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12/05/2022 | FRANCE | N°17/05142

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 12 mai 2022, 17/05142


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 12 MAI 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05142

N° Portalis 35L7-V-B7B-B22RV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2017 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 15/13514



APPELANTES



Madame [O] [U] épouse [E]

décédée le [Date décÃ

¨s 2] 2018

[Adresse 5]

[Localité 9]

née le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 19]

représentée et assistée par Me Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, t...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 12 MAI 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05142

N° Portalis 35L7-V-B7B-B22RV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2017 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 15/13514

APPELANTES

Madame [O] [U] épouse [E]

décédée le [Date décès 2] 2018

[Adresse 5]

[Localité 9]

née le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 19]

représentée et assistée par Me Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

SA GAN ASSURANCES

[Adresse 10]

[Localité 9]

représentée et assistée par Me Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

INTIMES

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO)

[Adresse 7]

[Localité 12]

représenté et assisté par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

Maître [W] [A] es qualité de liquidateur de la MUTUELLES DES TRANSPORTS ASSURANCES

[Adresse 8]

[Localité 11]

représenté et assisté par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES en liquidation représentée par son liquidateur, Maître [W] [A]

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée et assistée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

CPAM DE PARIS

[Adresse 3]

[Localité 9]

représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

assistée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS

Société MUTUELLE B2V-BCAC

[Adresse 6]

[Localité 9]

n'a pas constitué avocat

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [X] [F] [Z] [E] en sa qualité d'ayant droit de [O] [U] épouse [E], décédée le [Date décès 2] 2018

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représenté et assisté par Me Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre asssesseur chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 octobre 2013, alors qu'elle conduisait un véhicule assuré auprès de la société Gan assurances, [O] [U] épouse [E], née le [Date naissance 1] 1933 et alors âgée de 80 ans, a été blessée dans un accident de la circulation dans lequel était impliqué un camion conduit par M. [P] [J], assuré auprès de la société Mutuelle des transports assurances (la société MTA).

Par acte du 28 juillet 2015, [O] [E] et la société Gan assurances ont assigné la société MTA, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la CPAM) et la mutuelle B2V-BCAC afin d'obtenir la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise médicale et la condamnation de la société MTA à rembourser à la société Gan assurances la provision de 50 000 euros versée à son assurée.

La société MTA a été placée en liquidation judiciaire en cours de procédure par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 1er décembre 2016, à la suite du retrait de son agrément par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Par jugement du 27 février 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que les fautes de conduite commises par [O] [E] excluent son droit à indemnisation,

- débouté [O] [E] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Gan assurances et la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum [O] [E] et la société Gan assurances à payer à la société MTA la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par jugement du 15 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris, saisi d'une requête en omission de statuer, a reçu l'intervention volontaire de Maître [W] [A], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MTA et du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO).

Par déclaration du 10 mars 2017, [O] [E] et la société Gan assurances ont relevé appel du jugement du 27 février 2017.

A la suite du décès de [O] [E], survenu le [Date décès 2] 2018, son époux, M. [X] [E] est intervenu volontairement en reprise d'instance en qualité d'ayant-droit.

Par un premier arrêt du 17 décembre 2018, la cour d'appel de ce siège a :

- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 février 2017 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dit que M. [X] [E], en sa qualité d'ayant droit de feue [O] [E] née [U], a droit à l'indemnisation intégrale des préjudices subis par [O] [E] à la suite de l'accident survenu le 15 octobre 2013,

- avant dire droit sur la réparation du préjudice corporel subi par [O] [E] née [U] depuis la survenance de l'accident jusqu'à son décès survenu le [Date décès 2] 2018, ordonné une expertise médicale sur pièces,

- condamné la société MTA représentée par Maître [W] [A], en qualité de liquidateur judiciaire, à payer à M. [X] [E] agissant ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- sursis à statuer sur le recours subrogatoire de la société Gan assurances et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- sursis à statuer sur le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et ses demandes au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris de produire et communiquer un décompte définitif de sa créance, arrêté au jour du décès de [O] [E] née [U],

- condamné la société MTA, représentée par Maître [W] [A], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens de première instance et d'appel exposés jusqu'à ce jour,

- dit qu'il pourra être fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de M. [X] [E], ès qualités, et de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

Le Docteur [R], désigné en remplacement du professeur [V], a clos son rapport le 26 avril 2020.

Par un second arrêt du 1er février 2021, la cour d'appel a :

- sursis à statuer sur la fixation du poste de préjudice de [O] [E] lié aux dépenses de santés actuelles, sur le recours de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, sur sa demande d'indemnité de procédure et sur l'application de la sanction du doublement des intérêts prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances, dans l'attente de la production par M. [X] [E] de la créance définitive détaillée de la mutuelle B2V-BCAC au titre des dépenses de santé qu'elle a prises en charge,

- dit qu'en application de l'article 379 du code de procédure civile, l'instance sera poursuivie après expiration du sursis à l'initiative de la partie la plus diligente,

- fixé les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de [O] [E] jusqu'à la date de son décès le [Date décès 2] 2018, hors dépenses de santé actuelles, de la manière suivante :

- frais divers : 8 000,05 euros

- assistance temporaire par une tierce personne : 88 770 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 37 928,25 euros

- souffrances endurées : 50 000 euros

- fixé la créance d'indemnisation de M. [X] [E], en sa qualité d'ayant droit de [O] [E], au passif de la société MTA à la somme de 134 698,30 euros, hors dépenses de santés actuelles,

- fixé la créance de la société Gan assurances au passif de la société MTA à la somme de 50 000 euros,

- condamné la société MTA, représentée par Maître [W] [A], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens exposés en cause d'appel depuis l'arrêt du 17 décembre 2018, y compris les frais d'expertise, avec application de l'article 699 du code de procédure civile ,

- condamné, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la société MTA, représentée par Maître [W] [A], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire à payer à M. [X] [E] et à la société Gan assurances la somme globale de 4 000 euros,

- déclaré l'arrêt opposable au FGAO.

L'affaire a été rétablie à l'initiative de M. [X] [E].

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de M. [X] [E] et de la société Gan assurances, notifiées le 21 décembre 2021, aux termes desquelles ils demandent, aux visas notamment des articles 370 et 373 du code de procédure civile, des articles L. 211-9 et L.211-13 du code des assurances, et des dispositions de la loi du juillet 1985, à la cour de :

- fixer la créance d'indemnisation de M. [X] [E], en sa qualité d'ayant droit de [O] [E], au titre des dépenses de santé actuelles, au passif de la société MTA à la somme de 13 873,35 euros,

- juger que l'ensemble des indemnités allouées à M. [X] [E] en sa qualité d'ayant droit de [O] [E] et fixées au passif de la société MTA produiront intérêts au double du taux de l'intérêt légal, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, du 15 juin 2014 au jour où la décision à intervenir sera définitive,

- juger que ces intérêts seront également inscrits au passif de la société MTA,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable au FGAO, au liquidateur de la société MTA et la mutuelle B2V - BCAC.

Vu les dernières conclusions de Maître [W] [A], ès qualités, et du FGAO, notifiées le 15 décembre 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour , au visa de la loi du juillet 1985, de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et des articles 145, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

- surseoir à statuer sur les dépenses de santé actuelles dans l'attente de la production de la créance définitive détaillée de la mutuelle B2V-BCAC et des organismes sociaux conforme aux conclusions médico-légales du Docteur [R], expert judiciaire,

- débouter M. [X] [E] venant aux droits de [O] [E], son assureur, la société Gan assurances et la CPAM de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- débouter M. [X] [E] de sa demande au titre du doublement des intérêts,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de Paris de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment de celle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- arrêter la période de doublement des intérêts à la date de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 1er février 2021,

- déclarer que les sommes allouées à la CPAM ne produiront intérêts qu'à compter de la décision à intervenir,

A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne considérerait pas que seul l'arrêt à venir est constitutif de droit,

- déclarer que les sommes allouées à la CPAM ne produiront intérêts qu'à compter du 17 décembre 2018, date à laquelle la cour a consacré le droit à indemnisation de [O] [E], jusque-là non reconnu.

Vu les dernières conclusions de la CPAM, notifiées le 12 janvier 2022, par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, de :

- recevoir la CPAM en son appel incident et l'y déclarer bien fondée,

En conséquence,

- fixer la créance de la CPAM au passif de la société MTA à la somme de 635 758,02 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2015 sur la somme de 389 987,84 euros date des premières conclusions de la CPAM valant mise en demeure jusqu'au jour de liquidation judiciaire,

- réserver les droits de la CPAM quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement,

- fixer au passif de la société MTA la somme de 1 114 euros représentant le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion au 1er janvier 2022,

- condamner le liquidateur de la société MTA à verser à la CPAM la somme de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Maître [W] [A], ès qualités, en tous les dépens d'instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Kato et Lefebvre associés, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour a invité les parties à conclure par note en délibéré sur le moyen relevé d'office tiré de ce qu'il résulte des articles L. 622-28 du code de commerce, L. 326-2 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, et L.211-13 du code des assurances que le jugement du 1er décembre 2016 ouvrant la liquidation judiciaire de la société MTA a interrompu le cours des intérêts au double du taux légal qui ont la nature d'intérêt moratoires.

