La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2022 | FRANCE | N°19/06541

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 16 mai 2022, 19/06541


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 16 Mai 2022



(n° , 3 pages)



N°de répertoire général : N° RG 19/06541 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7S5Z



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière

lors des débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :





Statuant sur la requête déposée le 15 mars 2019 par M. ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 16 Mai 2022

(n° , 3 pages)

N°de répertoire général : N° RG 19/06541 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7S5Z

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 15 mars 2019 par M. [Y] [X] né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 4] (Côte d'Ivoire), demeurant Élisant domicile au cabinet de Me François ORMILLIEN - [Adresse 2] - [Localité 3] ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 28 février 2022 puis le renvoi contradictoire au 28 mars 2022 ;

Entendus Me Paul VOIGT substituant Me Francois ORMILLIEN représentant M. [Y] [X], Me Noelia CANEDO substituant Me Anne-Laure ARCHAMBAULT de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Laure de CHOISEL, Avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, M. [X] ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * * * *

M.[Y] [X], mis en examen du chef de viol, a été placé en détention provisoire suivant décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris le 31 juillet 2017 et écroué à la maison d'arrêt de Fleury Mérogis le même jour.

Libéré sous contrôle judiciaire le 10 octobre 2018, il a bénéficié le 3 janvier 2019 d'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction saisi du dossier.

Le 15 mars 2019, il a saisi le premier président de la cour d'appel de Paris d'une requête aux fins d'être indemnisé des préjudices résultant de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Tant dans sa requête que les écritures visées par le greffe qu'il développe oralement à l'audience, il sollicite à titre d'indemnisation la somme de 87 400 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, outre 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses explications orales à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat, reprenant ses écritures visées par le greffe le 6 janvier 2022, récuse les facteurs d'aggravation mis en avant par le requérant et propose d'indemniser le préjudice moral du requérant à hauteur de la somme de 25 000 euros.

Le procureur général, reprenant oralement à l'audience les termes de son avis visé par le greffe le 18 janvier 2022, conclut à une durée de détention indemnisable de un an, deux mois et dix jours, et à l'indemnisation du préjudice moral subi, qui est de principe, sans toutefois devoir retenir les éléments avancés par M.[X] comme éléments aggravants de sa situation.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention.

A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel ; cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code.

M.[X] a adressé sa requête aux fins d'indemnisation le 15 mars 2019, soit dans le délai de six mois de la décision de non lieu, qui est définitive. Aucun des cas d'exclusion visés par l'article 149 du code de procédure pénale n'étant concerné, cette requête est donc recevable.

Sur l'indemnisation

M. [X] a été incarcéré du 31 juillet 2017 au 10 octobre 2018 : la durée de la détention indemnisable est donc de 14 mois et 10 jours.

Quant au préjudice moral, M. [X], arrivé en France à 22 ans en 2016, venant de Côte d'Ivoire où il avait laissé son épouse et en enfant alors âgé de un ans, s'est trouvé placé pour la première fois de sa vie en détention, dans un milieu carcéral dont il ignorait toutes les règles.

S'il est vrai qu'il s'était déjà coupé lui-même de sa famille en choisissant de migrer vers l'Europe, pour autant sa détention n'a pu qu'aggraver cette coupure, le coupant notamment de tout contact téléphonique, et rendre encore plus tangible sa situation d'isolement, atténuée seulement par les visites périodiques d'un oncle.

L'importance de l'accusation portée et de la sanction encourue à défaut de se voir reconnaître innocent a aussi nécessairement alourdi la dureté de la détention par l'angoisse qu'elle a généré, la nature de l'incrimination n'étant de surcroît pas de nature à faciliter la relation avec les autres détenus.

Le fait, enfin, de n'avoir pu, en détention, travailler à son insertion professionnelle et sociale comme M.[X] se serait efforcé de le faire à l'extérieur, constitue également un facteur d'aggravation à prendre en compte, non que le requérant puisse se prévaloir effectivement d'une perte de chance réelle et certaine d'obtenir un titre de séjour, l'aboutissement favorable des démarches qu'il aurait pu entreprendre à cette fin à l'extérieur étant largement hypothétique, mais en considération de l'inquiétude que n'a pu manquer constituer pour lui, pendant sa détention et au fur et à mesure de l'allongement de celle-ci, la mise en évidence progressive de ce que son projet se trouvait définitivement compromis.

Son préjudice moral sera, dans ces conditions, évalué à la somme de 32 000 euros.

L'équité justifie que lui soit allouée une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable la requête de M. [Y] [X],

Lui allouons la somme de 32 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Lui allouons la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus de ses demandes,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 16 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELA MAGISTRATE DÉLÉGUÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/06541
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;19.06541 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award