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12/05/2022 | FRANCE | N°21/203297

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 12 mai 2022, 21/203297


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/20329 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEWSS

Décision déférée à la cour : jugement du 09 novembre 2021-juge de l'exécution de SENS -RG no 21/00899

APPELANT

Monsieur [S] [L]
[Adresse 6]
[Localité 9]

Représenté par Me Martine BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : C1216
(bénéfici

e d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/000672 du 28/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉS

M...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/20329 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEWSS

Décision déférée à la cour : jugement du 09 novembre 2021-juge de l'exécution de SENS -RG no 21/00899

APPELANT

Monsieur [S] [L]
[Adresse 6]
[Localité 9]

Représenté par Me Martine BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : C1216
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/000672 du 28/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉS

Madame [N] [B] veuve [L]
[Adresse 12]
[Localité 9]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Plaidant par Me Régine PASCAL VERRIER, avocat au barreau d'AUXERRE

Madame [K] [L]
[Adresse 3]
[Localité 10]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Plaidant par Me Régine PASCAL VERRIER, avocat au barreau d'AUXERRE

Monsieur [M] [L]
[Adresse 12]
[Localité 9]

Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Plaidant par Me Régine PASCAL VERRIER, avocat au barreau d'AUXERRE

Monsieur [V] [L]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Plaidant par Me Régine PASCAL VERRIER, avocat au barreau d'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****
Par jugement en date du 11 mars 2016, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Sens a, entre autres dispositions et sur la demande de [N], [K], [M] et [V] [L] :

- ordonné à M. [S] [L] de libérer, dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, les biens immobiliers suivants : une maison d'habitation sise à [Adresse 13] ? avec dépendances et hangar, cadastrés [Adresse 11] etgt;etgt;, Section B no [Cadastre 7] pour 29 a 20 ca, de la parcelle de 1 ha 13 a en nature de terre etlt;etlt; Pièce de Boissel », cadastrée ZI [Cadastre 1] pour 2 ha 13 a 00 ca, et des parcelles ZI [Cadastre 4] et ZE [Cadastre 5] ;
- ordonné, passé ce délai, l'expulsion de [S] [L] ou de tout autre occupant de son chef des biens immobiliers susvisés ;
- condamné [S] [L] à payer une indemnité d'occupation mensuelle de 500 euros à compter du 26 juin 2013, date de l'assignation, jusqu'à la libération des lieux.

Sur appel interjeté par [S] [L], la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 28 février 2018, a confirmé les dispositions précitées du jugement du 11 mars 2016. Par décision en date du 2 septembre 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt.

Par acte d'huissier du 4 avril 2019 remis à personne, un commandement de quitter les lieux a été signifié à [S] [L] par [N], [K], [M] et [V] [L] sur le fondement de I'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 28 février 2018. Un procés-verbal de tentative d'expulsion a été signifié le 19 juin 2019 et un procés-verbal de réquisition de la force publique a été délivré à la préfecture de l'Yonne le 20 juin 2019. Le 5 octobre 2021 sera établi un procès-verbal d'expulsion.

Par jugement daté du 5 novembre 2019, qui sera confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 14 janvier 2021, le juge de l'exécution de Sens a accordé à [S] [L] un délai d'un an pour quitter les lieux.

L'intéressé ayant à nouveau saisi ce magistrat en vue d'obtenir un second délai, le juge de l'exécution de Sens a, selon jugement en date du 9 novembre 2021, déclaré sa demande irrecevable, après avoir relevé qu'elle se heurtait à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée. [S] [L] a été condamné à payer à [N], [K], [M] et [V] [L] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 23 novembre 2021, [S] [L] a relevé appel de ce jugement. Cette déclaration d'appel a été signifiée aux parties adverses le 12 janvier 2022.

En ses conclusions notifiées le 2 février 2022, [S] [L] a exposé :

- qu'il résidait dans la ferme avec sa mère, âgée de 72 ans, depuis plus de 30 ans ;
- que cette ferme constituait son seul moyen de subsistance ;
- qu'en l'état, il ne pouvait ni déménager ni s'établir dans une nouvelle ferme ;
- que son activité avait été réduite du fait de l'épidémie de Covid 19 ;
- qu'il avait été victime d'un accident du travail le 8 juin 2021 ;
- que son expulsion avait été menée à bien le 5 octobre 2021 et que n'ayant plus de ferme à exploiter, il avait subi des pertes financières sévères.

Il a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de déclarer recevable sa demande de sursis à expulsion, et de condamner solidairement [N], [K], [M] et [V] [L] aux dépens.

Par leurs conclusions notifiées le 16 février 2022, [N], [K], [M] et [V] [L], ci après dénommés "les consorts [L]", ont soutenu :
- que le litige successoral les opposant à [S] [L] était ancien, le de cujus, [G] [L], étant décédé en 1984 ;
- que l'indemnité d'occupation due par l'appelant n'était pas réglée, l'arriéré s'élevant, à la date de l'expulsion, à 48 000 euros ;
- que [S] [L] avait été expulsé si bien que son appel était irrecevable.

