Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 11
ARRET DU 19 MAI 2022
(n° /2022, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/23936
N° Portalis 35L7-V-B67-BXUZP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/01616
APPELANT
Monsieur [R] [D]
chez Madame [C] [T],
[Adresse 4]
[Localité 7]
né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 5] ([Localité 5])
représenté et assisté par Me Cyril IRRMANN de la SELARL IRRMANN FEROT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0778
INTIMEES
REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753,
assistée par Me Caroline CARRÉ-PAUPART, avocat au barreau de PARIS, toque : E1388
CPAM DE SEINE SAINT DENIS
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre chargée du rapport, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre
Mme Nina TOUATI, présidente de chambre
Mme Sophie BARDIAU, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le 31 décembre 2011, M. [R] [D], a été victime d'un accident en gare de [Localité 9], en chutant sur les voies à l'arrivée du train ; ses blessures ont conduit à l'amputation de sa jambe droite au-dessus de la cheville.
Par acte d'huissier de justice en date du 29 janvier 2014, M. [D] a fait assigner la Régie autonome des transports parisiens (la RATP) et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la CPAM) devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir la mise en place d'une expertise médicale et le versement d'une provision de 100 000 euros à valoir sur son indemnisation.
Par jugement en date du 24 septembre 2015, cette juridiction a :
- débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté par voie de conséquence la CPAM de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 27 novembre 2015, M. [D] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 13 novembre 2017, la cour d'appel de Paris a :
- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 septembre 2015 en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- déclaré la RATP responsable pour moitié des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. [D] le 31 décembre 2011,
- avant dire droit sur le préjudice corporel ordonné une expertise médicale de M. [D],
- commis en qualité d'expert le Docteur [L] [G], avec mission habituelle en la matière,
- condamné la RATP à payer à M. [D] les sommes de :
- 30 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- rejeté la demande de provision présentée par la CPAM,
- condamné la RATP à payer à la CPAM la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la RATP aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés par les avocats de M. [D] et de la CPAM, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Après dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 16 septembre 2019, a :
- condamné la RATP à payer à M. [D] les sommes suivantes à titre de réparation du préjudice corporel causé par l'accident du 31 décembre 2011, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, capitalisables annuellement :
- dépenses de santé à charge 182,80 euros
- frais divers 1 115,29 euros
- assistance par tierce personne temporaire 9 368 euros
- frais de logement adapté 76 euros
- frais de véhicule adapté 9 211,43 euros
- assistance par tierce personne future 53 484,46 euros
- incidence professionnelle 60 000 euros
- déficit fonctionnel temporaire 5 521,50 euros
- souffrances endurées 15 000 euros
- préjudice esthétique temporaire 2 500 euros
- déficit fonctionnel permanent 65 500 euros
- préjudice esthétique permanent 7 500 euros
- préjudice d'agrément 2 500 euros
- préjudice sexuel 7 500 euros
- rejeté la demande au titre de la perte de gains professionnels futurs,
- sursis à statuer sur le poste de dépenses de santé futures,
- ordonné un complément d'expertise aux frais avancés de M. [D] et commis pour y procéder M. [I] [O], ultérieurement remplacé par le Professeur [N], avec pour mission de :
- se faire communiquer le rapport d'expertise du docteur [L] [G] en date du 12 septembre 2018 et, en tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires au complément d'expertise, avec l'accord de la victime,
- préciser au titre des dépenses de santé futures : la nécessité de l'intervention d'un personnel médical et/ou para-médical : médecins, kinésithérapeutes, prothésistes (nombre et durée moyenne de leurs interventions), la nature et le coût des soins susceptibles de rester à la charge de la victime en moyenne annuelle,
- évaluer le coût de l'appareillage prothétique nécessaire : type de prothèse, coût initial, périodicité du renouvellement, coût et périodicité de son entretien, et le cas échéant prise en charge par l'organisme social,
- renvoyé l'affaire à la mise en état,
- condamné la RATP à payer à la CPAM les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2019 :
- 31 627,48 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
- 1 046,90 euros au titre des frais de transport,
- condamné la RATP aux dépens exposés par M. [D] et la CPAM depuis l'arrêt rendu le 13 novembre 2017 jusqu'à ce jour, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- suris à statuer sur les demandes présentées par M. [D] et la CPAM sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'expert a établi son rapport le 12 mai 2021.
