La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°19/00445

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 9, 19 mai 2022, 19/00445


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ARRET DU 31 AOUT 2022

(N° /2022, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00445 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAJ7A



Décision déférée à la Cour : Décision du 19 Juillet 2019 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 211/319842





APPELANTE



La SCP [S] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

r>
Me [S] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentés par Me Charles JOSEPH-OUDIN de la SELARL DANTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0115





INTIMES



Madame [N] [Y] VEUVE [W...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9

ARRET DU 31 AOUT 2022

(N° /2022, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00445 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAJ7A

Décision déférée à la Cour : Décision du 19 Juillet 2019 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 211/319842

APPELANTE

La SCP [S] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Me [S] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Charles JOSEPH-OUDIN de la SELARL DANTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0115

INTIMES

Madame [N] [Y] VEUVE [W]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Monsieur [I] [W]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentés tous les deux par Me Olivier SAVELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0330

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Laurence CHAINTRON, Conseillère à la cour d'appel de Paris et Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre à la cour d'appel de Paris, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre

Madame Laurence CHAINTRON,

Mme Sylvie FETIZON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, Présidente de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

****

Mme [N] [Y] veuve [W], usufruitière de divers biens immobiliers dépendant de la succession de son époux, [F] [W], décédé en 1990, et le fils de cette dernière, M. [I] [W], bénéficiaire avec son frère, [Z] [W], de deux donations en avancement d'hoirie, porteur de parts avec ce dernier de plusieurs sociétés civiles immobilières, les SCI Atlas, Le Grizzly, Le Terraillon et Edelweiss, propriétaires de fermes, appartements et locaux commerciaux situés en Haute-Savoie, et actionnaire minoritaire de la SARL [W] [F] et fils et de ses filiales, exploitant plusieurs magasins de ski, ont confié la défense de leurs intérêts à la SCP [S] [M] à la suite d'un différend les opposant à leurs petites filles et nièces, Mmes [D], [P] et [L] [W], venues aux droit de [Z] [W] décédé le [Date décès 2] 2012, concernant la gestion du patrimoine familial et la répartition des actifs .

Une convention d'honoraires initialement conclue entre la SCP [S] [M] et M. [I] [W], non produite aux débats, a fait l'objet d'un avenant signé le 15 mars 2015 par Mme [N] [Y] veuve [W], M. [I] [W] et l'avocat.

La SCP [S] [M] a émis plusieurs factures au nom de Mme [N] [Y] veuve [W] et de M. [I] [W].

Après avoir pris acte de l'interruption de sa mission, la SCP [S] [M] a établi le 26 décembre 2018 une nouvelle facture d'un montant de 379 000 euros HT calculé sur la base de 758 heures de travail effectuées et d'un taux horaire de 500 euros HT, et réclamé après déduction des provisions versées, un solde de 429 226,80 euros TTC, outre 54 euros de frais de commande d'actes.

Par lettre recommandée avec demande d' avis de réception reçue le 25 avril 2019, la SCP [S] [M] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris d'une demande de fixation de ses honoraires.

Par décision contradictoire du 19juillet 2019, le bâtonnier a :

- dit caduque la convention d'honoraires souscrite entre la SCP [S] [M] et M. [I] [W] et caduc l'avenant à cette convention souscrit entre la SCP [S] [M] et Mme [N] [Y] veuve [W],

- fixé à la somme de 50 400 euros HT le montant total des honoraires dus à la SCP [S] [M] conjointement par Mme [N] [Y] veuve [W] et M. [I] [W],

- donné acte à la SCP [S] [M] de ce qu'elle déclare avoir reçu la somme de 21 311 euros HT à titre de provision et à Mme [N] [Y] veuve [W] ainsi qu'à M. [I] [W] de ce qu'ils déclarent avoir versé audit titre à la SCP [S] [M] la somme de 31 786,28 euros HT,

- dit en conséquence que Mme [N] [Y] veuve [W] et M. [I] [W] devront conjointement verser, en deniers ou quittance, à la SCP [S] [M], la somme de 50 400 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2019, date de la saisine du bâtonnier, outre la TVA au taux en vigueur lors de l'exécution des prestations ainsi que de régler les frais d'huissier de justice, en cas de signification de la présente décision, si elle a lieu, ou en rembourser le coût à la SCP [S] [M] si celle-ci en a fait l'avance,

- débouté les parties de leurs conclusions contraires, plus amples ou complémentaires.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée le 26 juillet 2019, le cachet de la poste faisant foi, la SCP [S] [M] et M. [S] [M] ont formé un recours à l'encontre de cette décision.

