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12/05/2022 | FRANCE | N°21/09857

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 12 mai 2022, 21/09857


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 12 Mai 2022

(n° 47 , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09857 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXTL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 mai 2021 par le juge de l'expropriation de [Localité 9] RG n° 19/00088





APPELANTE

Société DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS (SOREQA)

[Adresse 8]

[Localité 15]

représenté

e par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131





INTIMÉS

Monsieur [X] [W] [I]

[Adresse 2]

[Localité 10]

représenté p...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 12 Mai 2022

(n° 47 , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09857 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXTL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 mai 2021 par le juge de l'expropriation de [Localité 9] RG n° 19/00088

APPELANTE

Société DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS (SOREQA)

[Adresse 8]

[Localité 15]

représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131

INTIMÉS

Monsieur [X] [W] [I]

[Adresse 2]

[Localité 10]

représenté par Me Bruno TURBÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0164

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE ST DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France domaine

[Adresse 1]

[Localité 9]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Hervé LOCU, Président chargé du rapport :

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, Président

Catherine LEFORT, conseillère

Raphaël TRARIEUX, conseiller

Greffier : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Marthe CRAVIARI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par arrêté préfectoral N°2018-0882 du 16 avril 2018 la société de requalification des quartiers anciens (ci-après dénommée SOREQA) est compétente concernant le périmètre du secteur Paul [Localité 12] de la ZAC FRATENITE ayant fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique.

Est concerné par l'opération, Monsieur [I] en tant que propriétaire des lots numéros 14 et 24 de la copropriété de l'immeuble [Adresse 2] sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 11] d'une superficie de 127 m².

La SOREQA a notifié ses offres d'indemnisation à Monsieur [I] par acte d'huissier délivré selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile le 12 octobre 2018.

Par mémoire de l'autorité expropriante reçu le 12 février 2019 par le greffe, la SOREQA a saisi la juridiction de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de fixation de la date du bien de monsieur [I].

L'entité expropriante précise qu'aucun accord n'est intervenu dans le délai d'un mois prévu à l'article R.311- 9 du code de l'expropriation.

Conformément aux dispositions de l'article R.311- 9 du code de l'expropriation, la réception de la requête par la juridiction est postérieure d'au moins un mois à la date de la réception par monsieur [I] des offres de la SOREQA.

La SOREQA a notifié son mémoire saisissant la juridiction à Monsieur [I] par acte d'huissier délivré selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile le 8 mars 2019.

Par jugement contradictoire du 04 mai 2021 après transport sur les lieux le 12 janvier 2021, le juge de l'expropriation de [Localité 9] a':

-Fixé à la somme de 199'170 euros en valeur libre l'indemnité totale de dépossession due par la SOREQA à monsieur [X] [I] au titre de la dépossession des lots numéro 14 et 24 de la copropriété de l'immeuble [Adresse 2] sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 11]';

-Dit que le montant arrondi de 199'170 euros se décompose de la façon suivante':

- 181.060 euros au titre de l'indemnité principale ;

- 19.106 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- 1.000 euros au titre du relogement étant soustraits à ces montants selon un mécanisme de compensation.

Dans l'hypothèse où l'exproprié ne bénéficie pas d'un relogement';

-Fixer à la somme de 200 170 euros en valeur libre l'indemnité totale de dépossession due par la SOREQA à monsieur [X] [I] au titre de la dépossession des lots numéro 14 et 24 de la copropriété de l'immeuble [Adresse 2] situé à ladite adresse sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 11]'

-Dit que le montant arrondi de 199'170 euros se décompose de la façon suivante':

- 181.060 euros au titre de l'indemnité principale ;

- 19.106 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

En toute hypothèse,

-Rejeter la demande de monsieur [I] en indemnisation des coûts de travaux à hauteur de 30 000 euros';

-Condamner la SOREQA à verser à Monsieur [I] la somme de 120 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Condamner la SOREQA aux dépens.

