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16/05/2022 | FRANCE | N°18/01023

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 16 mai 2022, 18/01023


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 16 Mai 2022



(n° , 4 pages)



N°de répertoire général : N° RG 18/01023 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZNX



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière

, lors des débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :





Statuant sur la requête déposée le 15 janvier 2018 par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 16 Mai 2022

(n° , 4 pages)

N°de répertoire général : N° RG 18/01023 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZNX

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, lors des débats et de Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 15 janvier 2018 par M. [R] [H] né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2] ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 11 avril 2022 ;

Entendus Me Yvan DIRINGER substituant Me Pierre CECCALDI représentant M. [R] [H], Me Virginie METIVIER, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Anne BOUCHET, Substitut général, les débats ayant eu lieu en audience publique ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * * * *

M.[R] [H], mis en examen le 4 mai 2016 des chefs de blanchiment d'escroquerie en bande organisée, a été placé en détention provisoire.

Libéré sous contrôle judiciaire, après versement du cautionnement fixé, le 21 juillet 2016, il a été relaxé par jugement du tribunal correctionnel de Paris le 13 septembre 2017.

Par une requête portant un tampon du greffe le 15 décembre 2017, mais enregistrée le 12 mars 2020, il a saisi le premier président de la cour d'appel de Paris d'une requête aux fins d'être indemnisé des préjudices résultant de cette détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale, demandant la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral, et celle de 10 000 euros au titre du préjudice matériel, outre 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures adressées le 31 mars 2022 au greffe de la cour, qu'il développe oralement à l'audience, M. [H] précise demander cette réparation au titre non pas d'une, mais deux détentions provisoires injustifiées, puisqu'à la date où a été décidée la détention au titre de laquelle il a formé sa requête, il était déjà en détention provisoire à [Localité 4] depuis le 6 avril 2016, dans le cadre d' une autre information judiciaire relative à des faits de même nature - dits d'escroquerie à la taxe carbone - impliquant d'autres protagonistes, et après sa remise en liberté sous contrôle judiciaire le 21 juillet 2016, il a été relaxé des fins de cette poursuite par un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris rendu le 6 mars 2020.

Dans ses explications orales à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat, qui invoquait dans ses conclusions l'irrecevabilité de la demande de M.[H] du fait de sa détention pour autre cause constatée sur sa fiche pénale du 6 avril au 21 juillet 2016, admet en définitive cette recevabilité, du fait de la seconde relaxe, mais sur la seule période du 13 au 21 juillet 2016, soutenant qu'aucune requête n'a été déposée au titre de la détention couvrant la période antérieure, relativement à l'autre procédure, qu'elle concerne. Il offre pour ces neuf jours 1000 euros au titre du préjudice moral, et s'oppose à toute réparation au titre du préjudice matériel.

Le procureur général , dont l'avis du 9 mars 2022 soutenait l'irrecevabilité de la demande, suit l'évolution de la position de l'agent judiciaire de l'Etat, en insistant sur l'impossibilité d'apprécier l'indemnisation d'une détention - celle procédant de la seconde information - sans qu'aucune requête n'ait été déposée, l'introduction d'une telle demande par voie de conclusions n'étant pas recevable.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention.

A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel ; cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code.

La date à laquelle M. [H] a adressé sa requête aux fins d'indemnisation, si l'on se réfère à celle de l'enregistrement au greffe, est celle du 20 mars 2020, donc très au delà du délai de six mois de la décision de relaxe. Cependant et quoi qu'il en soit, aucune des parties intéressées n'alléguant que M.[H] ait été notifié, en même temps que de la relaxe, du principe et des modalités d'une procédure destinée à l'indemnisation de sa détention, ce délai de six mois ne lui est pas opposable, et sa requête est donc recevable.

Le mode de saisine ci dessus rappelé est impératif, cependant M.[H] ne l'a utilisé que pour solliciter l'indemnisation de la détention effectuée dans le cadre de la procédure qui a donné lieu au jugement du 13 septembre 2017.

Certes il fait valoir que si sa requête ne fait pas mention de sa seconde détention, relative à la procédure qui a débouché sur sa seconde relaxe du 6 mars 2020, c'est parce que cette relaxe, au moment où il l'a déposée, n'était pas encore définitive faute d'expiration du délai de pourvoi.

Il n'empêche qu'au moment où elle l'est devenue, il lui incombait de former une seconde demande d'indemnisation en déposant une nouvelle requête conforme aux prescriptions de l'article 149 du code de procédure pénale, qui aurait été normalement instruite et jointe à la première.

Le processus d'introduction de cette seconde demande par voie de conclusions dont il a usé ne remplit pas les prescriptions procédurales requises en la matière, et sa demande à ce titre n'est donc pas recevable faute de saisine valable du premier président.

Quant à la requête dont il est effectivement saisi, relative à la réparation de la détention relative à la première procédure, elle n'est recevable qu'autant que M.[H] puisse se prévaloir d'avoir été détenu effectivement dans le cadre de celle-ci.

Sa fiche pénale à [Localité 4] comporte 11 mentions relatives aux deux procédures évoquées, d'où résulte notamment

- qu'il a été écroué en premier lieu dans le cadre de la procédure finalement jugée en second, le 6 avril 2017 à [Localité 5], avant d'être transféré à [Localité 4] le 21 avril 2017,

- que le mandat de dépôt relatif à la procédure jugée en premier lieu - celle dont le premier président est saisi -, s'il a été pris le 4 mai 2018, n' a été mis à exécution que le 13 juillet 2017,

- que deux ordres de mise en liberté ont été simultanément rendus, le 21 juillet 2017, dans chacune des deux procédures.

La détention indemnisable au titre de la procédure dont le premier président est saisi ne couvre donc que la période de neuf jours courue du 13 juillet au 21 juillet 2017, la demande d'indemnisation relative à la période antérieure, du 6 avril au 12 juillet, relevant de la partie de la demande ajoutée par voie de conclusions et jugée plus haut irrecevable.

Sur l'indemnisation

Agé de 62 ans au moment des faits, M. [H] a subi sa détention à [Localité 4], c'est à dire en un lieu très éloigné de sa résidence, donc de ses proches, cet isolement ayant été rendu plus difficile par la fragilité de son état de santé. En considération de ces éléments, et tout en observant qu'il avait déjà connu la détention en 2010 pour des faits ayant donné lieu à une condamnation à deux ans d'emprisonnement dont un assorti du sursis, d'où une atténuation du choc carcéral, il y a lieu de lui allouer au titre du préjudice moral subi pendant ces neuf jours de détention indemnisable la somme de 2000 euros.

Quant au préjudice matériel,

- les frais de déplacement de Mme [H] pour rendre visite à son conjoint détenu ne sont pas indemnisables au titre de l'article149 du code de procédure pénale, qui ne permet pas la réparation des chefs de préjudices autres que ceux rigoureusement personnels au détenu;

- les diligences de défense auxquelles M.[H] fait référence ne concernent pas la période et les actes relatifs à la procédure dont le premier président est saisi, et en tout état de cause il n'en propose qu'une évaluation forfaitaire, or à défaut d'une ventilation précise permettant d'identifier précisément ceux des frais couvrant des diligences strictement en rapport avec la question de la détention, aucun remboursement ne peut en être accordé.

Aucune indemnisation ne peut donc être allouée à M.[H] au titre du préjudice matériel.

L'équité justifie que lui soit accordée une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclarons la requête de M.[H] irrecevable quant à la détention injustifiée subie dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de relaxe du 6 mars 2020, pour défaut de saisine régulière,

La déclarons recevable quant à la détention injustifiée subie dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement de relaxe du 13 septembre 2017, soit du 13 au 21 juillet 2016,

Lui allouons la somme de 2000 euros en réparation de son préjudice moral,

Rejetons ses demandes au titre de la réparation de son préjudice matériel,

Lui allouons la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus de ses demandes,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 16 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA MAGISTRATE DÉLÉGUÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/01023
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;18.01023 ?
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