d'aucun versement de 13ème mois avant le mois de janvier 2017 et que l'employeur admet qu'il n'était pas versé sur son salaire de base. Le contrat de travail, s'il précise que la rémunération comprend le 13ème mois n'indique pas expressément que les pourcentages de commission attribués à Mme [T] s'entendent 13ème mois compris, aucune mention en ce sens n'apparaissant dans le contrat et l'employeur lui même admettant que ce treizième mois n'est pas davantage englobé dans le salaire de base. Il s'en déduit donc que la mention contractuelle selon laquelle la rémunération comprend un treizième mois n'est qu'un rappel des dispositions conventionnelles et que comme le soutient à juste titre Mme [T] l'employeur s'est abstenu de le verser jusqu'en 2017, le règlement intervenu postérieurement n'étant que partiel ainsi que cela ressort de l'attestation de l'expert comptable communiquée aux débats.

La cour fait donc droit à la demande présentée par Mme [T] et condamne la société Lorimmo à lui verser au titre du rappel de treizième mois une somme de 17'298,04 euros pour les années 2015 à 2017. Le jugement est infirmé sur ce chef de demande.

Sur le rappel du droit de suite :

L'article 10 de l'avenant n°31 de la convention collective dans sa version non étendue dont les parties se prévalent prévoit que : 'Le négociateur immobilier, VRP ou non, bénéficie d'un droit de suite concernant les commissions qu'il aurait perçues dans le cas où le contrat de travail n'aurait pas expiré, sous les 2 conditions cumulatives suivantes :

- ces affaires devront être la suite et la conséquence du travail effectué par lui pendant l'exécution de son contrat de travail ;

- ces affaires devront avoir été réalisées dans la durée du droit de suite étant entendu que celui-ci ne saurait porter sur des affaires pour lesquelles l'employeur lui-même n'aurait pas effectivement perçu les honoraires correspondants.

Le montant des commissions dues au titre du droit de suite sera calculé en fonction des honoraires définitivement perçus par l'employeur.

Le droit de suite court à compter de l'expiration du contrat. Sa durée est déterminée au contrat et ne peut en tout état de cause être inférieure à 6 mois.

L'employeur remet un état détaillé des comptes au négociateur immobilier à la date de fin du contrat de travail. Cet état détaillé des comptes donne la liste des affaires en cours pour lesquelles le négociateur immobilier pourrait prétendre à commission en cas de réalisation. Le solde de tout compte se rapportant à la période travaillée est établi à l'expiration de ce droit de suite.'

Il est constant que le contrat de travail de Mme [T] ne prévoit pas la durée du droit de suite, celle-ci est donc fixée à 6 mois conformément aux dispositions conventionnelles précitées que l'employeur ne discute d'ailleurs aucunement de sorte qu'il court jusqu'au 22 juin 2018.

Mme [T] soutient qu'en l'absence de communication du registre répertoire broché sur la période courant de septembre 2017 à juin 2018 seul document permettant de lister les ventes effectives ainsi que les factures d'honoraires de l'agence éditée par ordre chronologique avec le carnet de correspondance sur ladite période, l'état détaillé versé aux débats par l'employeur qu'il ne lui avait pas communiqué en son temps ne permet pas de justifier des sommes qui lui sont dues au titre du droit de suite dès lors que celui-ci doit se calculer à l'aune du système contractuel commissions partagées et qu'elle doit donc bénéficier des commissions pour les mandats rentrés pendant l'exécution de son contrat de travail y compris le préavis.

La société Lorimmo s'oppose à la demande et conclut à l'infirmation du jugement en faisant valoir qu'au vu du registre des mandats qu'elle communique seule la somme de 6 555 euros reste due à la salariée, celle-ci ayant cessé toute activité puisque dispensée de l'exécution de son préavis à compter du 22 septembre 2017.

La cour considère que la dispense d'exécution du préavis ne saurait avoir pour conséquence de priver Mme [T] de la perception de l'intégralité des commissions qu'elle aurait perçues si elle avait exécuté sa prestation de travail de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Lorimmo à payer à ce titre la somme de 21'797 euros.

Sur le rappel de primes de tutorat :

L'article 10. 2. 2 de l'avenant numéro 52 du 16 décembre 2011 à l'accord du 16 décembre 2009 relative à la prime tutorat senior prévoit que « Occuper des fonctions de tuteur nécessite un investissement en temps et en énergie pour les tuteurs. Cet investissement doit être valorisé par la branche afin d'encourager les seniors à occuper des fonctions tutorales dans l'entreprise.