La SOREQA a interjeté appel le 31 mai 2021 sur la fixation de l'indemnité d'expropriation à la somme de 199 178 euros en cas de relogement et 200 170 euros dans le cas contraire, sans prévoir d'abattement pour occupation du bien par le propriétaire occupant et en soulevant un moyen de droit non débattu contradictoirement, en violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- Adressées au greffe, par la SOREQA, appelante, le 28 juillet 2021 notifiées le 29 juillet 2021 (AR 30 juillet 2021) aux termes desquelles elle demande à la cour de':

Vu l'article 16 du code de procédure civile

-Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a écarté le principe de l'abattement pour occupation admis par les deux parties, sans soumettre la question au débat contradictoire.

Vu l'article L 321-1 du code de l'expropriation

-Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé l'indemnité à revenir à l'exproprié sur la base de 5000 euros /m² ce qui constitue une indemnisation excessive du préjudice subi.

Et statuant à nouveau,

-Fixer l'indemnité à revenir au propriétaire sur la base suivante :

32,92 m² x 4 507 euros, avant abattement pour occupation.

Vu l'article R423-9 du code de l'expropriation

-Constater que l'exproprié a opté pour son relogement et, par voie de conséquence, statuer en valeur vénale occupée avec un abattement de 20 % (erreur matérielle : 10%) pour occupation comme suit :

-Valeur vénale occupé': 32, 92m² X 4507 euros X 0, 9 (abattement pour occupation) = 133'533 euros

-remploi': 14'353 euros

Total': 147'886 euros';

- Déposées au greffe, par M. [I], intimé et appelant incident, le 20 septembre 2021 notifiées le 21 septembre 2021 (AR du 22 et 24 septembre 2021) aux termes desquelles il demande à la cour de :

-Recevoir Monsieur [I] en son présent mémoire d'appel intimé,

Y faisant droit,

-Infirmer le jugement rendu le 4 mai 2021 par le juge de l'expropriation de Seine-[Localité 16], sauf en ce qu'il a alloué une somme de 120 euros au titre des frais de géomètre,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- Retenir en raison des combles une surface totale de 54, 39 m² ;

-Fixer l'indemnité d'expropriation devant revenir à Monsieur [I] au titre de la dépossession des lots de copropriété n°24 et 14 à la somme de 359.974 euros,

A titre subsidiaire,

-Fixer l'indemnité d'expropriation devant revenir à Monsieur [I] au titre de la dépossession des lots de copropriété n°24 et 14 à la somme de 324.076 euros

En tout état de cause,

-Fixer et Condamner la SOREQA à payer une somme de 1.990 euros à Monsieur [I] au titre des frais de déménagement,

-Débouter la SOREQA de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-Condamner la SOREQA à payer à Monsieur [I] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le commissaire du gouvernement n'a pas déposé ou adressé de conclusions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SOREQA fait valoir que':

-Concernant la valorisation à retenir'; l'autorité expropriante a accepté que soient prise en considération des photos versées par l'exproprié sans pouvoir vérifier à quelle date et dans quelles conditions elles avaient été prises.

La juridiction de première instance a manifestement accordé trop de crédit à celles-ci, induisant une survalorisation du bien, en retenant un montant supérieur aux conclusions du commissaire du gouvernement';

-Concernant l'état d'occupation et les conséquences légales qui doivent en être tirées'; en se fondant sur l'article R.423-9 du code de l'expropriation'; le jugement de première instance cite à cet égard un certain nombre de textes, en ce compris les dispositions spécifiques au droit du propriétaire occupant, à savoir l'article R 423-9 précité, cette partie du jugement est manifestement illégale et devra être infirmée par la cour d'appel ; il sera relevé comme rappelé ci-dessus, que l'exproprié ne contestait pas l'abattement pour occupation, c'est de son propre chef que le premier juge a soulevé ce moyen, sans le soumettre au débat contradictoire, violant ainsi les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile'; on peut déduire, comme cela est d'usage et rappelé par le jugement, qu'en matière d'expropriation, il convient de pratiquer un abattement sur la valeur du bien occupé, même s'il s'agit du propriétaire, en cause d'appel, et dans un souci d'une approche pragmatique du dossier, la SOREQA acquiesce au taux d'abattement de 10 % sollicité par l'exproprié';

M. [I] répond que :

-A titre liminaire, sur l'objet de l'appel'; il acquiesce en cause d'appel à titre subsidiaire à ce que l'abattement au titre du relogement du propriétaire évincé soit de 10% et la SOREQA semble commettre une erreur de plume en évoquant un taux de 20%'; le juge de première instance n'a aucunement violé les dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile du fait des sollicitations de M. [I]';

-A titre principal, sur l'infirmation du jugement déféré'; une surface de 42,95 m² n'avait pas à être écartée et devait donner lieu à une pondération de 0,5 afin d'indemniser de manière intégrale Monsieur [I]'; le Commissaire du Gouvernement proposait également en première instance l'application d'un coefficient de pondération à la surface résultant des combles aménagées ; il est donc demandé à la cour de bien vouloir pondérer la superficie des combles à 0,5 et d' infirmer le jugement du 4 mai 2021 en ce qu'il a retenu une surface de 32,92 m² au lieu de 54,39 m²';

-Il propose 7 termes de références aux fins de solliciter en cause d'appel un prix de 6.000 euros/m²';

- La SOREQA n'apporte strictement aucune critique du prix au m² retenu par le juge de première instance et ne cite strictement aucune référence à l'appui de sa proposition indemnitaire';

- Monsieur [I] sollicite à titre principal la confirmation du jugement sur ce point et l'absence de tout abattement. Subsidiairement, il demande à la cour de limiter l'abattement à 10% comme le sollicite au demeurant la SOREQA ;

- il demande une somme de 1.990 euros au titre des frais de déménagement correspondant à la moyenne des deux devis versés aux débats';

- Enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de l'exproprié les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'engager dans le cadre de la présente procédure pour faire valoir ses droits, il lui sera donc alloué la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 31 mai 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de la SOREQA du 28 juillet 2021 et de M. [I] du 20 septembre 2021 déposées ou adressées au greffe dans le délai légal sont recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SOREQA porte sur le non respect de l'article 16 du code de procédure civile et sur l'application d'un abattement pour occupation de 10% ; l'appel incident de M. [I] concerne les superficies, le montant de l'indemnité de dépossession et sur une demande d'indemnité accessoire au titre des frais de déménagement pour un montant de 1990 euros.

S'agissant de la date de référence, les parties ne contestent pas la date retenue par le premier juge, à savoir celle du PLU approuvé le 4 février 2020.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date le bien est situé en zone UPMo 3 du PLU, correspondant au secteur de projet de la ZAC Faubourg- Fraternité à [Localité 13].

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il convient de se reporter au procès verbal de transport sur les lieux du 12 janvier 2021 en précisant qu'en l'absence de l'occupant M. [I], le premier juge n'a pu visiter son logement.

Il suffira d'indiquer qu'il s'agit d'un appartement de type F2, avec combles aménagées, situé au 3° étage et d'une cave, qui est dans un très bon état d'entretien.

Les parties communes et la cave sont dans un état passable à mauvais, avec un arrêté de péril imminent du 18 août 2014 relatif aux parties communes portant principalement sur le plancher haut de la cave.

Ce bien est situé dans un environnement favorable (situation centrale, proximité des commerces et transports en commun).

M. [I] souligne que son bien est particulièrement bien desservi, facilement accessible et à proximité immédiate de tous les commerces, des transports en commun et qu'il est idéalement situé entre [Localité 15], [Localité 17] et [Localité 13].

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 4 mai 2021.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur les surfaces

Le premier juge a retenu une surface de 32, 92 m² en loi Carrez, s'agissant d'un lot de copropriété et les termes de référence proposés portant principalement sur des lots de copropriétés avec une surface de référence loi Carrez.

Il a donc rejeté la demande de M. [I] de retenir les 41, 97 m² pour deux pièces situées dans les combles, en précisant que la surface des combles sera prise en compte de manière indirecte comme facteur de plus value.