L'affaire, initialement fixée au 6 décembre 2021 devant le délégué du premier président a fait l'objet d'un renvoi en audience collégiale et les parties ont été convoquées à l'audience du 19 mai 2022 par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 6 décembre 2021.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 19 mai 2022, la SCP [S] [M] et M. [S] [M] demandent à la cour de :

- réformer la décision entreprise, en ce qu'elle déclare caduque la convention conclue entre Mme [N] [Y] veuve [W], M. [I] [W] et M. [S] [M] qui prévoyait le mode de rémunération de l'avocat à 500 euros HT de l'heure en cas de rupture de la convention avant son terme et en ce qu'elle s'arroge le pouvoir de déduire du temps facturable les diligences effectuées par les concluants à la demande écrite et redondante des consorts [W] sous prétexte que, de l'avis du bâtonnier, ces diligences n'auraient pas été utiles,

- fixer les honoraires dus par Mme [N] [Y] veuve [W] et par M. [I] [W] à la somme de 379 000 euros HT, outre la TVA et le remboursement de frais de commandes d'actes de 54 euros,

- condamner Mme [N] [Y] veuve [W] et M. [I] [W] au paiement de la somme de 6 000 euros en remboursement des frais et honoraires non compris dans les dépens ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 19 mai 2022, Mme [N] [Y] veuve [W], M. [I] [W] demandent à la cour de :

- rejeter toutes les demandes de la SCP [S] [M] et de M. [S] [M],

A titre principal,

- fixer les honoraires de la SCP [S] [M] au montant de 14 977 euros TTC et en conséquence condamner solidairement la SCP [S] [M] et M. [S] [M] à régler à M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] la somme de 18 541 euros en remboursement du trop perçu,

A titre subsidiaire,

- fixer les honoraires de la SCP [S] [M] au montant de 18 750 euros TTC et en conséquence condamner solidairement la SCP [S] [M] et M. [S] [M] à régler à M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] la somme de 14 768 euros en remboursement du trop perçu,

Dans tous les cas,

- condamner la SCP [S] [M] et M. [S] [M] à payer solidairement à M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCP [S] [M] et M. [S] [M] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la demande de réouverture des débats :

La SCP [S] [M] a sollicité après l'audience, par notes en délibéré en date des 19 et 23 mai 2022, la réouverture des débats aux motifs que Mme [N] [Y] veuve [W] et M. [I] [W] avaient formulé oralement après la plaidoirie du conseil de la société une demande de remboursement d'honoraires versés par les SCI qui ne figurait pas dans les conclusions des intimés en violation du principe de la contradiction, précisant que M. [I] [W] qui avait initialement affirmé qu'il s'agissait de fausses factures était irrecevable à réclamer un tel remboursement.

Mme [N] [Y] veuve [W] et M. [I] [W] se sont opposés à la demande en faisant observer que la demande de remboursement d'honoraires figurait dans les conclusions communiquées à la partie adverse le 1er décembre 2021 et que les seules factures dont le remboursement était réclamé à défaut de service rendu étaient celles émises à leur nom.

Selon les dispositions de l'article 444 du code de procédure civile, le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

En l'espèce, Mme [N] [Y] veuve [W] et M. [I] [W] ont repris oralement à l'audience du 19 mai 2022 les termes des conclusions visées par le greffe le 6 décembre 2021 dont la SCP [S] [M] a été destinataire avant cette première audience et aux termes desquelles ils formulaient une demande de restitution d'honoraires de résultat dont ils estimaient la facturation abusive.

La SCP [S] [M] ayant été mesure de faite valoir ses observations sur ces prétentions et le principe de la contradiction ayant été respecté, il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats.