Les fonctions tutorales sont prises en compte dans l'évaluation professionnelle du salarié.

La branche remettra chaque année, dans les entreprises qui en font la demande, selon des conditions définies par l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications, une médaille d'honneur du tutorat.

Les partenaires sociaux conviennent qu'une prime mensuelle dite ' de tutorat ' sera versée au salarié tuteur ayant mené une action de tutorat correspondants aux critères établis par la section paritaire professionnelle (SPFPP), soit 150 € brut au 1er janvier 2011.

Le montant de la prime mensuelle sera éventuellement revue en cas d'évolution de l'aide tutorale du FPSPP.

Cette prime est versée mensuellement par l'employeur au salarié tuteur pendant la durée prévue au financement de cette aide par la branche et selon le rythme de versement effectué par l'OPCA de la branche à l'entreprise.

Au-delà de cette période, l'employeur reste libre de verser à l'intéressé, lors d'accompagnements tutorés successifs, une prime dont le montant et la périodicité seront cette fois déterminés selon son libre choix. »

Mme [T] soutient qu'en application cet article, il lui est dû une prime de 150 euros par mois et communique les contrats de professionnalisation et d'apprentissages de Mmes [X] [F] et [I] la désignant expressément comme tutrice. Elle fait également valoir qu'elle était la tutrice de Mme [S] même si le contrat de celle-ci ne la fait pas apparaître comme tutrice en s'appuyant sur l'organigramme de la société Agence de la mairie qui mentionne la présence de Mme [S] sur le site de l'agence de Ballancourt.

La société Lorimmo s'oppose à la demande et sollicite sur ce point la confirmation du jugement ayant débouté Mme [T] au motif qu'elle ne justifiait pas avoir exercé les fonctions de tutrice. Or la salariée produit les contrats de professionnalisation et d'apprentissage de Mmes [X], [F] et [I] qui la font apparaître comme tutrice. S'agissant de Mme [S], la cour observe que M. [N] est mentionné comme tuteur dans le contrat et que s'il ressort de l'organigramme communiqué par l'employeur que Mme [S] était présente sur le site de l'agence de Ballancourt, ce document ne suffit pas à établir que Mme [T] exerçait effectivement les fonctions de tutrice.

La cour fait donc droit pour partie seulement à la demande et condamne la société Lorimmo à verser à la salariée la somme de 5 250 euros à titre de rappel de primes de tutorat. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation :

Mme [T] reproche à l'employeur de ne pas l'avoir fait bénéficier d'une formation malgré ses demandes en ce sens à l'exception de 8 heures de formation en 10 annnées de présence au sein de l'entreprise ni de bilan approfondi.

La société Lorimmo s'oppose à la demande et sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir que contrairement à ce qu'elle prétend, Mme [T] a suivi une formation en 2015 puis en 2016 et qu'elle devait également en suivre une en 2017 mais que celle-ci a été annulée de sorte qu'elle suivait régulièrement des formations.

La cour observe qu'il n'est justifié que d'une seule formation en 2016, et que la formation qui devait être suivie en 2017 a été annulée à la demande de l'employeur par message du 30 août 2017. Il n'est pas justifié d'autres formations, la cour considère en conséquence que l'employeur n'a pas respecté l'obligation qui lui était imposée à ce titre. Cependant, Mme [T] ne justifie pas du préjudice qu'elle a subi de ce fait de sorte que sa demande de dommages-intérêts est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La cour rappelle que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 14 mars 2018, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

La société Lorimmo, partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [T] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Agence de la mairie aux droits de laquelle vient la société Lorimmo à payer à Mme [D] [T] épouse [K] les sommes de 21'797 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2018 au titre du rappel de droit de suite ; 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté Mme [D] [T] épouse [K] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de formation,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Lorimmo venant aux droits de la société Agence de la mairie à payer à Mme [D] [T] épouse [K] les sommes de :

- 40'000 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- 17'298,04 euros à titre de rappel de 13e mois,

- 5 250 à titre de rappel de primes de tutorat,

RAPPELLE que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 14 mars 2018 et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

CONDAMNE la société Lorimmo venant aux droits de la société Agence de la mairie aux dépens et à payer à Mme [D] [T] épouse [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; la déboute de sa propre demande sur ce même fondement.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/08120
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.08120 ?
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