La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2022 | FRANCE | N°20/08039

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 16 mai 2022, 20/08039


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 16 Mai 2022



(n° , 4 pages)



N°de répertoire général : N° RG 20/08039 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5XN



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors de

s débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :





Statuant sur la requête déposée le 3 juin 2020 par M. [D]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 16 Mai 2022

(n° , 4 pages)

N°de répertoire général : N° RG 20/08039 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5XN

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 3 juin 2020 par M. [D] [E] né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 4], élisant domicile au cabinet de Me Steeve RUBEN - [Adresse 2] ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 11 avril 2022 ;

Entendus Me Laurie BARBEZAT substituant Me Steeve RUBEN représentant M. [D] [E], Me Amélie VERGNENEGRE substituant Me Xavier NORMAND BODARD de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Monsieur Anne BOUCHET, Substitut Général, les débats ayant eu lieu en audience publique ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * * * *

M. [D] [E], mis en examen des chefs d'usage illicite de stupéfiants, transport, détention, acquisition, et offre ou cession de stupéfiants non autorisés en état de récidive légale, a été placé en détention provisoire suivant décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Sens le 17 mai 2018 et écroué à la maison d'arrêt de [Localité 3] le même jour.

Libéré sous contrôle judiciaire le 11 mars 2019 sur décision de la chambre de l'instruction, il a bénéficié le 2 avril 2019 d'une décision de relaxe partielle, le tribunal correctionnel de Sens n'ayant retenu à son encontre que le seul délit d'usage illicite de stupéfiants, le condamnant de ce chef à une peine de 4 mois d'emprisonnement. Cette décision, confirmée par la cour d'appel de Paris le 16 décembre 2019, est définitive.

Le 3 juin 2020, M. [E] a saisi le premier président de la cour d'appel de Paris d'une requête aux fins d'être indemnisé des préjudices résultant de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Tant dans sa requête que dans les écritures visées par le greffe le 1er avril 2022 qu'il développe oralement à l'audience, soutenant qu'il n'aurait pas pu être placé en détention pour les faits au titre desquels il a été condamné, il sollicite à titre d'indemnisation des 9 mois et 24 jours d'incarcération injustifiée subie les sommes de

- 17 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

-16 560 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, pertes de salaires et frais de défense

- 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses explications orales à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat, reprenant ses écritures visées par le greffe 11 avril 2022, accepte l'indemnisation du préjudice matériel à hauteur de la somme de 13060 euros ttc correspondant aux frais de défense en lien avec la détention, mais non celle de 3000 euros au titre d'une perte de salaire alléguée mais insuffisamment justifiée, sauf à admettre subsidiairement le paiement de ce chef de la seule somme de 1 129 euros, et propose au titre du préjudice moral une réparation de 13 500 euros.

Le procureur général, reprenant à l'audience les termes de son avis visé par le greffe le 8 mars 2022, conclut à une durée de détention indemnisable de 5 mois et 24 jours, après déduction de la durée totale effectivement subie de 4 mois correspondant à la durée maximale de détention provisoire qui aurait pu être décidée au titre du délit d'usage illicite de stupéfiants pour lequel M.[E] a été condamné, et recommande l'indemnisation du préjudice moral, ainsi que celle du préjudice matériel sous les réserves énoncées par l'agent judiciaire de l'Etat.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention.

A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel ; cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code.

M. [E] a adressé sa requête aux fins d'indemnisation le 3 juin 2020, soit dans le délai de six mois de la décision de relaxe, qui est définitive. Aucun des cas d'exclusion visés par l'article 149 du code de procédure pénale n'étant concerné, cette requête est donc recevable.

Sur la durée de la détention indemnisable

M. [E] a été incarcéré du 17 mai 2018 au 11 mars 2019. Cependant, il n'a bénéficié que d'une relaxe partielle, en sorte que doit être éventuellement déduite de cette durée le temps de détention provisoire qu'il aurait pu avoir au maximum à subir s'il avait été poursuivi du seul chef pour lequel il a été en définitive condamné.

Aux termes de l'article 143-1 du code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque la personne mise en examen encourt une peine criminelle ou une peine correctionnelle égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.

M. [E] a été condamné le 2 avril 2019 pour usage illicite de stupéfiants, infraction punie par l'article L 3421-1 du code de la santé publique d'une peine de un an d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende, soit une sanction inférieure à ce seuil, en sorte qu'elle n'aurait pas permis son placement en détention provisoire.

Il en résulte qu'il doit être indemnisé au titre de la durée totale de la détention provisoire subie, soit 9 mois et 24 jours.

Sur l'indemnisation

Quant au préjudice moral,

M. [E], célibataire et âgé de 25 ans au moment de son placement en détention, qui n'avait jusque là jamais été incarcéré quoique son casier judiciaire fasse état de plusieurs condamnations prononcées à son encontre par le tribunal pour enfants puis par le tribunal correctionnel entre 2010 et 2017, a subi pendant de nombreux mois une détention injustifiée dans les conditions notoirement peu satisfaisantes offertes au sein de la maison d'arrêt de [Localité 3], chroniquement surpeuplée, se trouvant ainsi coupé de ses parents avec lesquels il demeurait et qui n'ont pu lui rendre visite aisément compte tenu de l'éloignement, l'isolement qui en est résulté aggravant la dureté de sa situation.

Compte tenu de ces éléments, son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de la somme de 17 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice matériel,

Quant aux pertes de salaire, il résulte des pièces produites - attestation Pôle emploi et lettre de licenciement - qu'à la date de son placement en détention, M.[E] était employé au sein de l'entreprise [5] selon contrat à durée déterminée, à compter du 26 mars 2018, ce contrat s'étant achevé au 25 juillet 2018 par une lettre de licenciement sans indemnité ni préavis pour absence du poste de travail depuis le 17 mai 2018, sans production des justificatifs d'absence réclamé.

La date du 17 mai 2018 étant celle du placement de M. [E] en détention, le lien entre celle-ci et sa perte d'emploi est évident.

Le contrat à durée déterminée dont bénéficiait M. [E] n'est pas produit, et sa demande de paiement de deux mois et 8 jours de salaire semble impliquer qu'il aurait été conclu pour une durée de quatre mois s'achevant en toute hypothèse le 25 juillet 2018, ce qui ne correspond pas aux termes de la lettre de licenciement, une autre contradiction tenant aux mentions portées sur l'attestation pôle Emploi, qui mentionne comme dernier jour travaillé et payé le 25 juillet 2018, d'où résulterait que M. [E] aurait en fait perçu son salaire jusqu'à cette date, donc pendant la période du début de sa détention, du 17 mai au 25 juillet 2018, pour laquelle il demande l'indemnisation de sa perte.

En l'impossibilité d'apprécier la réalité de la dite perte, faute de production par M.[E] du reçu pour solde de tout compte que lui annonçait sa lettre de licenciement, qui accompagnait nécessairement l'attestation pôle Emploi adressée par son employeur, et aurait permis de déterminer ce qu'il a ou non effectivement reçu, le préjudice invoqué n'est pas établi, aucune somme ne peut donc lui être allouée à ce titre.

Quant aux frais de défense, M.[E] produit une note d'honoraires détaillant les diligences effectuées et la facturation correspondant à chacune d'elles. Il en résulte, après déduction des montants qui concernent les prestations relatives au fond du dossier, non indemnisables puisque non corrélées exclusivement à la question de la détention, que le préjudice matériel indemnisable de ce chef est de 13560 euros incluant les trois visites en détention figurant sur la facture, le fait que le conseil de M.[E] ne soit en mesure de produire que deux tampons à date sur trois ne justifiant pas de suspecter l'ajout sur sa facture d'une visite qui n'aurait pas eu lieu.

L'équité justifie que soit allouée à M. [E] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

Déclarons recevable la requête de M. [D] [E]

Lui allouons la somme de 17 000 euros en réparation de son préjudice moral

Lui allouons la somme de 13560 euros en réparation de son préjudice matériel

Lui allouons la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus de ses demandes,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 16 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA MAGISTRATE DÉLÉGUÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/08039
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;20.08039 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award