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12/05/2022 | FRANCE | N°21/07711

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 12 mai 2022, 21/07711


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07711 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDRCX



Décision déférée à la cour : jugement du 15 avril 2021-juge de l'exécution de Paris-

RG  n° 21/80030



APPELANTE



S.E.L.A.S. ANTOINE GITTON AVOCATS ' AGA

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Mendi FRIG

AUX, avocat au barreau de PARIS, toque C 1071



INTIMÉE



S.E.L.A.R.L. ALTHEMIS [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07711 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDRCX

Décision déférée à la cour : jugement du 15 avril 2021-juge de l'exécution de Paris-

RG  n° 21/80030

APPELANTE

S.E.L.A.S. ANTOINE GITTON AVOCATS ' AGA

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Mendi FRIGAUX, avocat au barreau de PARIS, toque C 1071

INTIMÉE

S.E.L.A.R.L. ALTHEMIS [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseillère

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

De son vivant, M. [P] [U] avait fait inscrire une hypothèque sur un bien immobilier sis [Adresse 7], appartenant à sa première épouse, Mme [A] [B], pour garantie du paiement de la somme de 370.000 euros en exécution des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.

Le 20 juillet 2018, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris a taxé à la somme de 177.450 euros, augmentée de 63.815 euros au titre des frais avancés, le montant des honoraires dus par Mmes [S] et [D] [U], ayants droit de M. [P] [U], à la Selas Antoine Gitton Avocats (ci-après la société AGA).

Sur le fondement de cette décision, le 18 septembre 2018, la Selas Antoine Gitton Avocats a fait pratiquer une saisie conservatoire de créance conditionnelle à terme ou à exécution successive, portant sur la créance hypothécaire susvisée, entre les mains de Maître [I] [L], notaire associé au sein de la société de notaires [X] [W], [G], [C] & [F], membre du réseau Althémis, afin d'appréhender le prix de vente du bien immobilier susvisé.

Le jour même, la société de notaires répondait à l'huissier qu'elle ne détenait aucun fonds ni dossier au nom de [U].

Par courriel adressé le 20 septembre 2018 à Maître [H] de la société AGA, Maître [F] indiquait confirmer sa réponse du 18 septembre précédent, en ajoutant prendre note de la procédure de saisie conservatoire « pour le cas où la vente du bien sis à [Adresse 7] viendrait à être réalisée en [son] office ».

Cette saisie conservatoire a été dénoncée à Mmes [U] le 26 septembre 2018.

Le compromis de vente a été signé entre les consorts [U] et leur acquéreur le 19 octobre 2018. La vente est intervenue par acte authentique par-devant Maître [T] [F], notaire associé de la Selarl [X]-[W], [G], [C] et [F], le 27 mars 2019.

Par arrêt du 28 février 2020, statuant sur appel de la décision du bâtonnier du 20 juillet 2018, la cour d'appel de Paris a ramené à la somme de 161.700 euros, augmentée de 63.000 euros au titre des frais avancés, soit 99.756 euros, déduction faite d'une provision de 124.944 euros, les honoraires dus par Mmes [U] à la société AGA. Cet arrêt a été frappé d'un pourvoi en cassation par cette dernière.

Sur le fondement de cet arrêt, par acte du 15 juin 2020 signifié à la Selarl Althémis [Localité 5] (ci-après la société Althémis) en qualité de tiers saisi, la société AGA a fait convertir la saisie conservatoire du 18 septembre 2018 en saisie-attribution.

Entre-temps, par jugement du 3 décembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes formées par la Selas AGA contre la Selarl [X] [W], [G], [C], [F] et tendant à la voir condamner à :

la garantir « pour l'exécution de toute condamnation judiciaire prononcée à son bénéfice à l'encontre des consorts [U] » ;

lui payer à titre provisionnel la somme de 63.000 euros, correspondant à l'autorisation de prélèvement consentie par les consorts [U] ;

lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Par arrêt du 3 septembre 2020, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du juge de l'exécution du 3 décembre 2019.

Le 19 décembre 2020, un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt par la société AGA.

Le 22 octobre 2020, la société Althémis a fait délivrer à la société AGA un commandement de payer aux fins de saisie-vente en vue du recouvrement, en principal, des sommes lui ayant été allouées au titre des frais irrépétibles par le jugement du 3 décembre 2019 et l'arrêt du 3 septembre 2020.

Le 4 janvier 2021, la société AGA a assigné la société Althémis devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 95.454 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020, après compensation de sa créance de 102.487 euros, représentant les causes de la saisie, avec les causes du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 22 octobre 2020, et interrompre les effets de ce commandement.

