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12/05/2022 | FRANCE | N°21/191807

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 12 mai 2022, 21/191807


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/19180 - No Portalis 35L7-V-B7F-CETKB

Décision déférée à la cour : jugement du 12 octobre 2021-juge de l'exécution de MELUN RG no 18/00145

APPELANTS

Monsieur [I] [P]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représenté par Me Taftan SANJABI, avocat au barreau de MELUN, toque : M94
ayant pour a

vocat plaidant Me HEMAZ, avocat au barreau de POITIERS, toque : 74

Madame [S] [E] épouse [P]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représentée par M...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/19180 - No Portalis 35L7-V-B7F-CETKB

Décision déférée à la cour : jugement du 12 octobre 2021-juge de l'exécution de MELUN RG no 18/00145

APPELANTS

Monsieur [I] [P]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représenté par Me Taftan SANJABI, avocat au barreau de MELUN, toque : M94
ayant pour avocat plaidant Me HEMAZ, avocat au barreau de POITIERS, toque : 74

Madame [S] [E] épouse [P]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représentée par Me Taftan SANJABI, avocat au barreau de MELUN, toque : M94
Ayant pour avocat plaidant Me HEMAZ, avocat au barreau de POITIERS, toque : 74

INTIMÉES

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentée par Me Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

HSBC CONTINENTAL EUROPE
[Adresse 4]
[Localité 5]

Représentée par Me [H] [Z], avocat au barreau de PARIS, toque : C0924

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En 2016, la société HSBC France avait engagé à l'encontre de M. [I] [P] et Mme [S] [E] épouse [P] une procédure de saisie immobilière sur un bien situé à [Localité 7] ayant abouti à un jugement d'adjudication rendu le 21 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Gap, en exécution d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 5 septembre 2011 et d'un arrêt rendu le 23 septembre 2014 par la Cour de cassation.

Suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 août 2018, et publié le 8 octobre 2018 au service de la publicité foncière de Melun (volume 2018 S no104), la SA BRED Banque Populaire (ci-après la BRED) a entrepris une saisie d'un bien immobilier appartenant à M. [I] [P] et Mme [S] [E] épouse [P] situé [Adresse 1], pour avoir paiement de la somme totale de 657.427,28 euros, en exécution d'un autre jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 5 décembre 2011, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 13 février 2014.

Par acte d'huissier en date du 4 décembre 2018, la BRED a fait assigner M. et Mme [P] à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Melun aux fins de vente forcée.

Le commandement a été dénoncé par le créancier poursuivant, par actes d'huissier des 5 et 6 décembre 2018, respectivement à la SA HSBC France et à la SA BNP Paribas, créanciers inscrits, avec assignation à comparaître à l'audience d'orientation.

Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 6 décembre 2018.

Par jugement en date du 15 septembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Melun a prorogé les effets du commandement pendant deux années à compter du 8 octobre 2020, soit jusqu'au 8 octobre 2022.

Par jugement d'orientation en date du 12 octobre 2021, le juge de l'exécution a :
- débouté M. et Mme [P] de leur demande tendant au prononcé de la nullité du commandement du 23 août 2018,
- débouté M. et Mme [P] de leur demande tendant au prononcé de la caducité du commandement du 23 août 2018,
- débouté M. et Mme [P] de leur demande tendant à la suspension des effets de la procédure de saisie immobilière engagée par la BRED dans l'attente de l'issue de la procédure au fond aux fins notamment de compensation engagée par eux contre la BNP, la BRED et la HSBC devant la cour d'appel de Paris,
- mentionné que la créance totale privilégiée de la BRED retenue à l'encontre de M. et Mme [P] s'élève à la somme de 657.427,28 euros en principal, intérêts et accessoires, arrêtée au 26 septembre 2017 outre intérêts postérieurs jusqu'à parfait paiement,
- ordonné la vente forcée des biens visés au commandement,
- fixé la date et le lieu de la vente,
- organisé les visites des biens et aménagé la publicité,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront compris dans les frais de la vente soumis à taxe.

M. et Mme [P] ont fait appel de cette décision par déclaration du 3 novembre 2021, puis ont saisi le premier président d'une demande d'autorisation d'assigner à jour fixe par requête du 12 novembre 2021.

Par actes d'huissier en date du 20 janvier 2022, déposés au greffe le 7 février 2022, ils ont fait assigner à jour fixe la BRED, la SA BNP Paribas et la SA HSBC France devant la cour d'appel de Paris, après y avoir été autorisés par ordonnance sur requête de la présidente de chambre délégataire en date du 8 décembre 2021.