Ils ont demandé à la Cour de constater que [S] [L] a été expulsé, d'infirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté leur demande de dommages et intérêts, de leur allouer la somme de 1 000 euros de ce chef, outre 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, de confirmer le jugement pour le surplus, et de condamner la partie adverse au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Une demande à fin de constat ne constitue pas une prétention à proprement parler au sens de l'article 4 du code de procédure civile, et la Cour n'a pas à statuer sur cette demande.

En vertu de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Suivant jugement daté du 5 novembre 2019, qui sera confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 14 janvier 2021, le juge de l'exécution de Sens a accordé à [S] [L] un délai d'un an pour quitter les lieux. L'intéressé forme présentement une demande de sursis à expulsion, mais la fonde sur les articles L 412-3 et L 412-4 du code des procédures civiles d'exécution, si bien qu'elle doit être analysée en demande de délais, étant rappelé en tout état de cause que selon l'article R 121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, le Juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution.

La demande présentée par [S] [L] est donc la même que la précédente, et concerne les mêmes parties que lors de la procédure ayant donné lieu au jugement rendu le 5 novembre 2019. L'intéressé ne peut donc réitérer sa demande que s'il justifie de circonstances nouvelles. Il appert que lors de la précédente instance, [S] [L] avait déjà fait valoir qu'il avait besoin d'un délai pour rechercher une nouvelle exploitation, et qu'il souhaitait s'installer dans un autre immeuble avec sa mère qui était âgée. Il s'avère que depuis lors, l'appelant a été victime d'un accident du travail le 8 juin 2021, ayant subi une entorse grave du genou droit, avec suspicion de rupture du tendon ; il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 8 août 2021. Cet événement, qui est de nature à aggraver les difficultés qu'il rencontre pour se reloger, est postérieur au précédent jugement. L'intéressé pouvant invoquer des circonstances nouvelles, sa prétention est donc recevable et le jugement sera infirmé sur ce point.

Les consorts [L] soutiennent que l'appel est irrecevable dans la mesure où [S] [L] a été expulsé le 5 octobre 2021. Un procès-verbal d'expulsion daté de ce jour a été versé aux débats ; il résulte de la lecture de cet acte de procédure que l'appelant a laissé sur place de très nombreux objets (machines agricoles, outils, véhicules, tracteur, motoculteurs, appareils électro-ménagers, mobilier quasiment en totalité) si bien que l'expulsion n'est pas à ce jour achevée, et [S] [L] reste recevable à solliciter des délais pour quitter les lieux.

Selon les dispositions de l'article L 412-3 du Code des procédures civiles d'exécution énonce que le juge peut accorder des délais pour quitter les lieux à des personnes dont l'expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales ; l'article L 412-4 du même code énonce que la durée des délais prévus à l'article précédent ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans, et que pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires, en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
Au cas d'espèce, la décision fondant les poursuites a été rendue le 11 mars 2016 soit il y a plus de six ans, si bien que l'appelant a d'ores et déjà bénéficié de délais de fait importants. Il sera rappelé que le litige dont s'agit est de nature successorale et que le de cujus est décédé en 1984. Enfin [S] [L] a signé un mandat de recherche d'une exploitation agricole le 28 juin 2019 soit il y a près de trois ans, et à ce jour l'intéressé n'a toujours pas obtenu satisfaction ce qui laisse craindre qu'il ne puisse pas s'installer ailleurs dans des délais prévisibles.

Il convient en conséquence de rejeter sa demande.

Les consorts [L] poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts. Le droit d'action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à régler des dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l'intention malicieuse et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en oeuvre par la partie adverse du projet contesté, en l'espèce l'expulsion de [S] [L]. Le principe du droit d'agir implique que la décision judiciaire de retenir le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l'abus de l'exercice du droit. En l'espèce, [S] [L] a pu dans des conditions exemptes de critiques estimer que suite aux difficultés par lui rencontrées dans la recherche d'une nouvelle exploitation agricole il pourrait obtenir un délai, et ce d'autant plus qu'il a été déjà été fait droit à une demande semblable dans une précédente décision de justice. Faute de caractère abusif de la présente action en justice, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [L] de leur demande de dommages et intérêts.

Les consorts [L] réclament, encore, la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif. Dès lors que le jugement a été infirmé, fût-ce pour partie, cette demande ne saurait prospérer et les intimés seront déboutés sur ce point.

[S] [L], qui succombe en ses prétentions, sera condamné au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement en date du 9 novembre 2021 en ce qu'il a déclaré la demande de délais présentée par [S] [L] irrecevable ;

et statuant à nouveau :

- DECLARE recevable ladite demande de délais mais en DEBOUTE [S] [L] ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus ;

- DEBOUTE [N], [K], [V] et [M] [L] de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

- CONDAMNE [S] [L] à payer à [N], [K], [V] et [M] [L] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE [S] [L] aux dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/203297
Date de la décision : 12/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-12;21.203297 ?
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