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19/05/2022 | FRANCE | N°18/27024

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 19 mai 2022, 18/27024


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/27024

N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Z6H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 novembre 2018 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 15/02468



APPELANTS



Monsieur [H] [N]

[Adresse 7]

[Localité 8]

repr

ésenté et assisté par Me Jean-Baptiste ROZES de l'AARPI SHERPA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0575



Madame [C] [U] épouse [T]

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée et as...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/27024

N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Z6H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 novembre 2018 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 15/02468

APPELANTS

Monsieur [H] [N]

[Adresse 7]

[Localité 8]

représenté et assisté par Me Jean-Baptiste ROZES de l'AARPI SHERPA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0575

Madame [C] [U] épouse [T]

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Jean-Baptiste ROZES de l'AARPI SHERPA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0575

INTIMES

Monsieur [W] [R]

[Adresse 5]

[Localité 9]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 16] (France)

représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

assisté par Me Corinne LE RIGOLEUR, avocat au barreau de PARIS

SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 10]

[Localité 14]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée par Me Céline DELAGNEAU, avocat au barreau de PARIS

CPAM DU GARD

[Adresse 4]

[Localité 17]

n'a pas constitué avocat

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[Adresse 12]

[Localité 15]

représentée par Me Olivier SAUMON de l'AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD

[Adresse 2]

[Localité 13]

représentée et assistée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

Organisme RSI MUTUELLE DU SOLEIL

[Adresse 11]

[Localité 3]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre chargée du rapport, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 octobre 2012 M. [W] [R] qui circulait au guidon de sa motocyclette, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), a été percuté sur le côté droit, au moment où il virait à gauche pour traverser la voie opposée, par M. [H] [N], alors âgé de 17 ans, qui roulait sur une motocyclette non assurée.

La mère de M. [N], Mme [C] [U] épouse [T], a déclaré l'accident à son assureur responsabilité civile chef de famille, la société Allianz IARD (la société Allianz), en application de la clause dite d''utilisation à l'insu'.

Par actes des 3, 4 et 13 février 2015, M. [R] a fait assigner M. [N], la société Allianz et le Régime social des indépendants (le RSI) ainsi que la Mutuelle du soleil devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir la mise en place d'une expertise médicale et l'allocation d'une provision de 50 000 euros.

La société Allianz a refusé de prendre en charge le sinistre ; M. [R] a alors fait assigner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) par acte du 22 octobre 2015.

Le FGAO a soulevé l'irrecevabilité de cette assignation et est intervenu volontairement à l'instance.

Par exploits des 9,10 et 12 mars 2015, M. [N] a fait assigner M. [R], la société Axa et la caisse primaire d'assurance maladie du Gard (la CPAM) devant le tribunal de grande instance d'Alès pour faire déclarer M. [R] entièrement responsable de son dommage et obtenir sa condamnation et celle de son assureur à réparer ses préjudices.

Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Alès a déclaré cette juridiction incompétente au profit du tribunal de grande instance de Paris et a transmis la procédure à celui-ci.

Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a joint les instances.

Mme [U] épouse [T] est intervenue volontairement par acte du 30 juin 2016.

Par jugement du 6 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article R.421-5 du code des assurances :

- déclaré irrecevable l'assignation du FGAO,

- reçu le FGAO en son intervention volontaire,

- reçu Mme [U] épouse [T] en son intervention volontaire,

' sur le préjudice de M. [R]

- dit que le droit à indemnisation de M. [R] est intégral,

- déclarée bien fondée l'exception de non garantie opposée par la société Allianz à Mme [U] épouse [T] et à M. [N],

- déclaré inopposable à M. [R] et au FGAO l'exception de non garantie opposée par la société Allianz,

- condamné in soldium M. [N], Mme [U] épouse [T] et la société Allianz, à réparer l'intégralité du préjudice de M. [R],

- mis hors de cause le FGAO,

- avant dire droit sur la liquidation du préjudice de M. [R], ordonné une expertise médicale de celui-ci à ses frais avancés, confiée au docteur [L], avec mission habituelle en la matière,

