La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2022 | FRANCE | N°21/18254

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 12 mai 2022, 21/18254


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET SUR OPPOSITION DU 12 MAI 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18254 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQM5



Décision déférée à la Cour : Arrêt du 25 Février 2021 -Cour d'Appel de PARIS - RG n° 20/08908





APPELANT ET DEMANDEUR A L'OPPOSITION



M. [F] [F] [I]



5, rue d'E

upatoria

75020 PARIS



Représenté et assisté par Me Aude ABOUKHATER de l'AARPI HUG & ABOUKHATER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0031



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Tot...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET SUR OPPOSITION DU 12 MAI 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18254 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQM5

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 25 Février 2021 -Cour d'Appel de PARIS - RG n° 20/08908

APPELANT ET DEMANDEUR A L'OPPOSITION

M. [F] [F] [I]

5, rue d'Eupatoria

75020 PARIS

Représenté et assisté par Me Aude ABOUKHATER de l'AARPI HUG & ABOUKHATER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0031

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/028030 du 23/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME ET DEFENDEUR A L'OPPOSITION

M. [B] [Z]

1, rue Pixerécourt

75020 PARIS

Représenté par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assisté par Me Yann LE BIHEN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 30 août 2014, M. [B] [Z] a donné à bail d`habitation à M. [F] [F] [I], pour une durée de trois ans, son appartement situé 5 rue d'Eupatoria à Paris 20ème, moyennant un loyer mensuel de 630 euros et une provision pour charges mensuelle de 40 euros. Un dépôt de garantie de 630 euros a été prévu.

Le 27 mai 2019, le bailleur a fait délivrer à son locataire un commandement de payer les loyers, qui est resté sans suite.

Par acte du 30 décembre 2020, M. [Z] a fait assigner M. [I] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir déclarer acquise la clause résolutoire du bail, prononcer l'expulsion du preneur et le condamner au paiement des loyers avec les pénalités prévues au bail ainsi qu'à des dommages et intérêts.

Par ordonnance du 10 février 2020, le juge des référés a rejeté les demandes de M. [Z], dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [Z] aux dépens, considérant que les pièces produites ne permettaient pas de constater l'acquisition de la clause résolutoire.

M. [Z] a relevé appel de cette décision et par arrêt du 25 février 2021, rendu par défaut, la cour a infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau :

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu le 30 août 2014 pour le logement situé 5 rue d'Eupatoria à Paris 20ème sont réunies à la date du 27 juillet 2019 et que la résiliation du bail est acquise à cette date ;

- ordonné l'expulsion de M. [I] deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux,

- fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due par M. [I] à compter de la résiliation au montant du loyer majoré des charges et accessoires qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié (indexation annuelle incluse) et majoré de 25%, et le condamne à payer cette indemnité à compter du 27 juillet 2019 et jusqu'au départ effectif des lieux de tout bien, toute personne de son chef et la remise des clés,

- condamné M. [I] à payer à M. [Z] la somme de 24.120 euros au titre des loyers, charges et indemnité d'occupation échus terme de juin 2020 inclus, avec intérêt au taux légal à compter du commandement du 27 mai 2019 sur la somme de 15.410 euros dont il y aura lieu de déduire le dépôt de garantie lorsque les lieux auront été libérés, s'ils sont restitués en bon état,

- autorisé la capitalisation des intérêts,

- condamné M. [I] à payer à M. [Z] la somme de 1.541 euros à titre de clause pénale,

- rejeté la demande de provision pour préjudice moral et de provision au titre de la régularisation des charges et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères,

- rejeté la demande de suppression du délai de deux mois prévu par l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné M. [I] à payer à M. [Z] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [I] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 27 mai 2019.

M. [I] a formé opposition à cet arrêt par déclaration du 26 juillet 2021, enrôlée sous le numéro 21/15118.

Le 29 septembre 2021, le président de la chambre a soulevé la question de la recevabilité de l'opposition au regard du délai de 15 jours posé par l'article 490 du code de procédure civile.

M. [I] a régularisé une seconde opposition le 17 octobre 2021, enrôlée sous le numéro 21/18254.

Par ordonnance du 30 novembre 2021, le président de la chambre a déclaré recevable l'opposition du 26 juillet 2021, relevant que l'acte de signification de l'arrêt, en date du 4 mai 2021, comportait une mention erronée sur le délai de recours (un mois au lieu de quinze jours), si bien que le délai de recours n'avait pas couru et que l'opposition formée le 26 juillet 2021 était recevable.

