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12/05/2022 | FRANCE | N°21/12172

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 12 mai 2022, 21/12172


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12172 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6UX



Décision déférée à la cour : jugement du 13 avril 2021-juge de l'exécution de Charenton-le-Pont-RG n°11-20-000359



Appelant



Monsieur [G] [K]

[Adresse 10]

[Localité 6]



Représenté par Me Antoine DIANOUX, avocat au ba

rreau de PARIS



Intimés



Monsieur [B] [T]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Aude GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020



Ma...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12172 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6UX

Décision déférée à la cour : jugement du 13 avril 2021-juge de l'exécution de Charenton-le-Pont-RG n°11-20-000359

Appelant

Monsieur [G] [K]

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représenté par Me Antoine DIANOUX, avocat au barreau de PARIS

Intimés

Monsieur [B] [T]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Aude GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Madame [E] [T]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Aude GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Composition de la cour :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport et Madame Catherine LEFORT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Greffier lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

Arrêt :

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par M. Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par requête en date du 27 juillet 2020, M. et Mme [T] ont sollicité la convocation de M. [K] devant le juge de proximité de Charenton le Pont afin que soit mise en place, à défaut de conciliation, une saisie sur ses rémunérations entre les mains de la SA Biospringer pour un montant de 40 024,67 euros, en vertu d'un jugement du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand daté du 28 mai 2019.

Par jugement du 13 avril 2021, le Tribunal de proximité de Charenton-le-Pont a :

- déclaré recevable en la forme la procédure de saisie des rémunérations diligentée par M. et Mme [T] à l'encontre de M. [K],

- fixé la créance de M. et Mme [T] à la somme de 40 680,65 euros,

- autorisé la saisie des rémunérations de M. [K] entre les mains de la société Biospringer pour le recouvrement de la somme de 40 680,65 euros,

- condamné M. [K] aux entiers dépens.

Par déclaration du 29 juin 2021, M. [K] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 2 mars 2022, il fait valoir que :

- le jugement du 28 mai 2019 du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, fondement de la saisie, ne lui a pas été notifié dans les six mois de son prononcé, la signification de ce jugement ayant été faite au [Adresse 2] alors qu'il résidait au [Adresse 10] au mois d'août 2019. Il explique avoir résidé au [Adresse 1] (63) mais jamais au [Adresse 2], où se trouve un immeuble lui appartenant destiné à un investissement locatif. Il souligne qu'il a mis en location ce bien au mois de février 2020, qu'il a fait remettre la chaudière en service le 6 mars 2020, et que les factures d'eau et d'électricité afférentes à cette adresse sont d'un montant dérisoire, ce qui démontre que le bien était inoccupé en 2019. Selon lui, les époux [T] ne produisent aucun document objectif pouvant établir son adresse et se sont contentés de produire des pièces émanant de l'étude d'huissier, auteur de l'acte de signification litigieux, alors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;

- l'huissier instrumentaire n'a pas procédé à des vérifications concrètes et sérieuses : il n'a pas relaté dans le procès-verbal de signification des diligences suffisantes ; il n'a eu aucune confirmation sur place s'il s'agissait ou non de son domicile ; la seule mention 'confirmation banque' est manifestement insuffisante ;

- cette irrégularité lui a manifestement causé un grief puisqu'il n'a pas eu connaissance du jugement rendu contre lui, étant non comparant, qu'il n'a pas pu en relever appel, et qu'il se retrouve aujourd'hui confronté à une mesure d'exécution sans avoir pu se défendre au fond, si bien qu'il lui est aujourd'hui demandé de payer des frais d'exécution forcée qui ont été engagés de manière inutile ;

- contrairement à ce que soutiennent les intimés, les actes d'huissier ne font pas foi jusqu'à inscription de faux, et il précise qu'il n'est nullement invoqué de faux à l'encontre de la signification litigieuse ;

- le coût d'une assignation délivrée devant une juridiction manifestement incompétente ne peut lui être imputé au titre des frais de procédure ; les époux [T] ne fournissent aucun justificatif des prétendus frais supplémentaires.