Par jugement du 15 avril 2021, le juge de l'exécution a :

déclaré recevables les prétentions de la société Antoine Gitton avocats,

rejeté les prétentions de la société Antoine Gitton avocats,

condamné la société Antoine Gitton Avocats à verser à la société Althémis [Localité 5] les sommes de 5000 euros à titre de dommages-intérêts et de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Antoine Gitton avocats aux dépens, avec distraction au profit de Me Lacan.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a dit que les demandes étaient recevables au regard de l'autorité de la chose jugée, que le notaire était bien fondé à répondre à l'huissier instrumentaire, le 18 septembre 2018, qu'il ne détenait pas de fonds pour le compte des [U], la créance de Mmes [U] en représentation par le notaire des fonds issus de la vente n'étant pas encore née au jour de la saisie conservatoire convertie et qu'il était indifférent à cet égard que les futures parties à la vente aient envisagé de faire recevoir l'acte par ce notaire. Sur la demande d'interruption des effets du commandement de payer, il a constaté qu'elle ne reposait sur aucun fondement légal, le juge de l'exécution ne pouvant pas suspendre l'exécution de la décision qui sert de fondement aux poursuites.

Par déclaration du 20 avril 2021, la Selas AGA a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 25 février 2022, l'appelante demande à la cour de :

la recevoir en son appel,

la déclarer bien fondée,

débouter la société Althémis de l'ensemble de ses prétentions,

à titre principal,

ordonner le sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice dans l'attente de la solution qui sera donnée par la Cour de cassation sur le pourvoi relatif à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 septembre 2020,

ordonner en conséquence la suspension de l'instance,

subsidiairement,

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a reçu ses prétentions,

condamner la société Althémis à lui payer la somme de 102.487 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020,

condamner la société Althémis à lui payer une somme de 12.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Althémis aux entiers dépens avec bénéfice du droit de recouvrement direct à Me Frigaux, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A cet effet, elle fait valoir que :

le sursis à statuer s'impose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, dans la mesure où l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir, susceptible de casser l'arrêt du 3 septembre 2020, éclairera le juge du fond sur la régularité ou non de la procédure de saisie en cause ;

le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée est inopérant, le juge de l'exécution n'ayant statué dans son jugement du 3 décembre 2019 sur aucune des questions objet la présente instance, et les fondements des demandes des deux procédures étant différents ;

la vente du bien immobilier sis [Adresse 7] appartenant aux consorts [U] est bien intervenue le 27 mars 2019 par l'entremise de la société Althémis ;

ni la saisie conservatoire du 18 septembre 2018 ni la conversion de celle-ci en saisie-attribution le 15 juin 2020 n'ont été annulées ni levées, de sorte qu'elles doivent produire leurs effets;

en l'absence de toute contestation antérieure à la signification de l'acte de conversion, Althémis est tenue au paiement des sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée, en application des articles R. 523-4 à R. 523-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

le tiers saisi n'est pas recevable à contester l'acte de conversion, cette action, qui n'a pas été exercée en l'espèce, n'étant ouverte qu'au débiteur, dans un délai de 15 jours à compter de sa signification ;

c'est à tort que le premier juge l'a condamnée pour procédure abusive, aucune faute ne pouvant lui être reprochée, puisqu'elle se contente de solliciter la délivrance d'un titre exécutoire résultant d'une créance qu'elle détient à l'encontre d'Althémis, laquelle résiste à l'exécution de la saisie-attribution.

Par dernières conclusions du 21 juillet 2021, la société Althémis demande à la cour de :

déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer,

subsidiairement, dire n'y avoir lieu à sursis à statuer,

confirmant le jugement entrepris,

déclarer mal fondée la société AGA en ses demandes en paiement des sommes de 102.487 euros et de 95.454 euros et en sa demande de compensation,

y ajoutant,

condamner la société AGA à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

condamner la société AGA à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société AGA aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dire que Me Lacan pourra, en application de l'article 699 du code de procédure civil, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'intimée soutient que :

la demande de sursis à statuer est irrecevable, d'une part parce que formée à titre principal alors que l'office du juge est de trancher, d'autre part parce qu'elle n'avait pas été formée en première instance alors que le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt d'appel du 3 septembre 2020 date du 19 décembre suivant ;

elle n'a pas été jugée débitrice envers Mmes [U], débitrices saisies, et n'a pas reconnu leur devoir quoi que ce soit non plus, comme l'indique le juge de l'exécution dans son jugement du 3 décembre 2019,

contrairement à Me [L], elle n'était pas tiers saisi à la saisie-conservatoire, de sorte qu'elle ne pouvait être destinataire de l'acte de conversion de saisie conservatoire en saisie-attribution ;

la saisie conservatoire est nulle et inefficace : il n'y a pas de créance objet de la saisie ; il s'agit d'une saisie oblique, tel que l'a jugé l'arrêt du 3 septembre 2020 ; il n'y a pas de titre, la décision d'un bâtonnier statuant en matière de contestation d'honoraire n'étant pas une décision judiciaire ; une saisie pratiquée entre les mains d'un notaire et non de celle de sa structure d'exercice est inefficace ;

l'appelante fait preuve d'une persévérance qui révèle une véritable intention de lui nuire, abus qu'a caractérisé le premier juge.