L'affaire a été rappelée pour être plaidée à l'audience du 3 mars 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions de M. [D], notifiées le 8 février 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :
Vu l'article 1384 ancien du code civil,
Vu la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007,
Vu les articles L.165-41 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale,
- juger M. [D] recevable et bien fondé en ses demandes,
- juger que la RATP est tenue d'indemniser en proportion de la moitié les préjudices de M. [D] suite à son accident du 31 décembre 2011,
- juger que la déduction de la créance des organismes sociaux ne pourra s'exercer, poste par poste, que sur les indemnités qui réparent les préjudices qu'elle est susceptible de prendre en charge dans la limite du droit de préférence de la victime,
- juger, compte tenu du droit de préférence de la victime, qu'il reviendra, sauf à parfaire, à la CPAM,
- frais médicaux et paramédicaux : 193 514,71 euros
- frais d'appareillage : 0 euro,
- évaluer les dépenses de santé futures de M. [D], après partage de responsabilité à hauteur de 50 % et application du droit de préférence au vu des observations développées ci-dessus, de la manière suivante :
- frais médicaux et paramédicaux : 0 euro
- frais d'appareillage : 633 996,46 euros,
- évaluer les frais divers de M. [D], comme suit :
- honoraires de médecin-conseil : 1 440 euros
en conséquence,
- condamner la RATP à payer à M. [D], en réparation de son préjudice au titre des frais d'appareillage la somme totale, sauf à parfaire, en deniers ou quittance, de 634 716,46 euros,
- condamner la RATP au paiement de la somme de 6 000 euros à M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la RATP aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise,
- déclarer la décision commune à la CPAM,
- juger que les sommes mises à la charge de la RATP porteront intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2011 (date de l'accident) ou, subsidiairement, à compter du 13 novembre 2017 (date de l'arrêt définitif reconnaissant le droit à indemnisation de M. [D] précédemment rendu dans cette affaire), et, en tout état de cause, avec anatocisme à compter du 31 décembre 2011,
- mettre, conformément aux dispositions de l'article L. 146-1 du code la consommation, à la charge de la RATP, l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution que pourrait avoir à supporter M. [D].
Vu les conclusions de la RATP, notifiées le 8 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
- recevoir les conclusions de la RATP et les déclarer bien fondées,
à titre principal,
- rejeter les demandes de M. [D] ayant trait aux dépenses de santé futures, dès lors qu'il ne justifie aucunement de son aptitude à bénéficier des équipements sollicités,
- limiter la créance de la CPAM à hauteur de 50 % et dire que les frais futurs seront remboursés au fur et à mesure de leur engagement,
à titre infiniment subsidiaire,
- allouer à M. [D] les sommes suivantes :
- la prothèse principale composée d'un pied bionique meridium® : 226 847,48 euros après application du coefficient réducteur du droit à indemnisation,
- la prothèse de bain et d'activités aquatiques : 101 722,43 euros, après application du coefficient réducteur du droit à indemnisation, sous réserve qu'il justifie de l'absence de prise en charge des organismes sociaux et à défaut, l'en débouter,
- débouter M. [D] de sa demande de prise en charge de la prothèse de secours, prise en charge par les organismes sociaux,
- débouter M. [D] de sa demande de prise en charge de la prothèse de sport non justifiée,
- limiter la créance de la CPAM à hauteur de 50 % et dire que les frais futurs seront remboursés au fur et à mesure de leur engagement et après application du droit de préférence de la victime,
en tout état de cause,
- rejeter la créance de la CPAM au titre des dépenses de santé actuelles ayant déjà fait l'objet d'une liquidation dans l'arrêt rendu le 16 septembre 2019,
- rejeter la demande de M. [D] au titre des frais divers ayant déjà fait l'objet d'une liquidation dans l'arrêt rendu le 16 septembre 2019,
- réduire à de plus justes proportions les sommes sollicitées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuer ce que de droit sur les dépens.
Vu les conclusions de la CPAM, notifiées le 27 décembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,
- recevoir la CPAM en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,
en conséquence,
- condamner la RATP à verser à la CPAM la somme de 73 891,05 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la demande,
- condamner la RATP à verser à la CPAM les dépenses de santé futures, au fur et à mesure de leur engagement, pour un capital représentatif s'élevant à la somme de 441 448,50 euros, avec intérêts de droit à compter de leur engagement ou du jugement à intervenir si le tiers opte pour un versement en capital,
- condamner la RATP à verser à la CPAM une somme de 4 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner également la RATP en tous les dépens en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les frais divers
M. [D] demande à la cour de lui allouer la somme de 1 440 euros représentant les honoraires du médecin conseil l'ayant assisté à l'expertise du Professeur [N], en précisant d'une part, qu'il s'agit d'une dépense nouvelle sur laquelle la cour ne s'est pas prononcée, et d'autre part, que l'indemnisation doit en être faite indépendamment de la réduction de son droit à indemnisation.