Les parties n'ont formulé aucune observation dans le délai qui leur était imparti.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'évaluation du poste de préjudice corporel de [O] [E] lié aux dépenses de santé exposées avant son décès

La cour d'appel de ce siège a par son précédent arrêt en date du 1er février 2021 sursis à statuer sur ce poste de préjudice et sur le recours de la CPAM dans l'attente de la production par M. [X] [E] de la créance définitive détaillée de la mutuelle B2V-BCAC au titre des dépenses de santé qu'elle a prises en charge.

Maître [W] [A], ès qualités, et le FGAO estiment qu'il n'est toujours pas possible de statuer sur ce poste de préjudice dans la mesure où M. [X] [E] se contente de communiquer, au soutien de sa réclamation, une créance provisoire de la CPAM non actualisée datant de 2016, que la créance définitive produite par la CPAM est hautement contestable, qu'en particulier il n'est pas possible de connaître le détail des prestations versées au titre des frais médicaux et des frais pharmaceutiques, que la créance définitive de la mutuelle B2V-BCAC fait également défaut et que les lettres émanant de cet organisme sur lesquels M. [X] [E] se fonde ne correspondent pas à des créances détaillées.

Ils ajoutent que l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil de la CPAM n'a aucune force probante au regard du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.

Ils font enfin observer qu'il existe une différence de plus de 100 000 euros entre l'état de créance du 8 octobre 2020 et celui du 3 novembre 2020 et estiment que ces documents contradictoires ne suffisent pas à établir que les débours exposés sont en lien avec l'accident de [O] [E].

M. [X] [E] objecte que la CPAM a produit le décompte définitif de ses débours, de même que la mutuelle B2V-BCAC, de sorte que le préjudice liés aux dépenses de santé actuelles de son épouse jusqu'à la date de son décès peut être liquidé.

La CPAM fait valoir que sa créance définitive est détaillée et que l'imputabilité des frais engagés ressort incontestablement du rapport d'expertise, des pièces médicales communiquées en demande et de l'attestation d'imputabilité du Docteur [G], médecin-conseil du service médical d'Ile-de-France dont elle rappelle l'indépendance.

Sur ce, la CPAM ayant produit le décompte définitif de ses débours établi le 3 novembre 2020 et M. [E] ayant versé aux débats un état détaillé des remboursement effectués par la mutuelle B2V-BCAC au titre du contrat RAMA (régime d'assurance maladie des allocataires) et du contrat sur-complémentaire Gan, la cour est en mesure au regard du rapport d'expertise du Docteur [R] décrivant le parcours de soins de [O] [E] en lien avec l'accident d'évaluer le poste de préjudice des dépenses de santé actuelles jusqu'à la date de son décès survenu le [Date décès 2] 2018, ainsi qu'il résulte de l'acte de notoriété versé aux débats.

Selon le décompte de créance définitif établi par la CPAM le 3 novembre 2020, cet organisme a pris en charge consécutivement à l'accident du 15 octobre 2013 des frais d'hospitalisation, médicaux, pharmaceutiques et de transport d'un montant total de 635 758,02 euros.

Il convient de relever que l'écart existant entre le montant des débours figurant dans l'état de créance provisoire du 8 octobre 2020 et celui mentionné dans l'état de créance définitif du 3 novembre 2020 s'explique, comme le relève justement la CPAM, par l'absence de prise en compte dans le premier document d'une partie des frais d'hospitalisation pour lesquels une demande de renseignement avait été adressée à l'hôpital [13], établissement dans lequel [O] [E] a été admise.

Par ailleurs, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'étant pas applicable en matière de fait juridique, il n'y pas lieu d'écarter l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil de la CPAM, étant observé en outre que le service de contrôle médical dont dépend le médecin conseil de la caisse constitue, selon l'article R. 315-2 du code de la sécurité sociale, un service national autonome placé sous l'autorité directe de la Caisse nationale de l'assurance maladie et indépendant des caisses primaires d'assurances maladie.

