RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 12 MAI 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04972 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OW3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17 / 03751
APPELANTE
SARL BSD CONSEIL
Immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le numéro 794 113 480
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Assistée à l'audience par Me Jérémie COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0009
INTIMÉE
Association OPCALIA
Organisme paritaire collecteur agréé, Association Loi 1901,
agissant poursuite et diligence de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Philippe JEAN PIMOR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0017
Assistée à l'audience par Me Valérie DOLIVET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0655
INTERVENANTE
AKTO (DES SERVICES A FORTE INTENSITE DE MAIN D'OEUVRE OPERATEUR DE COMPETENCE DES ENTREPRISES ET DES SALARIES) Association Loi 1901, dont le siège social est situé [Adresse 1], représenté par son Président venant aux droits et obligations d'OPCALIA, dissoute à la suite d'une opération de fusion-absorption avec transmission universelle du patrimoine au profit de l'association AKTO en date du 31 décembre 2019
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Philippe JEAN PIMOR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0017
Assisté à l'audience par Me Valérie DOLIVET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0655
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PAPIN, Présidente, chargée du rapport et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte de l'affaire dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Madame Clarisse GRILLON, Conseillère
qui en ont délibéré dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.
***
La société BSD conseil est un organisme de formation professionnelle, qui propose des actions de formation continue.
L'association Ozar Hatorah recouvre un réseau scolaire juif de France, de la maternelle à la classe terminale.
L'association Opcalia est l'un des organismes paritaires collecteurs agréés autorisés à collecter et à gérer les contributions de formation d'un certain nombre d'entreprises et associations dont l'association Ozar Hatorah.
En 2013, l'association Ozar Hatorah a fait appel à la société BSD conseil car elle envisageait de permettre à certains de ses salariés d'entreprendre une licence d'hébreu moderne.
Le 28 juillet 2014, l'association Ozar Hatorah a déposé une demande auprès d'Opcalia pour la prise en charge d'une formation à la licence d'hébreu moderne de 60 salariés pour un montant total HT de 720 000 euros par an, soit 2 160 000 euros.
Par courrier du 4 août 2014, Opcalia a rejeté la demande au motif que ces formations ne pouvaient être financées dans le cadre d'une professionnalisation dès lors que la licence n'était pas inscrite au registre national des certifications professionnelles (RNCP), et n'était donc pas éligible au titre de la période de professionnalisation.
Après différents entretiens avec l'association Ozar Hatorah et la société BSD conseil, par courrier électronique du 3 septembre 2014 Opcalia a confirmé son refus de prise en charge du financement de la formation litigieuse dans le cadre d'une période de professionnalisation. Par courrier électronique du 29 décembre 2014, la société BSD Conseil a informé Opcalia du refus de l'université de conclure une convention de partenariat.
Par courrier électronique du 13 mars 2015 adressé directement par la société BSD conseil, Opcalia a été à nouveau sollicitée sur le même projet, sur la base d'une formation de 60 salariés sur 3 ans dans le but de passer une licence universitaire d'hébreu moderne. Par courrier électronique du 3 juillet 2015, Opcalia a indiqué qu'elle ne prendrait pas en charge le projet dès lors que le parcours de formation proposé ne débouchait pas sur un examen, lequel était organisé par l'université de [Localité 2], avec laquelle BSD conseil n'avait pas de partenariat.
Par acte d'huissier en date du 2 mars 2017, la société BSD conseil a fait assigner l'association Opcalia devant le tribunal de grande instance de Paris en réparation de son préjudice au titre du gain manqué par elle du fait de l'impossibilité de dispenser la formation aux salariés d'Ozar Hatorah et en condamnation à ce titre au paiement d'une indemnité de 2 592 000 euros, ainsi qu'au titre du gain manqué par elle du fait de l'impossibilité pour elle de procurer des formations à des professeurs d'autres écoles et en condamnation à ce titre au paiement d'une indemnité de 34 864 000 euros.
Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
débouté la société BSD conseil de toutes ses demandes ;
débouté Opcalia de ses demandes de dommages et intérêts ;
condamné la société BSD conseil à payer à Opcalia la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ordonné l'exécution provisoire ;
mis les dépens à la charge de la société BSD conseil.