- condamné in solidum M. [N], Mme [U] épouse [T] et la société Allianz à payer à M. [R] une provision de 30 000 euros à valoir sur son indemnisation,

- condamné in solidum M. [N], Mme [U] épouse [T] et la société Allianz à verser à la société Axa au titre de son recours subrogatoire, la somme de 15 000 euros,

' sur le préjudice de M. [N]

- dit que M. [N] a commis des fautes de nature à exclure son droit à indemnisation,

- débouté M. [N] de l'intégralité de ses demandes,

- déclaré le jugement commun à la CPAM et au RSI-Mutuelle du soleil et opposable au FGAO,

- condamné in solidum M. [N], Mme [U] épouse [T] et la société Allianz à payer à M. [R] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné in solidum M. [N], Mme [U] épouse [T] et la société Allianz à payer à la société Axa une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné M. [N], Mme [U] épouse [T] et la société Allianz aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- renvoyé l'affaire à la mise en état.

Par déclaration du 28 novembre 2018, M. [N] et Mme [U] épouse [T] ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 25 janvier 2021, la cour d'appel de Paris, chambre 4-11, a :

- confirmé le jugement, hormis sur le droit à indemnisation de M. [N] et de M. [W] [R], sur le rejet des demandes d'expertise et de provision formées par M. [N], sur l'exception de non garantie soulevée par la société Allianz à l'égard de M. [N] et de Mme [U] épouse [T] et sur les frais irrépétibles et les dépens,

statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- dit que le droit à indemnisation de M. [R] est réduit de moitié,

- dit que le droit à indemnisation de M. [N] est réduit de moitié,

- avant dire-droit sur le préjudice corporel de M. [N], ordonné une expertise médicale,

- commis en qualité d'expert le Docteur [Z] [L], à défaut le Docteur [A] [I],

- condamné in solidum M. [R] et la société Axa à verser à M. [N] une provision de 10 000 euros à valoir sur son indemnisation,

- dit que la société Allianz doit sa garantie à M. [N] et Mme [U] épouse [T],

- condamné la société Allianz à garantir M. [N] et Mme [U] épouse [T] de toutes condamnations mises à leur charge au profit de M. [R],

- réservé les dépens de première instance et d'appel, sauf ceux afférents au FGAO qui seront pris en charge par M. [N], Mme [U] épouse [T] et la société Allianz d'une part, et M. [R] et la société Axa, d'autre part, et les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Le Docteur [L] a procédé aux opérations d'expertise de M. [N] et a établi son rapport définitif le 10 juillet 2021.

La CPAM et le RSI- Mutuelle du soleil (désormais intégré à la CPAM) qui avaient reçu signification de la déclaration d'appel par actes d'huissier de justice en date du 12 février 2019 délivrés à personne habilitée n'ont pas constitué avocat.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société Axa, notifiées le 16 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

- recevoir la société Axa en son appel incident,

Vu les articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil,

- allouer à M. [N] la somme de 7 395,28 euros au titre de l'indemnisation de ses préjudices en lien causal avec l'accident survenu le 8 octobre 2012, après imputation de la créance définitive de la CPAM, limitation de moitié de son droit à indemnisation et déduction de la provision de 10 000 euros versée le 24 février 2021 par la société Axa :

- perte de gains professionnels actuels : 1 082,30 euros

- frais divers (tierce personne avant consolidation) : 1 036,98 euros

- frais de logement adapté : néant (le cas échéant : 1 137,56 euros)

- déficit fonctionnel temporaire : 1 901 euros

- souffrances endurées : 7 500 euros

- préjudice esthétique temporaire : néant

- déficit fonctionnel permanent : 5 375 euros

- préjudice esthétique définitif : 500 euros,

- dire que les intérêts légaux commenceront à courir à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- débouter M. [N] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- réduire notablement le montant qui pourrait être alloué à M. [N] au titre de ses frais irrépétibles,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Vu les conclusions de M. [N] et de Mme [U] épouse [T], notifiées le 14 février 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