Cette attestation d'imputabilité, qui précise la nature de chaque catégorie de frais médicaux imputables à l'accident, complète la créance de la caisse qui est ainsi suffisamment détaillée.

En revanche, il convient d'observer que le médecin conseil de la CPAM inclut de manière erronée comme l'expert lui-même dans les périodes d'hospitalisation imputables à l'accident une journée d'hospitalisation à l'hôpital [13] le 18 mars 2018, postérieurement au décès de [O] [E] survenu la veille, le [Date décès 2] 2018.

Compte tenu de ces observations, il est suffisamment établi au vu de l'expertise judiciaire décrivant le parcours de soins de [O] [E] que les dépenses de santé figurant dans l'état de créance du 3 novembre 2020 sont imputables à l'accident du 15 octobre 2013, à l'exception de la journée d'hospitalisation du 18 mars 2018 dont le coût à déduire s'élève au vu de l'état des débours à la somme de 481,76 euros (34 204,80 euros /71 jours).

Le montant des frais d'hospitalisation, des frais médicaux, d'appareillage et de transport pris en charge par la CPAM et imputables à l'accident s'élèvent ainsi à la somme de 635 276,26 euros (635 758,02 -481,76 euros).

Selon le décompte de créance définitif du 21 juillet 2021 de la mutuelle B2V-BCAC les dépenses de santé prises en charge par cet organisme s'élèvent à la somme de 11 592,32 euros au titre du contrat RAMA et de 30,50 euros au titre de l'assurance sur-complémentaire.

Si la mutuelle B2V-BCAC précise qu'elle ne peut «répondre avec certitude sur le soins qui ont été engendrés par cet l'accident», la cour est en mesure au vu de l'état détaillé des remboursements, des factures de soins versées aux débats et du rapport d'expertise du Docteur [R] d'évaluer à la somme de 4 993,39 euros le montant des prestations en espèces servies par cet organisme imputables à l'accident.

M. [X] [E] réclame au titre des dépenses de santé actuelles qui seraient demeurées à sa charge les sommes suivantes :

- 69 euros au titre des franchises médicales,

- 1 752,19 euros au titre d'un séjour en maison de repos du 24 octobre 2017 au 3 novembre 2017,

- 966,57 euros au titre des frais d'oxigénothérapie,

- 533,89 euros au titre du fauteuil handicapé (siège «coquille»),

- 74,95 euros au titre de chaussures de tennis

- 118,23 euros au titre de l'aménagement de la douche

- 822,85 euros au titre du matériel de santé

- 558,85 euros au titre de la location d'un fauteuil roulant avec appui jambe,

- 3 000 euros au titre de l'achat d'un lit médicalisé,

- 356,94 euros au titre de l'achat d'un fauteuil roulant avec repose jambe

- 79 euros au titre de l'aménagement des WC

- 222 euros au titre de l'achat d'une chaise confort

- 69 euros au titre de l'achat d'un coussin

- 63,90 euros au titre de la location d'un fauteuil roulant,

- 74,82 euros au titre du forfait annuel pour la réparation d'un fauteuil roulant

- 2 352,13 euros pour l'achat de produits d'incontinence

- 1 565,25 euros au titre des frais liés aux séjours à la clinique l'Ermitage,

- 1 193,64 euros au titre des frais d'ambulance.

* Sur les frais d'aménagement de la douche

La cour d'appel qui a évalué les frais d'adaptation du domicile parisien de [O] [E] à la somme de 5 984 euros s'est déjà prononcée dans les motifs de son précédent arrêt du 1er février 2021 sur cette demande qu'elle a examinée au titre des frais divers.

Outre que ces frais ne constituent pas une dépense de santé, il convient de relever que les reçus de carte de crédit illisibles versés aux débats ne permettent pas de déterminer si les dépenses réalisées concernent l'aménagement de la douche pour l'adapter au handicap de la victime, la seule facturette lisible concernant l'achat d'une «tour trois tiroirs» sans lien avec cette adaptation.

* Sur les frais de chaussures de tennis

La cour d'appel s'est déjà prononcée dans les motifs de son précédent arrêt du 1er février 2021 sur cette demande qu'elle a examinée au titre des frais divers.

Outre que les frais de chaussure de tennis ne constituent pas une dépense de santé, il convient de retenir pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans l'arrêt du 1er février 2021 qu'il n'est pas justifié que l'achat de ces chaussures soit en lien avec l'accident subi par [O] [E], qui, même sans la survenance de celui-ci, aurait été contrainte d'engager des dépenses pour se chausser.

* sur les franchises médicales

M. [X] [E] fonde sa demande sur le décompte provisoire de créance de la CPAM en date du 15 novembre 2016 qui fait état de franchises médicales d'un montant de 69 euros.

Toutefois, la créance définitive de la CPAM du 3 novembre 2020 ne faisant pas état de ces franchises dont il n'est pas possible d'établir qu'elles se rapportent à des dépenses de santé imputables à l'accident, la demande de M. [E] sera rejetée.

* sur les frais d'oxygénothérapie

L'expert relève en page 4 de son rapport que [O] [E] a présenté dans les suites de l'accident des complications pulmonaires avec une dégradation respiratoire.

M. [X] [E] produit à l'appui de sa demande une facture d'un montant de 966,57 euros au titre de prestations d'oxygénothérapie à long terme pendant 12 semaines entre le 28 juin 2017 et le 13 septembre 2017 et au titre de l'achat d'un cordon d'alimentation ; il est précisé sur cette facture que le matériel d'oxygénothérapie est inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR).

Au vu de l'état de créance définitif du 3 novembre 2020 et de l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil, la CPAM a pris en charge les frais d'appareillage et d'assistance respiratoire de [O] [E] entre le 19 décembre 2013 et le 28 février 2018 dont le coût total s'élève à la somme de 5 058,05 euros.

Faute de justifier qu'une partie des frais d'oxygénothérapie est demeurée à la charge de son épouse, la demande de M. [X] [E] sera rejetée.

* Sur les frais de fauteuils roulants et fixes

L'expert a retenu en page 18 de son rapport que [O] [E] devait être considérée, en dehors des périodes de déficit fonctionnel temporaire total, en déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % en raison, notamment, de son maintien régulier en fauteuil roulant avec nécessité d'une aide totale à l'autonomie assurée par la famille.

En réponse aux dires des parties, l'expert a décrit une situation de dépendance croissante de la victime dans les derniers mois de sa vie.

Il convient dans ces conditions de retenir que son état justifiait la mise à disposition d'un fauteuil roulant manuel, d'un fauteuil fixe avec repose jambe, d'un fauteuil coquille adapté à son handicap et d'un fauteuil confort.

Si M. [X] [E] produit les factures correspondant à la location et/ou à l'acquisition et à l'entretien de ces matériels, les sommes qu'il réclame ne tiennent compte ni de la part prise en charge par l'assurance maladie dont le montant figure sur certaines factures ni, au vu de l'état détaillé des remboursement effectués par la mutuelle B2V-BCAC, de la part prise en charge au titre de l'assurance complémentaire santé de la victime.

Par ailleurs la somme de 558,85 euros réclamée au titre de la location d'un fauteuil roulant avec appui jambe correspond en réalité au montant du chèque de caution acquitté par M. [X] [E] ainsi qu'il résulte de la mention manuscrite apposée par l'intéressé sur le bon de livraison ; cette somme qui a été normalement restituée à l'issue de la location ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Au vu des factures produites, la somme demeurée à la charge de la victime s'élève à 841,19 euros.

* Sur les frais de lit médicalisé

Compte tenu du handicap de [O] [E] décrit par le Docteur [R] qui relève qu'elle présentait une raideur au genou de 75 degrés, des complications neurologiques en rapport avec une polyneuromyopathie de réanimation séquellaire avec paralysie sciatique de récupération incomplète et une raideur au poignet, il convient de retenir que l'achat d'un lit médicalisé avec commande électrique dont le coût s'élève à la somme de 3 000 euros au vu de la facture produite était justifié par son état de santé.

* sur les frais de coussin

M. [X] [E] réclame une somme de 69 euros au titre de l'achat d'un coussin «Alova galbe» qui au vu de l'état détaillé des remboursements effectués par la mutuelle B2V-BCAC lequel récapitule pour chaque dépense la part prise en charge au titre de l'assurance maladie et au titre de l'assurance complémentaire santé a été intégralement remboursée.

La demande sera rejetée.

* Sur les frais de rehausseur de WC

M. [X] [E] justifie par la production de la facture correspondante de l'acquisition d'un rehausseur réglable pour WC d'un montant de 79 euros qui constitue compte tenu de l'incapacité fonctionnelle décrite par le Docteur [R] une dépense rendue nécessaire par l'état de santé de la victime qui n'a été prise en charge ni par la CPAM ni par la mutuelle B2V-BCAC ainsi qu'il résulte des mentions de la facture.

* Sur les frais de protections urinaires

M. [X] [E] réclame à ce titre une indemnité d'un montant de 2 352,13 euros.

Compte tenu des complications neurologiques constatées par l'expert en rapport avec une polyneuromyopathie de réanimation séquellaire avec paralysie sciatique de récupération incomplète, il convient de retenir que les problèmes d'incontinence urinaire de [O] [E] sont en lien avec l'accident.

Au vu des factures et des décomptes produits, il convient d'indemniser ces dépenses de santé qui n'ont été prises en charge ni au titre de l'assurance maladie ni au titre de l'assurance complémentaire santé et d'allouer à M. [E] la somme réclamée de 2 352,13 euros.

* Sur les frais de séjour en maison de repos

M. [X] [E] sollicite une indemnité d'un montant de 1 752,19 euros au titre des frais de séjour dans une maison de repos du 24 octobre 2017 au 3 novembre 2017 et verse aux débats les deux factures émises par la société Kroian Brune au titre des frais d'hébergement avec supplément dépendance GIR 3 NT.

Toutefois, l'expert n'ayant pas mentionné ce séjour dans le récapitulatif des hospitalisations imputables à l'accident et n'en faisant pas état dans son rapport d'expertise, il n'est pas justifié que cet hébergement a été rendu nécessaire par le fait dommageable de sorte qu'en l'absence de tout autre élément médical produit, la demande sera rejetée.

* Sur les frais de séjour à la clinique l'Ermitage

M. [E] réclame une somme de 1 565,25 euros au titre des frais liés au séjour de son épouse à la clinique l'Ermitage.

Cette hospitalisation en soins de suite entre le 19 février 2015 et le 7 avril 2015 a été reconnue par le Docteur [R] comme étant imputable à l'accident et a été prise en charge par la CPAM à hauteur de la somme de 9 379,11 euros ainsi qu'il résulte du décompte de créance définitif du 3 novembre 2020.

En revanche, il résulte des factures produites qu'après déduction de la part prise en charge par l'assurance maladie et par la complémentaire santé, [O] [E] a conservé à sa charge des frais de chambre particulière d'un montant total de 1 445,25 euros qu'il convient d'indemniser.

Le surplus de la somme réclamée correspond au vu de ces factures aux frais de repas de l'accompagnant qui ne constituent pas un préjudice personnel de la victime.

* Sur les frais de transport en ambulance

M. [E] réclame l'indemnisation de frais de transport en ambulance d'un montant de 1 193,64 euros.

Au vu de la facture produite, ce transport a été réalisé le 1er mars 2014 entre le centre de rééducation [14] où [O] [E] était hospitalisée et l'hôpital [18] de [Localité 17], étant observé que selon les explications fournies à l'expert par M. [E] leur fille aînée est décédée à [Adresse 16] en [Date décès 15] 2014.

Selon les termes de cette facture, le coût de ce transport d'un montant de 1 193,64 euros, a été pris en charge à 100 % par l'assuré social, ce que confirment les décomptes de la CPAM et de la mutuelle B2V-BCAC qui n'en font pas mention.

Il résulte de l'anamnèse de son séjour au centre de rééducation [14], retranscrit en pages 5 et 6 du rapport d'expertise, que [O] [E] se déplaçait essentiellement en fauteuil roulant, de sorte que le transport en ambulance apparaît justifié par son état de santé.

Il convient ainsi d' allouer à M. [X] [E] la somme réclamée de 1 193,64 euros.

* Sur la somme réclamée au titre du «matériel de santé»

M. [X] [E] réclame une indemnité d'un montant de 822,85 euros au titre du «matériel de santé».

Les pièces produites dont certaines sont illisibles ne permettent de justifier ni de la nature de ces dépenses, ni de leur lien de causalité avec l'accident, de sorte que la demande sera rejetée.

*****************

Au bénéfice de ces observations, le poste de préjudice lié aux dépenses de santé actuelles jusqu'à la date du décès de [O] [E] est constitué, notamment :

- des frais d'hospitalisation, des frais médicaux, d'appareillage et de transport pris en charge par la CPAM et imputables à l'accident qui s'élèvent à la somme de 635 276,26 euros,

- des dépenses de santé imputables à l'accident prises en charges par la mutuelle B2V-BCAC d'un montant de 4 993,39 euros,

- des dépenses de santé demeurées à la charge de [O] [E] pour un montant justifié de 8 911,21 euros (841,19 euros + 3 000 euros + 79 euros + 1 352,13 euros + 1 445,25 euros + 1 193,64 euros).

Sur les demandes de la CPAM

La CPAM demande que sa créance au passif de la société MTA soit fixée à la somme de 635 758,02 euros, outre les intérêts légal à compter du 4 novembre 2015, date de ses premières conclusions valant mise en demeure, sur la somme de 389 987,84 euros jusqu'au jour de la liquidation judiciaire.

Maître [W] [A], ès qualités, et le FGAO soutiennent que la CPAM ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité à l'accident de l'ensemble des frais médicaux dont elle demande le remboursement et concluent au rejet de ses demandes.

Ils font valoir, à titre subsidiaire, que le droit à indemnisation de [O] [E] n'a été consacré que par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2018, que ce même arrêt a ordonné à la CPAM de produire et communiquer un décompte définitif de sa créance arrêté au jour du décès de la victime, que ce n'est que deux ans plus tard que la CPAM a produit un décompte provisoire le 12 octobre 2020, puis un état de créance définitif incomplet le 28 octobre 2020 et, enfin, sa créance définitive complète le 3 novembre 2020.

Ils en déduisent que la CPAM, qui ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, est mal fondée à obtenir que les sommes allouées produisent intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2015 et demandent à la cour de dire qu'elles ne produiront intérêts qu'à compter de la décision à intervenir et, subsidiairement, à compter du 17 décembre 2018.

Pour les motifs qui précèdent, le recours subrogatoire de la CPAM au titre des prestations en nature qu'elle a versées consécutivement à l'accident du 15 octobre 2013 est justifié dans la limite de la somme de 635 276,26 euros correspondant aux dépenses de santé imputables à l'accident prises en charge par cet organisme.

L'action ouverte par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 aux caisses de sécurité sociale et organismes assimilés ne tend qu'au remboursement de dépenses auxquelles ils sont légalement tenus ; dès lors, leur créance, dont la décision judiciaire se borne à reconnaître l'existence dans la limite de l'indemnité réparant les atteintes à la personne doit, conformément à l'article 1231-6 du code civil, produire intérêts à compter du jour de la demande en justice.

Il convient ainsi de fixer la créance de la CPAM au passif de la société MTA à la somme de 635 276,26 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2015, date de ses premières conclusions valant mise en demeure, sur la somme de 389 987,84 euros jusqu'au jour de la liquidation judiciaire.

La CPAM demande en outre la fixation au passif de la société MTA de la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur ce, il résulte de ce texte qu'en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit du fonds national des accidents du travail de l'organisme national d'assurance maladie.

Selon ce même texte, le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et d'un montant minimum révisés annuellement par arrêtés des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Aux termes de l'arrêté du 14 décembre 2021, les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 110 euros et 1 114 euros.

Dans le cas de l'espèce, la créance totale de la CPAM s'élevant à la somme justifiée de 635 276,26 euros au titre des dépenses de santé, le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion à inscrire au passif de la société MTA est de 1 114 euros.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

M. [X] [E] sollicite le doublement des intérêts au taux légal sur le montant des indemnités allouées avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées à compter du 15 juin 2014 et jusqu'au jour où l'arrêt à intervenir sera définitif.

Il fait valoir que l'accident dont a été victime [O] [E] a eu lieu le 15 octobre 2013, qu'une offre d'indemnisation aurait dû être faite dans un délai de huit mois à compter de cette date, soit avant le 15 juin 2014 et qu'aucune offre d'indemnisation ne lui a été adressée dans ce délai.

Il soutient que l'offre d'indemnisation contenue dans les conclusions notifiées le 30 septembre 2020 ne porte pas sur tous les éléments indemnisables du préjudice, aucune offre n'ayant été formulée au titre du poste de préjudice des frais divers et la société MTA ayant entendu réserver certains postes de préjudice.

Maître [W] [A], ès qualités, et le FGAO objectent que le délai de huit mois à compter de l'accident ne peut être pris en compte dès lors que l'assureur a contesté le droit à indemnisation de la victime.