Par ordonnance du 8 février 2022, le président de la chambre a joint les deux procédures sous le numéro 21/18254.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 18 février 2022, M. [I] demande à la cour de :

- déclarer recevable son opposition formée le 17 octobre 2021 qui régularise l'opposition du 26 juillet 2021 ;

- rétracter l'arrêt rendu par défaut le 25 février 2021,

Statuant à nouveau en fait et en droit,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit recevable les demandes de M. [Z],

Statuant à nouveau,

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

- dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes en paiement qui relèvent de l'appréciation du juge du fond ;

- dire irrecevable la demande nouvelle formée au titre de la régularisation des charges ;

A titre infiniment subsidiaire,

- suspendre les effets de la clause résolutoire jusqu'à la décision définitive du juge du surendettement en vertu de l'article 24 VIII de la loi du 6 juillet 1989 ;

- limiter la créance de M. [Z] à la somme de 31.875 euros ;

- dire n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnité d'occupation et la rejeter ;

A titre très subsidiaire, fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 670 euros correspondant au montant du loyer charges comprises ;

En tout état de cause,

- dire que l'équité commande que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles et dépens.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 28 février 2022, M. [Z] demande à la cour de :

- juger irrecevable la prétention tendant à voir la cour « dire recevable l'opposition de M. [I] »;

- juger que M. [I] n'a pas sollicité la rétractation de l'arrêt du 25 février 2021 dans sa déclaration d'opposition du 26 juillet 2021 et n'est pas recevable à corriger cette omission dans ses conclusions du 17 octobre 2021 et celles postérieures ;

- juger que la cour n'est saisie que des chefs de demande formulés par M. [I] dans son opposition du 26 juillet 2021 ;

- juger, si par extraordinaire l'opposition du 17 octobre 2021 était jugée recevable, que l'opposition du 6 juillet 2021 de M. [I] est irrecevable puisque « formée » à cette date mais régularisée seulement le 17 octobre 2021 ;

- juger en tout état de cause que l'opposition du 17 octobre 2021 est irrecevable ;

En conséquence,

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- juger n'y avoir lieu à rétracter l'arrêt du 25 février 2021 rendu par la cour de céans en toutes ces dispositions sauf à rappeler que les condamnations, à l'exception de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, s'entendent à titre de provision ;

Y ajoutant,

- condamner M. [I] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à raison de l'opposition ;

- le condamner aux entiers dépens d'instance et autoriser Me Vignes à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour faisait droit à la demande d'opposition de M. [I] et ordonnait la rétractation de l'arrêt du 25 février 2021, il y aurait lieu de :

- infirmer l'ordonnance du 10 février 2020 en toutes ses dispositions ;

- rejeter la demande de M. [I] tendant à obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire jusqu'à la décision du juge des contentieux et de la protection, statuant en matière de surendettement, faute d'avoir sollicité un sursis à statuer ;

- rejeter la demande de M. [I] tendant à l'infirmation de l'ordonnance puis de confirmation de celle-ci en toutes ses dispositions en raison de la contradiction entre ces deux prétentions ;

- juger que M. [I] était de mauvaise foi et mal fondé en sa demande d'irrecevabilité fondée sur son défaut de qualité à agir ;

- juger que M. [I] est irrecevable en l'ensemble de ses demandes indemnitaires faute de les avoir formulées en première instance ;

- juger que M. [I] est mal fondé en sa critique d'une absence de mention de l'aide du fonds de solidarité logement dans le commandement de payer du 27 mai 2019 ;

- juger qu'il est de bonne foi ;

- juger que M. [I] n'a pas contesté le commandement de payer devant le juge compétent au fond ;

- juger que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties le 30 août 2014 pour le logement situé 5 rue d'Eupatoria à Paris 20 ème sont réunies à la date du 27 juillet 2019 et que la résiliation du bail est acquise à cette date ;

- ordonner l'expulsion, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier, de M. [I] et celle de tous occupants de son chef deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, avec l'assistance de la force publique ;

- juger que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions de l'article L 433-1 du même code ;

- ordonner la suppression du délai de deux mois visé par l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixer l'indemnité d'occupation mensuelle due par M. [I] à compter de la résiliation au montant du loyer majoré des charges et accessoires qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié (indexation annuelle incluse) et majoré de 25% et le condamner à payer cette indemnité à compter du 27 juillet 2019 et jusqu'au départ effectif des lieux de tout bien, de toute personne de son chef et la remise des clés ;

- condamner M. [I] à lui verser à titre de provision les sommes de :

* 41.608,55 euros au titre des loyers impayés avec provision pour charges et de l'indemnité d'occupation arrêtée à la date du 31 janvier 2022 ;

* 837,50 euros au titre de l'indemnité d'occupation pour les mois postérieurs au mois d'octobre 2021 et jusqu'à ce que M. [I] ait quitté les lieux ainsi que tout occupant de son chef ;

- juger que ces sommes seront majorées de l'intérêt légal à compter du 27 mai 2019, sur la somme de 15.410 euros, et pour le surplus à compter de l'assignation du 30 septembre 2019, avec anatocisme à compter du 25 février 2021 dans les termes de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 1.541 euros à titre de provision sur la clause pénale ;

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 1.991 euros à titre de provision sur la régularisation de charges ;

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de provision sur dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel ;

- condamner M. [I] aux dépens et autoriser MeVignes à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des oppositions

En substance, M. [Z] soutient que la seconde opposition du 17 octobre 2021 n'est pas recevable dès lors que la première opposition du 21 juillet 2021 a été jugée recevable, et que la première opposition n'est pas plus recevable alors que, d'une part elle contient des demandes de "dire" ne correspondant pas à des prétentions et que, d'autre part, elle se borne à demander la confirmation de la décision de première instance sans demander la rétractation de l'arrêt frappé d'opposition, cette demande de rétractation n'ayant pu être valablement formée dans des conclusions ultérieures contrairement à la règle de concentration des demandes.

M. [I] réplique essentiellement qu'à l'instar d'une déclaration d'appel, il pouvait régulariser son opposition dès lors que la première contenait une irrégularité en ne précisant pas qu'elle tendait à la rétractation de l'arrêt et, à titre subsidiaire, il fait valoir que la règle de concentration des demandes s'applique aux conclusions et non à l'opposition, laquelle doit simplement être motivée en vertu de l'article 574 du code de procédure civile et, conformément à l'article 573, respecter les formes prévues pour la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision, la déclaration d'opposition étant en l'espèce motivée et respectant les formes exigées par la déclaration d'appel.

L'article 473 du code de procédure civile impose que l'opposition soit faite dans les formes prévues pour la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision, en l'occurrence la cour d'appel, et l'article 474 exige que l'opposition contienne les moyens du défaillant.

En l'espèce, il n'est pas discuté que la déclaration d'opposition formalisée le 26 juillet 2021 respecte bien les conditions de forme de la déclaration d'appel et qu'elle est bien motivée. Il y est notamment clairement indiqué que l'opposition est faite contre l'arrêt rendu par défaut le 25 février 2021 par la cour d'appel de Paris, pôle 1- chambre 2.

M. [Z] ajoute aux textes en soutenant que la déclaration d'opposition aurait dû expressément contenir une demande de rétractation de l'arrêt de la cour d'appel, ce qui est l'objet même de l'opposition formé contre un arrêt de cour d'appel sans qu'il soit besoin de le préciser.

Le dispositif de la déclaration d'opposition contient bien, à l'instar de la déclaration d'appel, les chefs de l'arrêt expressément critiqués conformément aux dispositions de l'article 901 4° du code de procédure civile, et le fait qu'il contienne des demandes de "dire" sur lesquelles la cour n'aurait pas à statuer n'est pas de nature à rendre l'opposition irrecevable au regard des règles de forme précitées.

M. [Z] est par conséquent mal fondé à soutenir le "rejet" de l'opposition formée par M. [I] le 21 juillet 2021.

En revanche, il est bien fondé à soutenir l'irrecevabilité de la seconde opposition formée le 16 octobre 2021, laquelle est venue ajouter expressément qu'elle tendait à la rétractation de l'arrêt.

En effet, l'omission de cette mention ne constituait pas une irrégularité comme précédemment exposé, en sorte que l'opposition n'avait pas à être régularisée, et en outre la première opposition a été jugée recevable par le président de la chambre, si bien que la cour se trouvait régulièrement saisie de la première opposition et ne pouvait être saisie une seconde fois.

La seconde opposition du 16 octobre 2021 sera donc jugée irrecevable, ce qui au demeurant ne change rien au débat sur le fond, la cour statuant sur la base de la première opposition et des dernières conclusions prises par les parties.

Sur le fond

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

M. [I] argue d'une contestation sérieuse en ce que M. [Z] aurait délivré le commandement de payer de mauvaise foi car tardivement, laissant la dette locative atteindre la somme de 15.410 euros en le privant ainsi de la possibilité de saisir le fonds de solidarité aux fins de solliciter une aide financière, ledit fonds ne prenant en charge la dette locative que si celle-ci est inférieure à 11.000 euros.