En appel, M. [I] demande de retenir pour les combles la surface de combles de 42,95 m² avec une pondération de 0,5.

Il produit à l'appui de sa demande un certificat de superficie de la partie privative du 17 mars 2021 (pièce N°1) qui retient au titre de la superficie au sens Carrez :

-3° étage entrée : 0, 96

-3° étage- Sde/WC : 4, 9

-3° étage séjour : 10, 82

-3° étage chambre : 11, 99

-3° étage : cuisine : 4, 25

soit un total non discuté de 32, 92 m².

- combles : pièce 1 : 0

- combles : pièce 2 : 0

Le certificat de superficie produit n'attribue aucun m² en loi Carrez pour les combles ; en outre, le bien à évaluer constitue un lot de copropriété et les termes de référence proposés portent principalement sur des lots de copropriété avec une surface loi Carrez.

En conséquence, il n'y pas lieu de retenir la surface des combles même avec une pondération de 0, 5.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu une surface de 31, 92 m² en loi Carrez, tout en considérant que la surface des combles constitue un facteur de plus value qui influe positivement sur l'évaluation du bien.

2° Sur la situation locative

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

Devant le premier juge, la SOREQA a sollicité comme indiqué dans le jugement, celle-ci n'ayant pas produit ses conclusions de première instance, de fixer la valeur du bien de M.[I] de manière alternative :

- à un montant de 164 207 euros, en valeur libre, se décomposant de la manière suivante :

- indemnité principale : 148 370 euros (32, 92 m² X 4507 euros/m²), cave et tantièmes des parties communes de la copropriété associés intégrés

- indemnité de remploi : 15 837 euros

- à un montant de 131 565 euros, en valeur occupée, se décomposant de la manière suivante :

- indemnité principale : 118 696 euros (32, 92 m² X 4507 euros/m² X 80%), cave et tantièmes des parties communes de la copropriété associés intégrés

- indemnité de remploi : 12 869 euros.

M. [I], non assisté d'un avocat, a demandé en première instance de retenir 6000 euros/m² avec un abattement de 10% maximal en contrepartie de sa demande de relogement.

Le commissaire du gouvernement a demandé dans ses dernières conclusions de fixer l'indemnité de dépossession à la somme de 185 800 euros avec une application d'un abattement de 15% dans le cas d'un relogement par la SOREQA.

Le premier juge a indiqué que le coût de la mise en oeuvre du relogement du propriétaire- occupant n'entretient pas de lien avec la valeur vénale du bien exproprié et ne peut pas non plus s'analyser comme une réparation partielle en nature par la partie expropriante du préjudice résultant de la dépossession.

Il a fait état du fondement du droit au relogement et de la prise en charge de son coût.

Il a indiqué que M. [I] a opté pour un relogement, que le bien sera évalué en valeur libre, puis a fixé le coût du relogement à 1000 euros en l'absence de production par la SOREQA d'éléments relatifs aux frais générés par la mise en oeuvre du relogement après acceptation de l'une des offres, puis a soustrait cette somme de l'indemnité de dépossession et a fixé l'indemnité sous la forme alternative comme suit :

- dans l'hypothèse où la partie expropriée n'accepte pas l'une des propositions de relogement faite par l'entité expropriante : le bien est évalué en valeur libre

- dans l'hypothèse ou la partie expropriée accepte l'une des propositions de relogement et ou le processus de relogement est mené à son terme :

- le bien est évalué en valeur libre

- les frais générés par la mise en oeuvre effective du relogement, ne pouvant être analysés ni comme un facteur de moins-value affectant la valeur vénale, ni comme une réparation partielle en nature du préjudice né de la dépossession, ils sont évalués en l'espèce à 1000 euros puis soustraits à l'indemnité de dépossession, en valeur libre, selon un mécanisme de compensation.

La SOREQA indique tout d'abord que l'exproprié ne contestait pas l'abattement et que le premier juge a soulevé ce moyen sans le soumettre au débat contradictoire, en violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

L'article 311-8 du code de l'expropriation dispose que lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L242-1 à L242-7, L 322-12, L423-2 et L423-3, le juge fixe, indépendament de ces contestations et difficultés, autant d'indemnités alternatives qu'il y a d'hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit.