Par conséquent, M. [K] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- déclarer nulle la prétendue signification faite le 5 août 2019,

- déclarer non avenu le jugement du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand daté du 28 mai 2019,

- en conséquence, juger que les époux [T] sont dépourvus de titre exécutoire,

- rejeter les demandes des époux [T],

- condamner in solidum M. et Mme [T] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner in solidum M. et Mme [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par leurs dernières conclusions du 14 mars 2022, les intimés soutiennent que :

- M. [K] et Mme [F] habitaient bien aux adresses où a été délivrée l'assignation ; M. [K] ne démontre pas qu'il n'a pas eu accès à la boîte aux lettres de la maison sise [Adresse 2] ; les factures fournies par M. [K] ne sont pas probantes ; aucune des lettres simples n'est revenue avec la mention 'n'habite pas à l'adresse indiquée' ;

- les actes d'huissier, s'agissant des actes authentiques dressés par un officier public, font foi jusqu'à preuve du contraire ;

- l'appelant a reçu un courriel de l'étude [C] le 9 septembre 2019 qui faisait état du jugement du 28 mai 2019, mais n'a pas tenté d'obtenir un relevé de forclusion afin de pouvoir en interjeter appel en application de l'article 540 du code de procédure civile ;

- le Tribunal n'a tenu pas compte de la totalité des frais exposés et de l'actualisation des intérêts que M. [K] a été condamné à leur verser.

Par conséquent, les époux [T] demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf s'agissant du montant de leur créance à l'encontre de M. [K], qui devra être fixé à la somme en principal, frais et intérêts arrêtés au mois de juillet 2021 de 45 719,04 euros, à parfaire,

- débouter M. [K] de son appel et le déclarer mal fondé,

- débouter M. [K] de toutes ses demandes,

- le condamner à leur payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Guizard.

MOTIFS,

L'acte de signification du jugement daté du 5 août 2019 a été délivré avec la mention, pour M. [K] 'domicilié [Adresse 1] et actuellement [Adresse 2]' et pour Mme [F] 'domiciliée [Adresse 4] et actuellement [Adresse 2]'.

L'huissier de justice instrumentaire a ultérieurement indiqué que la banque du débiteur, la Société Générale, l'avait informé de ce que M. [K] avait acquis un immeuble sis à [Adresse 2], et que lors d'un passage au mois de novembre à ladite adresse, le père de Mme [F] avait indiqué que M. [K] effectuait des allers et retours avec la région parisienne, le bien n'étant pas loué.

Au vu des pièces qui ont été produites, il appert que :

- une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à M. [K] et Mme [F] le 28 mai 2018 au [Adresse 1] a été réceptionnée pour l'un et est revenue non réclamée pour l'autre ;

- un diagnostic risque adressé à M. [K] et Mme [F], daté du 8 août 2018, était établi par une agence bancaire sise à [Adresse 8] ;

- l'en-tête du jugement daté du 28 mai 2019 fondant les poursuites mentionne, s'agissant de M. [K], une adresse au [Adresse 1], et pour Mme [F] au [Adresse 4] ; les intéressés n'ont pas comparu bien qu'assignés en l'étude de l'huissier de justice instrumentaire les 18 et 21 décembre 2018 ;

- un contrat de travail à durée déterminée conclu entre la société Bio Springer et M. [K] le 8 février 2019 mentionne une adresse au [Adresse 1] ; toutefois l'établissement se situait à [Localité 6], de même que le siège social de l'employeur ;

- aux mois de février et mars 2019, un studio a été réservé à M. [K], situé à [Adresse 7] (94) soit dans le même département que [Localité 6] ;

- c'est au 14 février 2019 que l'abonnement EDF de M. [K] au titre du logement sis [Adresse 1] a pris fin ;

- un relevé de la Banque Postale daté du 21 août 2019 au nom de Mme [F], qui avait épousé M. [K] le 29 juin 2019, porte la mention de l'adresse au [Adresse 4] ;

- une attestation d'EDF datée du 8 août 2019, soit très proche dans le temps de l'acte de signification querellé, indique que M. [K] est titulaire d'un contrat au titre d'un logement sis à [Adresse 10] ;

