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16/05/2022 | FRANCE | N°21/13407

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 16 mai 2022, 21/13407


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 16 Mai 2022



(n° , 3 pages)



N°de répertoire général : N° RG 21/13407 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECMQ



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière

lors des débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :





Statuant sur la requête déposée le 12 mai 2021 par M. [...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 16 Mai 2022

(n° , 3 pages)

N°de répertoire général : N° RG 21/13407 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECMQ

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 12 mai 2021 par M. [M] [E] né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 4] (Yonne), demeurant [Adresse 1] - [Localité 3] ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 28 mars 2022 ;

Entendus Me Hakim CHERGUI représentant M. [M] [E], Me Colin MAURICE substituant Me Sandrine BOURDAIS, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Laure de CHOISEL, Avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * * * *

M.[M] [E] , mis en examen des chefs de vols et tentative de vols en bande organisée en état de récidive légale, a été placé en détention provisoire suivant décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d' Auxerre le 16 janvier 2019 et écroué à la maison d'arrêt de cette ville le même jour.

Placé sous contrôle judiciaire le 23 mai 2019 , il a été relaxé par jugement du 8 octobre 2020.

Le 12 mai 2021, il a saisi le premier président de la cour d'appel de Paris d'une requête aux fins d'être indemnisé des préjudices résultant de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Dans sa requête qu'il développe oralement à l'audience, il sollicite à titre d'indemnisation les sommes de

- 25000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

-12 636, 92 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, dont 7436, 92 euros au titre des pertes de salaires et de retraite et 5200 euros pour frais de défense,

- 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses explications orales à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat, reprenant ses écritures visées par le greffe le 23 novembre 2021 en renonçant toutefois à sa demande d'irrecevabilité de la requête en indemnisation, demande à voir fixer à trois mois la période de détention indemnisable et ramener à 5111, 52 euros l'indemnisation de la perte de salaire, à majorer de 200 euros pour perte de chance de retraite complémentaire, l'indemnisation des frais de défense étant à écarter compte tenu de l'imprécision de la facture. Il propose au titre du préjudice moral une réparation de10 000 euros.

Le procureur général reprenant oralement à l'audience les termes de son avis visé par le greffe le 22 février 2022, dont il lève également les réserves sur la recevabilité de la requête, le requérant ayant justifié du caractère définitif du non lieu en produisant le 16 mars 2022 le certificat de non appel du jugement de relaxe du 8 octobre 2020, conclut à une durée de détention indemnisable de 3 mois, recommande l'indemnisation du préjudice moral apprécié en considération de la situation personnelle de M. [E], et admet l'indemnisation de la seule perte de salaire pour trois mois au titre du préjudice matériel.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention.

A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel ; cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code.

M.[E] a adressé sa requête aux fins d'indemnisation, le 12 mai 2021, au delà du délai de six mois prévu par le texte ci dessus cité, sans toutefois que ce retard puisse entraîner l'irrecevabilité de sa demande, le dépassement du délai lui étant inopposable en l'absence de justification que le prononcé de sa relaxe ait été accompagné de la notification des conditions du présent recours. La décision de relaxe étant définitive, et aucun des cas d'exclusion visés par l'article 149 du code de procédure pénale n'étant concerné, cette requête est donc recevable.

Sur l'indemnisation

Le mandat de dépôt du 16 janvier 2019 au titre duquel M.[E] a été placé en détention de manière injustifiée a été levé le 23 mai 2019, toutefois, dans le cours de cette période, il a, selon sa fiche pénale, été détenu pour autre cause à compter du 15 avril 2029 au titre de la mise à exécution d'une condamnation à une peine d'emprisonnement de 7 mois prononcée par la cour d'appel de Paris le 28 février 2019 : la durée de la détention indemnisable est donc de trois mois, du 16 janvier au 15 avril 2019.

Quant au préjudice moral,

M. [E], âgé de 31 ans au moment de son placement en détention, qui avait déjà connu le milieu carcéral, l'une de ses condamnations antérieures ayant comporté une peine de un an d'emprisonnement dont six mois seulement assortis d'un sursis, s'est trouvé coupé de son milieu familial, laissant sans soutien sa compagne en charge de deux jeunes enfants, alors qu'elle était en cours d'une grossesse difficile, d'où une inquiétude sur le sort de sa famille qui a aggravé sa situation en détention. L'affaire a par ailleurs connu une certaine médiatisation qui a pu avoir pour M.[E], en particulier dans son milieu professionnel, quelques inconvénients, surtout liés à la procédure, mais auxquels son placement en détention, accréditant l'idée au demeurant fausse de sa culpabilité, n'a pu manquer de participer, ce dont il doit être également tenu compte dans l'appréciation du préjudice moral liés à la détention.

Compte tenu de l'ensemble des éléments ainsi soulignés, le préjudice moral de M [M] [E] sera évalué à la somme de 10 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice matériel,

M. [M] [E] justifie qu'il était salarié lors de sa mise en détention, les bulletins de salaire qu'il produit faisant état d'un salaire net qui était en moyenne de 1703, 84 euros par mois : il a donc perdu pendant ses trois mois de détention la somme de 5111, 52 euros dont il doit être indemnisé.

Quant aux pertes de points retraite, aucune amputation n'affectant les droits du régime général du fait de la détention provisoire si celle-ci ne vient pas s'imputer sur une peine ferme, M.[E] ne peut prétendre qu'à la perte de points liés à ses cotisations à une retraite complémentaire, prélevées selon ses bulletins de salaires à hauteur de 100 à 115 euros chaque mois, soit sur 3 mois 345 euros, et, en retenant une perte de chance de 80 %, à une indemnisation de 276 euros.

Quant aux frais de défense, la note d'honoraires de 5202 euros produite mentionne des diligences dont certaines sont à l'évidence liées à la question de la détention, mais d'autres non moins évidemment liées au fond de l'affaire, sans que soit proposée entre les différents postes une ventilation permettant d'isoler la part de la dépense globale exclusivement dédiée à la détention, seule indemnisable. La détermination d'une clé de répartition échappant à la compétence du premier président, aucune réparation ne peut lui être accordée de ce chef.

La réparation totale allouée à M.[E] au tire de son préjudice matériel sera donc de 5387,52 euros.

L'équité justifie que lui soit allouée une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable la requête de M.[M] [E],

Lui allouons la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Lui allouons la somme de 5387, 52 euros en réparation de son préjudice matériel,

Lui allouons la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus de ses demandes,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 16 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELA MAGISTRATE DÉLÉGUÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/13407
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;21.13407 ?
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