Vu article 1382 du code civil devenu article 1240 du code civil,

- condamner solidairement M. [R] et la société Axa aux sommes de :

- 1 100 euros en réparation déficit fonctionnel temporaire total (du 08/10/2012 au 30/11/2012 et le 26/02/2013) ( 2 200 euros/2),

- 1 968,80 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire partiel, se décomposant comme suit :

- 778,80 euros en réparation du Déficit Fonctionnel Temporaire Partiel de 66% (du 1er/12/2012 au 28/01/2013) (1 557,60 euros/2),

- 280,00 euros en réparation du Déficit Fonctionnel Temporaire Partiel de 50% (du 29/01/2013 au 25/02/2013) (560 euros/2),

- 90,00 euros en réparation du Déficit Fonctionnel Temporaire Partiel de 25% (du 27/02/2013 au 16/03/2013) (180 euros/2),

- 820,00 euros en réparation du Déficit Fonctionnel Temporaire Partiel de 10% (du 17/03/2013 au 30/04/2014) (1640 euros/2),

- 1 292 euros au titre de l'aide humaine non médicalisée, se décomposant comme suit :

- 1 003 euros durant le DFTP de 66% du 1er/12/2012 au 28/01/2013 (2 006 euros/2),

- 238 euros durant le DFTP de 50% du 29/01/2013 au 25/02/2013 (476 euros/2),

- 51,00 euros durant le DFTP de 25% du 27/02/2013 au 16/03/2013 (102 euros/2),

- 5 625 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent subi (11 250 euros/2),

- 10 000 euros en réparation du pretium doloris subi (20 000 euros/2),

- 3 000 euros en réparation du préjudice esthétique temporaire jusqu'à consolidation subi (6 000 euros/2),

- 1 000 euros en réparation du préjudice esthétique définitif subi (2 000 euros/2),

- 5 000 euros en réparation du préjudice scolaire et de formation subi (10 000 euros/2),

- 7 500 euros en réparation du préjudice professionnel subi (15 000 euros/2),

- 1 588,41 euros en indemnisation des frais matériel de l'aménagement de son domicile indispensable à son retour chez lui en fauteuil roulant (3 176,83 euros/2),

- 1 800 euros en indemnisation du temps passé pour l'aménagement de son domicile indispensable au retour de ce dernier en fauteuil roulant (3 600 euros/2),

- 1 698,58 euros en indemnisation de la perte salaire subi pendant cette période d'arrêt de travail du 10 octobre 2012 au 17 mars 2013 (3 397,17 euros/2),

- dire que les sommes allouées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande,

- dire la décision à intervenir commune à la CPAM,

- condamner solidairement M. [R] et la société Axa à payer à M. [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Jean-Baptiste Rozes, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de M. [R], notifiées le 16 février 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur les demandes de M. [N].

Vu les conclusions de la société Allianz, notifiées le 10 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

- déclarer la société Allianz bien fondée à s'en rapporter à l'appréciation de la cour d'appel sur les demandes de M. [N] et de Mme [U] épouse [T],

- débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Allianz,

- condamner toute partie succombant en tous les dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le préjudice corporel

L'expert le Docteur [L] a indiqué dans son rapport en date du 10 juillet 2021 que M. [N] a présenté à la suite de l'accident du 8 octobre 2012 une fracture multiple complexe ouverte de la main droite et une fracture comminutive du fémur droit et qu'il conserve comme séquelles une limitation de mobilisation du genou droit et une limitation des amplitudes articulaires du 4ème rayon de la main droite.