La société BSD conseil a interjeté appel le 5 mars 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 25 octobre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris ;
constater le manquement d'Opcalia à son obligation d'information contractuelle et légale ;
juger qu'Opcalia engage sa responsabilité délictuelle du fait du refus opposé à la demande de financement Ozar Hatorah ;
À titre principal,
condamner Opcalia à lui payer la somme de 2 592 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de son gain manqué du fait de l'impossibilité de dispenser la formation aux salariés d'Ozar Hatorah ;
À titre subsidiaire,
condamner Opcalia à lui payer la somme de 1 436 040 euros à titre de dommages et intérêts, si la cour devait considérer que le préjudice subi s'apprécie en fonction de la marge brute ;
À titre très subsidiaire,
condamner Opcalia à payer à la société BSD conseil la somme de 1 436 040 euros à titre de dommages et intérêts, si la cour devait considérer que le préjudice subi s'apprécie en fonction d'une perte de chance ;
À titre principal,
condamner Opcalia à lui payer la somme de 34 864 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de son gain manqué du fait de l'impossibilité de procurer des formations identiques à des professeurs d'autres écoles ;
À titre subsidiaire,
condamner Opcalia à lui payer la somme de 478 680 euros à titre de dommages et intérêts, si la cour devait considérer que le préjudice subi s'apprécie en fonction de la marge brute ;
À titre très subsidiaire,
condamner Opcalia à lui payer la somme de 478 680 euros à titre de dommages et intérêts, si la cour devait considérer que le préjudice subi s'apprécie en fonction d'une perte de chance ;
condamner Opcalia à lui payer la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice subi du fait de la mobilisation en vain de ressources pour mettre en place le projet de formation ;
condamner Opcalia à payer à la société BSD conseil la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice subi du fait de l'atteinte à l'image et à la crédibilité ;
En tout état de cause,
débouter Opcalia de l'ensemble de ses demandes ;
condamner Opcalia à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Opcalia aux entiers dépens.
L'association Opcalia, aux termes de ses dernières conclusions en date du 25 juillet 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce que la société BSD conseil a été déboutée de l'ensemble de ses demandes formulées contre elle ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu'elle a été déboutée de ses autres demandes et statuant à nouveau, condamner la société BSD conseil à lui régler :
la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparer son préjudice lié, d'une part, à la mobilisation de ses ressources dans le traitement de ce dossier et lié, d'autre part, à l'atteinte à son image vis-à-vis de son adhérent l'école Hatorah ;
la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
confirmer le jugement entrepris en ce que la société BSD conseil a été condamnée à lui régler à la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ainsi que tous les dépens d'instance ;
Y ajoutant,
condamner la société BSD conseil à lui régler la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi que tous les dépens.
Par arrêt en date du 3 février 2022, la cour a pris la décision suivante:
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, invite l'intimée à procéder à la communication par le RPVA de ses dernières conclusions et bordereau de communication de pièces ;
Dit que l'affaire sera rappelée à la mise en état du 9 mars 2022 à 10 h, date à laquelle sera vérifié l'état du dossier en vue d'une nouvelle fixation à l'audience du 24 mars 2022 ;
Réserve les dépens et frais irrépétibles.
L'intimée a notifié ses écritures et son bordereau par RPVA le 7 février 2022 sans autre modification qu'elles sont émises au nom de l'Opérateur de compétences des entreprises et des salariés des services à forte intensité de main d''uvre dénommé Akto, venant aux droits et obligations d'Opcalia, laquelle a été dissoute à la suite d'une opération de fusion-absorption avec transmission universelle du patrimoine au profit de l'association Akto en date du 31 décembre 2019.
SUR CE,
Il résulte des pièces produites que l'association Ozar Hatorah a envoyé à l'association Opcalia un courrier électronique le 20 mai 2014, libellé ainsi : « comme convenu, veuillez trouver ci-joint le programme de licence d'hébreu (en 3 ans) pour nos professeurs d'enseignement biblique afin de valoriser leur carrière. Ce programme a été fait en partenariat avec un centre de formation qui accepte de préparer les professeurs à la licence d'hébreu et qu'ils passeront les examens à l'INALCO (sic). En attente d'une réponse favorable de votre part, je me tiens à votre disposition pour tous renseignement complémentaires ».