La RATP s'oppose à cette demande au motif que la cour a déjà statué sur les frais divers dans son arrêt du 16 septembre 2019 et a sursis à statuer uniquement sur le poste de dépenses de santé futures.
Sur ce, si la cour par son arrêt du 16 novembre 2019 s'est prononcée sur le poste des frais divers exposés jusqu'à la consolidation de l'état de M. [D] fixée au 31 décembre 2013, la demande portant sur le coût des honoraires du médecin conseil ayant assisté M. [D] dans le cadre de l'expertise qu'elle a ordonnée, est recevable et fondée en son principe s'agissant de frais postérieurs non indemnisés et rendus nécessaires par l'accident que M. [D] a subi.
Selon la facture émise le 11 février 2021 par le Docteur [E], dont la présence à l'expertise est mentionnée par le Professeur [N] dans son rapport, les frais d'assistance à expertise par médecin conseil se sont élevés à 1 440 euros.
Comme les autres postes de dommage, cette dépense est affectée par la réduction du droit à indemnisation de M. [D].
Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % l'indemnité revenant à M. [D] est de 720 euros.
Sur les dépenses de santé futures
M. [D] relève que son besoin d'être équipé de prothèses a été retenu par la cour dans son précédent arrêt et que l'indemnisation du matériel nécessaire ne peut être subordonnée au respect d'un parcours de soins ; il précise néanmoins qu'il justifie d'un suivi médical.
Il demande à la cour de retenir les chiffrages de l'expert pour l'ensemble des prothèses.
M. [D] observe en outre qu'en vertu du principe de la réparation intégrale, il ne doit rendre aucun compte de l'utilisation des fonds qui lui ont été alloués et qu'il n'a pas à justifier de factures acquittées, la fourniture de devis suffisant à démontrer le montant de la dépense nécessaire à son appareillage.
M. [D] critique la créance produite par la CPAM aux motifs que celle-ci comprend au titre des prestations acquittées des sommes relevant des dépenses de santé futures qui n'ont pas encore été prises en charge et des frais correspondant à la prothèse tibiale qualifiée par l'expert de prothèse principale et qui selon celui-ci ne bénéficie pas d'une prise en charge par la CPAM.
M. [D] sollicite l'application du barème de capitalisation publié par la Gazette du palais en 2020 et fait observer qu'il doit être tenu compte de son droit de préférence.
La RATP soutient que M. [D] ne justifie pas de la nécessité d'être appareillé comme il le demande dans la mesure où il ne fournit ni des bilans complets de validation des matériels prothétiques et de leur usage, préalable nécessaire selon l'expert, ni des factures acquittées.
Elle relève en outre que M. [D] bénéficie depuis son accident de prothèses prises en charge par la CPAM et qu'il demande des arrérages échus pour des prothèses qu'il n'a jamais acquises ; elle affirme que faire droit à la demande de M. [D] conduirait à réaliser à son profit un enrichissement au détriment de la CPAM qui compte tenu du droit de préférence dont bénéficie M. [D] ne pourrait être remboursée de sa créance.
A titre subsidiaire, la RATP se fondant sur le rapport d'expertise conclut au rejet des demandes de M. [D] portant sur la prothèse de deuxième mise, celle-ci étant prise en charge par les organismes sociaux, de la prothèse de bains, faute de justification de ce qu'elle n'est pas prise en charge par ces organismes et de la prothèse de sport alors que M. [D] ne démontre pas ses capacités fonctionnelles à la course.
Sur la créance de la CPAM, la RATP fait valoir que la cour a déjà statué sur les dépenses de santé actuelles dans son arrêt du 16 septembre 2019, que la CPAM omet de tenir compte de la réduction du droit à indemnisation de M. [D] et de son droit de préférence, que selon l'expert il n'y a lieu de prévoir qu'un bilan en centre spécialisé par an, de sorte que la demande d'indemnisation de 21 jours d'hospitalisation par an n'est pas fondée et que la CPAM ne peut exiger le versement anticipé des indemnités couvrant ses frais futurs.
