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16/05/2022 | FRANCE | N°21/15227

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 16 mai 2022, 21/15227


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 16 Mai 2022



(n° , 3 pages)



N°de répertoire général : N° RG 21/15227 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEH3X



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors de

s débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :





Statuant sur la requête déposée le 27 juillet 2021 par M....

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 16 Mai 2022

(n° , 3 pages)

N°de répertoire général : N° RG 21/15227 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEH3X

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 27 juillet 2021 par M. [R] [E] né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 5], élisant domicile au cabinet de Me [O] [B] - [Adresse 1] ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 28 mars 2022 ;

Entendus Me [M] [I] [Localité 6] substituant Me Clémence COTTINEAU représentant M. [R] [E], Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Laure de CHOISEL, Avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * * * *

M. [R] [E], mis en examen des chefs de participation à une association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, et de consultation habituelle d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations provoquant à des actes de terrorisme et en faisant l'apologie, a été placé en détention provisoire suivant décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris le 23 septembre 2016 et écroué à la maison d'arrêt de Fresnes, avant d'être transféré à celle de Grasse le 20 juillet 2017.

Il a été mis en liberté en conséquence du jugement qui l'a relaxé le 16 novembre 2017. Après arrêt confirmatif rendu sur appel du ministère public, dont le pourvoi en cassation a été déclaré non admis le 17 mars 2021, ce jugement est aujourd'hui définitif.

Le 27 juillet 2021, M.[E] a saisi le premier président de la cour d'appel de Paris d'une requête aux fins d'être indemnisé des préjudices résultant de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Tant dans sa requête que dans les écritures visées par le greffe le 22 mars 2022 qu'il développe oralement à l'audience, il sollicite à titre d'indemnisation les sommes de

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- 20 238 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses explications orales à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat, reprenant ses écritures visées par le greffe le 30 novembre 2021, s'oppose à l'indemnisation demandée au titre du préjudice matériel faute de preuve de celui ci, et offre de lui verser la somme de 30 000 euros pour la réparation de son préjudice moral.

Le procureur général reprenant oralement à l'audience les termes de son avis visé par le greffe le 22février 2022, conclut à une durée de détention indemnisable de un an, un mois et 24 jours, et adhère au principe de l'indemnisation du préjudice moral incontestablement subi du fait de la détention mais souligne en revanche que la perte de chance alléguée au titre du préjudice matériel n'est pas documentée et ne justifie par conséquent aucune réparation.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention.

A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel ; cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code.

M.[E]. a adressé sa requête aux fins d'indemnisation, désormais le 27 juillet 2021, soit dans le délai de six mois de la décision de non admissibilité du pourvoi rendue par la cour de cassation qui a rendu sa relaxe définitive. Aucun des cas d'exclusion visés par l'article 149 du code de procédure pénale n'étant concerné, cette requête est donc recevable.

Sur l'indemnisation

M [E] a été incarcéré à la maison d'arrêt de [Localité 3] du 23 septembre 2016 au 20 juillet 2017, puis à celle de [Localité 4], où il avait été transféré à cette date, jusqu'au 16 novembre 2017, date du jugement de relaxe : la durée de la détention indemnisable est donc de un an, un mois et 24 jours.

Quant au préjudice moral,

M.[E], âgé de 26 ans au moment de son incarcération, s'est trouvé détenu pour la première fois sous une incrimination très grave, cette situation créant un choc carcéral important en réparation duquel le principe de l'indemnisation demandée est acquis, son quantum étant à préciser en considération des circonstances particulières qu'il invoque.

En premier lieu, pendant les dix premiers, mois , détenu à [Localité 3] avec ses proches résidant à [Localité 4], il a souffert d'un éloignement familial évident, et même si ni la rupture d'un projet de mariage dont il n'établit absolument pas la réalité, ni le décès de son père, ne peuvent être considérés comme des conséquences de la détention, il demeure que l'intéressé n'a pu manquer de souffrir, durant celle-ci, de savoir sa compagne seule avec leur bébé, et de ne pouvoir apporter son soutien à son père, très malade et décédé quelques mois après sa remise en liberté.

Quant aux réactions d'hostilité des autres détenus à son encontre, à son manque d'activité en détention et aux profondes séquelles psychologiques qui, selon M.[E], subsistent en lui de cette période, le rapport d'enquête d'évaluation disciplinaire établi le 9 juin 2017 qu'invoquent l'agent judiciaire de l'Etat et le ministère public ne les démentent pas vraiment, la faible réactivité de M.[E], soulignée par ce rapport, étant aussi le symptôme de son mal être en détention, difficile à vivre et à surmonter, plus encore dans les conditions de détention notoirement déplorables de [Localité 3], et cela même avec l'assistance psychologique dont il paraît avoir bénéficié en détention.

Son préjudice moral sera, dans ces conditions, évalué à la somme de 32000 euros.

En ce qui concerne le préjudice matériel,

M.[E] soutient avoir perdu une chance d'exercer un emploi rémunéré à hauteur du Smic pendant sa détention et réclame à ce titre l'équivalent d'un Smic brut mensuel temps plein, soit 1480, 27 euros, et donc 20 238 euros pour couvrir la durée de celle-ci.

Cependant, pour que la chance perdue soit indemnisable, il est nécessaire d'en établir le caractère réel et sérieux. En l'espèce M. [E] ne prétend pas avoir exercé un emploi dans la période précédant la détention, ni en avoir recherché un, ni avoir reçu des propositions en ce sens. Il en résulte que la chance qu'il aurait eue de travailler pendant sa détention est purement hypothétique, en sorte que le préjudice matériel allégué, qui résulterait de sa perte, ne peut donner lieu à aucune réparation.

L'équité justifie que soit allouée à M. [E] une somme de1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable la requête de M.[R] [E],

Lui allouons la somme de 32 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Rejetons sa demande de réparation au titre du préjudice matériel,

Lui allouons la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus de ses demandes,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 16 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELA MAGISTRATE DÉLÉGUÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/15227
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;21.15227 ?
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