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12/05/2022 | FRANCE | N°21/11671

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 12 mai 2022, 21/11671


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11671 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5EI



Décision déférée à la cour : jugement du 25 mai 2021-juge de l'exécution de Bobigny- RG n° 20/08818



APPELANTE



S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avo

cats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Plaidant par Me Charlotte MOCHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉS



Madame [P] [F] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11671 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5EI

Décision déférée à la cour : jugement du 25 mai 2021-juge de l'exécution de Bobigny- RG n° 20/08818

APPELANTE

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Plaidant par Me Charlotte MOCHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Madame [P] [F] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me François RONGET de la SELARL SEATTLE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P206

Monsieur [M] [C]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me François RONGET de la SELARL SEATTLE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P206

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport et Madame Catherine LEFORT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Bénédicte PRUVOST, président et par M. Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

Déclarant agir en vertu d'une ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution de Bobigny le 17 décembre 2019, la Société Générale a pris une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire portant sur un immeuble sis [Adresse 2] (93) et appartenant à M. et Mme [C], pour sûreté de la somme de 182 000 euros en principal. Le bordereau d'inscription a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 6] 4 le 31 janvier 2020 volume 2020 V n° 438, et dénoncé aux débiteurs le 10 février 2020.

M. et Mme [C] ayant contesté cette mesure d'exécution, selon jugement daté du 25 mai 2021 le juge de l'exécution de Bobigny a ordonné la mainlevée de celle-ci, et a condamné la Société Générale à leur payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, après avoir constaté que la prescription biennale édictée à l'article L 218-2 du Code de la consommation était acquise, car la créance de restitution consécutive à la nullité d'un contrat de prêt daté du 20 août 2012, due à de fausses déclarations des emprunteurs, était née le [Date naissance 3] 2016, date à laquelle les époux [C] avaient été informés de ce que le dossier était remis à un avocat, tandis qu'aucun acte interruptif de prescription n'était intervenu jusqu'au 28 juillet 2018.

Par déclaration en date du 22 juin 2021 la Société Générale a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifées le 9 mars 2022, la Société Générale a fait valoir :

- qu'elle avait octroyé à M. et Mme [C] un prêt de 250 000 euros en capital sur la base de faux documents produits par eux au titre de leurs relevés bancaires ;

- que la clause n° 3-A du contrat prévoyant que la mise à disposition des fonds était conditionnée à l'exactitude des déclarations des intéressés ;

- que la clause n° 11-A stipulait qu'en cas de fausses déclarations, le prêt serait résolu ;

- que ces clauses n'étaient pas abusives et qu'en outre M. et Mme [C] ne pouvaient plus les contester pour cause de prescription ;

- que le juge de l'exécution, saisi d'une contestation d'une mesure conservatoire, devait seulement vérifier s'il existait un principe de créance apparemment fondé et non pas statuer sur le délai de prescription applicable ;

- que l'article L 218-2 du Code de la consommation édictant une prescription biennale ne pouvait être invoqué, ce texte ne s'appliquant pas, contrairement à ce que soutenaient M. et Mme [C] et avait retenu le juge de l'exécution, à l'ensemble des actions en paiement que pouvait intenter un organisme bancaire ;

- qu'en l'espèce, elle sollicitait l'annulation du prêt si bien que le délai de prescription était de 5 ans ;

- que M. et Mme [C] avaient été dûment informés le 24 juin 2016, soit peu après qu'elle avait eu connaissance de leurs fausses déclarations, de ce que l'annulation du prêt était encourue, si bien qu'ils ne pouvaient pas opposer une prétendue absence de déchéance du terme ;

- que sa créance était bien établie, alors qu'un péril planait sur son recouvrement dans la mesure où les intimés avaient adopté un comportement frauduleux, notamment en vendant un immeuble leur appartenant sans la régler de son dû.

La Société Générale a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter M. et Mme [C] de leurs prétentions, et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En leurs conclusions notifiées le 27 octobre 2021, M. et Mme [C] ont exposé :

- que le juge de l'exécution devait rechercher si la prescription de la créance invoquée était acquise ;

- qu'ils étaient des consommateurs, ce que la Société Générale ne contestait pas, si bien que l'article L 218-2 du Code de la consommation était applicable, ce texte régissant toutes les actions en justice intentées à l'encontre d'un consommateur ;

- qu'il s'agissait bien en l'espèce d'une action en paiement née du contrat ;

- que l'article 1304 ancien du code civil édictant un délai de 5 ans pour intenter une action en nullité d'un contrat n'était plus applicable ;

- subsidiairement, que si le délai de prescription était de cinq ans, il était acquis au 20 août 2017 puisque le contrat datait du 20 août 2012 ;

- qu'en tout état de cause, il n'existait pas de principe de créance apparemment fondé, la clause du contrat n° 11-A invoquée par le prêteur, qui l'autorisait à en solliciter la résolution pour cause de fausses déclarations, étant abusive ;

- qu'ils n'avaient pas reçu de lettre recommandée avec demande d'avis de réception de mise en demeure préalable, si bien que la créance n'était pas exigible ;

- qu'il n'existait aucune menace sur le recouvrement de la prétendue créance de la Société Générale.