En application de ce texte, le premier juge a donc fixé l'indemnité en alternative en fonction de l'effectivité du droit au relogement du propriétaire- occupant, mais toujours en valeur libre.

En soulevant ce moyen de droit d'office, le premier juge a violé les dispositions de l'article 16 ; il lui incombait de rouvrir les débats et de soumettre aux débats ce moyen de droit.

L'article R423-9 dispose qu'il ne peut être offert un local de relogement à un propriétaire exproprié qui occupe tout ou partie de son immeuble que si cette offre a été acceptée par ce propriétaire avant la fixation des indemnités d'expropriation, afin de permettre au juge et le cas échéant, à la cour d'appel, de tenir compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités d'expropriation.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [I] a opté pour le relogement.

Suite à la loi N°85-729 du 18 juillet 1985, article 17, l'article L314-2 du code de l'urbanisme prévoit que si les travaux nécessitent l'élection définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. Toutefois, tous les occupants de locaux à usage d'habitation, professionnel ou mixte ont droit au relogement dans les conditions suivantes : il doit être fait à chacun d'eux au moins deux propositions portant sur des locaux satisfaisants à la fois aux normes d'habitabilité définie par application du 3e alinéa de l'article L322-1 du code de la construction d'habitation et aux conditions prévues à l'article 13 bis de la loi numéro 48'1360 du 1er septembre 1948 ; ils bénéficient, en outre, des droits de priorité et de préférence prévue aux articles (ordonnance numéro 2014'1345 du 6 novembre 2014, article 5'XVII, en vigueur le 1er janvier 2015) « L423-1 à L 423-5 » du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, même dans le cas où ils ne sont pas propriétaires. Ils bénéficient également, à leur demande, de la priorité pour l'attribution ou l'acquisition d'un local dans les immeubles compris dans l'opération ou de parts ou actions d'une société immobilière de l'attribution, en propriété ou en jouissance, d'un tel local.

En outre, les commerçants, artisans et industriels ont un droit de priorité défini à l'article L 314-5.

L'article L314-1 dudit code dernier alinéa prévoit que les occupants bénéficiaires de ces mesures ; ce sont « les occupants, au sens du présent chapitre, comprenant les occupants au sens de l'article L 521-1 du code de la construction et l'habitation, ainsi que les preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux ».

S'il est relogé, le propriétaire ne peut prétendre qu'à une indemnisation calculée sur la base de la valeur de son bien occupé.

En effet, dans ce cas, c'est un immeuble occupé qui est livré puisque, comme pour un locataire, l'expropriant a du dans les conditions prévues aux articles R423-1 à R 423-7 du code de l'expropriation engager des frais pour se procurer des locaux de relogement.

Le relogement est une obligation pour l'expropriant qui doit offrir, à deux reprises, un logement social à l'occupant.

En application de l'article L231-1 du code de l'expropriation, dans le délai d'un mois, soit du paiement de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement, de sa consignation, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus de quitter les lieux, même s'il a été fait appel de la décision indemnitaire.

En conséquence, il convient de fixer l'indemnité de dépossession en valeur occupée et de fixer un abattement pour occupation qui sera fixé conformément à la demande de la SOREQA et la demande subsidiaire de M. [I] à 10%.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

3° Sur la méthode

Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

La méthode par comparaison avec millièmes de copropriété associés à l'appartement et cave intégrés n'est pas contestée par les parties.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

4° Sur les références des parties

Le premier juge a retenu une valeur de 5500 euros/m² en valeur libre.