La CPAM fixe sa créance à la somme de 515 339,55 euros composée à hauteur de 73 891,05 euros des dépenses de santé actuelles et à hauteur de 441 448,50 euros des dépenses de santé futures.
***
Sur ce, la CPAM demande à la cour de l'indemniser de dépenses de santé qu'elle aurait prises en charge avant la consolidation du 31 décembre 2013 ; il s'avère que dans l'arrêt du 16 novembre 2019 la cour a statué sur le poste des dépenses de santé actuelles, intégrant la créance de la CPAM qu'elle a fixée à la somme de 60 160,67 euros ; la CPAM ne justifie pas de circonstances nouvelles ; la demande de la CPAM portant sur les dépenses de santé actuelles ne peut donc prospérer.
Il résulte du décompte de la CPAM qu'elle évalue ses frais futurs à 441 448,50 euros correspondant à la capitalisation des frais de prothèses annuels et des autres frais de santé.
Sur les frais de prothèses, il ressort des pièces produites aux débats par M. [D] qu'il a pris contact annuellement de 2019 à 2021 avec le centre [Localité 8] pour un contrôle de son matériel prothétique et qu'à la suite de l'établissement du rapport d'expertise il a effectué une consultation multidisciplinaire en appareillage.
Il doit être rappelé que le principe de la réparation intégrale de la victime impose d'indemniser M. [D] en fonction de ses besoins établis, et ce à compter de la consolidation, et non au vu de justificatifs de dépenses engagées et de ne pas contrôler l'utilisation des fonds devant lui être alloués.
Par ailleurs, la cour dans son arrêt du 13 novembre 2017, a limité la responsabilité de la RATP à 50 % des dommages subis par M. [D].
Conformément à l'article 1346-3 du code civil, la victime peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence aux tiers payeurs subrogés ; il en résulte que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.
L'expert, le Professeur [N], qui s'est entouré de l'avis d'un orthoprothésiste, a établi ses conclusions qui sont précises et détaillées, après examen de M. [D] et analyse des devis qu'il lui a présentés et en tenant compte des équipements pris en charge par la CPAM.
Les conclusions de l'expert, consignées notamment dans les tableaux figurant en pages 13 à 15 euros de son rapport, doivent être entérinées, sauf pour la prothèse de sport avec lame Sprinter® d'un coût global de 24 655,84 euros renouvelable tous les 5 ans, non prise en charge par la CPAM, dont la nécessité n'est pas établie dans la mesure où M. [D] ne justifie pas qu'il pratiquait régulièrement la course au moment de l'accident.
Il convient ainsi de retenir que l'état de M. [D] requiert les appareillages suivants :
- une prothèse principale dite de vie comportant notamment un pied Meridium®, non prise en charge par la CPAM représentant un coût global tous les 6 ans de 60 762,72 euros,
- une prothèse secondaire dite de secours d'un coût global tous les 3 ans de 15 101,27 euros composée d'éléments inscrits à la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) prévue par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale,
- une prothèse aquatique avec pied Freestyle® et revêtement Aqualeg® d'un coût global tous les 5 ans de 27 247,08 euros (non prise en charge par la CPAM).
L'indemnisation au titre des prothèses est ainsi la suivante, étant précisé que le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais le 15 septembre 2020 taux d'intérêts 0 % qui est le plus approprié en l'espèce pour assurer la réparation intégrale de M. [D] :
prothèse principale munie d'un pied Meridium®
- coût unitaire : 60 762,72 euros
- coût annuel : 10 127,12 euros (60 762,72 euros / 6 ans)
- arrérages échus du de la consolidation à la liquidation : 84 865,27 euros (10 127,12 euros x 8,38 ans)
- arrérages à échoir : par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme né le [Date naissance 1] 1986 et âgé de 35 ans à la liquidation soit selon le barème susvisé soit 44,800 : 453 694,98 euros (10 127,12 euros x 44,800)
- - total : 538 560,25 euros.
prothèse secondaire
- coût unitaire : 15 101,27 euros euros
- coût annuel : 5 033,76 euros (15 101,27 euros / 3 ans)
- arrérages échus de la consolidation à la liquidation : 42 182,91 euros (5 033,76 euros x 8,38 ans)
- arrérages à échoir : 225 512,45 euros (5 033,76 euros x 44,800)
- - total : 267 695,36 euros.
prothèse aquatique avec pied Freestyle® et revêtement Aqualeg®
- coût unitaire : 27 247,08 euros
- coût annuel : 5 449,42 euros (27 247,08 euros / 5ans)
- arrérages échus du de la consolidation à la liquidation : 45 666,14 euros (5 449,42 euros x 8,38 ans)
- arrérages à échoir : 244 134,02 euros (5 449,42 euros x 44,800)
- - total : 289 800,16 euros.