Opcalia a répondu par courrier électronique du 24 mai 2014 : « Après étude de votre programme auprès de nos conseillers en formation celle-ci peut pourra (sic) être engagée sur une période de professionnalisation plus DIF professionnalisation éventuellement (si le salarié est dans l'accord de mobiliser ses heures de DIF pour cette formation) au vu de l'obtention d'une licence. Cette professionnalisation est donnée sur un taux horaire selon le nombre d'heures exact de la formation c'est-à-dire 24 euros/heure si la formation est supérieure ou égale à 150 heures sinon inférieure à ce nombre d'heures si le taux sera de 15 euros/heure. Maintenant à vous de constituer une demande de prise en charge accompagnée de chaque bulletin de salaire de chaque professeur si ces salariés sont du droit privé ».
A la suite du dépôt de la demande de prise en charge financière par Opcalia du 28 juillet 2014, et du refus de prise en charge du 4 août 2014, l'association Ozar Hatorah a contesté le refus de prise en charge par courrier du 12 août 2014, en expliquant que la licence d'hébreu moderne était bien répertoriée au RNCP comme n'importe quelle licence, s'agissant d'un diplôme national.
Par courrier électronique du 26 août 2014, l'association Opcalia a demandé à Mme [W], conseillère en formation de l'université [Localité 2] III si elle connaissait la société BSD Conseil et si elle travaillait avec elle. Par courrier électronique du même jour, Mme [W], après avoir demandé à Opcalia de lui transmettre le programme de formation proposé par la société BSD conseil, a répondu que le programme proposé correspondait dans les grandes lignes au programme de la licence en hébreu de [Localité 2] III bien qu'elle ne soit pas citée dans ledit programme et qu'aucune convention n'ait été signée entre l'université et la société BSD conseil. Mme [W] transférait à Opcalia un courriel que lui avait adressé la société BSD conseil rédigé en ces termes : « je reviens vers vous concernant le projet que nous avons discuté courant mai 2014, et pour vous dire que celui-ci prend forme et que nous avons un peu plus de 50 candidats à inscrire dans votre faculté pour la licence d'hébreu pour la rentrée prochaine, et probablement, une quinzaine d'autres candidats d'un différend établissement scolaire. Pour concrétiser cela nous souhaiterions vous rencontrer afin d'établir une sorte de convention/partenariat pour que notre centre de formation mène à bien ses cours dispensés sur [Localité 3] et respecter votre référentiel. Nous sommes disposés selon votre convenance à nous déplacer sur [Localité 2] très rapidement ».
A la demande de l'association Ozar Hatorah, l'association Opcalia a rencontré le directeur de l'école Ozar Hatorah le 27 août 2014. A la demande de la société BSD conseil, Opcalia a organisé un second rendez-vous avec l'association Ozar Hatorah le 1er septembre 2014 en présence de responsables de la société BSD conseil ainsi que du directeur d'une autre école (Beth Rivka) intéressée par le projet.
Par courrier électronique du 3 septembre 2014 adressé à la société BSD conseil, Opcalia a confirmé son refus de prise en charge dès lors que, après prise de contact avec l'université de [Localité 2] III :
- celle-ci avait refusé que les salariés de l'école Hatorah soient autorisés à passer leur examen à l'université sans suivre la formation universitaire rattachée ;
- la formation dispensée par BSD conseil ne pourrait donc pas être sanctionnée par un diplôme qualifiant ;
- par conséquent, un financement de cette formation dans le cadre d'une période de professionnalisation était impossible.
Pour faire suite à la nouvelle demande de la société BSD conseil du 13 mars 2015, Opcalia, par courrier électronique du 2 juillet 2015, interrogeait à nouveau l'université [Localité 2] III sur les trois points suivants en ces termes :
« - est-il possible qu'un organisme externe dispense votre formation et que les stagiaires s'inscrivent juste dans votre établissement pour passer l'examen terminal ' Si oui, quelle est la procédure '
- avez-vous déjà eu des cas similaires '
- la société BSD conseil est-elle accréditée par votre établissement pour dispenser cette formation ' »
Par courrier électronique du même jour, Mme [Y], professeur d'études hébraïques et présidente du jury de licence d'hébreu à l'université [Localité 2] III répondait à en ces termes :
« Je suis scandalisée. Ozar Hatorah a essayé il y a deux ans de faire avec nous un arrangement pour que les professeurs puissent s'inscrire chez nous, bénéficier de tarifs préférentiels et éventuellement ne pas venir à certains examens. La négociation a échoué. Aucun accord n'existe avec une école juive ou autre. Si les professeurs de cet établissement veulent s'inscrire chez nous, ils peuvent demander la validation d'acquis puisqu'ils ont déjà une formation et une expérience professionnelle. Et c'est la commission qui décide. Cette proposition est un leurre et leur mission de formation une usurpation. Il vous reviendra moins cher de vous inscrire à [Localité 2] III en formation à distance. De toute façon, aucun étudiant ne peut passer des examens de licence chez nous s'il n'est pas inscrit au SEAD (service d'enseignements à distance). Les cours suivent un programme précis et les examens sont évidemment relatifs à ce programme. Sur le plan technique, des étudiants qui se présenteraient aux examens sans être inscrits dans le cadre de l'enseignement à distance ne pourraient être notés ».
Sur le manquement à une obligation d'information
La société BSD conseil soutient, au visa de l'article L. 6332-1-1 du code de travail et des « conditions générales » d'Opcalia, que celle-ci a manqué à son obligation « précontractuelle » et légale d'information en recommandant à Ozar Hatorah de formaliser sa demande de prise en charge sur la base de données erronées et dont Opcalia savait pertinemment qu'elle n'entendait pas y donner suite.
En vertu du 3e alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, il apparaît que la société BSD conseil ne fonde aucune de ses prétentions indemnitaires sur un manquement à une obligation d'information d'Opcalia. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ce moyen.
Sur le refus de financer la formation
L'article L. 6324-1 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de la cause, disposait :
« Les périodes de professionnalisation ont pour objet de favoriser par des actions de formation le maintien dans l'emploi de salariés en contrat à durée indéterminée, de salariés en contrat de travail à durée déterminée conclu en application de l'article L. 1242-3 avec un employeur relevant de l'article L. 5132-4 et de salariés bénéficiaires d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée conclu en application de l'article L. 5134-19-1.
Les actions de formation mentionnées au premier alinéa sont :
1° Des formations qualifiantes mentionnées à l'article L. 6314-1 ;
2° Des actions permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret ;
3° Des actions permettant l'accès à une certification inscrite à l'inventaire mentionné au dixième alinéa du II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation. »
L'article L. 6314-1 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de la cause, disposait :
« Tout travailleur engagé dans la vie active ou toute personne qui s'y engage a droit à l'information, à l'orientation et à la qualification professionnelles et doit pouvoir suivre, à son initiative, une formation lui permettant, quel que soit son statut, de progresser au cours de sa vie professionnelle d'au moins un niveau en acquérant une qualification correspondant aux besoins de l'économie prévisibles à court ou moyen terme :
1° Soit enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles prévu à l'article L. 335-6 du code de l'éducation ;
2° Soit reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche ;
3° Soit ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle. »
La société BSD conseil reproche à l'association Opcalia d'avoir donné un accord sans réserve dans son courriel du 24 mai 2014 et d'avoir commis une faute en revenant sur cet accord. Ce moyen manque en fait et sera rejeté. D'une part, l'association Opcalia n'a été saisie d'aucune demande de financement avant le dépôt de la demande de prise en charge financière par Opcalia du 28 juillet 2014. Au demeurant, l'école Ozar Hatorah se bornait à fournir le programme pédagogique de la formation sur trois ans (intitulés de cours) en affirmant que l'examen serait passé à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), sans aucune information supplémentaire, notamment relatives au nombre de salariés concernés ou au montant du financement. D'autre part, le courrier électronique litigieux se bornait à indiquer que le financement du projet paraissait possible dans le cadre d'une période de professionnalisation, et renvoyait l'école Ozar Hatorah à constituer une demande de prise en charge. Aucun accord de principe ne résulte de cette correspondance, de sorte qu'aucune faute ne peut résulter d'un refus de pris en charge postérieur de ce chef.
La société BSD conseil reproche ensuite à l'association Opcalia d'avoir fondé son refus de prise en charge du 4 août 2014 sur un motif fallacieux, dès lors qu'elle affirmait faussement que la licence d'hébreu envisagée n'était pas inscrite au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), alors que le diplôme de licence est enregistré de droit au RNCP. Elle soutient que sa formation préparait à une licence universitaire, dans quelque université française que ce soit, et que cette formation était donc éligible à un financement au titre de la période de professionnalisation.