S'agissant de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département aux fins de solliciter une aide financière, l'article 24 5° de la loi du 6 juillet 1989 ne fait pas d'autre obligation au bailleur que celle de mentionner au commandement cette possibilité de saisine du fonds, et cette obligation a bien été respectée en l'espèce, le commandement de payer délivré le 27 mai 2019 à M. [I] comportant cette mention. Il n'est pas imposé au bailleur de délai pour délivrer le commandement ni de montant maximum de la dette locative.

Pour ce seul motif, M. [Z] ne saurait être considéré de mauvaise foi pour avoir délivré le commandement alors que la dette locative s'élevait à 15.410 euros, d'autant moins qu'il n'est pas discuté que les parties étaient amies et que M. [Z] a adressé plusieurs relances par mails à M. [I] avant de délivrer le commandement de payer, lui proposant même le 2 janvier 2018 de l'aider à constituer un dossier pour obtenir des allocations logement.

Le moyen tiré de la mauvaise foi du bailleur sera par conséquent écarté et la clause résolutoire réputée acquise à la date du 27 juillet 2019, alors qu'il n'est pas discuté de la réalité de la dette locative portée au commandement ni que les causes de ce commandement n'ont pas été régularisées dans le délai contractuel et légal de deux mois.

M. [I] demande qu'en tout état de cause les effets de la clause résolutoire soient suspendus dans l'attente de la décision du juge du surendettement, cela en application de l'article 24 VIII de la loi du 6 juillet 1989, exposant qu'il a saisi la commission de surendettement et que par décision du 16 septembre 2021, celle-ci a imposé un effacement total de ses dettes, décision qui a été contestée par M. [Z] par courrier du 5 octobre 2021.

Il est justifié de cette décision et du recours formé par M. [Z] dont la créances de loyers et charges avait été déclarée à la commission de surendettement et qui se trouve soumise à la décision d'effacement prise par la commission.

L'article 24 VIII de la loi du 6 juillet 1989 prévoit en effet que :

"Lorsqu'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été imposé par la commission de surendettement des particuliers ou prononcé par le juge ou lorsqu'un jugement de clôture d'une procédure de établissement personnel avec liquidation judiciaire a été rendu, le juge suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision imposant les mesures d'effacement ou du jugement de clôture.

Par dérogation au premier alinéa du présent VIII, lorsqu'en application de l'article L. 741-4 du code de la consommation, une contestation a été formée par l'une des parties contre la décision de la commission de surendettement des particuliers imposant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le juge suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit jusqu'à la décision du juge statuant sur cette contestation.

Ce délai ne peut affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.

Si le locataire s'est acquitté du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant le délai de deux ans mentionné au premier alinéa du présent VIII, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son effet."

Ces dispositions légales s'imposent à la cour et il est indifférent à leur application, comme l'objecte M. [Z], que M. [I] n'a pas demandé le sursis à statuer et que les parties ont demandé au juge du surendettement le renvoi à une audience ultérieure.

La cour ne peut donc que suspendre les effets de la clause résolutoire jusqu'à ce que le juge du surendettement statue sur la contestation formée par M. [Z] contre les mesures de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire qui ont été décidées par la commission de surendettement le 16 septembre 2021 au profit de M. [I].

Il ne sera pas fait droit à la demande du bailleur, relative à l'expulsion encourue si la clause résolutoire doit reprendre ses effets, de suppression du délai de deux mois visé par l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, M. [I] étant dans les lieux en vertu d'un bail et justifiant de démarches de relogement.

Sur la demande en paiement des loyers, charges et indemnités d'occupation

M. [I] soutient qu'il doit être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en paiement de M. [Z] dès lors que dans les conclusions d'appelant ces demandes n'ont pas été formées à titre provisionnel et excèdent ainsi les pouvoirs du juge des référés, et que les conclusions ultérieures n'ont pu régulariser les conclusions d'appelant en vertu du principe de concentration des demandes.

Toutefois, dès lors que les demandes en paiement de M. [Z] sont présentées devant le juge des référés elles ne peuvent l'être qu'à titre provisionnel, en sorte que l'omission du caractère provisionnel de la demande dans les conclusions d'appel ne saurait constituer une contestation sérieuse. Au surplus, les demandes de M. [Z] sont bien présentées à titre provisionnel dans ses dernières conclusions sur lesquelles la cour statue en application de l'article 954 du code de procédure civile, et cette régularisation par conclusions postérieures aux premières ne contrevient pas au principe de concentration des demandes posé par l'article 910-4 du code de procédure civile, le fait de préciser que les demandes initiales sont présentées à titre provisionnel ne constituant pas une prétention nouvelle.

Ce premier moyen sera donc rejeté.

M. [I] ne conteste pas les sommes réclamées par M. [Z] au titre des loyers et reconnaît que ses versements ont été pris en compte dans le dernier décompte arrêté au mois de janvier 2022 inclus (pièce 31 du bailleur).

Au vu de ce décompte actualisé, il est dû la somme de 31.950 euros au titre des seuls loyers et/ou indemnités d'occupation (non majorées) arrêtés au mois de janvier 2022 inclus.

M. [I] sera donc condamné à ce titre au paiement d'une provision de 31.950 euros.

En revanche, M. [I] conteste la demande au titre des charges régularisées, de la clause pénale contractuelle de 10% et de l'indemnité d'occupation majorée, demandant qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé de ces chefs.

Sur les charges

A titre liminaire, il y a lieu de relever que tant la demande en paiement du bailleur au titre des charges régularisées que celle du preneur tendant à ce que cette demande soit déduite de sa dette locative sont recevables en appel au regard des dispositions des articles 564 à 566 du code de procédure civile, dès lors que du côté du bailleur elle constitue le complément nécessaire des demandes initiales au titre des loyers et provisions sur charges et que du côté du preneur elle tend à opposer compensation et à faire échec aux demandes de la partie adverse.

M. [I], qui précise que les charges n'avaient pas été régularisées depuis son entrée dans les lieux en 2014, soutient que la demande de régularisation des charges de M. [Z], présentée pour la première fois par conclusions du 29 janvier 2022, est prescrite pour la période antérieure au 29 janvier 2019, et que pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 le solde entre provisions et charges régularisées, au vu des justificatifs produits par le bailleur, est en sa faveur.

En vertu de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, "Toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer ce droit."

Cette prescription vaut tant pour le bailleur que pour le locataire.

Ainsi, le bailleur peut réclamer les charges récupérables sur justificatifs dans la limite de la prescription : il ne peut les réclamer que dans les trois ans qui suivent son paiement des charges.

Le locataire peut quant à lui solliciter le remboursement des provisions payées indûment dans les trois ans qui suivent la régularisation des charges.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le bailleur n'a justifié de la régularisation des charges depuis le début du bail que dans le cadre de la présente instance, et présenté sa demande de régularisation par conclusions du 29 janvier 2022. C'est donc à raison que le locataire oppose la prescription pour les charges récupérables échues avant le 29 janvier 2019.

Il s'ensuit que la réclamation du bailleur au titre des charges échues avant le 29 janvier 2019 ne peut être accueillie avec l'évidence requise en référé. La cour dira donc n'y avoir lieu à référé sur ces charges antérieures au 29 janvier 2019.

S'agissant de la période postérieure au 29 janvier 2019, le bailleur justifie, comme le locataire le reconnaît au vu des justificatifs produits, d'un montant de charges récupérables de 296,17 euros au titre de l'année 2019 et d'un montant de charges récupérables de 350,86 euros au titre de l'année 2020, soit un montant total de 647,03 euros.

Pour les années 2021 et 2022, pour lesquelles le bailleur ne dispose pas encore des justificatifs nécessaires à la régularisation des charges, le preneur reste tenu, avec l'évidence requise en référé, au montant des provisions sur charges telles que contractuellement prévues, soit 40 euros par mois. La demande de fixation des provisions à 30 euros par mois qui est formée par M. [I] dans ses écritures (sur la base du montant des charges annuelles de 2020) n'entre pas dans les pouvoirs du juge, à fortiori celui des référés.

En définitive, au titre des charges non sérieusement contestables, la demande provisionnelle du bailleur sera accueillie à hauteur des montants suivants :

- 647,03 euros pour la période du 29 janvier 2019 au 31 décembre 2020,

- 520 euros au titre des provisions sur charges de l'année 2021 et du mois de janvier 2022, date d'arrêté du compte,

Total : 1167,03 euros.

Sur l'indemnité contractuelle de 10%

Le contrat de location contient une clause intitulée "clause pénale" aux termes de laquelle "En cas de non paiement du loyer ou de ses accessoires et dès premier acte d'huissier, le locataire devra payer en sus des frais de recouvrement et sans préjudice de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité égale à dix pour cent de la totalité des sommes dues au bailleur."

