RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 13 Mai 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/06536 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5WYY
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MEAUX RG n° 17/00490
APPELANT
Monsieur [L] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me François LA BURTHE, avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Adrien THIEBAUD, avocat au barreau de MEAUX, toque : 38
INTIMEE
URSSAF PAYS DE LA LOIRE venant aux droits de l'URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Florence BONA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1099
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [L] [Y] d'un jugement rendu le 9 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux dans un litige l'opposant à l'Urssaf Pays de la Loire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [Y] a été affilié au Régime social des indépendants d'Ile de France (le Rsi) devenu caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Ile de France aux droits de laquelle vient l'Urssaf Pays de la Loire (l'Urssaf) en qualité de commerçant, gérant de la société [5], du 3 janvier 2006 au 19 juillet 2016, date de la mise en liquidation judiciaire de la société ; le Rsi a émis à l'encontre de M. [Y] deux contraintes, l'une du 4 juillet 2017 signifiée le 12 juillet 2017 pour le recouvrement de la somme de 7581 euros de cotisations et majorations de retard au titre du 4ème trimestre 2016, l'autre du 24 juillet 2017 signifiée le 28 juillet 2017 pour le recouvrement de la somme de 30547,06 euros de cotisations et majorations de retard au titre du 4ème trimestre 2014, 4ème trimestre 2015, 1er et 3ème trimestres 2016 ; M. [Y] a formé opposition à ces deux contraintes le 8 août 2017.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux, par jugement du 9 avril 2018, a :
- déclaré l'opposition à la contrainte émise le 4 juillet 2017 et signifiée le 12 juillet 2017 irrecevable pour forclusion,
- validé la contrainte émise le 24 juillet 2017 et signifiée le 28 juillet 2017 au titre du 4ème trimestre 2014, 4ème trimestre 2015 et des 1er et 3ème trimestres 2016 pour un montant actualisé de 24065,06 euros correspondant à 22671,06 euros de cotisations et 1394 euros de majorations de retard sous réserve des majorations de retard complémentaires,
- rappelé que les frais de recouvrement afférents à la délivrance de la contrainte validée et aux actes qui lui font suite resteront à la charge de M. [Y].
Le jugement lui ayant été notifié a une date ne résultant pas des pièces du dossier, M. [Y] en a interjeté appel le 18 mai 2018.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, M. [Y] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- annuler les deux contraintes faisant l'objet de la procédure,
Subsidiairement,
- annuler la signification de la contrainte du 24 juillet 2017 et dire en conséquence toutes dettes sociales poursuivies prescrites,
Dans tous les cas,
- invalider les contraintes,
- condamner le poursuivant à payer 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
M. [Y] fait valoir en substance que la contrainte du 4 juillet 2017 a été émise sur une période postérieure à la cessation d'activité de la société [5] et à la fermeture du compte ; la contrainte du 24 juillet 2017 vise trois mises en demeure dont il appartient à l'Urssaf de justifier l'envoi et la réception ; l'Urssaf doit justifier d'une délégation spéciale donnée par le directeur de l'établissement au signataire de la contrainte ; la contrainte ne permet pas d'identifier la nature des cotisations dues ni même l'organisme requérant auquel les cotisations seraient dues; la signification de la contrainte ne permet pas d'identifier le créancier poursuivant et de fait l'acte est nul et la dette prescrite ; la contrainte ne prend pas en considération la régularisation intervenue en 2015 alors qu'il a apuré la dette concernant les cotisations 2014 et 2015 en réglant trois fois 3000 euros ; compte tenu du fait que le calcul des cotisations doit être proportionnel aux revenus professionnels le montant des sommes réclamées est incohérent.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, l'Urssaf
demande à la cour de :
- déclarer l'appel interjeté par M. [Y] infondé en droit,
- l'en débouter,
En conséquence,
- confirmer purement et simplement le jugement du 9 avril 2018,
- si la cour rejetait son moyen d'irrecevabilité, valider la contrainte du 4 juillet 2017 pour un montant de 2654 euros,
- condamner M. [Y] au paiement de cette somme et aux frais de signification de la contrainte d'un montant de 72,98 euros.
L'Urssaf fait valoir en substance que l'opposition formée à l'encontre de la contrainte du 4 juillet 2017 est irrecevable pour cause de forclusion ; les cotisations appelées sont dues à titre personnel par M. [Y] et non par la société ; les trois règlements de 3000 euros chacun effectués en 2015 par M. [Y] ont été pour deux d'entre eux affectés au règlement des cotisations Urssaf de la société [5] et pour le troisième au règlement du 3ème trimestre 2015 du compte cotisant de l'assuré ; le décompte précis des cotisations réclamées avec le détail des modalités du calcul est fourni, les cotisations ayant bien été calculées à titre provisionnel en pourcentage du revenu de l'avant dernière année d'activité et régularisées l'année suivante lors de la connaissance des revenus effectivement perçus; les dernières échéances 2016 correspondant au reliquat de l'année 2016 et à la régularisation de 2015.