Le total des frais futurs de prothèses est de 1 096 055,77 euros (538 560,25 euros + 267 695,36 euros + 289 800,16 euros) dont 828 360,41 euros restant à la charge de M. [D].
Le tiers responsable est tenu à hauteur de 50 % soit de 548 027,89 euros.
En vertu de son droit de préférence la somme de 548 027,89 euros revient à M. [D] et aucun solde n'est disponible pour la CPAM.
Par ailleurs la CPAM dans ses décomptes de créance et attestation d'imputabilité de son médecin conseil a retenu 4 consultations de médecin généraliste par an, 1 consultation de médecin spécialiste par an et 21 jours d'hospitalisation par an pour le contrôle et l'adaptation des prothèses de M. [D] outre des frais pharmaceutiques et de transport.
L'expert a précisé sur ce point qu'un suivi spécialisé devrait être assuré et devrait comporter deux avis annuels auprès d'un orthoprothésiste en théorie non facturables et un avis annuel auprès d'un médecin de médecine physique qui pourrait déboucher en cas de désadaptation de l'emboîture sur une nouvelle période d'hospitalisation 'dont l'évaluation et la périodicité ne sont pas chiffrables'.
Eu égard à l'ensemble de ces données, au nombre de prothèses nécessaires et aux besoins de M. [D], les 21 jours d'hospitalisation par an et les dépenses de santé, hors prothèses, prévus par la CPAM ne sont pas critiquables.
La créance de la CPAM au titre des frais hospitaliers, pharmaceutiques, médicaux et de transport doit être fixée à 11 861,88 euros par an ce qui représente après capitalisation selon le barème annexé à l'arrêté du 27 décembre 2011 modifié par l'arrêté du 19 décembre 2016 pris pour l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale pour un homme âgé de 35 ans, une somme de 370 897,26 euros (11 861,88 euros x 31,268).
Après application de la réduction du droit à indemnisation de 50 % le tiers responsable est tenu à hauteur de 185 448,63 euros qui revient à la CPAM.
Il est ainsi dû à M. [D] au titre des frais futurs de prothèses, une somme totale de 548 027,89 euros qui produira intérêts au taux légal à compter de ce jour en application de l'article 1231-7 du code civil avec capitalisation annuelle conformément à l'article 1343-2 du même code.
La somme allouée à la CPAM correspondant à des prestations à échoir sera remboursable au fur et à mesure de l'engagement des dépenses avec les intérêts légaux à compter de la demande conformément à l'article 1231-6 du code civil, soit à compter des conclusions du 12 mars 2019 pour les arrérages échus.
Sur les demandes accessoires
Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable à la CPAM qui est en la cause.
La RATP qui succombe partiellement dans ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel exposés depuis l'arrêt de la présente cour du 16 novembre 2019, dont les frais d'expertise du Professeur [N], avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer à M. [D] une indemnité de 3 000 euros et à la CPAM celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés depuis l'arrêt du 13 novembre 2017.
Le présent litige n'étant pas un litige de consommation, la demande de M. [D] tendant à voir mettre à la charge de la RATP l'intégralité du droit de recouvrement ou d'encaissement des huissiers de justice sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt de la présente cour du 16 novembre 2019,
- Condamne la Régie autonome des transports parisiens à payer à M. [R] [D] les indemnités suivantes, provisions non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil :
- 720 euros au titre des frais divers exposés depuis l'arrêt du 16 novembre 2019
- 548 027,89 euros au titre des frais futurs de prothèse,
- Condamne la Régie autonome des transports parisiens à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis les prestations à échoir au fur et à mesure de leur engagement pour un capital représentatif de 185 448,63 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la demande,
- Condamne la Régie autonome des transports parisiens à payer à M. [R] [D] la somme de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés depuis l'arrêt de cette cour du 13 novembre 2017,
- Déboute M. [R] [D] de sa demande au titre du droit de recouvrement ou d'encaissement de l'huissier de justice,
- Condamne la Régie autonome des transports parisiens aux dépens d'appel échus depuis l'arrêt du 16 novembre 2019 qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE