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12/05/2022 | FRANCE | N°19/14671

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 12 mai 2022, 19/14671


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14671 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMDF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/16730





APPELANTE



SEM DU MONT CENIS

SA d'Economie Mixte, agissant poursuites et diligences de ses

représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assisté de Me Maurice BODEC...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14671 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMDF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/16730

APPELANTE

SEM DU MONT CENIS

SA d'Economie Mixte, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assisté de Me Maurice BODECHER, avocat au barreau d'Albertville

INTIMÉS

Monsieur [W] [B]

né le 20 mai 1961 à [Localité 13]

agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal de [G] [B] né le 01 Octobre 2005

et

Madame [S] [T] épouse [B]

né le 3 novembre 1970

agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal de [G] [B] né le 01 Octobre 2005

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentés par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée par Me Jeanne COLLARD de la SELARL d'avocats interbarreaux JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L 0306, substituée à l'audience par Me Julie PREVEL, avocat au barreau de Paris, toque : L306

SA MATMUT

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Marine DEPOIX de la SELARL AKAOUI DEPOIX PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0673

UCPA SPORT VACANCES,

Association prise en la personne de son Directeur Général, [J] [D] dont le siège est :

[Adresse 4]

CS30517

[Localité 12]

Représentée et assistée par Me Elise TAULET de l'AARPI WTAP, avocat au barreau de PARIS, toque : R028

CPAM DE PARIS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

PARTIE INTERVENANTE :

FILIA MAIF

en qualité d'assureur de M. [W] [B], Mme [S] [T], épouse [B] et [G] [B]

Société agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

TSA 55104

[Localité 11]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée par Me Jeanne COLLARD de la SELARL d'avocats interbarreaux JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L 0306, substituée à l'audience par Me Julie PREVEL, avocat au barreau de Paris, toque : L306

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée le 17 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PAPIN, Présidente et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte de l'affaire dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Madame Hélène FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, présent lors de la mise à disposition.

***

Le 23 février 2016, M. [W] [B] et son épouse [S] [T] ont inscrit leur fils, [G] né le 1er octobre 2005 à un stage de ski pour enfants âgés de 7 à 11 ans devant se dérouler au [Localité 14] du 28 février au 5 mars 2016 et proposé sur son site internet par l'association UCPA sport vacances. Le prix de 732,30 euros comprenait le transport, l'hébergement, la pension complète, le forfait ski ainsi que neuf séances encadrées en groupe.

Le 4 mars 2016, le jeune [G] a fait une chute sur une piste du [Localité 14] alors qu'il suivait un cours de ski dispensé par M. [C], moniteur stagiaire employé par l'UCPA. Il a été gravement blessé et souffre d'une paraplégie avec fractures étagées de T3 à T8.

Par actes extra-judiciaires en date des 12, 13 et 19 octobre 2016, M et Mme [B] en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [G] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, l'UCPA sport vacances, la société Swisslife, la société Mutaide assistance afin d'obtenir, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris l'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l'article L 211-16 du code du tourisme et de l'article 121-19-4 du code de la consommation. Puis par acte des 18 novembre et 20 décembre 2016, ils ont fait assigner leurs assureurs, la Matmut et la Filia Maif.

Le 23 avril 2018, l'UCPA sport vacances a appelé en garantie la société d'économie mixte du Mont Cenis, en charge des remontées mécaniques et du service des pistes sur le territoire de la commune du [Localité 14].

Par jugement en date du 13 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- mis hors de cause la société Mutaide Assistance,

- déclaré l'association UCPA Sport Vacances responsable de l'accident survenu à [G] [B] le 4 mars 2016 sur le fondement de l'article L. 211-16 du code du tourisme ;

- condamné l'association UCPA Sport Vacances à indemniser [G] [B], Monsieur [W] [B] et Madame [S] [T] épouse [B] de toutes les conséquences dommageables de l'accident du 4 mars 2016 ;

- condamné la société anonyme d'économie mixte du Mont Cenis à garantir l'association UCPA Sport Vacances de toutes condamnations mises à sa charge du fait de cet accident,

- avant dire droit, sur l'évaluation du dommage corporel de [G] [B], ordonné une expertise médicale confiée à un collège d'expert,

- ordonné la redistribution de l'affaire à la 19ème chambre du tribunal de grande instance de Paris afin qu'elle statue sur la liquidation des préjudices corporels d'[G] [B] et des préjudices de ses parents, de sorte que cette chambre sera chargée également du contrôle de l'expertise ordonnée par le présent jugement ;

- condamné l'association UCPA sport vacances à payer à M et Mme [B], ès-qualités la somme provisionnelle de 70 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice corporel de [G] ;

- condamné l'association UCPA Sport Vacances à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris les sommes provisionnelles de :

- 97.541,73 euros à valoir sur sa créance définitive au titre du poste de dépenses de santé actuelles, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017;

- 6.192,73 euros à valoir sur sa créance définitive au titre du poste frais divers, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017;

- 1.066 euros à valoir sur sa créance d'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil ;

- condamné l'association UCPA sport vacances à payer à la société Filia Maif la somme provisionnelle de 30 000 euros à valoir sur sa créance subrogatoire ;

- condamné l'association UCPA sport vacances à payer à M et Mme [B] la somme de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, réservant les dépens et rejetant toutes les autres demandes plus amples ou contraires.

La société d'économie mixte (SEM) du Mont Cenis a interjeté appel le 16 juillet 2019 et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 février 2020, elle demande à la cour, au visa des articles 1231-1 du code civil et L211-17 du code de tourisme, de rejeter les demandes de M et Mme [B] et la société Filia Maif à l'encontre de l'UCPA Sport Vacances et de constater, de ce fait, la mise à néant de l'appel en cause diligenté à son encontre, et subsidiairement au constat de la faute de la victime et de ses représentants légaux invoquée par l'UCPA sport vacances de réformer en conséquence le jugement. Subsidiairement, elle soutient également la réformation du jugement au constat d'une absence de manquement de sa part à son obligation de sécurité, de l'absence de preuve d'une faute contractuelle et en conséquence, le rejet des demandes des organismes financiers et de l'appel en garantie formé par l'UCPA sport et vacances. Très subsidiairement, elle soutient une faute d'encadremement et de choix de la piste par l'UCPA sport vacances afin de limiter son recours en garantie à 30%. Enfin, elle réclame la condamnation de l'UCPA sport vacances à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 décembre 2019, l'UCPA sport vacances soutient l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déclarée responsable de l'accident dont a été victime [G] [B] le 4 mars 2016 sur le fondement de l'article L. 211-16 du code du tourisme, condamnée à indemniser la victime et ses parents ordonné une expertise médicale et est entré en voie de condamnation au profit des consorts [B] et des organismes et assureurs, tiers payeurs et elle demande à la cour de débouter M et Mme [B] en leur nom personnel et ès-qualités ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et la Filia Maif des demandes formées à son encontre et de les renvoyer à se pourvoir contre qui il appartiendra.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SEM du Mont Cenis à la garantir de toutes les condamnations mises à sa charge. En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, et une indemnité d'un même montant à hauteur d'appel et de mettre les dépens à sa charge.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 janvier 2020 M et Mme [B] en leur nom personnel et ès-qualités soutiennent la confirmation du jugement déféré, le rejet des prétentions de la SEM du Mont Cenis et de l'UCPA sport vacances et leur condamnation aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise ainsi les frais de signification et d'exécution de la décision à intervenir ainsi que le droit dégressif de l'article 10, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 avril 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris soutient au visa de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale et de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006, la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions et y ajoutant, au constat d'une créance provisoire et actualisée au 30 avril 2021 de 290 655,07 euros au titre des prestations en nature, de fixer sa créance à cette somme et de condamner in solidum UCPA Sport Vacances et la SEM du Mont Cenis en deniers ou quittance compte tenu de la provision déjà réglée, à lui payer cette somme outre l'indemnité forfaitaire de gestion portée à la somme de 1 098 euros, la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 janvier 2020, la Filia Maif assureur de M et Mme [B] au titre d'une garantie accident soutient la confirmation du jugement, le rejet des prétentions des appelantes et la condamnation de l'UCPA Sport Vacances à lui payer la somme provisionnelle de 30 000 euros ainsi que, avec la SEM du Mont Cenis, les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 décembre 2019, la Matmut demande à la cour de constater qu'aucune demande n'est présentée à son encontre, qu'elle ne s'oppose pas à la mesure d'expertise et elle sollicite la condamnation de la SEM du Mont Cenis ou tout succombant à lui payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et celle de tout succombant aux dépens d'appel.

La clôture a été prononcée le 26 janvier 2022.

SUR CE, LA COUR

La SEM du Mont Cenis conteste avoir manqué à sa mission de mettre en place la signalétique et les équipements nécessaires à la sécurité des usagers, afin de protéger les skieurs et surfeurs des dangers excédants ceux contre lesquels un usager doit se prémunir par un comportement adapté. Elle explique que l'accident est survenu du fait de la présence d'une bosse située hors de la piste balisée et conteste que la mise en place de jalons noirs et jaunes soit insuffisante et que la configuration des lieux imposait la mise en place de filets de sécurité, dans un lieu qui n'était pas particulièrement accidentogène. S'agissant de l'action de la victime et de ses parents, elle explique que ceux-ci avaient dans un premier temps recherché sa responsabilité sur le fondement contractuel, qui supposait la preuve d'une faute avant de réclamer une indemnisation par l'UCPA sur le fondement de la responsabilité de plein droit de l'article L 211-17 du code du tourisme. Elle retient le comportement inadapté et fautif de la victime qui a très certainement voulu démontrer sa supériorité par rapport à ses camarades, en exécutant des sauts de bosse en bordure de piste et invite la cour à distinguer la responsabilité de plein droit de l'UCPA de la recherche de sa responsabilité, qui suppose qu'une faute puisse être retenue à son encontre.

Appelante incidente, l'UCPA Sport Vacances fait valoir que son activité n'est pas de fournir des prestations touristiques mais de former à la pratique sportive et qu'en outre, le jeune [G] n'a pas participé à un « séjour touristique » mais à un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif conformément à l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles. Elle ajoute que les activités sportives proposées incluent nécessairement une part de risque, qu'elle ne peut être tenue à une obligation absolue de sécurité. Elle invoque la violation par les parents de la victime de leur obligation de renseigner sincèrement la fiche médicale, qui ne fait pas état d'un traitement à la Ritaline dont l'interruption temporaire a induit un comportement inadapté et indiscipliné de l'enfant, également fautif et de nature à constituer une cause d'exonération au sens de l'alinéa 2 de l'article L 211-16 du code du tourisme. Elle conclut à la confirmation du jugement quant à la garantie de la SEM, dans l'hypothèse de sa condamnation à réparer le préjudice de la victime, du fait du décalage de niveau constaté dans le cadre de l'enquête pénale, entre l'amont et l'aval du virage de deux mètres vingt de hauteur et d'un bourrelet d'un mètre de large et cinquante centimètres de hauteur créé par le passage répété de nombreux skieurs voulant couper le virage, configuration qui a joué un rôle déterminant dans la chute d'[G] et dans la gravité de ses conséquences.

M et Mme [B] comme la Filia Maif soutiennent la pertinence du fondement de leur action, au motif qu'ils ont acquis un forfait touristique, que l'UCPA procède de manière habituelle à la vente de séjours et voyage et qu'elle a, à coté de son rôle associatif, une activité commerciale qui relève du code du tourisme. Ils retiennent une responsabilité de plein droit et contestent toute faute de leur part ou leur fils, qui ainsi qu'il l'a toujours dit est sorti sans le vouloir de la piste, gêné par la présence d'un surfeur. Ils contestent que dans un contexte d'apprentissage, un défaut de maîtrise ou une maladresse puisse constituer une cause exonératoire. Ils discutent de la position de la SEM, contre laquelle ils ne forment aucune demande faisant valoir qu'elle a délibérément facilité le passage des usagers en coupant la piste et le virage, en s'abstenant de poursuivre à cet endroit la mise en place des filets pourtant installés en contrebas et a ainsi favorisé la création du bourrelet de neige rendant plus dangereuse une piste familiale fréquentée par des enfants.

Sur l'existence d'un forfait touristique :

Il résulte de l'article L. 211-1 du code du tourisme dans sa version issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, que le régime de la vente de voyages et de séjours s'applique notamment aux opérations de production ou de vente de forfaits touristiques et aux services liés à l'accueil touristique, sans qu'il y ait lieu de distinguer les opérateurs commerciaux des associations. A ce titre, il convient de relever que l'UCPA sport vacances est inscrite au registre des opérateurs de voyages et de séjours et il importe peu qu'elle doive également se soumettre en application de l'article L 227-4 du code de l'action sociale et des familles à une réglementation spécifique et au contrôle du représentant de l'Etat dans le département dès lors qu'elle héberge des mineurs.

Selon l'article L. 211-2 du même code dans sa version issue de la loi du 22 juillet 2009, constitue un forfait touristique la prestation :

1° Résultant de la combinaison préalable d'au moins deux opérations portant respectivement sur le transport, le logement ou d'autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative du forfait ;

2° Dépassant vingt-quatre heures ou incluant une nuitée ;

3° Vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris.

Ainsi qu'il ressort de la pièce 23 des appelants, le séjour proposé par l'UCPA sport vacances répond à cette définition du forfait touristique, puisque incluant transport et logement ainsi qu' un service touristique (forfait de ski et séances d'apprentissage).

L'article L. 211-16 du code du tourisme dans sa version issue de la loi précitée dispose que toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article L. 211-1 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit à recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales. Toutefois, elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

Il en résulte que l'opérateur de voyage est responsable de plein droit des préjudices subis par la victime dès lors que le dommage est survenu dans le cadre de l'une des opérations mentionnées à l'article L. 211-1 susvisé, en particulier dans le cadre de l'une des opérations composant un forfait touristique comme en l'espèce, l'un des cours de ski, sauf en cas de cause exonératoire dont l'opérateur de voyages doit rapporter la preuve.

Sur les circonstances de l'accident dont a été victime [G] [B] :

Il ressort de l'enquête pénale menée à la suite de l'accident du 4 mars 2016, que celui-ci est survenu sur une piste bleue, la familiale à un endroit où elle se rétrécit, prend la configuration d'une route et présente un virage relevé prononcé sur la gauche et légèrement avant ce virage une rigole et une bosse, à proximité immédiate de la piste, formées par les passages successifs de skieurs qui coupent le virage. Il est relevé une différence de hauteur de 1,40 mètres entre le bourrelet de neige et la zone de réception de la victime et que l'enfant a été catapulté sur une distance de cinq mètres linéaires.

Aucun des adultes témoins de l'accident n'a vu le départ de l'accident et notamment ce qui a pu provoquer la mauvaise trajectoire de [G] qui a toujours affirmé avoir été gêné par un snowboarder présent sur la piste, qu'il a voulu éviter. M. [O], moniteur de ski qui accompagnait un autre groupe a déclaré qu'il a vu un enfant en perdition à vitesse assez soutenue en bord de piste puis qui prend le bourrelet de neige, déchausse des deux skis dans la compression et fait un grand vol plané avant d'atterrir très lourdement sur la piste en contrebas.

Entendu à deux reprises, le 5 mars puis le 10 juin 2016, il a précisé que l'enfant ne parvenait plus à maîtriser sa vitesse et à revenir sur la piste et qu'à son avis, il n'avait pas vu la bosse, avait dû être surpris par celle-ci, concluant qu'il ne pensait pas qu'il y soit allé volontairement.

Le moniteur stagiaire qui encadrait le groupe, M. [C] a certes décrit les difficultés rencontrées avec le groupe en début de séjour et la tendance de l'enfant, qui se sentant à l'aise, était souvent à l'origine du non-respect des consignes mais ainsi qu'il en a témoigné, il ne l'a pas vu avant qu'il soit en difficulté, a admis qu'il pouvait avoir été gêné par un autre usager, notamment si celui-ci était allé vers le flux des skieurs.

L'instruction pénale a été clôturée par un non-lieu. Il n'a pas été retenu de faute du personnel de la station ou des encadrants et il convient de relever que si la faute de la victime est évoquée, il s'agit d'une hypothèse. Il est écrit que le doute subsiste sur les raisons de sortie de piste par la victime, doute qui demeure puisque l'UCPA sport vacances ne fait que reprendre les suppositions exprimées par les enquêteurs. Enfin, alors que les enfants étaient en situation d'apprentissage et qu'ils se trouvaient dans une partie délicate de la piste (rétrécissement, virage en épingle serré et relevé) il ne peut pas être constaté une faute de la victime au motif tout théorique qu'elle devait rester constamment maître de sa trajectoire.

Enfin, aucune faute exonératoire en lien de causalité avec l'accident ne peut être reprochée aux parents, en l'absence de preuve d'une indiscipline de l'enfant à l'origine de l'accident et en présence, contrairement aux allégations de l'UCPA d'un questionnaire de santé correctement renseigné puisque les invitant uniquement à préciser les traitements devant être administrés durant le séjour, ce qui n'était pas le cas de la Ritaline prescrite à [G] uniquement en période scolaire pour des difficultés d'attention (pièces [B] 15 et 16).

La responsabilité de l'UCPA Sport Vacances sera retenue ainsi que l'obligation de celle-ci de réparer l'entier préjudice de l'enfant et de ses parents. Ces chefs de la décision entreprise seront confirmés comme ceux qui en sont la conséquence.

Sur la configuration des lieux et les mesures de sécurité :

Ainsi que l'a retenu le tribunal, il ressort des constatations et des photographies versées aux débats que la configuration de la piste qui à cet endroit se rétrécit et est un peu plus raide, présente une dangerosité particulière en raison d'un virage prononcé, en épingle, d'un dénivelé important entre l'amont et l'aval du virage.

A cet endroit délicat à négocier d'une piste bleue de difficulté moyenne, qualifiée de familiale la SEM du Mont Cenis a laissé ce constituer en bord de piste un bourrelet de neige créé par les passages répétés d'usagers indisciplinés coupant le virage et qui abordé de face constitue selon l'un des témoins, un petit tremplin ou de boardercross, face au dénivelé.

Il appartient à la SEM du Mont Cenis de prendre en compte les limites des compétences des skieurs et surfeurs empruntant chacune des pistes de son domaine skiable, lorsqu'elle met en oeuvre les mesures de protection destinées à les protéger des dangers excédants ceux contre lesquels un usager doit se prémunir par un comportement adapté.

Or, force est de constater que la SEM du Mont Cenis s'est contentée de baliser ce virage avec des jalons jaunes et noirs, sans installer des filets sur cannes, également destinés au balisage, dont la présence aurait exclu la possibilité pour les skieurs de couper le virage rendant ainsi impossible la création du bourrelet, qui en cas de perte de contrôle de sa trajectoire par un skieur, l'exposait à être projeté en contrebas.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il retient que la SEM du Mont Cenis doit sa garantie en raison de la faute qu'elle a commise et qui a participé à la réalisation du dommage.

La SEM du Mont Cenis ne peut prétendre s'en exonérer en soutenant une faute de la victime ou d'un tiers, alors que les circonstances exactes de l'accident demeurent, ainsi qu'il est dit ci-dessus, indéterminées. Elle se contente d'ailleurs d'émettre des hypothèses ou de reprendre celles émises par certains des enquêteurs et d'affirmer, un défaut d'encadrement sans procéder à la moindre analyse des obligations qui pèsent sur l'UCPA Sport Vacances en la matière et de caractériser la faute, qui seule serait de nature à l'exonérer partiellement de sa propre responsabilité.

Sur les demandes des tiers payeurs :

Eu égard à la confirmation du jugement du jugement sur la reconnaissance du principe de la responsabilité de l'UCPA Sport Vacances et à l'absence de contestation par celle-ci de la possibilité pour les tiers payeurs d'obtenir une provision à valoir sur leurs débours, ni du montant des sommes allouées à ce titre, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle alloue à la Filia Maif la provision de 30 000 euros, et ce sans qu'il y ait lieu de prononcer à nouveau cette condamnation comme le sollicite cet assureur.

S'agissant des condamnations prononcées au profit de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, celles-ci seront pour les mêmes motifs confirmées, sans qu'il y ait lieu de procéder à l'actualisation sollicitée, dès lors que la nature subrogatoire de son recours subordonne la reconnaissance de sa créance à l'évaluation du dommage subi par la victime.

Elle ne peut pas plus pour ce motif et qui plus est solliciter pour la première fois à hauteur d'appel la condamnation de la SEM du Mont Cenis à lui verser une provision.

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées. La SEM du Mont Cenis sera condamnée aux dépens d'appel et à payer aux intimées qui en font la demande, les sommes mentionnées ci-dessous en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les frais d'exécution sont, sans que le juge n'ait à le rappeler, en application de l'article L 111-8 du code des procédures à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires lorsqu'ils ont été exposés et il n'y a pas lieu à déroger à ce texte qui par ailleurs précise que le droit proportionnel dû à l'huissier de justice en application de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 est à la charge du créancier.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 13 juin 2019 ;

Y ajoutant

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de sa demande d'actualisation de sa créance et de sa demande dirigée contre la société d'économie mixte du Mont Cenis ;

Condamne la société d'économie mixte du Mont Cenis à payer à

- la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la Matmut la somme de 1 500 euros à chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'UCPA sport vacances la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société d'économie mixte du Mont Cenis aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/14671
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.14671 ?
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