Il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 11 mars 2022 pour l'exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.
SUR CE, LA COUR
Sur la contrainte du 4 juillet 2017
Il apparaît que la contrainte émise le 4 juillet 2017 a été régulièrement signifiée à M.[Y] en personne le 12 juillet 2017.
La contrainte, tout comme l'acte de signification portent mention, dans les conditions de l'article R 133-3 du code de la sécurité sociale, notamment du délai de 15 jours dans lequel l'opposition doit être formée, de l'adresse du tribunal des affaires de sécurité sociale compétent et des formes requises pour sa saisine.
M.[Y] ayant formé opposition à cette contrainte par courrier recommandé expédié le 8 août 2017, soit après expiration du délai de 15 jours dont il disposait, son opposition à contrainte est irrecevable comme tardive.
Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.
Sur la contrainte du 24 juillet 2017
* Sur la validité des mises en demeure préalables
Selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
Selon l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure doit être adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.
L'appelant fait valoir que l'organisme ne justifie pas de l'envoi des mises en demeure et de leur réception par lui-même.
En la présente espèce, la contrainte émise le 24 juillet 2017 fait référence à trois mises en demeure pour respectivement les périodes du 4ème trimestre 2014 au 4ème trimestre 2015 émise le 23 décembre 2015, du 1er trimestre 2016 émise le 11 avril 2016 et du 3ème trimestre 2016 émise le 08 septembre 2016, pour respectivement 18138,06 euros, 4666 euros et 9593euros.
Toutefois l'Urssaf ne démontre pas avoir adressé en lettre recommandée la mise en demeure du 23 décembre 2015, l'avis de réception qu'elle produit à cet effet ne portant aucun tampon dateur de la poste et mentionnant manuscritement une date de distribution en 2012.
Faute de preuve d'un tel envoi par courrier recommandé, cette mise en demeure est donc nulle en application des dispositions de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale, cette nullité privant de fondement l'obligation au paiement des sommes qui en font l'objet.
En l'absence d'indivisibilité, les sommes correspondant à la mise en demeure annulée peuvent être retranchées de la contrainte sans affecter sa validité pour les sommes visées dans les mises en demeure régulières (Soc., 25 janvier 1990, pourvoi n° 87-11.638).
En conséquence, doivent en tout état de cause être retranchées de la contrainte les sommes mentionnées dans la mise en demeure du 21 décembre 2015, soit 18138,06 euros.
* Sur le signataire de la contrainte
L'article L 244-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que "La contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire."
Selon l'article R 133-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, "Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles (...)"
Il résulte de ces dispositions que la contrainte doit être décernée par le directeur de l'organisme.
L'article R. 122-3 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction issue du décret n° 2010-344 du 31 mars 2010, applicable du 1er avril 2010 au 17 mai 2018, prévoyait :
"(...)Le directeur de l'organisme peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme. Il peut donner mandat à des agents de l'organisme en vue d'assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile (...)".
M.[Y] reproche à l'Urssaf de ne pas justifier d'une délégation donnée par le directeur de l'établissement au signataire de la contrainte. L'Urssaf ne fait valoir aucun moyen opposant.
La contrainte du 24 juillet 2017 porte la signature "Par délégation, Le directeur responsable du recouvrement des travailleurs indépendants, [S] [C]" (pièce n°1 de l'appelant) mais l'Urssaf, qui n'a articulé aucun moyen en la matière, ne produit aucune délégation de signature ou de pouvoir au profit de Mme [S] [C].
Il n'est donc pas établi que l'auteur de la signature de la contrainte avait le pouvoir de signer l'acte au nom de l'organisme.
Il y a lieu dans ces conditions d'annuler la contrainte puisqu'il n'est pas établi que son signataire disposait d'une délégation de pouvoirs au moment de la signature, aucun document probant n'étant produit à cet égard.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Y], qui échoue partiellement en son appel, sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux rendu le 9 avril 2018, en ce qu'il a déclaré l'opposition à la contrainte émise le 4 juillet 2017 et signifiée le 12 juillet 2017 irrecevable pour forclusion,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
ANNULE la contrainte du 24 juillet 2017 signifiée à M. [Y] le 28 juillet 2017,
DÉBOUTE M. [L] [Y] de sa demande au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE M. [L] [Y] aux dépens d'appel.
La greffièreLe président