Par conclusions du 14 avril 2022, M. et Mme [P] demandent à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre principal,
- juger le commandement de payer valant saisie immobilière du 23 août 2018 nul pour ne pas avoir été précédée d'une signification régulière des titres exécutoires servant de fondement aux poursuites,
- ordonner la suspension des effets de la procédure de saisie immobilière engagée par la BRED sur le bien immobilier leur appartenant dans l'attente de l'issue de la procédure au fond aux fins notamment de compensation qu'ils ont engagée contre la BNP, la BRED et HBSC devant la cour d'appel de Paris (pôle 5 chambre 6, no RG 20/16481),
- condamner solidairement la BRED, la SA BNP Paribas et HSBC France au paiement de la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. et Mme [P] font valoir que la BRED, la BNP Paris et HSBC ne rapportent la preuve ni de la notification à avocat ni de la signification régulière des arrêts de la cour d'appel de Paris qui servent de fondement aux poursuites.
Sur leur demande de suspension, ils expliquent qu'ils ont engagé une action en responsabilité contre la BRED, ainsi que la BNP et HSBC, devant le tribunal de grande instance de Paris en raison de la disproportion entre les engagements de caution pris et leurs ressources et patrimoines au moment de la souscription de ces engagements et actuellement au moment où ils sont appelés à y faire face, sur le fondement des articles L.313-10 et L.341-4 du code de la consommation ; qu'ils ont interjeté appel du jugement rendu dans ce cadre le 13 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris, le tribunal n'ayant pas pris en compte les éléments établissant la disproportion ; que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur une demande reconventionnelle de compensation concernant des dommages-intérêts qui ne sont pas encore liquidés, mais peut se prononcer sur l'exception de compensation présentée à l'appui d'une demande de mainlevée de saisie ; que c'est pourquoi ils ont sollicité la suspension de la procédure de saisie immobilière dans l'attente de la décision de la cour d'appel, étant rappelé que ce sont bien les engagements de caution qui ont servi de fondement à l'exigibilité des sommes dues et aux décisions obtenues ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le juge de l'exécution, il existe un lien direct entre l'exécution de leurs condamnations au titre de leurs engagements de caution et les fautes qu'ils reprochent à leurs créanciers.

Par conclusions du 31 mars 2022, la société BRED Banque Populaire demande à la cour d'appel de :
- juger que les titres exécutoires qui servent de fondement à la saisie immobilière ont été régulièrement signifiés à parties, de sorte que le commandement de payer valant saisie immobilière n'est pas nul,
- juger n'y avoir lieu à suspendre les effets de la procédure de saisie immobilière dans l'attente de l'issue de la procédure au fond aux fins de compensation initiée par eux contre la BRED, la BNP Paribas et HSBC devant la cour d'appel de Paris,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment ce qu'il a fixé la date d'adjudication au jeudi 20 janvier 2022 à 14 heures laquelle a été reportée au 19 mai 2022 à 14 heures par jugement rendu le 22 janvier 2022,
- débouter les époux [P] de leur appel et de l'ensemble de leurs prétentions,
- condamner solidairement M. et Mme [P] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Sur l'absence de nullité du commandement, la BRED fait valoir que les titres exécutoires ont été régulièrement signifiés puisque selon les articles 678 et 853 du code de procédure civile, la représentation par avocat n'était pas obligatoire devant le tribunal de commerce, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de signifier préalablement à avocat le jugement rendu par cette juridiction le 5 décembre 2011, qui a donc été régulièrement signifié le 7 février 2021, et que l'arrêt de la cour d'appel a été signifié à avocat le 7 mars 2014, puis à M. [P] le 4 avril 2014.
Sur la demande de suspension, elle soutient en premier lieu qu'il est impossible de suspendre la procédure de saisie immobilière au motif de l'existence d'une procédure en cours en application des articles L.213-6 du code de l'organisation judiciaire et R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution et des dispositions relatives à la saisie immobilière (articles R.311-5, R.311-6 et R.322-16) ainsi que de la jurisprudence de la Cour de cassation ; que le juge de l'exécution ne peut suspendre l'exécution de la décision servant de fondement aux poursuites qu'en accordant un délai de grâce ou en cas de surendettement. Elle ajoute que la procédure engagée au fond par les époux [P] sur la disproportion des cautionnements ne remet pas en cause les décisions de justice servant de fondement à la saisie immobilière et que ceux-ci n'ont fait appel du jugement rendu que pour retarder la procédure de saisie immobilière. En deuxième lieu, elle fait valoir qu'il est impossible de suspendre la procédure de saisie immobilière en raison d'une compensation avec une créance hypothétique, étant rappelé que les époux [P] ont déjà été déboutés de leur demande en première instance par le tribunal judiciaire de Paris. Elle souligne que les appelants ne démontrent pas que les conditions de la compensation prévues par l'article 1347-1 du code civil sont réunies puisqu'ils ne justifient pas d'une créance certaine, liquide et exigible.