Aux termes de l'article L 322-8 du code de l'expropriation, sous réserve de l'article L 322-9, le juge tient compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

a) Les références de la SOREQA

Elle ne produit aucune référence en appel.

b) Les références de M. [I]

Il propose 7 termes à [Localité 13] avec les références de publication :

N°du terme

Date de vente

Adresse

Superficie

Prix en euros

Prix en euros/m²

T1

26 novembre 2018

[Adresse 5]

AZ 61

26

143'000

5594,'68

T2

23 décembre 2019

[Adresse 3]

AY 76

28,64

168'000

5868

T3

4 janvier 2019

[Adresse 2]

AY 79

30

160'000

5333,33

T4

4 décembre 2019

[Adresse 4]

AY 167

37

242'500

6554, 05

T5

27 juin 2019

[Adresse 6]

AY 36

32

230'000

7187, 50

T6

13 septembre 2019

[Adresse 7]

AY 157

35

275'000

7857, 14

T7

27 juin 2019

[Adresse 7]

AY 157

35

238'000

6800

Ces références correspondent à une valeur moyenne de :

5594,68 + 5868 + 5333,33 + 6554,05 + 7187,50 + 7857,14 + 6800 = 45194,7 / 7 = 6 456,38 euros/m².

Monsieur [I] indique que ces références sont relativement récentes à proximité immédiate de l'immeuble ou au sein même de l'immeuble (T3).

Il sollicite de retenir une valeur de 6000 euros/m².

Ces références comparables en localisation et en consistance non contestées par la SOREQA seront retenues.

Il convient de privilégier comme demandé par Monsieur [I] la référence récente T3 située au sein de la même copropriété pour un montant de 5333, 33 euros.

Il convient de tenir compte également :

'des facteurs de plus-value liés au très bon état d'entretien du logement, à la présence de combles aménagées directement accessibles de l'appartement et de la bonne situation géographique,

' des facteurs de moins-value : état général des parties communes passable, à l'exception de la cave l'entretien est qualifié de mauvais ; le bien fait l'objet d'un étayage.

La copropriété est assez dégradée et a fait l'objet d'un arrêté de péril imminent du 18 août 2014.

En l'absence de l'occupant, l'appartement n'a pas pu être visité.

Cependant, la SOREQA indique que les photographies produites par Monsieur [I] tendent à démontrer le bon état du bien et précise qu'elle a modifié son offre en retenant la valeur unitaire de 4507 euros/m² proposée par le commissaire du gouvernement.

Au regard des références retenues, en privilégiant le terme T3, et des éléments de moins-value et de plus-value, il convient de retenir une valeur de 5500 euros/m² en valeur libre.

L'indemnité de dépossession est donc de :

32, 92 x 5500 euros/m² x 0, 90 (abattement pour occupation) = 162 954 euros en valeur occupée.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros

15% entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros

10% sur le surplus soit : (162 954 - 15 000) =147 954 euros x 10% = 14 795,4 euros

soit un total de 17 295,4 euros arrondis à 17 295 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

2° sur l'indemnité de déménagement

M. [I] sollicite en appel une somme de 1990 euros au titre des frais de déménagement.

Une indemnité accessoire même formulée pour la première fois en appel est recevable.

La SOREQA n'a pas conclu sur ce point.

Au vu des devis de déménagement produits (pièces N°5 et N°6), il convient de faire droit à cette demande correspondant à un préjudice direct et certain et à la moyenne des devis.

L'indemnité totale de dépossession en valeur occupée est donc de :

- indemnité principale : 162 954 euros

- indemnité de remploi : 17 295 euros

- indemnité pour frais de déménagement : 1 990 euros

soit un total de 182 239 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SOREQA à payer à M. [I] la somme de 120 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

M. [I] perdant le procès sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris

Statuant à nouveau :

Fixe à la somme de 182 239 euros l'indemnité totale de dépossession en valeur occupée due par la Société de Requalification des Quarties Anciens (SOREQA) à M. [X] [I] au titre de la dépossession des lots N°14 et [Cadastre 14] de la copropriété de l'immeuble [Adresse 2]) se décomposant comme suit :

- indemnité principale : 162 954 euros

- indemnité de remploi : 17 295 euros

- indemnité pour frais de déménagement : 1 990 euros

soit un total de 182 239 euros.

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] [I] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/09857
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.09857 ?
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