M. et Mme [C] ont demandé à la Cour de confirmer le jugement et de condamner la Société Générale au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ordonnance de référé en date du 26 octobre 2021, le magistrat délégataire du Premier président de la Cour d'appel de Paris a rejeté la demande de sursis à exécution du jugement qui avait été présentée par la Société Générale.

MOTIFS,

L'article R 512-1 du Code des procédures civiles d'exécution énonce que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il appartient au créancier de prouver que ces conditions sont remplies.

S'agissant du principe de créance apparemment fondé, il résulte des pièces produites que :

- le 20 juillet 2012 M. et Mme [C] ont déposé une demande de prêt immobilier auprès de la Société Générale ;

- une offre préalable afférente à un prêt Habitat de 250 000 euros en capital, correspondant à la totalité du prix d'acquisition d'un immeuble sis à [Localité 8] (93), a été acceptée par eux le 20 août 2012 ;

- un article 11 - A de cette offre stipulait que la Société Générale pourrait exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance, échus mais non payés dans un certain nombre de cas notamment celui d'inexactitude substantielle des renseignements fournis par l'emprunteur sur sa situation, dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur ;

- ont été produits par M. et Mme [C] des relevés afférents à leur compte de dépôt ouvert en les livres de la Caisse d'Epargne Ile de France laissant apparaître, en opération de crédit, des virements présentés comme correspondant aux salaires perçus par eux ;

- il résulte de la lecture des bulletins de paie de M. [C] que son salaire (3 775,47 euros payés le 30 avril, le 31 mai, et le 30 juin 2012) et celui de son épouse (1 850,84 euros payés le 1er mai, 1er juin 2012, et le 1er juillet 2012) correspondent aux sommes versées sur le compte susvisé, tout au moins sur les relevés qui ont été produits ;

- le 9 juin 2016, la Caisse d'Epargne Ile de France a affirmé que ces relevés n'étaient pas conformes ;

- le 24 juin 2016, la Société Générale a notifié à M. et Mme [C] que les relevés bancaires produits étant falsifiés, le compte était clôturé sous 48 heures ;

- dans l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution qui a été délivrée par M. et Mme [C] à la Société Générale, les intéressés n'ont à aucun moment contesté qu'ils s'étaient rendus coupables de fausses déclarations, se contentant d'invoquer la prescription, le caractère abusif de certaines clauses, et d'autres moyens ;

- il en a été de même dans leurs conclusions déposées devant la Cour.

Il en résulte que même si l'intimée n'a pas précisé en quoi les relevés bancaires litigieux étaient falsifiés, les débiteurs n'ont jamais nié qu'ils l'étaient alors que si tel n'avait pas été le cas, ils n'auraient pas manqué de le faire valoir dans leurs écritures. Le prêteur peut donc invoquer la clause résolutoire susvisée.

Dans le cadre de la présente contestation d'une mesure conservatoire, il n'y a pas lieu de chiffrer la créance, ni de trancher les contestations relatives au montant exact de la dette, ni à statuer sur la validité de la clause résolutoire invoquée par le prêteur ou son caractère abusif. S'agissant du délai de prescription applicable, ce moyen peut être invoqué avec succès par les débiteurs uniquement si l'acquisition de cette prescription est manifeste. Tel n'est pas le cas puisque doit être tranchée au préalable la question de savoir si l'action en justice intentée par la Société Générale à l'encontre de M. et Mme [C] devant le Tribunal judiciaire de Bobigny est régie ou non par l'article L 137-2 ancien du Code de la consommation devenu article L 218-2. Devra également être fixé le point de départ de la prescription, les parties étant contraires sur ce point. Il sera rappelé que la mise en place d'une mesure conservatoire suppose uniquement un principe de créance apparemment fondé. Il est donc établi que l'appelante peut en invoquer un.

S'agissant du péril sur le recouvrement de la créance, il convient de déterminer si les craintes que la Société Générale entretient à ce sujet sont légitimes, sans qu'il soit besoin de démontrer que M. et Mme [C] se trouvent nécessairement dans une situation financière irrémédiablement compromise.

Au vu du montant de la dette invoquée par la Société Générale (182 000 euros), il appert que la seule existence de l'immeuble sis à [Localité 7] est insuffisante à rassurer la créancière quant aux conditions dans lesquelles elle pourrait recouvrer son dû, et que la prise d'une inscription constitue, concrètement, le seul moyen pour elle d'être assurée d'être payée sur le prix de vente dudit immeuble, sans être primée par des créanciers postérieurs. Il sera observé que le 12 juin 2017, soit à peine quelques mois après que la Société Générale a notifié à M. et Mme [C] le clôture du compte, ces derniers ont vendu leur autre bien sis à [Localité 8] sans la désintéresser. Enfin la falsification des relevés bancaires par les débiteurs constitue une manoeuvre frauduleuse qui laisse craindre que les intéressés ne tentent d'échapper aux poursuites.

Dans ces conditions, la Société Générale invoque à juste titre des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'un principe de créance apparemment fondé. Le jugement est infirmé en l'ensemble de ses dispositions et M. et Mme [C] seront déboutés de leurs demandes.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Société Générale.

M. et Mme [C] seront condamnés in solidum aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement en date du 25 mai 2021 en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

- DÉBOUTE M. et Mme [C] de leurs prétentions ;

- REJETTE la demande de la Société Générale en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE in solidum [M] et [P] [C] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Hardouin conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/11671
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.11671 ?
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