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13/05/2022 | FRANCE | N°18/08981

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 13 mai 2022, 18/08981


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 13 Mai 2022



(n° , 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08981 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6EF5



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 15-00626





APPELANTE

[6]

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Blan

dine DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : L0165 substituée par Me Maylis MOTTE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE





INTIMEE

URSSAF PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR venant aux droits de la CAISSE N...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 13 Mai 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08981 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6EF5

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 15-00626

APPELANTE

[6]

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Blandine DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : L0165 substituée par Me Maylis MOTTE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMEE

URSSAF PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR venant aux droits de la CAISSE NATIONALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G0759

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre et Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la [6] -[6]- (la société) d'un jugement rendu le 04 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun dans un litige l'opposant à l'Urssaf Provence-Alpes-Cotes d'Azur (l'Urssaf) venant aux droits de la Caisse nationale du RSI.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société [6] est une société anonyme coopérative de commerçants détaillants, ayant pour objet selon ses statuts de regrouper dans une même centrale un certain nombre de Centres [5], de fournir à ses associés en totalité ou en partie les marchandises, denrées ou services, l'équipement et le matériel nécessaires à l'exercice de leur commerce, d'effectuer toutes opérations de commissionnaires à l'achat, de constituer et entretenir à cet effet tous stocks de marchandises, de construire, d'acquérir ou louer, gérer tous magasins et entrepôts particuliers, d'accomplir dans ses établissements ou dans ceux de ses associés toutes opérations, transformations et modernisations utiles et d'effectuer tous transports et livraisons pour le compte des associés.

Par décision du 28 novembre 1996, la Caisse Organic avait accordé aux centrales d'achat du groupe [G], dont la société [6], le bénéfice de l'assiette réduite (sur une partie du chiffre d'affaires) de la C3S prévue pour les commissionnaires.

Par lettre du 26 avril 2010, le Rsi est revenu sur cette position et a invité la [6] à calculer le montant de cette contribution sur la base du chiffre d'affaires total.

Par courrier du 06 mai 2014, la société a réclamé le remboursement d'une partie de la C3S ainsi réglée au titre de l'exercice 2011, soit la somme de 571 109 € au motif qu'elle avait droit à l'assiette réduite en sa qualité de commissionnaire. L'Urssaf n'ayant pas donné de suite favorable à la demande, la société a saisi le 31 juillet 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun, lequel par jugement du 04 mai 2018 a débouté la société de sa demande de remboursement et l'a condamnée à payer à l'organisme la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société a interjeté appel le 17 juillet 2018 de ce jugement qui lui a été notifié à une date ne résultant pas des éléments du dossier.

Par son « mémoire en réponse » écrit déposé à l'audience par son conseil qui l'a oralement développé, la société demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :

- ordonner le remboursement de la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés d'un montant de 571 109 euros versée à tort à la Caisse Nationale du régime Social des Indépendants (désormais URSSAF PACA) au titre de l'exercice 2010 (versée en 2011), augmenté des intérêts de retard au taux légal à compter de la date de la demande initiale (le 6 mai 2014) et capitalisation des intérêts ;

- en tout état de cause, condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société fait valoir pour l'essentiel que :

- elle justifie de sa qualité de commissionnaire et de l'existence d'un mandat préalable ; le commissionnaire est un mandataire et le contrat de mandat peut être tacite, verbal, son existence pouvant être établie par tous moyens.

- au cas présent, les redditions de comptes démontrent à elles seules la qualité de commissionnaire ; ces redditions valent factures et n'ont pas été réalisées postérieurement pour les besoins de la cause ; elles établissent qu'elle a acheté des marchandises en son nom, mais pour le compte du magasin, dans le cadre d'un mandat pour acheter, sans aucune marge dans le cadre de cette activité. La qualité de commissionnaire est d'ailleurs confirmée par les attestations qu'elle verse aux débats.