Il a conclu ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire total du 8 octobre 2012 au 30 novembre 2012 et le 26 février 2013

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 66 % du 1er décembre 2012 au 28 janvier 2013, de 50 % du 29 janvier 2013 au 25 février 2013 de 25 % du 27 février 2013 au 16 mars 2013 et de 10 % du 17 mars 2013 au 30 avril 2014

- assistance temporaire par tierce personne non médicalisée de 2 heures par jour durant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 66 %, d'1 heure par jour durant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % et de 2 heures par semaine durant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 %

- consolidation au 30 avril 2014

- souffrances endurées de 4/7

- préjudice esthétique temporaire de 3/7

- préjudice d'agrément temporaire jusqu'à la consolidation (inclus dans le déficit fonctionnel temporaire partiel)

- préjudice sexuel : d'ordre positionnel jusqu'à la consolidation

- déficit fonctionnel permanent de 5 %

- incidence professionnelle : perte alléguée d'une année de scolarité ; M. [N] était en seconde année de CAP mécanicien moto au jour de l'accident et il a, dit-il, obtenu son diplôme non pas en 2013 mais en 2014 (à justifier)

- préjudice esthétique permanent de 1/7

- pas de gêne définitive, reprise de la moto (à titre privé et par nécessité professionnelle : mécanicien moto)

- pas d'aide technique

- pas de soins futurs : les semelles orthopédiques n'ont pas été reconnues imputables à l'accident.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 6] 1995, de sa situation d'élève en 2ème année de CAP de maintenance de véhicules, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Seront examinés sous ce poste les frais d'aménagement temporaire du logement.

M. [N] sollicite l'indemnisation des dépenses engagées pour la création d'une pièce à vivre au rez-de-chaussée de la maison de ses parents, son domicile étant situé au premier étage, pendant la période où il circulait en fauteuil roulant à compter du 1er décembre 2012 ; il demande ainsi, après application de la réduction de son droit à indemnisation, une indemnité de 1 588,41 euros au titre des matériaux nécessaires et celle de 1 800 euros au titre du temps passé pour les travaux.

La société Axa s'oppose à cette demande au motif que M. [N] n'a circulé que durant un mois en fauteuil roulant et que durant cette période il bénéficiait de l'aide d'une tierce personne et qu'il pouvait ainsi se déplacer de façon autonome au 1er étage de la maison de ses parents ; subsidiairement elle accepte d'indemniser le coût des matériaux.

Sur ce, il résulte de l'expertise médicale que M. [N] est sorti de centre de rééducation le 30 novembre 2012 et qu'il s'est déplacé en fauteuil roulant puis avec des cannes anglaises qui ont été abandonnées le 31 mars 2013 ; M. [N] démontre par les photographies et les factures qu'il a communiquées avoir engagé des travaux d'aménagement de son logement pour pouvoir se déplacer au sein de celui-ci en fauteuil roulant.

M. [N] doit être replacé dans la situation qui était la sienne avant l'accident qui lui permettait d'aller et venir librement à l'intérieur de son logement et d'y accéder librement ; les dépenses rendues nécessaires par l'accident seront fixées à la somme de 2 275,13 euros au titre du coût des matériaux (le surplus étant sans lien avec l'accident s'agissant de frais exposés antérieurement à celui-ci et d'une climatisation) ; par ailleurs la demande portant sur les frais de main d'oeuvre qui ne sont pas justifiés sera rejetée.

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % l'indemnité revenant à M. [N] est de 1 137,57 euros.

- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation

Ce poste de dommage vise à indemniser le retard scolaire ou de formation subi, la modification d'orientation, voire la renonciation à toute formation.

M. [N] soutient que l'accident est survenu quatre semaines après le début de sa formation de CAP maintenance de véhicules, option motocycles commencée le 4 septembre 2012, qu'à la suite de son arrêt de travail du 10 octobre 2012 au 17 mars 2013 il n'a pu reprendre sa formation qu'à compter du 18 mars 2013 et que si la direction du CAP l'a autorisé à passer en 2ème année de CAP il n'a pas été en mesure de rattraper son retard et de réussir son diplôme ; il demande à la cour d'évaluer le préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir son diplôme à 10 000 euros.