Sur la demande d'annulation de la convention d'honoraires et de son avenant :

Mme [N] [Y] veuve [W] et M. [I] [W] font valoir que la convention d'honoraires dont seule la dernière page a été signée par eux est nulle comme constituant un pacte de quota litis prohibé dans la mesure où elle ne stipule aucun honoraire de diligences propre à chacune des instances et où l'honoraire de diligences prévu à hauteur de 1 000 euros HT est symbolique au regard du nombre de procédures engagées, soit selon la note de l'avocat six actions pénales et six dossiers civils dont trois faisant l'objet d'un appel ce qui représente la somme dérisoire de 67 euros HT par procédure ; ils ajoutent qu'il existe une disproportion manifeste entre l'honoraire de diligences et l'honoraire de résultat.

La SCP [S] [M] objecte que la convention d'honoraires est parfaitement valable en se référant à un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 juillet 1995 ayant jugé qu'un premier président avait ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas en énonçant que la prohibition du pacte de quota litis supposait que l'essentiel de la rémunération de l'avocat ne dépende pas du résultat obtenu.

Sur ce, l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2105-990 du 6 août 2015, applicable au litige prévoit que « toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite» mais qu' «est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu».

Il résulte de ce texte qu'est nulle la convention qui ne prévoit qu'un honoraire de résultat, de même que celle qui stipule un honoraire de diligences dérisoire ou symbolique.

En revanche, ni l'existence d'une disproportion entre l'honoraire de diligences et l'honoraire de résultat contractuellement prévus ni l'absence de définition d'un honoraire de diligences propre à chaque procédure ou à chaque instance ne suffit à caractériser un pacte de quota litis prohibé.

En l'espèce, il résulte de l'avenant à la convention d'honoraires en date du 15 mars 2015 signé par Mme [N] [Y] veuve [W], M. [I] [W] et la SCP [S] [M], ce qui suffit à caractériser l'accord des parties même si la première page de cet acte sous-seing privé n'a pas été paraphée ou signée par les clients, qu'à la suite du litige les opposant «aux petites filles de Mme [N] [Y] veuve [W]» l'avocat a été chargé «d'effectuer les diligences nécessaires, amiables et/ou judiciaires pour faire payer les loyers dus et partager les actifs» moyennant un honoraire forfaitaire de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC (déjà réglé) et un honoraire de résultat «égal à la totalité des sommes allouées en remboursement des honoraires et à 20 % hors taxes plus TVA de toutes sommes attribuées et effectivement payées à M. [I] [W] et/ou Mme [N] [Y] veuve [W], dans le cadre du litige».

Cette convention précise que « M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] sont conscients du fait qu'ils doivent assumer également les éventuels frais de déplacement de l'avocat et les frais et honoraires des autres intervenants, avocat postulant, experts, huissiers, avocats à la Cour de cassation etc...».

Si l'honoraire de diligences prévu, auquel s'ajoutent les frais et débours, est modique, il ne peut être considéré comme étant dérisoire ou purement symbolique, étant observé d'une part, qu'au moment de la conclusion de la convention d'honoraires le nombre de procédures susceptibles d'être engagées n'était ni déterminé ni déterminable et d'autre part que dans ses écritures M. [I] [W] admet lui-même qu'il était à l'époque sans emploi et que son épouse avait été licenciée du poste qu'elle occupait au sein de la SARL [F] [W] et fils, la modicité de l'honoraire de diligences étant ainsi à son égard en rapport avec sa situation personnelle.

La demande de Mme [N] [Y] veuve [W], M. [I] [W] tendant à voir qualifier la convention d'honoraires de pacte de quota litis et d'en obtenir l'annulation sera, dès lors, rejetée.

Sur la caducité de la convention d'honoraires et l'inapplicabilité des clauses fixant l'honoraire de résultat et les honoraires dus en cas de dessaisissement :

Mme [N] [Y] veuve [W] et M. [I] [W] soutiennent qu'il est de principe que le dessaisissement de l'avocat avant la fin de la procédure emporte la caducité de la convention d'honoraires dans toute son étendue et en déduisent qu'en application de cette jurisprudence constante, la convention étant caduque, les honoraires doivent être fixés selon les critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

Ils ajoutent que la clause fixant l'honoraire de résultat est inapplicable en raison de son ambiguïté et qu'il en est de même des stipulations fixant les honoraires en cas de dessaisissement qui prévoient à la fois le règlement de l'honoraire de résultat et le paiement d'honoraires calculés au temps passé.