- un procès-verbal de saisie-attribution dressé à l'encontre de M. [K] et un procès verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation datés du 23 août 2019 mentionnent l'adresse au [Adresse 2] ; ces deux procès-verbaux ont été dénoncés au débiteur à la même adresse, le 28 août 2019, mais en l'étude de l'huissier de justice instrumentaire ;

- une attestation de la société BioSpringer en date du 22 août 2019 indique que M. [K], son salarié, réside avec sa famille au [Adresse 10] ;

- un décompte définitif de l'ancien logement de Mme [F] a été établi par l'Ophis Puy-de-Dôme le 17 septembre 2019, et adressé à l'intéressée à [Localité 6] ;

- dans un bail daté du 9 février 2020 portant sur un logement sis à [Adresse 2], M. [K] en tant que bailleur était domicilié à [Adresse 10] ;

- le 2 mars 2020 un devis a été adressé à M. [K] à [Adresse 10] ;

- c'est au 9 mars 2020 que l'abonnement EDF de M. [K] au titre du logement sis [Adresse 2] a pris fin ;

- à ce jour M. [K] réside à [Adresse 10] ; c'est à cette adresse que l'assignation à comparaître devant le Tribunal judiciaire de Clermont Ferrand aux fins d'obtenir la saisie des rémunérations lui a été délivrée le 3 janvier 2021.

Au vu de ces éléments il apparaît qu'aucun acte d'huissier n'a été remis à M. [K] à personne à [Localité 9], mais systématiquement en l'étude de l'huissier de justice instrumentaire, alors que si l'intéressé résidait effectivement dans cette ville, au moins jusqu'au mois de février 2019, c'était au [Adresse 1] et non pas au [Adresse 2]. Et à partir de cette date l'intéressé travaillait à [Localité 6] et y disposait d'un logement, pour ensuite s'y établir. Au mois d'août 2019 l'appelant résidait dans cette ville et non plus à [Localité 9], le logement sis [Adresse 1] n'étant plus utilisé par lui alors qu'il n'a jamais habité dans celui sis [Adresse 2], et que celui sis [Adresse 4] n'a été le domicile que de Mme [F]. L'acte daté du 5 août 2019 a été signifié à une mauvaise adresse et les vérifications opérées par l'huissier de justice instrumentaire, consistant uniquement à faire confirmer par la banque que M. [K] avait acquis un immeuble sis à [Adresse 2], sont insuffisantes, le seul fait que l'intéressé ait acquis ce bien ne démontrant aucunement qu'il y résidait ni même qu'il y avait résidé dans le passé. Un grief en est résulté car M. [K] n'a pas pu relever appel du jugement en temps utile, ni avoir connaissance du montant des sommes qui lui étaient réclamées avant que ledit jugement ne donne lieu à des saisies-attributions. Cet acte doit en conséquence être annulé.

Aux termes de l'article 478 alinéa 1er du code de procédure civile , le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date. Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Clermont Ferrand le 28 mai 2019 l'a été dans le cadre d'une instance à laquelle M. [K] n'a pas comparu et n'a pas été assigné à personne, si bien que ledit jugement a été qualifié de réputé contradictoire au seul motif qu'il était susceptible d'appel. Ledit jugement n'ayant pas été signifié dans les six mois de sa date, il est non avenu et M. et Mme [T] ne détiennent pas de titre exécutoire. Le jugement dont appel sera infirmé en l'ensemble de ses dispositions et M. et Mme [T] déboutés de leur demande de mise en place d'une saisie des rémunérations de M. [K].

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [K].

M. et Mme [T], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement rendu par le Tribunal de proximité de Charenton-le-Pont le 13 avril 2021 ;

et statuant à nouveau :

- ANNULE l'acte de signification de jugement en date du 5 août 2019 ;

- DECLARE non avenu le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand le 28 mai 2019 ;

- DEBOUTE M. et Mme [T] de leurs demandes ;

- REJETTE la demande de M. [K] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE in solidum M. [B] [T] et Mme [E] [T] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/12172
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.12172 ?
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