La société Axa relève que M. [N] au moment de l'accident était en 1ère année de CAP maintenance de véhicules automobiles qu'il avait commencée le 4 septembre 2012 et qui devait s'achever le 30 juin 2014 et non en 2ème année comme indiqué par l'expert et qu'il n'a pas redoublé son année mais a abandonné sa formation ; elle affirme ainsi que M. [N] a pu poursuivre sa formation en 2ème année de CAP maintenance de véhicules automobiles malgré l'arrêt de travail consécutif à l'accident et qu'il ne justifie pas que ce dernier l'a empêché de passer et réussir son diplôme, faute notamment de production aux débats de relevés de notes et d'appréciations du corps professoral.

Sur ce, il ressort des attestations délivrées par le responsable du centre de formation Purple campus marguerites, anciennement CCI sud formations de Nîmes, des bulletins de salaire délivrés par la société La Casse de l'oncle Tom et du contrat d'apprentissage signé le 31 août 2013 avec M. [X] [P] représentant cette société, que lorsque l'accident est survenu M. [N] était inscrit en 1ère année de CAP maintenance de véhicules automobiles depuis le 4 septembre 2012, la formation devant s'achever le 30 juin 2014, qu'il travaillait depuis le 4 septembre 2012 en qualité d'apprenti auprès de la société La Casse de l'oncle Tom, qu'il a conservé cet emploi jusqu'au 31 décembre 2013, et que du 9 septembre 2013 au 31 décembre 2013 il était en 2ème année de CAP maintenance de véhicules automobiles.

Les constatations de l'expert sur le déficit fonctionnel temporaire et les bulletins de salaire de M. [N] démontrent que celui-ci a été en arrêt de travail du jour de l'accident au 11 février 2013 puis du 26 février 2013 au 17 mars 2013.

Il s'avère ainsi que l'accident n'a pas empêché M. [N] de passer en 2ème année de CAP et de suivre la formation se déroulant du mois de septembre 2013 au mois de juin 2014, tout en travaillant pour la société La Casse de l'oncle Tom ; M. [N] ne rapporte aucune preuve de ce que d'une part, la direction du CAP l'aurait laissé passer en 2ème année malgré des carences dans son apprentissage de la 1ère année et, d'autre part, de ce que son échec aux épreuves du CAP maintenance de véhicules automobiles est imputable à l'accident.

Il y a lieu dès lors de le débouter de sa demande d'indemnisation d'un préjudice scolaire ou de formation.

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

M. [N] évalue à la somme de 3 397,17 euros sa perte de salaires pour la période du 10 octobre 2012 au 17 mars 2013 sur la base de son salaire mensuel de 647,08 euros et sollicite une indemnité de 1 698,58 euros après application de la réduction de son droit à indemnisation.

La société Axa fixe la perte de gains professionnels actuels à 2 745,38 euros sur laquelle elle impute les salaires perçus durant la période d'arrêt de travail soit 580,78 euros.

Sur ce, il ressort des bulletins de salaire communiqués que M. [N] lors de l'accident percevait un salaire mensuel net de 525,35 euros ; durant la période du 8 octobre 2012 au 17 mars 2013 sa perte s'est élevée à 2 763,24 euros (525,35 euros x 5,26 mois).

Sur cette perte s'imputent les salaires perçus durant cette même période soit 284,96 euros au mois de février et 141,83 euros (258,64 euros x 17 jours/31 jours) en mars 2013, soit 426,79 euros au total.

Aucune indemnité journalière n'a été versée à M. [N].

Après imputation la perte réelle est de 2 336,45 euros (2 763,24 euros - 426,79 euros) dont 50 % soit 1 168,23 euros revient à M. [N] après application de la réduction de son droit à indemnisation.

- Assistance temporaire de tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

La nécessité de la présence auprès de M. [N] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise, non spécialisée et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 17 euros, conformément à la demande de M. [N].