Par conclusions du 17 février 2022, la SA BNP Paribas demande à la cour de :
- rejeter la demande de suspension de la procédure de saisie immobilière dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la cour d'appel de Paris,
- en tout état de cause, débouter M. et Mme [P] de l'intégralité de leur argumentation et de leurs demandes et plus généralement de leur appel comme étant irrecevables et mal fondés,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner in solidum M. et Mme [P] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, tant de première instance que d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile (sic).
Elle expose qu'elle dispose elle aussi d'un jugement rendu le 5 décembre 2011 par le tribunal de commerce de Melun à l'encontre de M. [P], confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 19 juin 2014, et qu'elle a reçu des acomptes sur sa créance à la suite de la vente du bien immobilier situé à Argelès sur Mer appartenant aux époux [P] et d'une saisie-attribution sur le compte de M. [P].
Elle fait valoir que la question de la régularité du commandement et des significations ne concerne que le créancier poursuivant, la BRED, mais qu'en tout état de cause, l'arrêt du 19 juin 2014 a bien été signifié à avocat le 30 juin 2014 puis à parties les 10 et 11 juillet 2014.
Elle s'oppose en outre à la suspension qu'elle estime non justifiée, faisant valoir que cette demande se heurte aux dispositions des articles L.213-6 du code de l'organisation judiciaire et R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution dont il ressort que le juge de l'exécution, seul compétent pour statuer sur toute demande incidente, doit se prononcer sur les demandes qui lui sont présentées et ne peut suspendre la procédure dans l'attente de la décision d'une autre juridiction. S'agissant de l'action en responsabilité engagée à son encontre, elle explique qu'elle invoque l'irrecevabilité des demandes notamment en raison de la prescription et de l'autorité de la chose jugée et conteste subsidiairement toute disproportion.

Par conclusions du 2 avril 2022, la SA HSBC Continental Europe (nouvelle dénomination sociale d'HSBC France) demande à la cour d'appel de :
- débouter M. et Mme [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner M. et Mme [P] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur l'absence de nullité du commandement, elle fait valoir que seul le créancier poursuivant, en l'espèce la BRED, doit démontrer être muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible en application de l'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution et que les créances des créanciers inscrits sur l'immeuble saisi sont sans incidence sur la régularité de la procédure de saisie immobilière, et qu'en tout état de cause, sa créance déclarée est bien exigible en vertu d'un jugement du 5 septembre 2011 signifié le 15 septembre 2011 et d'un arrêt rendu le 23 septembre 2014 par la Cour de cassation, signifié les 20 et 24 octobre 2014.
Sur la demande de suspension de la saisie immobilière, elle conteste avoir commis des fautes à l'encontre des époux [P] et indique qu'elle sollicitera la confirmation du jugement dans le cadre de la procédure au fond. Elle estime que les débiteurs ne peuvent opposer une créance de dommages-intérêts pour faire obstacle à la procédure de saisie immobilière, de sorte que la demande de sursis doit être rejetée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du commandement

Aux termes de l'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière.

Il résulte de l'article 503 du code de procédure civile (et non de l'article R.321-3 du code des procédures civiles d'exécution) que les jugements ne peuvent être exécutés qu'après avoir été notifiés.

Il résulte de l'article 678 b) du même code que, lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit en outre être préalablement porté à la connaissance des représentants des parties dans la forme des notifications entre avocats, à peine de nullité de la notification à partie, et que l'acte de notification destiné à la partie doit porter mention de l'accomplissement de cette formalité.

C'est en vain que M. et Mme [P] font valoir, à l'appui de leur moyen de nullité du commandement, qu'il n'est pas rapporté la preuve de la notification à avocat et de la signification régulière des arrêts confirmatifs de la cour d'appel pour la BRED, HSBC et la BNP.

En effet, en premier lieu, comme le soulignent les sociétés BNP Paribas et HSBC, le commandement de payer valant saisie immobilière a été délivré par la BRED Banque Populaire, unique créancier poursuivant, en vertu d'un jugement du 5 décembre 2011 et d'un arrêt confirmatif du 13 février 2014 qui concernent uniquement M. [P] et la BRED, de sorte qu'il n'y a lieu de vérifier la réalité et la régularité de la notification que de ces seules décisions de justice, à l'exclusion de celle des décisions concernant les créanciers inscrits, puisque seul le créancier poursuivant doit être muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

En second lieu, la BRED Banque Populaire justifie de la notification de l'arrêt du 13 février 2014 par acte d'avocat à avocat au conseil de M. [P] (pièce 6). Cet acte ne mentionne pas sa date, mais il ressort de l'acte de signification de cet arrêt à M. [P] en date du 4 avril 2014 que l'arrêt du 13 février 2014 a été précédemment signifié à avocat le 7 mars 2014. La notification de l'arrêt du 13 février 2014 est donc régulière, étant précisé que les mentions de l'huissier sur son procès-verbal de signification valent juqu'à inscription de faux.

La BRED Banque Populaire produit en outre l'acte de signification du jugement du tribunal de commerce en date du 5 décembre 2011. Cette signification effectuée le 17 février 2012 est valable sans que le créancier n'ait à justifier d'une notification préalable à l'avocat, puisque, comme le fait valoir très justement la BRED, les dispositions de l'article 678 du code de procédure civile ne s'appliquent que lorsque la représentation par avocat est obligatoire, ce qui n'est pas le cas devant le tribunal de commerce.

La cour approuve donc le premier juge d'avoir estimé que le commandement était régulier. Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point.

Sur la demande de suspension de la procédure de saisie immobilière

L'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose :
« Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution. »

Aux termes de l'article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l'acte de saisie, selon le cas, il a compétence pour accorder un délai de grâce.

Il est constant que M. Mme [P] ont intenté, le 25 octobre 2018, une action en responsabilité contre les sociétés BRED Banque Populaire, BNP Paribas et HSBC en se prévalant du caractère disproportionné des engagements de caution de M. [P] par rapport à ses biens et revenus. Par jugement du 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire a déclaré irrecevables les demandes de Mme [P] à l'encontre de la BRED, recevable l'action de M. [P] dirigée contre la BRED, mais l'a débouté de ses demandes, et a déclaré les époux [P] irrecevables en leurs demandes dirigées contre les sociétés BNP Paribas et HSBC. M. et Mme [P] ont fait appel de ce jugement. L'appel est toujours pendant devant la cour d'appel de Paris.

Il est exact que le juge de l'exécution peut statuer sur une exception de compensation, si le débiteur se prévaut d'une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre du créancier poursuivant.

En outre, si le juge ne peut, en vertu des articles 1348 et 1348-1 du code civil, refuser la compensation de dettes connexes au seul motif que l'une des obligations ne serait pas liquide ou exigible, il peut en revanche la refuser si une des obligations n'est pas certaine.

Or en l'espèce, les époux [P] ne sont actuellement titulaires d'aucune créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de la BRED Banque Populaire. Il n'existe aucune certitude sur l'issue du procès en responsabilité engagé après la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière et actuellement pendant devant la cour d'appel, ni en conséquence sur l'existence d'une obligation de la BRED à l'encontre des époux [P].

En outre, l'article R.121-1 alinéa 2 précité du code des procédures civiles d'exécution fait obstacle à la suspension de l'exécution du jugement du 5 décembre 2011 et de l'arrêt confirmatif du 13 février 2014 qui servent de fondement à la saisie immobilière.

Ainsi, même si comme le soutiennent les époux [P], il existe un lien de connexité entre la créance qu'ils revendiquent à l'encontre de la BRED et la créance certaine, liquide et exigible de la BRED à leur encontre en ce qu'elles découleraient du même contrat de cautionnement, la cour approuve le rejet de la demande de suspension de la procédure de saisie immobilière décidé par le juge de l'exécution.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Il convient de condamner solidairement M. et Mme [P], partie perdante, aux dépens de la procédure d'appel, avec distraction au profit de l'avocat de la banque HSBC qui le demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En revanche, il n'est pas inéquitable, compte tenu des situations économiques respectives des parties, de laisser aux intimés la charge de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement d'orientation rendu le 12 octobre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Melun,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes de la société BRED Banque Populaire, de la SA BNP Paribas et de la SA HSBC Continental Europe fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement M. [I] [P] et Mme [S] [E] épouse [P] aux dépens de la procédure d'appel, avec distraction au profit de Me [H] [Z], avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/191807
Date de la décision : 12/05/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-12;21.191807 ?
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