La demande de prise en charge soumise par l'école Ozar Hatorah le 28 juillet 2014 comportait une copie de la convention passée avec la société BSD conseil qui devait (article 3) se charger « d'inscrire le salarié à l'examen telles qu'elles sont décrites dans le programme de formation joint en annexe 2 ». Cette annexe, qui déclinait le programme des études, ne comprenait aucune précision supplémentaire quant aux passages de l'examen de licence d'hébreu. Il importe de relever qu'à ce stade de la demande de prise en charge, la mention de l'INALCO était absente et qu'il n'était pas question de la licence d'hébreu de l'université de [Localité 2] III. Dans ces conditions, l'association Opcalia était fondée à refuser la prise en charge financière dès lors que la licence envisagée n'était pas inscrite au RNCP, contrairement aux prescriptions de l'article L. 6314-1.
Surabondamment, et postérieurement, les échanges d'information, de correspondance et les rendez-vous avec l'école Ozar Hatorah et la société BSD conseil ont permis de confirmer que cette dernière entendait dispenser les enseignements à l'aide de ses professeurs et faire passer l'examen de licence d'hébreu à l'université de [Localité 2] III. Il n'a jamais été contesté que cette licence de l'université de [Localité 2] III soit inscrite au RNCP, mais il découle des correspondances échangées que l'université n'acceptait pas d'être un simple centre d'examen sanctionnant les enseignements de la société BSD conseil, sauf mise en place d'une convention. Or dans un courriel du 29 décembre 2014 adressé à l'association Opcalia, la société BSD conseil indiquait « c'est avec grand regret et comme vous vous en doutiez que nous n'avons pas réussi à obtenir de convention de la part de la faculté de [Localité 2] III pour cette année (sans motif réel) ». Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, Mme [Y], professeur à l'université [Localité 2] III avait nettement indiqué que l'université n'admettait que ses propres étudiants à l'examen de licence.
Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'association Opcalia et aucune indemnisation ne peut être mise à sa charge. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes reconventionnelles
La demande reconventionnelle de l'association Opcalia visant à l'indemnisation liée à la mobilisation de ses ressources et à l'atteinte à son image sera rejetée. En effet, il n'est pas justifié que l'association Opcalia ait été contrainte de déployer des diligences inhabituelles ou particulièrement laborieuses dans l'instruction de la demande prise en charge et les relations avec les demandeurs. En outre, il n'est pas justifié non plus d'une dégradation de l'image de l'association Opcalia causée par cette demande prise en charge.
S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, la société BSD conseil a engagé une action en justice d'une manière particulièrement légère puisque, à la date de son assignation le 2 mars 2017, elle savait depuis plus de deux ans qu'elle ne serait pas en mesure de démontrer une faute quelconque de l'association Opcalia : d'une part, le prétendu de refus de mai 2014 avait été exprimé avant même le dépôt de la demande de prise en charge et ne pouvait donc avoir d'effet ; d'autre part, la société BSD conseil ne pouvait ignorer qu'elle n'avait pas demandé l'inscription de sa licence au RNCP, et ne pouvait donc délivrer le diplôme elle-même, et qu'elle n'avait aucune convention avec un organisme disposant d'une licence inscrite au RNCP (INALCO, [Localité 2] III). Il était donc clair avant même toute action en justice que les prétendues fautes de l'association Opcalia ne pourraient être démontrées sans une interprétation malicieuse de faits dont elle ne contestait pas la matérialité. En définitive, la société BSD conseil ayant abusé de son droit d'ester en justice, sera condamnée à payer une somme de 5 000 euros à l'association Akto venant aux droits d'Opcalia au titre du préjudice qu'elle lui a causé.
Sur les autres demandes
Il conviendra de confirmer les dispositions du jugement relatives à la charge des dépens et à l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En cause d'appel, la société BSD conseil sera à nouveau tenue aux dépens et sera condamnée à payer une somme de 5 000 euros à l'association Akto venant aux droits d'Opcalia sur le fondement de l'article 700 précité.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de l'association Opcalia fondée sur l'abus par la société BSD conseil de son droit d'ester en justice ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur la disposition infirmée ;
Condamne la société BSD conseil à payer à l'association Akto venant aux droits d'Opcalia une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Y ajoutant,
Condamne la société BSD conseil à payer à l'association Akto venant aux droits de l'association Opcalia une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BSD conseil aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE