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12/05/2022 | FRANCE | N°19/00781

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 12 mai 2022, 19/00781


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 12 MAI 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00781 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7CQY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F17/00504







APPELANT



Monsieur [U] [K]

[Adresse

2]

[Localité 3]



Représenté par Me Marion GENIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 100





INTIMEE



SA COGIS NETWORKS agissant poursuites et diligences de son Présid...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 12 MAI 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00781 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7CQY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F17/00504

APPELANT

Monsieur [U] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Marion GENIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 100

INTIMEE

SA COGIS NETWORKS agissant poursuites et diligences de son Président y domicilié en cette qualité.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Selon contrat à durée indéterminée du 25 octobre 2005, M. [K] a été engagé par la société Cogis Networks en qualité de technicien de maintenance, statut employé coefficient P355, les relations contractuelles entre les parties étant soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite SYNTEC).

En dernier lieu, le salarié était cadre, coefficient 115, échelon 2-1, et sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme à 2 207,85 euros.

Par requête du 21 juillet 2017, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Par lettre du 29 novembre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 décembre 2017. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 15 décembre 2017.

A la date du licenciement, le salarié avait une ancienneté de 12 ans et 2 mois, et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Par jugement du 19 novembre 2018, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [K] sa demande de résiliation du contrat de travail ;

- dit que le licenciement de M. [K] reposait sur une cause réelle et sérieuse;

- débouté M. [K] de toutes ses demandes et la société Cogis Networks de sa demande reconventionnelle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- laissé les dépens à la charge de M. [K].

Le 2 février 2019, M. [K] a interjeté appel total de cette décision et joint une annexe précisant les chefs du jugement critiqués.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

 

Selon ses dernières écritures notifiées le 1er mars 2019, M. [K] a conclu à l'infirmation du jugement et demande à la cour :

A titre principal,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et subsidiairement, prononcer la nullité du licenciement ;

- condamner la société Cogis Networks à lui verser les sommes suivantes :

- 22 000 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ou nulle, ou à tout le moins, 13.242 euros ;

- 4.400 euros au titre l'indemnité compensatrice de préavis et 440 euros au titre des congés payés afférents ;

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 2.612,27euros à titre de rappel de salaire du 4 septembre au 15 décembre 2017;

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les dépens ;

- ordonner la délivrance sous astreinte des documents de rupture et des bulletins de salaires conformes à l'arrêt.

Selon ses dernières écritures notifiées le 29 mai 2019, la société Cogis Networks conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'elle a été déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles, et donc au rejet de l'intégralité des demandes de M. [K]. Elle sollicite les sommes de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de la procédure d'appel.

Subsidiairement, si la cour entrait en voie de condamnation suite à la résiliation judiciaire du contrat de travail ou à la nullité du licenciement, elle lui demande de se limiter à la stricte application de l'article L1235-3 du code du travail prévoyant des dommages et intérêts pour rupture abusive à hauteur de 6 623,55 euros.

Pour un exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été déclarée close le 15 décembre 2021.

Lors de l'audience, la cour a soulevé d'office l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel et a sollicité les observations des parties, leur octroyant un délai de 10 jours à cet effet.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel 

M. [K] soutient que le décret du 24 février 2022 étant d'application immédiate aux procédures en cours, sa déclaration d'appel faisant expressément référence à la pièce jointe dans laquelle étaient exposés les chefs de jugement critiqués, il y eu effet dévolutif de la déclaration d'appel.

La société Cogis Networks fait valoir qu'elle ignore si un incident technique a empêché l'appelant d'insérer dans sa déclaration d'appel les chefs du jugement critiqués et demande à la cour d'en tirer les conséquences de fait et de droit qu'il conviendra.

En l'occurrence, la déclaration d'appel mentionne un 'appel total' et précise qu'il convient de se référer à une pièce jointe exposant les chefs de jugement critiqués.

Dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 applicable au litige, l'article 562 du code de procédure civile prévoit que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Aux termes de l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, le 13 janvier 2022 (20-17.516.), il résulte de la combinaison des articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ainsi que des articles 748-1 et 930-1 du même code, que la déclaration d'appel, dans laquelle doit figurer l'énonciation des chefs critiqués du jugement, est un acte de procédure se suffisant à lui seul, que cependant, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.

Toutefois, le décret du 25 février 2022 n°2022-245, suivi d'un arrêté du 24 février 2022, modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile, et applicable aux instances en cours, a modifié la rédaction de l'article 901 du code de procédure civile aux termes duquel il est précisé que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe.

Or, en l'espèce, M. [K] a précisé dans la déclaration d'appel qu'il formait appel total et qu'il convenait de se référer à la pièce jointe exposant les chefs de jugement critiqués, laquelle a effectivement été jointe à la déclaration d'appel de sorte que les chefs de jugement critiqués y ont été expressément exposés. Dès lors, il a eu effet dévolutif de la déclaration d'appel.

Sur les faits de harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit ou présente des faits, selon qu'ils sont survenus antérieurement ou postérieurement à la loi du 8 août 2016, qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [K] invoque les faits suivants, outre la dégradation de son état de santé:

- sa rétrogradation en avril 2015, un poste de responsable de produit dans le cadre du projet Tim Tam Tom lui ayant été proposé en 2010 ;

- une surcharge de travail induisant la réalisation d'heures supplémentaires ;

- des avertissements injustifiés depuis le mois d'avril 2015 ;

- des menaces et autres débordements verbaux.

Concernant sa rétrogradation en avril 2015, M. [K] produit des courriels dont il ressort que depuis le 13 janvier 2012, il avait été désigné au poste de chef de produit de la borne intéractive Tim Tam Tom et qu'en mars 2015, lorsqu'il a alerté M. [L] des difficultés rencontrées et de sa décision d'arrêter la validation, ce dernier a refusé l'arrêt de la validation et lui a demandé de proposer une version validée pour le lundi suivant.

Par courriel du 1er avril 2015 adressé à plusieurs salariés, M. [L] a indiqué qu'à la suite des problèmes rencontrés dans le déroulement et le suivi de ce projet, une nouvelle organisation était mise en place dans le cadre de laquelle il prenait le poste de responsable de produit, l'interface avec les clients étant confiée à M. [N], M. [R] continuant le développement en intégrant la validation via la prise en charge des préparations client, M. [B] étant chargé de la configuration du système et du matériel des bornes.

Il résulte de ce courriel que M. [K] a été exclu du projet Tim Tam Tom dont la responsabilité a été attribuée à M. [L]. Cette modification a été confirmée par courriel du 4 juin 2015 de M. [L] aux mêmes salariés leur indiquant que dans un souci d'optimisation du fonctionnement, M. [K] était placé sous l'autorité de M. [B] qui était chargé de lui attribuer ses tâches.

M. [K] fait également état des profils LinkedIn et Vidaéo de MM. [B] et [R] qui mentionnent le premier sa qualité de responsable de produit technique et le second celle de responsable développement du projet Tim Tam Tom.

Dès lors, M. [K] démontre que la responsabilité de ce projet lui a été retirée en avril 2015.

Sur la surcharge de travail et la réalisation d'heures supplémentaires

A plusieurs reprises, M. [K] évoque l'existence d'une surcharge de travail. Toutefois, il ne vise aucune pièce dans ses écritures et n'a formulé aucune demande au titre des nombreuses heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées. Ces faits ne peuvent donc pas être retenus.

S'agissant des avertissements notifiés depuis le mois d'avril 2015 et présentés comme injustifiés, M. [K] produit un courriel d'avertissement du 21 septembre 2016 lui reprochant d'avoir refusé le 16 septembre précédent d'intervenir chez un des clients concernant le produit Borne du catalogue, ce qui a eu des conséquences fortes sur l'organisation et a nui aux relations commerciales, et lui indiquant que pour éviter les situations difficiles, il pouvait prendre contact avec M. [B] en cas de problème pendant une intervention qu'il ne savait pas résoudre.

La société Cogis Networks, qui conteste le caractère injustifé de cet avertissement, produit un courriel de M. [K] du 16 septembre 2016 précisant qu'étant donné les circonstances, il refusait d'effectuer une intervention sur la borne IMM.

Dès lors, l'avertissement a été délivré à juste titre au regard du refus du salarié d'accomplir cette mission.

Par courrier du 11 janvier 2017, la société Cogis Networks a notifié à M. [K] un avertissement pour avoir abandonné son poste le 14 décembre 2016 après-midi sans autorisation et sans motif légitime, le motif invoqué par le salarié, à savoir que l'intervention n'avait pas duré une journée telle que prévue initialement mais une demi-journée, ne l'autorisant pas à rentrer à son domicile.