M. [I] oppose le caractère non écrit de cette clause en application de l'article 4 i) de la loi du 6 juillet 1989.

Ce texte, applicable au bail conclu en l'espèce après le 27 mars 2014, prévoit qu'est réputée non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble.

Il apparaît ainsi que la clause pénale litigieuse contrevient à ces dispositions légales, en sorte que la demande provisionnelle en paiement d'une somme de 1541 euros formée à ce titre par le bailleur se heurte à contestation sérieuse et ne peut être satisfaite en référé.

Sur l'indemnité d'occupation

La clause pénale du contrat prévoit aussi qu'en cas d'occupation des lieux après la cessation du bail, il sera dû par l'occupant jusqu'à son expulsion une indemnité égale au double du loyer et des charges contractuels.

Le bailleur sollicite l'application de cette clause en limitant toutefois la majoration à 25%.

Pour les mêmes motifs que ceux retenus pour la pénalité de dix pour cent, il sera fait application de cette clause en référé, la majoration requise en application du contrat ne représentant manifestement pas un avantage excessif pour le bailleur.

Cependant, compte tenu de la suspension des effets de la clause résolutoire, la clause pénale (c'est à dire la majoration de 25%) ne trouvera à s'appliquer que si la clause résolutoire retrouve son plein et entier effet, la majoration n'étant prévue qu'en cas d'occupation des lieux après la cessation du bail.

Sur la demande de dommages et intérêts provisionnels du bailleur pour préjudice moral

Alors qu'il n'est pas discuté et même attesté par une connaissance commune des parties qu'il existait un lien amical entre elles, ce qui ressort aussi de la teneur des mails adressés par M. [Z] à M. [I] et du loyer modéré de l'appartement loué, et qu'il est par ailleurs justifié que M. [Z] se trouve dans une situation financière et familiale difficile (M. [Z] souffre d'une forme d'autisme et d'un état dépressif, son fils cadet est handicapé, son épouse a été victime d'un accident du travail et son fils aîné est au chômage ; il doit faire face à de lourdes charges de travaux de copropriété pour son logement dont le financement repose pour partie sur les revenus de la location consentie à M. [I]), il est certain que les procédures judiciaires dans lesquelles il se trouve engagé par le fait de ce dernier, qui n'acquitte quasiment pas son loyer et lui impose une dette locative importante et grandissante tout en se maintenant dans les lieux et en se protégeant pas une procédure de surendettement, causent à M. [Z] un incontestable préjudice moral qui justifie l'allocation de la provision de 1500 euros qu'il sollicite à ce titre.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Perdant largement en son recours, M. [I] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [Z] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Reçoit M. [F] [I] en son opposition du 21 juillet 2021,

Déclare irrecevable son opposition du 16 octobre 2021,

Rétracte l'arrêt du 25 février 2021,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau :

Constate que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu le 30 août 2014 pour le logement situé 5 rue d'Eupatoria à Paris 20ème sont réunies à la date du 27 juillet 2019 et que la résiliation du bail est acquise à cette date ;

Suspend toutefois les effets de la clause résolutoire jusqu'à ce que le juge du surendettement statue sur la contestation formée par M. [Z] contre les mesures de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire qui ont été décidées par la commission de surendettement le 16 septembre 2021 au profit de M. [I] ;

Si la clause résolutoire doit reprendre son plein effet,

Ordonne l'expulsion de M. [I] deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux,

Dit que l'indemnité d'occupation mensuelle due par M. [I] à compter du 27 juillet 2019, égale au montant du loyer et des charges courants, sera majorée de 25% à compter de la même date et jusqu'à la libération effective des lieux de toutes personnes et de tous biens,

Condamne M. [I] à payer à M. [Z] à titre de provisions :

- la somme de 31.950 euros au titre des loyers et/ou indemnités d'occupation (sans majoration) arrêtés au mois de janvier 2022 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 27 mai 2019 sur la somme de 15.410 euros, intérêts capitalisables dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- la somme de 1167,03 euros au titre des charges de février 2019 à janvier 2022 inclus ;

- la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre des charges antérieures au 29 janvier 2019 et sur la demande au titre de la clause pénale (indemnité de 10%) ;

Rejette la demande de suppression du délai de deux mois prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamne M. [I] à payer à M. [Z] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne M. [I] aux entiers dépens de première et d'appel, comprenant notamment le coût du commandement de payer du 27 mai 2019, dont distraction au profit de MeVignes conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/18254
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.18254 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award