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12/05/2022 | FRANCE | N°19/14774

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 12 mai 2022, 19/14774


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14774 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMN6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY- RG n° 17/04874





APPELANTS



Monsieur [U] [N] [J]

né le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 8]



e

t



Madame [W] [R] [O] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 10]



[Adresse 7]

[Localité 6]



et



SCI AQUILES IMMO

immatriculée au R.C.S. de BOBIGNY sous le n° 539 803 171

dont le...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14774 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMN6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY- RG n° 17/04874

APPELANTS

Monsieur [U] [N] [J]

né le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 8]

et

Madame [W] [R] [O] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 10]

[Adresse 7]

[Localité 6]

et

SCI AQUILES IMMO

immatriculée au R.C.S. de BOBIGNY sous le n° 539 803 171

dont le siège social se situe au

[Adresse 7]

[Localité 6]

Tous représentés par Me Laurence GILLET de la SCP MICHEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 172

INTIMÉ

Monsieur [Y] [H]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

Propriétaires d'un bien immobilier à usage d'habitation, sis à [Adresse 7], constituant leur résidence principale, Monsieur [U] [J] et Madame [W] [O] épouse [J], ci-après dénommés les époux [J], ont fait le choix de se retirer en province et se sont interrogés sur le meilleur parti à tirer du bien immobilier précité.

À la fin de l'année 2009 , Monsieur [T] [J], l'un de leurs fils, a fait réaliser une estimation budgétaire prévisionnelle portant sur la transformation du pavillon en plusieurs appartements destinés à la location.

Le 10 décembre 2010, M. [U] [J] a déposé une demande de permis de construire, complétée le 4 avril 2011, pour des travaux sur construction existante : surélévation + extension / transformation d'une maison en 6 logements. Le permis de construire sollicité a été délivré le 1er juillet 2011.

Les époux [J] se sont tournés vers M. [Y] [H], cousin de Mme [O], expert-comptable de profession pour les assister dans la réalisation de leur projet.

Suivant acte notarié en date du 10 janvier 2012 dressé par Me [I], notaire, les époux [J], ainsi que leurs deux enfants, [G] et [T], ont constitué la société Aquiles Immo ( la SCI) au capital de 422.000 Euros. Les époux [J] ont apporté à la société Aquiles Immo la propriété des 21/26èmes de leur bien immobilier précité pour une valeur de 420.000 Euros, conservant la propriété indivise de 5/26èmes. [G] et [T] [J], ont pour leur part respectivement apporté la somme de 1 000 Euros, le capital social de la société Aquiles lmmo se trouvant ainsi réparti entre :

* Monsieur [U] [J] à hauteur de 210 parts, représentant 49,80 % du capital social,

* Madame [W] [J] à hauteur de 210 parts, représentant 49,80 % du capital social,

* Monsieur [G] [J] à hauteur de 1 part, représentant 0,20 % du capital social,

* Monsieur [T] [J] à hauteur de 1 part, représentant 0,20 % du capital social,

M.[G] et [T] [J] ayant par ailleurs été désignés les premiers gérants de la société Aquiles Immo, laquelle a été immatriculée le 9 février 2012.

Un contrat de travaux a été conclu le 19 juillet 2013 entre la société Aquiles Immo, représentée à l'acte par M. [Y] [H] et la société MGS, dirigée par M. [E].

Exposant avoir vainement tenté de recouvrer les fonds avancés pour le compte de la SCI aux fins de financer les travaux nécessaires à la réalisation du projet de transformation du pavillon, par exploit d'huissier en date du 28 avril 2017, M. [Y] [H] a fait assigner la société Aquiles Immo devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

Le tribunal de grande instance de Bobigny, par jugement du 4 juin 2019 :

- Déclare les époux [J] recevables en leur intervention volontaire dans la présente procédure diligentée par M. [H] à l'encontre de la société Aquiles Immo,

- Constate l'existence d'un prêt de consommation consenti par M. [H] à la société Aquiles Immo d'un montant de 239.351,24 euros correspondant aux sommes réglées par M. [H] pour le compte de la société Aquiles Immo dans le cadre du chantier de transformation du pavillon sis à [Adresse 7] en logements locatifs,

- Fixe le terme de ce prêt de consommation au présent jugement,

- Condamne la société Aquiles Immo à payer à M. [H] :

1°) la somme principale de 239.351,24 euros, assortie des intérêts de retard, calculés à compter

de la signification du présent jugement, étant jugé que la mise en demeure délivrée le 28 juin 2016 n'a pu faire courir des intérêts de retard en l'absence de fixation par les parties d'un terme pour la restitution des sommes prêtées ,

2°) la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- Déclare M. [H] malfondé en ce qui concerne le surplus de ses prétentions, notamment de sa demande en paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et l'en déboute ,

- Déclare la société Aquiles Immo et les époux [J] malfondés en toutes leurs demandes reconventionnelles à l'encontre de M [H], et les en déboute ,

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

- Condamne la société Aquiles Immo aux entiers dépens.

Par déclaration d'appel du 17 juillet 2019, la SCI Aquiles Immo, Monsieur [U] [J] et Madame [W] [O] ont interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Bobigny.

Par leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA), le 13 août 2020, la SCI Aquiles Immo, Monsieur [U] [J] et Madame [W] [O], appelants, demandent à la cour d'appel de Paris, de :

Recevoir la SCI Aquiles Immo, Monsieur [U] [J] et Madame [W] [O] en leur appel et,

Y faisant droit,

Vu les articles du 1892 et suivants du code civil,

Vu les articles 1991, 1992, 1999 et 2000 du même code,

Vu les articles 66, 67 et 68 du code de procédure civile,

Ensemble les articles 328 et suivants du même code,

- Infirmer en toutes ses dispositions, le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- Débouter M. [H] comme mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner M. [H] à payer, avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2018, date de formulation de la demande devant le premier juge,

- à l'indivision formée par la SCI Aquiles Immo et M. Et Mme [J], la somme de 169.750 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- à la SCI Aquiles Immo la somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice de gestion,

- à M. Et Mme [J], en réparation de leur préjudice matériel, la somme 67.200 euros,

- à M. Et Mme [J], en réparation de leur préjudice moral, la somme de 15.000 euros.

- Condamner M. [H] aux entiers dépens, ainsi qu'à payer aux concluants une indemnité de 12.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [J] et la SCI Aquilles immo font notamment valoir que :

' l'intimé n'a jamais conclu le moindre prêt mais uniquement investi de son propre chef des sommes dans un projet dont il entendait dès l'origine prendre le contrôle sans jamais en informer la SCI et ce n'est que lorsque l'échec du projet a été évident qu'il a refusé d'en assumer les risques et prétendu se faire rembourser des paiements allégués,

' il n'y a pas d'impossibilité morale de se procurer un écrit, le lien de parenté entre cousins germains ne suffisant pas à rendre admissible tout mode de preuve dès lors qu'il n'est pas établi qu'il y a eu entre eux des relations telles qu'elles aient rendu impossible la rédaction d'un écrit,

' l'intimé a dès l'origine considéré ce projet comme un investissement personnel,

' les parties au prétendu contrat de prêt sont d'une part l'intimé d'autre part la SCI,

- l'écran de la personnalité morale fait radicalement obstacle à la reconnaissance d'une impossibilité morale entre les parties,

- sa constitution démontre un certain juridisme peu compatible avec l'existence d'un obstacle d'ordre affectif à établir un écrit entre les parties,

- ils ont fait appel à lui en raison de sa profession et de son ascendant et non de liens d'affection dont l'existence n'a jamais été établie,

- les sommes versées aux époux [J], dont il fait état, sont antérieures, sans rapport avec le projet et de montant plus modeste,

' si l'impossibilité matérielle et morale d'établir un écrit était retenue, l'intimé échoue à démontrer par tous moyens l'existence et le montant du prêt litigieux, le courriel du notaire, simple tiers, ne suffisant pas à établir leur engagement de rembourser,

- le montant total des sommes empruntées doit être connu par celui qui les emprunte, ce qui n'a jamais été le cas,

- il ne leur a communiqué aucune facture ni procédé à un examen de leur bien-fondé ni sollicité leur accord,

- il aurait dû demander d'inscrire la créance au passif du bilan de la SCI et faire procéder à une approbation des comptes annuels comme les statuts de la SCI en faisaient l'obligation,

' il ne rapporte pas la preuve de la remise effective des fonds à un tiers sur leur ordre,

' en qualité de gérant de fait de la SCI, il doit être regardé comme mandataire de celle-ci et les relations instaurées entre eux comme régies par les règles du mandat (tacite),

' il doit en conséquence répondre de dommages-intérêts susceptibles de résulter de l'inexécution de ce mandat et des fautes commises dans sa gestion,

' il lui est reproché:

. un défaut de conseil, le projet étant inadapté à leurs besoins et financièrement dangereux,

.la signature d'un contrat de construction non conforme au permis de construire pour obtenir une réduction de prix par la société MGS sans leur en avoir référé ( création de quatre logements au lieu de six et sans surélévation),

. Une légèreté blâmable dans le choix des entreprises sans souscription d'un contrat d'assurance dommages ouvrage rendu pourtant obligatoire ni vérification de leur passé ni que les entreprises avaient les compétences professionnelles nécessaires,

. Un manquement dans la gestion de la vie sociale : absence de comptabilité et d'inscription de sa créance prétendue dans les débuts sociaux, absence d'assemblée générale en vue de délibérer sur l'évolution de la situation financière de la société, absence d'information des associés sur la croissance du passif, d'une déclaration de créance au passif de la société MGS ni d'une action contentieuse,

. Des tentatives d'extorsion, en demandant à la SCI de rembourser les sommes prétendument réglées pour son compte et de souscrire un emprunt permettant uniquement de rembourser l'intimé alors qu'un autre emprunt serait nécessaire pour achever les travaux,

' s'ils ont bien eu à l'origine un projet de transformation d'une maison individuelle en un immeuble collectif, après avoir constaté qu'ils ne pourraient jamais lever les fonds suffisants, le projet avait été abandonné et c'est seulement du fait de l'intervention de l'intimé que ce projet a été repris et mis en 'uvre, qu'il a donné seul les directives aux entreprises, situation qui a perduré jusqu'à ce que confronté au désastre engendré par ses fautes, il se résolve à les informer de l'arrêt des travaux et de la nécessité d'opérations de reprise, la participation de Monsieur [T] [J] n'étant intervenue que lors de la réunion de chantier du 21 juillet 2014 ignorant jusqu'à cette date la situation,

- il a continué à recruter de nouvelles entreprises toutes aussi incompétentes ou juridiquement inexistantes et à les payer sans contrôle et reddition de comptes de quelque manière que ce soit ,

' les sommes dépensées l'ont été en pure perte et sans aucun profit pour la SCI les laissant dans une situation patrimoniale et financière pire que celle qui était la leur cinq ans auparavant ce dont ils réclament indemnisation,

-les travaux ont été réalisés en violation des règles de l'art et en méconnaissance des prescriptions du permis de construire et ils ont été contraints de les reprendre en s'adjoignant le concours d'un architecte devant mobiliser plus de 340'000 € pour y parvenir avec quatre années de retard,

- ils sollicitent l'indemnisation de leur préjudice de jouissance, de gestion, matériel ainsi que de leur préjudice moral.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA), le 14 janvier 2020, M. [H], intimé demande à la cour d'appel de Paris, de :

Vu l'ancien article 1135 du code civil, Vu les articles 1341 et 1348 du code civil,Vu les articles 1999 et 2000 du code civil, Vu la commune intention des parties,

- Infirmer partiellement le jugement querellé :

- Constater que le prêt de consommation consenti par M. [H] à la société Aquiles Immo est d'un montant de 286.249,00 euros correspondant à l'ensemble des sommes réglées par M. [H] pour le compte de la société Aquiles Immo ;

En conséquence :

- Condamner la société Aquiles Immo à rembourser à M. [H] la somme de 286.249,00 euros à compter de la décision à intervenir, outre les intérêts de retard au taux légal à compter du 28 juin 2016, date de la mise en demeure ;

Confirmer la décision querellée pour le surplus :

- Fixer le terme pour la restitution de la somme de 286.249,00 euros prêtée par M. [H] à la société Aquiles Immo au jour de la signification du jugement du 4 juin 2019 ;

- Constater que M. [H] n'a commis aucune faute à l'égard de la société Aquiles Immo en qualité de mandataire de celle-ci ;

- Débouter la société Aquiles Immo de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter M. et Mme [J] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Condamner solidairement la société Aquiles Immo et M. et Mme [J] à payer à M. [H] la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait notamment valoir que :

- il n'est pas l'instigateur du projet,

- sur la base d'un devis du 20 mars 2012 émanant de la société MGS et de l'estimation immobilière du 4 février 2011, il a établi un premier dossier financier estimé à la somme de 1'192'000 € dont une partie serait financée grâce à un emprunt bancaire souscrit par la SCI et remboursé grâce aux loyers perçus,

- les établissements bancaires ne souhaitant pas donner suite à ce projet, il a été redimensionné à 150'000 € de travaux et la famille l'a sollicité financièrement après un rendez-vous ayant lieu chez le notaire Me [I] en juin 2013,

- Monsieur [T] [J] a contresigné un document récapitulatif en date du 12 juin 2014 récapitulant l'ensemble des travaux commandés et signait le 26 juin 2014 un avenant au marché principal permettant de prendre en compte l'évolution du marché et en particulier de régulariser les travaux supplémentaires décidés,

- La société MGS ne pouvant plus prendre en charge les travaux compte tenu de son état de cessation de paiement imminent, d'autres sociétés ont été sollicitées par la SCI après qu'un procès-verbal de constat de huissier ait constaté d'importantes malfaçons et que les travaux n'avaient été effectués que partiellement,

- il a payé la somme de 65'000 € pour que les travaux soient terminés en attendant l'obtention d'un prêt par la SCI ainsi que les frais courants de l'immeuble,

- pour appuyer la demande de financement, il a accepté de devenir associé minoritaire de la SCI et de se porter garant de la bonne exécution du prêt en qualité de caution : en définitive l'agence LCL a donné le 27 janvier 2015 son accord de principe pour régler à la SCI la somme de 280'704,39 € remboursable sur 12 ans, prêt qui n'a finalement pas été octroyé faute de justificatifs ; sa prise de participation dans le capital n'a pas eu lieu,

- les sommes avancées par lui constituent un prêt de consommation dont il entend obtenir le remboursement, se fondant sur une impossibilité morale de se procurer un écrit en raison de sa proximité affective avec la famille étant le cousin germain de Madame [W] [J], qui  avec son époux, sont un couple âgé, nés en 1935 et en 1939,

- il prouve la remise de fonds à hauteur de 286'249 € en produisant les chèques et les relevés bancaires et que 16 versements sont intervenus au titre de la signature du marché de travaux par la SCI, et correspondant à leur avancement,

- il ne disposait d'aucun intérêt dans l'opération,

- la recherche de financements bancaires, son appui en ce sens et le refus révèlent que dans l'esprit de chacun, il s'agissait d'un prêt,

- il a également été sollicité financièrement par les époux à titre personnel et n'a obtenu aucun remboursement malgré leur engagement,

- aucune date de restitution n'ayant été convenue, il sera demandé au tribunal de fixer ce terme judiciairement eu égard aux circonstances de l'espèce, au jour de la décision à intervenir,

- il n'était lié à la SCI par aucun contrat de mandat : sa signature figure sur le contrat du 19 juillet 2013 et l'avenant du 26 juin 2014 mais aux côtés du gérant de la SCI Monsieur [T] [J],

- il n'a pas choisi les entreprises en charge des travaux ayant simplement assisté bénévolement la SCI dans l'étude de la rentabilité de l'opération et le dossier de financement puis assurait le paiement des travaux à charge pour la SCI de le rembourser,

- la SCI est intervenue directement à tous les stades du projet lui-même n'ayant aucune compétence technique dans la réalisation de travaux liés à un projet immobilier,

- si un mandat était retenu, il est intervenu bénévolement et son éventuelle responsabilité devra être appliquée moins rigoureusement,

- la SCI a bien été informée sur les risques opération puisque le courriel de Me [I] a été transféré à Monsieur [T] [J],

- ce dernier n'est pas inexpérimenté ayant été gérant de plusieurs sociétés, que le permis de construire a été déposé par lui accompagné pour se faire par un architecte,

- les appelants prétendent qu'il serait gérant de fait de la société, qualité qui ne peut se cumuler avec celle de mandataire,

- sur les tentatives d'extorsion, cette allégation est calomnieuse alors que la SCI n'a pas déboursé un centime dans le cadre des travaux sur leur pavillon,

- la SCI lui impute l'absence d'achèvement des travaux alors qu'elle est imputable aux seules entreprises de travaux choisies par le gérant Monsieur [T] [J],

- sur le prétendu préjudice de jouissance invoqué, la SCI a fait échouer le prêt pour lequel le LCL avait donné un accord de principe et ne rapporte pas la preuve qu'elle disposait déjà de candidats pour louer,

- les époux [J] intervenus volontairement à l'instance ne prouvent aucun préjudice.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de M. [H] :

En application de l'article 1315 ancien du code civil, devenu l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En matière de prêt, la preuve doit être rapportée, par celui qui en réclame le remboursement, de la remise des sommes et de l'obligation de restitution. La remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation de celui qui les a reçues à les restituer.

L'article 1341 du code civil devenu l'article 1359 du code civil, prévoit que : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. » (La valeur retenue est de 1.500 euros fixée par décret du 20/8/2004).

L'article 1348 du code civil devenu l'article 1360 du code civil prévoit que cette règle reçoit exception, lorsque l'une des parties, soit n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, ou aura perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure.

Cette impossibilité matérielle ou morale ne dispense pas celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.

En l'espèce, aucun écrit n'a été établi entre les parties relatif au prêt dont Monsieur [H] fait état pour un montant de 286.249 euros.

Ce dernier invoque une impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit étant le cousin germain d'un des associés de la SCI, Madame [W] [J].

Les appelants contestent principalement l'obligation de restitution.

Le débiteur du prêt serait, selon Monsieur [H], la SCI et cet écran de la personne morale s'oppose déjà à l'existence d'une impossibilité morale entre les parties.

De plus, la constitution de la SCI, qui a donné lieu à la consultation de Me [I], notaire, démontre que les parties ont entendu recourir à un certain formalisme en contradiction avec une absence d'établisssement d'un écrit concernant un prêt de 286.249 euros.

Surtout il n'est justifié par aucune pièce de liens affectifs tels, alors que le degré de parenté entre cousins germains est éloigné, qu'un écrit n'aurait pas pu être établi d'autant que par sa profession d'expert comptable, l'intimé connaissait les règles applicables en la matière et l'importance d'un tel document pour des sommes d'un tel montant.

En l'absence d'écrit, Monsieur [H] ne rapporte pas la preuve du prêt et notamment de l'obligation de restitution qu'il allègue.

La décision déférée est infirmée de ce chef.

Sur la demande de la SCI Aquiles immo et des époux.[J] :

Les appelants font valoir qu'en qualité de gérant de fait de la SCI, Monsieur [H] doit être regardé comme mandataire de celle-ci et les relations instaurées entre eux comme régies par les règles du mandat (tacite), et qu'il doit en conséquence répondre de dommages-intérêts susceptibles de résulter de l'inexécution de ce mandat et des fautes commises dans sa gestion.

Le gérant de fait est toute personne qui, sans être officiellement investie du mandat de gérant (gérant de droit), réalise des actes de gestion sociale interne ou externe et dispose en fait d'un pouvoir de décision ou de contrôle effectif et constant. La notion de dirigeant de fait suppose que la personne concernée, physique ou morale, dépourvue de mandat social, s'est effectivement immiscée dans l'administration, la gestion ou la direction de la société et a, en toute indépendance et liberté, exercé une action positive de cette nature.

Le permis de construire relatif à la transformation du pavillon en plusieurs logements a été déposé par M. [U] [J] assisté d'un architecte, le 10 décembre 2010.

S'il résulte du dossier que Monsieur [H] a signé seul le contrat de travaux en date du 19 juillet 2013 entre la société MGS et la SCI Aquiles Immo, cette entreprise avait été contactée au préalable par M.[T] [J] qui avait fait établir un devis qui lui avait été personnellement adressé le 20 mars 2012. Il résulte également du courrier que ce dernier a adressé le 1er septembre 2014 au président du tribunal de commerce qu'il avait au préalable contacté d'autres entreprises de travaux en région parisienne.

Tous les autres actes relatifs aux travaux sont cosignés ou signés par M. [T] [J] seul. Ainsi, ce dernier a cosigné l'avenant et les annexes aux travaux effectués par la société MGS en date du 26 juin 2014 (pièce 12 des appelants).

Le 12 juin 2014, M. [T] [J] a signé seul la synthèse des travaux effectués par MGS, qui récapitule les sommes acquittées et restant dues et les tranches de travaux ainsi que les travaux supplémentaires (pièce 35 de l'intimé).

Selon le PV de réunion de chantier en date du 21juillet 2014, M.[T] [J] était présent.

Suite aux difficultés rencontrées avec la société MGS, M. [T] [J] a fait établir avec son frère, le 6 août 2014, un constat d'huissier concernant les travaux effectués (pièce 9) et a adressé un courrier au président du tribunal de commerce, avec copie au procureur, concernant cette société, dénonçant 'des faits délictueux'.

Dans ce courrier, M. [T] [J] ne mentionne à aucun moment Monsieur [H], se présente 'en ma qualité de gérant' et expose dans le détail les faits reprochés à l'entreprise MGS démontrant sa parfaite connaissance de la chronologie du chantier et donc le suivi qu'il en effectuait.

Concernant les entreprises qui ont poursuivi les travaux après la défaillance de la société MGS, les appelants mentionnent à plusieurs reprises dans leurs écritures que Monsieur [H] les aurait recrutées sans en rapporter la preuve et ce dernier le conteste produisant le PV de réunion de chantier en date du 21 juillet 2014 à ce sujet qui consigne la présence de M.[T] [J] et de lui-même.

Il ne ressort pas des pièces produites que Monsieur [H] ait été l'expert comptable de la SCI et page 30 de leurs conclusions, les appelants mentionnent Monsieur [F], expert comptable à Paris.

Les paiements par Monsieur [H] des travaux, n'ont pas été effectués avec des fonds sociaux, ce qui rend inopérant l'argument des appelants selon lequel il en résulterait la preuve qu'il ait été gérant de fait de la SCI.

En conséquent, les appelants ne rapportent pas la preuve, alors qu'ils ont été à l'initiative du projet et acteurs à tous ses stades et qu'ils ont été les signataires des documents relatifs au chantier, que Monsieur [H] ait disposé du pouvoir de décision ou de contrôle effectif et constant, se soit immiscé dans l'administration, la gestion ou la direction de la SCI et ait été son gérant de fait.

Ils ne peuvent dès lors lui reprocher de faute de gestion en cette qualité.

Concernant l'existence d'un simple mandat, les appelants ont la charge de la preuve de son existence et de ses limites.

Au vu des pièces produites, il ne pourrait concerner que la signature du marché de travaux en date du 19 juillet 2013, seul acte que Monsieur [H] a signé seul.

Dans son courrier adressé au président du tribunal de commerce, M. [T] [J] écrit ' le 19 juillet 2013, notre société signait un contrat de travaux (148 835,44 euros TTC) avec la société MGS SAS'

Il résulte de la pièce 28 (devis adressé à M. [T] [J]) et du courrier précité adressé par ce dernier au président du tribunal de commerce que la recherche préalable d'entreprises a été effectuée par M. [T] [J], suite au dépôt du permis de construire par son père et les appelants ne démontrent pas que Monsieur [H] n'ait pas respecté les termes de son mandat, qu'à défaut de preuve rapportée par les appelants, la cour considère comme étant limité à la signature de cet acte, dont il n'était pas l'instigateur et ne s'étendant pas à un contrôle des assurances de l'entreprise, à une conformité avec le permis de construire ou à toutes autres questions comme ses compétences ni à un suivi technique des travaux.

Dès lors, la preuve d'une faute concernant ce mandat, tel que défini ci-dessus, en lien de causalité avec le préjudice allégué n'est pas rapportée.

Les appelants sont par conséquent déboutés de leur demande de dommages et intérêts et la décision déférée est confirmée de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Monsieur [H] est condamné aux dépens et à payer aux appelants la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement la décision déférée en ce qu'elle a condamné la SCI Aquiles immo à payer à Monsieur [H] la somme de 239.351,24 euros outre intérêts ainsi qu'aux dépens, à l'article 700 du code de procédure civile et fixé le terme du prêt à la consommation constaté à la date du jugement,

La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Monsieur [H] de ses demandes,

Condamne Monsieur [H] à payer à la SCI Aquiles Immo, Monsieur [U] [J] et Madame [W] [O] la somme totale de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [H] aux dépens,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/14774
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.14774 ?
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