L'indemnité de tierce personne s'établit à :

- du 1er décembre 2012 au 28 janvier 2013

2 heures x 59 jours x 17 euros = 2 006 euros

- du 29 janvier 2013 au 25 février 2013

1 heure x 28 jours x 17 euros = 476 euros

- du 27 février 2013 au 16 mars 2013

2 heures x 2,57 semaines x 17 euros = 87,38 euros

' total : 2 569,38 euros.

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % l'indemnité revenant à M. [N] est de 1 284,69 euros.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Préjudice professionnel

M. [N] sollicite sous ce titre l'indemnisation de la perte de chance professionnelle résultant de l'échec à son CAP, l'absence de ce diplôme ayant pour effet selon lui d'amoindrir son cursus professionnel et d'impacter son avenir professionnel.

La société Axa s'oppose à cette demande au motif que M. [N] n'a pas rapporté la preuve que la non obtention du CAP maintenance des véhicules automobiles en juin 2014 est imputable à l'accident d'autant qu'il est retourné en cours le 18 mars 2013 et n'a plus été en arrêt de travail, qu'il ne justifie pas de difficultés liées à l'absence de CAP ni de ses revenus actuels.

Sur ce, la perte de chance professionnelle bien que constituant l'une des composantes de l'incidence professionnelle sera examinée conformément à l'accord des parties sous le titre de préjudice professionnel.

Pour les mêmes motifs que ceux énoncés pour le préjudice scolaire qui sont ici repris il s'avère que M. [N] ne démontre pas que l'absence d'obtention du CAP maintenance véhicules automobiles est imputable à l'accident ; sa demande d'indemnisation d'une perte de chance professionnelle doit dès lors être rejetée.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base de 30 euros par jour pour un déficit total, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, soit :

- 1 620 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total de 54 jours

- 1 168,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 66 % de 59 jours

- 420 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % de 28 jours

- 135 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % de 18 jours

- 1 230 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % de 410 jours

' total : 4 573,20 euros.

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % l'indemnité revenant à M. [N] est de 2 286,60 euros.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, de l'hospitalisation, de l'intervention chirurgicale, des examens et soins ; évalué à 4/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie une évaluation à hauteur de 20 000 euros

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % l'indemnité revenant à M. [N] est de 10 000 euros.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 3/7 au titre de l'alitement et des déplacements en fauteuil roulant puis à l'aide de cannes anglaises, ensemble d'élément ayant altéré l'apparence physique de M. [N], il doit être évalué à 3 000 euros.

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % l'indemnité revenant à M. [N] est de 1 500 euros.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une limitation de mobilisation du genou droit et une limitation des amplitudes articulaires du 4ème rayon de la main droite, conduisant à un taux de 5 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence une indemnité de 11 000 euros pour un homme âgé de 18 ans à la consolidation.

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % l'indemnité revenant à M. [N] est de 5 500 euros.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 1/7 au titre des cicatrices et du petit flessum de l'annulaire droit, il doit être évalué à 2 000 euros.

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % l'indemnité revenant à M. [N] est de 1 000 euros.

***

Les intérêts des indemnités allouées courront au taux légal à compter de ce jour en application de l'article 1231-7 du code civil, faute de preuve d'un préjudice supplémentaire.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable à la CPAM qui est en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées.

Chaque partie succombant pour partie en ses demandes et tenant compte de l'équité, il convient de dire que chacune d'entre elle assumera ses propres dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt de la présente cour du 25 janvier 2021,

- Condamne in solidum M. [W] [R] et la société Axa France IARD à verser à M. [H] [N] les indemnités suivantes, provisions non déduites, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :

- frais divers : 1 137,57 euros

- assistance temporaire par tierce personne : 1 284,69 euros

- perte de gains professionnels actuels : 1 168,23 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 2 286,60 euros

- souffrances endurées : 10 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

- déficit fonctionnel permanent : 5 500 euros

- préjudice esthétique permanent : 1 000 euros,

- Déboute [H] [N] de ses demandes d'indemnisation d'un préjudice scolaire et d'un préjudice professionnel,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile devant le premier juge et devant la cour,

- Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/27024
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;18.27024 ?
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