Par courrier du 18 janvier 2016, M. [K] a invoqué une erreur de planning imputable à l'employeur s'agissant de la durée de l'intervention et a précisé avoir proposé à son employeur de lui octroyer un crédit de 4h de récupération, ajoutant que cette solution n'avait manifestement pas convenu à son employeur.

Dès lors, M. [K], qui n'est pas retourné à l'entreprise à l'issue de l'intervention au domicile d'un client qui s'est terminée plus tôt que prévu, ne peut pas invoquer le caractère injustifié de l'avertissement notifié par son employeur.

En conséquence, le caractère injustifié de ces avertissements n'est pas établi et le fait allégué par le salarié n'est donc pas retenu.

Concernant les menaces et autres débordements verbaux, M. [K] précise qu'il a subi de nombreuses remarques déplacées, parfois insultantes et menaçantes de la part de ses supérieurs hiérarchiques, notamment le 16 septembre 2015, et qu'il a tenté d'avoir une conversation avec M. [N] afin de récupérer ses fonctions de chef de produit. Toutefois, il ne vise aucune pièce parmi les 39 pièces qui sont mentionnées dans le bordereau et qui représentent au total quelques 200 pages. Dès lors, ce fait n'est pas matériellement établi.

Concernant la dégradation de son état de santé, M. [K] produit des certificats médicaux et le dossier du médecin du travail attestant d'avis d'arrêt de travail à compter de mars 2015 en raison d'un syndrome de surmenage et de la mise en place à compter de septembre 2016 d'un suivi psychothérapique dans le cadre d'un surmenage avec syndrome anxieux.

En conséquence, la dégradation de l'état de santé de M. [K] est attestée à compter de mars 2015, celle-ci s'étant poursuivie au cours de l'année 2016. Toutefois, l'existence d'un lien avec ses conditions de travail n'est pas démontré.

Le retrait de la responsabilité du projet Tim Tam Tom, seul fait matériellement établi, résulte d'une décision unique de l'employeur de sorte qu'il ne correspond à la définition du harcèlement moral impliquant des agissements répétés.

Au surplus, la société Cogis Networks souligne à juste titre que M. [K] a toujours été technicien de maintenance formateur tel que cela est mentionné dans son contrat de travail et sur ses bulletins de paie, et que dans le cadre de la réunion annelle du 17 octobre 2010, le salarié a précisé être ouvert à une évolution, notamment la responsabilité technique du projet Tim Tam Tom en cas de succès commercial, que la mission de gérer ce nouveau produit lui a donc été attribuée sous la supervision de M. [L], PDG, M. [R] étant chargé du développement du logiciel, M. [K] devant valider les développements et mettre en service les bornes.

Elle justifie également que malgré l'utilisation du terme de 'responsable produit Tim Tam Tom', il n'y a pas eu de modification de la qualification et des fonctions de M. [K] qui n'a jamais été responsable de produit à temps plein et n'a donc pas bénéficié d'une promotion puisqu'il a continué d'exercer ses autres missions, à savoir la maintenance et la formation. Enfin, elle démontre avoir été contrainte de procéder en avril 2015 à une réorganisation au regard des difficultés relationnelles entre M. [R] et M. [K], et du retard de développement du produit ainsi qu'en atteste la production de plusieurs courriels des 16 février 2015 et 3 octobre 2016 (produits par la société en pièces n°15 et n°18), et du 12 mars 2015 (produits en pièce n°4-7 par le salarié).

Dès lors, les demandes d'indemnisation au titre des faits de harcèlement moral et de rappel de salaire du 4 septembre au 15 décembre 2017 sont rejetées.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [K] invoque la forte dégradation de ses conditions de travail et leur incidence sur son état de santé, la suppression du système de rémunération des frais professionnel ayant entraîné une forte baisse de son salaire avec parallèlement une augmentation de ses déplacements professionnels par rapport à ses collègues, outre les autres manquements de l'employeur, sans que ceux-ci n'aient été rappelés par l'intéressé.

La société Cogis Networks rétorque que les avertissements sont justifiés, qu'il n'y a pas eu de modification de la rémunération et du statut de M. [K], que les faits invoqués datent au surplus de 2015 alors que celui-ci a saisi le conseil de prud'hommes en 2017, ce dont elle déduit qu'ils n'ont pas rendu impossible la poursuite du contrat de travail, ajoutant que le salarié a toujours bénéficié d'une avance sur frais de 500 euros.

En application de l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le contrat de travail peut être résilié en cas de manquements graves de l'employeur dans l'exécution de ses obligations.

Il incombe au salarié de caractériser des manquements suffisamment graves de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc justifier sa rupture. La rupture produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée, puis se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur dans le cas où la demande de résiliation n'est pas justifiée.

En l'espèce, les faits de harcèlement moral, lesquels comprenaient le reproche lié à la retrogradation, aux brimades et à la délivrance d'avertissements injustifiés, n'ont pas été retenus par la cour. Aucun manquement ne peut donc être retenu à ce titre.

S'agissant des heures de récupération, M. [K] produit en pièce n°4-12 la note de service émise par son employeur précisant les règles régissant la récupération des heures effectuées en cas de déplacement à compter du 1er août 2015. Cette note précise que tout temps de déplacement effectué avant 9h et après 18h est comptabilisé comme du temps de déplacement supplémentaire et fait l'objet d'une récupération sous forme de repos compateur, et qu'est déduit du temps de déplacement le temps habituel de déplacement pour le trajet du domicile au lieu de travail, celui-ci ayant été évalué à 15 minutes concernant l'appelant.

D'une part, ces règles ne font que reprendre les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail précisant que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, que toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. D'autre part, M. [K] ne produit aucune pièce démontrant la rémunération du temps de trajet antérieurement à cette note sous forme d'heures supplémentaires, les quelques bulletins de paie antérieurs et postérieurs au 1er août 2015 ne mentionnant pas le paiement d'heures supplémentaires.

Enfin, M. [K] ne produit aucune pièce démontrant que lui étaient confiés plus de déplacements par rapport aux autres salariés.

En l'absence de démonstration de manquement de la part de son employeur, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est rejetée.

Sur la nullité du licenciement

M. [K] invoque la nullité de son licenciement au regard des faits de harcèlement moral subis, à savoir, les brimades et dénigrements par son collaborateur qui l'a privé de ses responsabilités, ceux-ci ayant gravement altéré sa santé et étant à l'origine de son inaptitude, la multiplication des sanctions et sa convocation à un entretien préalable, soulignant que le second avis d'inaptitude a mentionné l'absence de contact avec les salariés et la direction, ce dont il déduit que son inaptitude est imputable à ses problèmes de santé et à ses difficultés relationnelles au sein de l'entreprise. Il met également en exergue son état dépressif réactionnel aux faits de harcèlement moral.

La société Cogis Networks conclut au rejet de la demande de nullité, reprenant chacun des faits allégués par M. [K] pour préciser qu'ils ne sont pas à l'origine de la dégradation de la santé du salarié.

Il est constant que le licenciement pour inaptitude d'un salarié encourt la nullité lorsqu'il est démontré que les faits de harcèlement moral subis par celui-ci sont à l'origine de son inaptitude.

En l'espèce, la cour n'a pas retenu l'existence de faits de harcèlement moral de sorte que la nullité du licenciement ne peut être fondée sur ce moyen.

Par ailleurs, le médecin du travail a seulement précisé que M. [K] était inapte à son poste de technicien de maintenance et que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de l'entreprise. L'appelant n'établit donc pas que son inaptitude est pour partie ou en totalité en lien avec ses conditions de travail. Par ailleurs, les pièces médicales produites, si elles attestent d'une dégradation réelle de l'état de santé de M. [K], ne permettent pas d'établir un lien entre cette dégradation et les conditions de travail du salarié. En conséquence, la demande de nullité est rejetée.

Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

Si M. [K] précise dans le dispositif de ses écritures qu'il sollicite des dommages et intérêts pour rupture abusive ou nulle, il ne développe aucun moyen de fait ou de droit dans ses écritures visant à remettre en cause le bien-fondé de son licenciement de sorte que la cour ne peut que rejeter cette demande ainsi que les demandes en découlant, à savoir l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail et l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents.

PAR CES MOTIFS

                       

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

   

DIT que la déclaration d'appel a opéré effet dévolutif des chefs de jugement critiqués ;

        

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

DIT que chacune des parties garde à sa charge les frais qu'elle a engagés  en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

           

CONDAMNE M. [K] au paiement des dépens d'appel.           

 

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/00781
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.00781 ?
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