- l'Urssaf a exprimé des positions contradictoires, assimilant jusqu'en 2010 la cotisation à une commission.

- l'assiette de la C3S est constituée du chiffre d'affaires déclaré en matière de TVA. Un commissionnaire, qui n'est rémunéré que par une commission ne devrait ainsi être passible de la C3S que sur sa seule commission. Cela étant, par une pure fiction fiscale, il est tenu de déclarer, en matière de TVA, le chiffre d'affaires correspondant à sa commission, ainsi que le montant des opérations dans lesquelles il s'est entremis.

- le remboursement de frais de fonctionnement de la Centrale ne constitue pas une rémunération, et en l'absence de commission (laquelle n'est pas obligatoire), elle n'était donc pas passible de la C3S.

- le remboursement de frais ne constitue pas plus une commission au sens de l'article 273 octies du CGI ; en effet, elle adresse aux magasins une reddition de comptes faisant apparaître les marchandises qu'elle a acquises pour le compte de ses adhérents conformément aux précommandes, et lesdites redditions de comptes s'opèrent à l'euro, sans aucune marge.

- le débat relatif à la détermination préalable de la commission n'a donc pas lieu d'être, faute de commission, et en tout état de cause, les sommes qu'elle perçoit sont bien déterminées préalablement d'après le prix des biens commandés par chaque associé coopérateur (taux de cotisation entériné chaque année par le Conseil d'Administration de la [6] pour l'exercice à venir), la quantité des biens acquis pour le compte des magasins (proportionnellement aux prix d'enlèvement des marchandises), pour un taux constant (4%).

- elle ne devient jamais propriétaire des marchandises, argument soulevé uniquement en cours d'instance par l'Urssaf, ce qui est l'essence même du contrat de commission ; les redditions de comptes sont établies et les marchandises livrées quotidiennement aux magasins.

- le principe de sécurité juridique n'a pas été respecté puisque la décision de l'Urssaf présente bien un caractère rétroactif, l'assiette de la contribution 2011 étant fondée sur le chiffre d'affaires réalisé en 2010. De plus, la modification de l'assiette de la C3S 2011 opérée par l'Urssaf par sa lettre du 26 avril 2010 ne saurait constituer une abrogation régulière, ni un retrait.

- la position de l'Urssaf et le jugement contreviennent aux dispositions de la CEDH :

- le commissionnaire ne se détermine pas juridiquement par sa rémunération.

- la différence de traitement entre les commissionnaires selon la nature de la commission ou le mode de calcul de leur rémunération est discriminatoire.

- la différence de traitement des commissionnaires au regard du mode de calcul de leur rémunération porte atteinte au droit au respect des biens protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel de la CEDH et par la Constitution.

- en prévoyant d'inclure dans l'assiette de la contribution sociale le chiffre d'affaires réputé réalisé par le commissionnaire en raison d'une fiction fiscale, au motif que la commission perçue ne serait pas déterminée préalablement d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services, les dispositions invoquées par l'Urssaf ont pour effet d'assujettir un contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont il ne dispose pas, et donc confiscatoire.

- l'Urssaf n'est dès lors nullement fondée à refuser une minoration de l'assiette de la C3S relative à son activité de commissionnaire.

Par ses conclusions écrites « d'intimée récapitulatives » déposées à l'audience par son conseil qui les a oralement développées, l'Urssaf demande à la cour de confirmer le jugement déféré, et de condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir en substance que :

- la [6], qui est défaillante dans l'administration de la preuve, ne saurait sérieusement prétendre au bénéfice de l'assiette réduite du commissionnaire ; en effet :

- la société ne justifie d'aucun mandat préalable de commissionnaire au sens de l'article L.651-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, l'objet de la société et son activité de centrale d'achats ne l'impliquant pas, et la reddition de compte ne pouvant en tenir lieu.

- la société, malgré ses affirmations, ne rapporte pas la preuve du fait qu'elle ne devient jamais propriétaire des biens conformément audit article.

- enfin, la rémunération perçue par la société ne remplit pas les critères exigés par ces mêmes dispositions, la société percevant une rémunération à travers ses « cotisations » dont il n'est pas établi qu'elles couvriraient exclusivement les frais engagés, alors au surplus que de telles charges ne constituent ni un prix, ni une quantité et ne correspondent pas à la nature des biens ou des services.

- il n'y a eu aucune atteinte au principe de sécurité juridique, puisqu'elle n'a jamais reconnu que la société remplissait les critères ouvrant droit à l'assiette réduite, et a mis fin par lettre du 26 avril 2010 concernant la C3S 2011 générée au 1er janvier 2011, exigible le 15 mai 2011, à la tolérance accordée en 1996.

- il n'y a eu aucune violation de l'alinéa 2 de l'article 1 du protocole additionnel à la CESDH, ni de l'article 1 du protocole additionnel combiné avec l'article 14 de la CESDH.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 10 mars 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE, LA COUR

Sur l'existence d'un mandat préalablement conclu au titre de l'année retenue :

Il résulte de l'article L. 651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige à la date d'exigibilité des contributions litigieuses, et de l'article 273 octies du code général des impôts auquel ce texte renvoie, que seules les opérations d'entremise rémunérées exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services, ouvrent droit au bénéfice de la diminution d'assiette de la contribution prévue par le premier de ces textes et que le bénéfice de la minoration d'assiette de la contribution litigieuse n'est pas subordonné à la perception d'une rémunération par l'intermédiaire en nom propre.

Par ailleurs, il appartient au cotisant de démontrer qu'il remplit les conditions lui permettant de bénéficier de cette diminution d'assiette. A ce titre, il doit notamment établir l'existence d'un mandat préalablement conclu au titre de l'année retenue pour déterminer le chiffre d'affaires assujetti à la contribution litigieuse.

En l'espèce, le statut de « société anonyme coopérative de commerçants détaillants » de la [6] (pièce n°28 bis de l'Urssaf ) n'implique pas en lui même automatiquement l'intervention de la société comme commissionnaire dans sa relation avec les magasins associés, et donc l'existence automatique d'un contrat de commission préalable, par mandat tacite, entre la [6] et ses adhérents, et ce alors que la société indique par ailleurs dans ses conclusions (notamment en page 24/54) intervenir non seulement comme commissionnaire, mais également comme grossiste.

Pour établir l'existence d'un contrat de commission préalable tacite entre elle-même et ses adhérents, la société se prévaut des indications portées aux redditions de compte (sa pièce n°10) ; cependant le contenu de cette pièce ne permet nullement d'établir par lui même avec certitude que la marchandise « précommandée » avec « bon de livraison », expédiée et facturée par la [6] aux hypermarchés adhérents l'a été dans le cadre d'un contrat de commission tacite préalable intervenu entre ceux ci, étant précisé que cette pièce ne précise pas par elle même si les opérations ont été réalisées au nom de la [6] ou au nom de son mandant.

De la même façon, le contenu des attestations émanant de M. [C], directeur administratif et financier de la société (pièce n°8 de l'appelante) et de M. [Z] Président du conseil d'administration de celle-ci (sa pièce n°9), établies par les organes de la société en 2017, n'emportent pas en la matière la conviction de la cour et n'établit pas que les opérations dont se prévaut la [6] au titre de sa demande de remboursement soient intervenues dans le cadre d'un mandat tacite préalable.

Il en va de même de l'attestation (pièce n°7 de la société) établie le 07 septembre 2017 par M. [J], « Pour [4] », commissaire aux comptes, au contenu inopérant, précisant simplement ne pas avoir relevé d'anomalies significatives lors des diligences accomplies au titre de l'année 2010 et que les éléments qu'il rapporte ont été établis « sous la responsabilité de M. [Z] ».