MOTIFS

Sur la demande tendant au sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, l'action introduite devant le juge de l'exécution date du 4 janvier 2021 et le jugement dont appel du 15 avril 2021. Le pourvoi en cassation invoqué au soutien de la demande de sursis à statuer a été formé le 19 décembre 2020 et ne constitue donc pas un fait nouveau survenu postérieurement au jugement entrepris. Par conséquent, il était loisible à la société AGA de former cette demande devant le premier juge, ce dont elle s'est abstenue.

Cette demande doit donc être déclarée irrecevable comme étant nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur la compétence matérielle du juge de l'exécution

Cette compétence matérielle du juge de l'exécution et, partant, de la cour statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, pour statuer sur la contestation du commandement aux fins de saisie-vente délivré le 22 octobre 2020 et sur la délivrance d'un titre exécutoire à l'encontre du tiers saisi sur le fondement des articles L. 211-3 et R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, n'est plus sérieusement contestée par l'intimée à hauteur d'appel.

Il y a lieu de relever que la demande tendant à « l'interruption du commandement aux fins de saisie-vente » n'est pas reprise à hauteur de cour, et que, en cours d'appel, l'appelante a renoncé à sa demande de compensation entre le montant des causes de la saisie conservatoire convertie et celui visé par le commandement aux fins de saisie-vente, la cour n'étant saisie que par le dispositif des dernières conclusions des parties, conformément aux dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la présente action au regard de l'autorité de la chose jugée

C'est à juste titre que le premier juge a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 3 septembre 2020, au motif que, dans le cadre de cette précédente instance, n'étaient pas demandées les mêmes sommes ni sur le même fondement que les prétentions formulées devant lui. En effet, la cour, dans son arrêt du 3 septembre 2020, statuait sur une demande tendant à voir condamner la société Althémis à garantir la société AGA « pour l'exécution de toute condamnation judiciaire prononcée à son bénéfice à l'encontre des consorts [U] » , à lui payer à titre provisionnel la somme de 63.000 euros, correspondant à l'autorisation de prélèvement consentie par les consorts [U], enfin à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts. Or, comme indiqué précédemment, la cour est à présent saisie d'une demande en condamnation de la société Althémis au paiement des causes d'une saisie conservatoire convertie en saisie-attribution, sur le fondement des articles R. 211-9, R. 523-4 à R. 523-6, R. 523-9 et R. 523-10 du code des procédures civiles d'exécution.

Cependant, à hauteur de cour, l'intimée ne se prévaut que des motifs du jugement du 3 décembre 2019 et de l'arrêt du 3 septembre 2020, et ce non pas pour opposer à l'appelante l'autorité de la chose jugée, mais pour se les approprier sur le fond.

Au fond

En premier lieu, il convient d'écarter le moyen, soulevé par l'intimée, tiré de la nullité de la saisie en ce qu'elle constituerait une saisie oblique, comme l'aurait « jugé la cour d'appel dans son arrêt du 3 septembre 2020 », alors que précisément, dans le cadre de cette instance ayant un objet distinct, la cour avait, au contraire, soulevé le moyen tiré de l'impossibilité d'une saisie oblique.

Il convient également, à titre liminaire, de répondre à un deuxième moyen de l'intimée, tiré de l'absence de caractère exécutoire d'une décision du bâtonnier fixant des honoraires, que la décision rendue par le bâtonnier de Paris le 20 juillet 2018 a été confirmée par arrêt de la cour d'appel en date 28 février 2020, lequel présente incontestablement le caractère de titre exécutoire.

Pour sa part, l'appelante fait grief à la société Althémis de n'avoir pas respecté l'obligation d'information pesant sur le tiers saisi aux termes de l'article R. 523-4 du code des procédures civiles d'exécution, selon lequel, en matière de saisie conservatoire de créances, le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives.

Aux termes de ce texte, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

L'appelante invoque encore les dispositions de l'article R. 523-5 prévoyant la sanction applicable au défaut d'accomplissement de cette obligation de renseignement comme suit : le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et sauf son recours contre ce dernier.

Mais précisément, lors de l'établissement du procès-verbal de saisie conservatoire de créance du 18 septembre 2018, le tiers saisi, en la personne de Maître [T] [F], a sur-le-champ rempli son obligation de renseignement en répondant à l'huissier de justice : « Nous n'avons ni dossier ni fonds à l'étude concernant ce dossier au nom de [U]. »

Même si, deux jours après, soit le 20 septembre 2018, Maître [F] adressait un mail à Maître [H] lui indiquant qu'elle confirmait sa réponse du 18 septembre et prenait note de la procédure de saisie conservatoire pour le cas où la vente du bien sis à [Adresse 7], viendrait à être réalisée en son office, il n'en demeure pas moins que sa déclaration à l'huissier de justice indiquant qu'elle ne détenait aucun fonds au nom de [U] à la date de la saisie conservatoire était exacte. En effet la promesse de vente n'est intervenue qu'un mois après, le 19 octobre 2018, et l'acte authentique de vente six mois après, le 27 mars 2019. Et contrairement à ce que soutient l'appelante dans ses écritures, le notaire ne s'est pas déclaré débiteur du saisi auprès de l'huissier de justice lors de la signification de la saisie conservatoire. Ses mentions complémentaires relatives à la prise en compte de la procédure de saisie conservatoire pour l'avenir ne résultent que d'un courriel adressé à l'avocat et nullement d'un acte authentique.

Il en résulte que la saisie conservatoire du 18 septembre 2018 était infructueuse.

Ensuite, l'appelante réclame l'application des dispositions de l'article R. 523-6, lequel dispose que, à défaut de contestation avant l'acte de conversion, la déclaration du tiers est réputée exacte pour les seuls besoins de la saisie. 

En effet, la société AGA justifie avoir fait signifier tant à la société Althémis le 15 juin 2020 qu'à Mmes [U] le 20 juin 2020 un acte de conversion en saisie-attribution de la saisie conservatoire de créances du 18 septembre 2020. Et aucune contestation n'a été formée à l'encontre de cet acte de conversion. Notamment les débitrices, soit Mmes [U], n'ont pas exercé le recours prévu à l'article R. 523-9 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution.

Le fait que l'acte de conversion ait été signifié le 15 juin 2020 à la société Althémis alors que le destinataire de la signification de la saisie conservatoire du 18 septembre 2018 était Maître [I] [L], notaire au sein de la société « [O] [X] [W], [Z] [G], [K] [C] et [T] [F] », notaires associés, Selarl titulaire d'un office notarial, membre du groupe Althémis, n'entache pas d'irrégularité l'acte de conversion, puisqu'il résulte des écritures de l'intimée que la première vient aux droits de la seconde.

Cependant, il résulte des dispositions combinées des articles R. 523-7 4° et R. 523-9 4ème alinéa du code des procédures civiles d'exécution que, en l'absence de contestation, le tiers saisi doit procéder au paiement des sommes visées à l'acte de conversion dans la limite de celles dont il s'est reconnu ou a été jugé débiteur.

Or en l'espèce, le notaire ne s'était reconnu débiteur d'aucune somme envers Mmes [U] à la date de la saisie conservatoire et n'a pas été déclaré tel par une quelconque décision de justice.

Par ailleurs si, aux termes de l'article R. 523-10 du code des procédures civiles d'exécution, les dispositions des articles R. 211-7, R. 211-8, R. 211-9, R. 211-12, du deuxième alinéa de l'article R. 211-15 et R. 211-22 du même code sont applicables à la conversion de la saisie conservatoire, il y a lieu de rappeler qu'il n'en va pas de même des dispositions de l'article R. 211-5, en sorte qu'il n'existe pas, au stade de la conversion, de nouvelle obligation de renseignement à la charge du tiers saisi.

Il résulte de ce qui précède que la conversion en saisie-attribution d'une saisie conservatoire infructueuse est elle-même nécessairement infructueuse comme portant sur une créance inexistante.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'action en condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie, fondée sur les articles R. 211-9, R. 523-9 et R. 523-10 du code des procédures civiles d'exécution.

Sur la demande en dommages-intérêts

Le droit d'exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits qui ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions.

L'abus du droit d'ester en justice ne peut donc résulter ici de l'exercice d'une nouvelle action, dont il a été dit précédemment qu'elle portait sur un objet tout à fait distinct de celui de la procédure d'appel n°19/22996 ayant donné lieu à l'arrêt du 3 septembre 2020 frappé de pourvoi en cassation.

Faute pour l'intimée d'établir l'existence d'un tel abus, il y a lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AGA au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et de débouter la société Althémis de sa demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires

L'issue du litige commande la confirmation du jugement entrepris sur les demandes accessoires, la condamnation de la société AGA aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 6000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles exposés par l'intimée à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande tendant au sursis à statuer ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la Selas Antoine Gitton Avocats à payer à la Selarl Althémis [Localité 5] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Infirme le jugement entrepris de ce seul chef ;

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Déboute la Selarl Althémis [Localité 5] de sa demande en dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne la Selas Antoine Gitton Avocats à payer à la Selarl Althémis [Localité 5] la somme de 6000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation de ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la Selas Antoine Gitton Avocats aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/07711
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.07711 ?
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