Ils soulignent que la clause prévoyant un honoraire au temps passé fait référence à un calcul «au temps passé sur la base de 500 euros hors taxes» et non à un taux horaire de 500 euros HT, de sorte qu'elle n'est pas compréhensible pour un profane et doit être déclarée inapplicable.

La SCP [S] [M], en se référant à un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 4 février 2016, objecte qu'une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement et que tel étant le cas en l'espèce, elle est en droit de réclamer sa rémunération au temps passé et selon l'honoraire conventionnel au taux horaire de 500 euros HT.

Sur ce, il résulte de la combinaison des articles 1134, devenu 1103, du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que le dessaisissement de l'avocat avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ne fait pas obstacle à l'application de la convention d'honoraires portant sur le montant de son honoraire de diligences, lorsqu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement.

En l'espèce, l'avenant à la convention d'honoraires en date du 15 mars 2015 dispose que « pour le cas où pour une raison quelconque, la présente convention était résiliée ou résolue par le fait de M. [I] [W] et/ou Mme [N] [Y] veuve [W], les honoraires de [S] [M] seraient alors calculés au temps passé sur la base de 500 euros hors taxes».

S'il est également indiqué que «les honoraires ci-dessus seront exigibles même si M. [I] et Mme [N] [Y] veuve [W] décidaient d'interrompre la mission de [la] SCP d'avocat [S] [M]», cette stipulation doit être interprétée comme se rapportant aux frais et honoraires «des autres intervenants, avocat postulant, experts, huissiers, avocats à la Cour de cassation dont la convention prévoit qu'ils sont à la charge des clients» et non à l'honoraire de résultat.

Par ailleurs, en faisant référence à des honoraires calculés au temps passé sur la base de 500 euros hors taxe, les parties sont convenues d'un taux horaire conventionnel de 500 euros HT.

Il résulte de ce qui précède que la convention qui comporte une clause fixant la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement en fonction du temps passé et d'un taux horaire conventionnel n'est pas caduque dans toute son étendue, les stipulations de cette clause ayant vocation à s'appliquer, sauf la faculté pour le juge de réduire les honoraires initialement convenus entre l'avocat et sont client lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu.

La décision du bâtonnier qui a déclaré caduques la convention d'honoraire initiale et son avenant sera, en conséquence, infirmée sur ce point.

Sur la fixation des honoraires dus par M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] :

La SCP [S] [M] dont il convient d'observer qu'elle a été seule chargée de la défense des intérêts de M. [I] [W] et de Mme [N] [Y] veuve [W] fait valoir en substance qu'au moment de la prise en charge du dossier, les nièces de M. [I] [W] monopolisaient la direction de droit et de fait des SARL et des SCI, que M. [I] [W] ne percevait pas de distribution de dividendes ni aucun revenu de l'important patrimoine détenu par ces sociétés, que les loyers dus à Mme [N] [Y] veuve [W] étaient partiellement impayés, que le compagnon d'une des nièces avait agressé M. [I] [W], que l'épouse de M. [I] [W] avait été abusivement licenciée par la SARL [F] [W] et fils, ce qui a été reconnu par un par un arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 4 décembre 2014 qui a condamné l'employeur à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et que depuis deux ans les précédents avocats n'avaient obtenu aucun résultat.

Elle expose que les nombreuses procédures engagées avec l'accord des clients (assignations en référé, procédures civiles au fond, procédures d'appel, plaintes avec constitution de partie civile) ainsi que l'activité de conseil déployée pour assister M. [I] [W] dans la vie juridique des différentes sociétés dont il était associé, ont justifié l'accomplissement de nombreuses diligences ayant nécessité un temps de travail très supérieur aux 758 heures facturées, les 14 déplacements au TGI de Bonneville et à la cour d'appel d'Annecy représentant à eux seuls 336 heures ; elle ajoute que l'évaluation forfaitaire à 15 minutes par courrier électronique ne concerne que les messages envoyés par M. [S] [M] et que les pièces produites mettent en évidence plus de 1 700 écrits échangés.

Elle fait valoir que les questions relatives à la responsabilité de l'avocat et à l'utilité des diligences accomplies ne relève pas de la compétence du juge de l'honoraire et qu'en tout état de cause, la poursuite des procédures d'appel suivies d'une transaction a prouvé l'utilité déterminante de ces procédures engagées dans le but d'obliger les parties adverses à transiger.

Elle ajoute, s'agissant du service rendu, que grâce aux actions de la SCP [S] [M] Perrin, M. [I] [W] a pu s'engager dans un processus de médiation qui a abouti à une transaction.

En réplique, M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] soutiennent que la SCP [S] [M] leur a abusivement facturé un honoraire de résultat au titre de loyers encaissés et de dividendes versés et demandent le remboursement de la facture n° 150047 d'un montant de 4 570,33 euros TTC, de la facture n° 150046 du 3 septembre 2015 d'un montant de 3 552 euros, de la facture n° 16054 du 4 octobre 2016 d'un montant de 770,40 euros, de la facture n° 150060 du 25 novembre 2016 d'un montant de 2 448 euros et de la facture n° 710011 du 8 janvier 2017 d'un montant de 3 600 euros.

Ils jugent également abusive la facture n° 150062 d'un montant de 3 600 euros TTC émise au nom de Mme [N] [Y] veuve [W] au titre de «deux commandements et deux assignations en référé», estimant que cette facture qui relevait du litige entrant dans le périmètre de la convention d'honoraires ne pouvait faire l'object d'une facturation distincte.

M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] soutiennent par ailleurs que M. [S] [M] a commis plusieurs fautes en se comportant comme une partie intéressée en contravention avec l'article 1.3 du Règlement intérieur national de la profession, en développant uns stratégie judiciaire agressive consistant à multiplier les procédures dans le but d'inciter la partie adverse à transiger sans expliquer à ses clients profanes les conséquences d'une telle stratégie ayant abouti à des rejets répétés et à leur condamnation à des indemnités de procédure et à des dommages-intérêts pour procédure abusive d'un montant de 18 000 euros, en violant les instructions de ses clients et en leur mentant en leur assurant avoir contacté l'avocat adverse afin de trouver des solutions amiables, ce que cet avocat a contesté dans une lettre officielle du 11 juin 2019.

Ils critiquent en outre la qualité du travail fourni et reprochent à la SCP [S] [M] d'avoir méconnu son obligation d'information sur le montant de sa rémunération et d'avoir émis des «fausses factures» afin de justifier d'honoraires fictifs.

Ils soutiennent également que la quasi-totalité des prestations effectuées par la SCP [S] [M] était non seulement inutile mais également contre-productive et coûteuse pour ses clients qui ont dû régler une somme totale de 33 518,09 euros au titre des condamnations prononcées à leur encontre, des frais de consignation pour les plaintes avec constitution de partie civile ainsi que les frais d'huissier et d'avocats postulants.

Ils contestent subsidiairement le décompte du temps passé mentionné dans la facture d'un montant de 429 226,80 euros TTC établie le 26 décembre 2018 en relevant que la SCP [S] [M] a appliqué un forfait de 15 minutes par courrier électronique y compris pour des réponses de quelques mots, alors que la convention ne prévoit pas qu'un quart d'heure débuté est un quart d'heure facturé, et qu'elle a également appliqué unilatéralement pour chaque déplacement une évaluation forfaitaire de 8 heures.

Ils soutiennent en tout état de cause que les honoraires facturés sont exagérés au regard du service rendu et qu'ils doivent être réduits dans une proportion bien supérieure à celle retenue par le bâtonnier.

Ils demandent ainsi à voir fixer le montant des honoraires de la SCP [S] [M] au titre des seules diligences utiles à la somme de 14 977 euros titre principal, et à titre subsidiaire à celle de 18 750 euros, réclamant dans le premier cas la restitution d'un trop perçu de 18 541 euros et dans le second celle d'un trop perçu de 14 768 euros.

Sur ce, il convient de rappeler à titre liminaire que la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats . Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou la cour d'appel statuant en formation collégiale, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité civile de l' avocat à l'égard de son client en raison de ses fautes ou d'un manquement à son devoir de conseil et d'information et ne peuvent ainsi réduire pour de tels motifs les honoraires réclamés.

Les griefs invoqués par M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] à l'encontre de la SCP [S] [M] sont ainsi inopérants.

Par ailleurs si le juge de l'honoraire a le pouvoir de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l'avocat ce qui suppose qu'elles aient été d'évidence vouées à l'échec, la seule circonstance que les multiples procédures engagées au nom de M. [I] [W] et de Mme [N] [Y] veuve [W] n'aient pas permis d'atteindre le résultat escompté ne suffit pas à établir leur inutilité manifeste, étant observé qu'il résulte des pièces produites que par un arrêt du 19 janvier 2016, la cour d'appel d'Annecy, statuant en référé, a fait partiellement droit aux prétentions de Mme [N] [Y] veuve [W] en jugeant que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial étaient réunies même si elle a accordé rétroactivement à la locataire des délais de paiement.

En revanche, ni les dispositions de l'article 1134, devenu 1103 du code civil, ni celles de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ne font obstacle au pouvoir dévolu au juge de réduire les honoraires initialement fixés entre l'avocat et son client lorsque ceux-ci apparaissent manifestement exagérés au regard du service rendu.

En l'espèce, le montant des honoraires réclamés dans la facture du 26 décembre 2018, soit 429 226,80 euros TTC après déduction des provisions versées, calculé sur la base d'un temps de travail de 758 heures incluant pour une part importante du nombre d'heures facturées un forfait de 15 minutes pour chaque courrier électronique envoyé par la SCP [S] [M] à M. [I] [W], quelle que soit sa teneur, et même s'il ne comporte que quelques mots apparaît manifestement exagéré au regard du service rendu qui est relativement limité puisque le rapprochement entre les parties dont la SCP [S] Petit Perrin admet qu'il constituait le but de la multiplicité des plaintes pénales et des procédures civiles engagées s'est réalisé sous l'impulsion d'un conseiller de la mise en état ayant ordonné leur comparution personnelle (pièce n° 40) et que selon une lettre officielle du conseil des parties adverses en date du 11 juin 2019, celui-ci n'a eu, sauf erreur ou omission, aucun échange avec la SCP [S] [M] en vue d'un éventuel règlement amiable du litige.

Il convient ainsi de réduire les honoraires dus à la SCP [S] [M] par M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] à la somme de 35 000 euros TTC.

Si en l'absence de transaction ou de décision de justice irrévocable ayant mis fin aux instances engagées, la SCP [S] [M] ne pouvait réclamer un honoraire de résultat à M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] et que les factures émises de ce chef ne sont pas dues, les intimés sur lesquels repose la charge de la preuve de leurs paiements ne justifient pas avoir acquitté ces factures, de sorte que leur demande de restitution ne peut prospérer.

Sous déduction des provisions d'un montant de 21 311 euros HT, soit 25 573,20 euros TTC, que la SCP [S] [M] reconnaît avoir perçues, M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] sont débiteurs d'un solde d'honoraires d'un montant de 9 426,80 euros TTC, outre 54 euros au titre des débours justifiés.

La décision déférée est donc infirmée de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d' exposer dans la présente instance pour assurer la défense de leurs intérêts ; leurs demandes à ce titre sont donc rejetées.

Enfin, chaque partie qui succombe partiellement dans ses prétentions conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, par décision contradictoire, et par mise à disposition par le greffe,

Infirme la décision déférée rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris le 19 juillet 2019;

Statuant à nouveau des chefs de l'ordonnance infirmée et y ajoutant,

Rejette la demande de réouverture des débats de la SCP [S] [M] ;

Déboute M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] de leurs demandes d'annulation et subsidiairement de caducité de la convention d'honoraires ;

Fixe les honoraires dus par M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] à la SCP [S] [M] à la somme de 35 000 euros TTC et les frais à celle de 54 euros.

Condamne, après déduction des provisions versées, M. [I] [W] et Mme [N] [Y] veuve [W] à payer à la SCP [S] [M] la somme de 9 426,80 euros TTC, outre 54 euros au titre des débours justifiés ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conserva la charge de ses propres dépens ;

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/00445
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.00445 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award