Enfin, les extraits de comptabilité (pièce n°22 de la société) relatifs à des comptes 2010 « ventes commissionnaires » et « ventes grossistes », issus de dénomination retenues par la société elle-même sont là encore insuffisants à établir l'existence d'un mandat préalablement conclu au titre de l'année retenue.

Ainsi, ces éléments, qu'ils soient pris séparément ou dans leur globalité, n'établissent pas l'existence d'un mandat préalablement conclu au titre de l'année retenue pour déterminer le chiffre d'affaires assujetti à la contribution litigieuse, étant précisé que si l'organisme a reconnu en 1996, et ce jusqu'en 2010, notamment à la [6], la qualité de commissionnaire pour certaines opérations réalisées, elle l'a fait en conséquence des éléments qui lui avaient alors été fournis, et dont la force probante doit être appréciée au titre de chaque exercice concerné.

De la même façon, lesdites productions sont insuffisantes à établir, au regard des termes employés, que la [6] n'a été à aucun moment propriétaire des marchandises facturées aux hypermarchés adhérents.

Surabondamment, il apparaît que la [6] percevait des hypermarchés adhérents une « cotisation » dont elle n'établit pas par ses productions, et notamment par sa pièce n°22 bis ne rendant compte d'aucun mode de calcul, que le montant de celle-ci n'indemniserait que les frais induits par les opérations d'entremise dont elle se prévaut et non ceux liés à l'activité de grossiste qu'elle évoque, ne justifiant donc pas en tout état de cause que l'activité d'entremise invoquée ne serait pas rémunérée et que les conditions relatives à la rémunération (au regard de charges ne constituant ni un prix, ni une quantité ) prévues par l'article 273 octies seraient respectées pour pouvoir prétendre à l'assiette réduite de calcul.

La [6] ne peut donc pas prétendre bénéficier des dispositions prévues à l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale en faveur des commissionnaires au titre de l'exercice 2011 de la C3S.

Sur le principe de sécurité juridique :

Le fait générateur de la C3S est fixé au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la C3S est due et en application de l'article D 651-9 dans sa rédaction applicable au litige, la C3S fait l'objet d'un versement exigible le 01er avril, qui doit être effectué le 15 mai au plus tard.

En l'espèce, par son courrier du 28 novembre 1996 (pièces n°6 de la société et 15 de l'Urssaf), la caisse Organic chargée alors du recouvrement conclut que « notre organisme accepte que les coopératives régionales du Mouvement [G] puissent bénéficier, pour partie de leur activité, des dispositions prévues à l'article L 651-5 en faveur des commissionnaires opaques » après avoir notamment précisé : « la question dominante (') est de savoir si les centrales d'achat de statut coopératif peuvent bénéficier des dispositions de l'article L 615-5 alinéa 2 qui prévoient une imposition sur la seule commission perçue, pour les sociétés qui ont une activité de commissionnaire au sens fiscal du terme ; il est vrai que les conditions définies pour reconnaître les commissionnaires fiscaux (') ne se retrouvent pas strictement accomplies par les centrales d'achat coopératives (') En tout état de cause, notre position sur la reconnaissance de la qualité d'intermédiaire de commerce aux coopératives régionales [G] ne saurait préjuger d'une interprétation différente que serait amenée à nous opposer nos autorités de tutelle, dans le cadre d'un examen plus général de l'assiette des sociétés coopératives de commerçants détaillants ».

Par courrier du 26 avril 2010 (pièces n°2 de la société et n°16 de l'Urssaf), le Rsi a informé la société que suite à « échange de mémorandums », « les centrales régionales [G] ne peuvent bénéficier de l'assiette de la contribution sociale de solidarité réservée aux commissionnaires », l'invitant à remplir ses obligations déclaratives conformément aux dispositions de l'article L 651-5 1er alinéa du code de la sécurité sociale.

La [6] a liquidé la C3S au titre de l'exercice 2011 sur l'intégralité de son chiffre d'affaires (pièce n°17 de l'Urssaf).

Par courrier du 06 mai 2014 (pièce n°18 de l'Urssaf) la société a réclamé le remboursement de partie de la C3S qu'elle estimait avoir indument réglée « au titre de l'exercice 2011 », visant notamment « l'année civile 2011 ».

La décision de l'organisme de revenir sur le bénéfice de l'assiette de la contribution sociale de solidarité réservée aux commissionnaires, notifiée à la société en avril 2010, a été au cas d'espèce mise en 'uvre par l'Urssaf au titre de l'exercice 2011 de la C3S, générée le 01er janvier 2011, exigible le 01er avril 2011.

La caisse a donc respecté les conditions d'un changement de doctrine en notifiant régulièrement et de façon non rétroactive à la [6] son changement de position s'agissant du bénéfice de l'assiette du commissionnaire au titre de la C3S 2011, peu important que l'assiette de la contribution 2011 était fondée sur le chiffre d'affaires réalisé en 2010.

Le moyen tiré par la [6] d'une atteinte au principe de sécurité juridique ne peut donc pas prospérer.

Sur l'atteinte aux dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme :

La société se prévaut à ce titre d'une part d'une différence de traitement discriminatoire entre les commissionnaires selon la nature de la commission et d'une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, d'autre part d'une atteinte au droit au respect des biens, notamment par un assujettissement confiscatoire.

Les dispositions critiquées par la société ont pour objet légitime de rétablir, entre les différentes catégories de redevables, l'équilibre des règles d'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés, et de faire contribuer l'ensemble des sociétés opérant dans le secteur concurrentiel à l'équilibre de divers régimes de protection sociale obligatoire.

L'assiette de la C3S est en conséquence constituée par principe par le chiffre d'affaires déclaré par chaque assujetti, avec une exception applicable aux intermédiaires opaques placés dans une situation objective distincte. La société ne caractérise aucune violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, les différences de traitement entre les commissionnaires instaurées par les textes contestés reposant sur une différence objective de situation résultant des conditions de l'activité et de la rémunération perçue ; la seule différence de modalités de calcul de la cotisation contestée en fonction de la nature de l'activité ne permet pas de caractériser une discrimination, pas plus qu'une rupture d'égalité devant les charges publiques.

L'institution de la contribution à l'assiette large, mais à un taux modéré, ne porte pas atteinte en elle-même au droit aux biens, ne présente pas de caractère confiscatoire et ressort du pouvoir d'appréciation laissé aux Etats membres. La société qui argue du caractère confiscatoire de l'impôt à son égard au regard de l'article 1er du Premier Protocole additionnel n'apporte cependant par ses productions et écritures aucun élément chiffré de nature à la démontrer, son appréciation impliquant une évaluation intrinsèque de la situation du contribuable, tandis qu'elle n'apporte aucun élément sur le point de savoir comment la prise en compte de l'assiette élargie a été concrètement en l'espèce reportée sur les adhérents, leur nombre et donc l'impact final de cette assiette sur son mode de fonctionnement. De plus, les différences de traitement entre les commissionnaires reposent sur des différences dans les modalités de leur rémunération et la prise en compte de ces modalités, qui influent sur les facultés contributives des commissionnaires, constituent un motif légitime de différenciation dans leur traitement.

Enfin, la société qui se prévaut de la « jurisprudence » du Conseil constitutionnel n'a déposé à hauteur d'appel aucun écrit distinct constitutif d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Le moyen tiré par la [6] d'une « atteinte aux dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme » ne peut donc là encore prospérer.

Sur les frais irrépétibles et dépens :

La société sera condamnée à payer à l'Urssaf une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DECLARE l'appel recevable.

CONFIRME le jugement déféré.

DEBOUTE la [6] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la [6] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Cotes d'Azur la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la [6] aux dépens d'appel.

La greffière,Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/08981
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;18.08981 ?
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