Ils soutiennent, ensuite, que le docteur [R] a déposé son rapport d'expertise le 18 mai 2020, que le dépôt de ce rapport a ouvert à la société MTA un délai de cinq mois pour formuler une offre définitive d'indemnisation, que ce délai expirait le 18 octobre 2020 et qu'en l'espèce, la société MTA a formulé une offre définitive par conclusions signifiées le 30 septembre 2020, avant l'expiration de ce délai.

Ils font valoir que cette offre d'indemnisation n'a pas omis le poste de préjudice lié aux frais divers qui a été évalué à zéro euro et que s'agissant des dépenses de santé actuelles, ce poste de préjudice a été effectivement réservé en l'absence de production des créances définitives des organismes tiers payeurs.

Ils en déduisent qu'il serait particulièrement disproportionné de considérer que l'offre émise par la société MTA n'était pas complète au motif qu'un seul poste de préjudice a été réservé et relèvent qu'au vu de l'importance du montant de cette offre, celle-ci ne peut être assimilée à une absence d'offre.

Ils demandent à titre subsidiaire que le cours des intérêts au double du taux légal soit arrêté à la date du précédent arrêt du 1er février 2021 en application de l'article L. 211-13 du code des assurances qui dispose que la pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur ; ils estiment en effet que le sursis à statuer prononcé dans l'attente de la production par M. [E] de la créance définitive détaillée de la mutuelle B2V-BCAC caractérise une telle circonstance.

Sur ce, il résulte des articles L.211-9 et L. 211-13 du code des assurances que lorsque l'assureur n'est pas informé de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois de l'accident, il doit faire une offre d'indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l'accident ; que l'offre définitive doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation ; que si aucune n'offre n'a été faite dans ces délais, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai imparti et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement.

Par ailleurs, une contestation portant sur l'existence d'une faute du conducteur victime ne dispense pas l'assureur de son obligation de présenter dans les délais requis les offres d'indemnisation provisionnelle et définitive prévues à l'article L.211-9 du code des assurances, lesquelles doivent porter sur l'ensemble des éléments indemnisables du préjudice et ne pas être manifestement insuffisantes.

Dans le cas de l'espèce, [O] [E] ayant été victime d'un accident de la circulation survenu le 15 octobre 2013, la société MTA devait présenter à la victime une offre d'indemnisation provisionnelle portant sur les tous les éléments indemnisables du préjudice au plus tard le 15 juin 2014, ce qu'elle n'a pas fait.

Elle devait également présenter une offre d'indemnisation définitive dans les cinq mois de la date à laquelle elle a pris connaissance des conclusions du Docteur [R] relatives à l'absence de consolidation de l'état de santé de [O] [E] au moment de son décès.

Si elle justifie avoir effectué dans ce délai une offre d'indemnisation définitive par conclusions notifiées le 30 septembre 2020, cette offre ne portait pas sur tous les éléments indemnisables du préjudice, aucune offre n'ayant été formulée au titre du poste de préjudice des frais divers, alors que M. [X] [E] réclamait dans ses conclusions en ouverture du rapport d'expertise le remboursement de frais de téléalarme dont l'expert avait fait état dans son rapport d'expertise ainsi que de frais de téléphone et de télévision exposés au cours des hospitalisations imputables à l'accident selon l'expert, que ces frais constituaient un élément indemnisable du préjudice et qu'il incombait à la société MTA si elle n'avait pas encore reçu communication des justificatifs de paiement mentionnés dans la liste des pièces communiquées de solliciter les informations prévues par les articles L. 211-10, R. 211-33 et R. 211-38 du code des assurances.

Il en résulte que l'assureur qui n'a satisfait ni à son obligation de présenter une offre d'indemnisation provisionnelle dans les huit mois de l'accident ni à celle de présenter dans le délai une offre définitive portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice, encourt la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances.

Les offres d'indemnisation ultérieures de l'assureur, effectuées par conclusions notifiées les 29 octobre 2020 et 4 décembre 2020 ne comportant pas davantage d'offre relative au poste de préjudice des frais divers et n'étant pas ainsi complètes, le doublement des intérêts a pour assiette le montant des indemnités allouées, avant déduction des provisions versées et avant imputation de la créance de la CPAM et de la mutuelle B2V-BCAC.

Il en résulte que la société MTA prise en la personne de son liquidateur encourt à compter du 16 juin 2014 la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal sur le montant des indemnités allouées avant déduction des provisions versées et imputation de la créance des tiers payeurs.

S'agissant du terme de la sanction, il correspond en principe à la date du jugement ou de l'arrêt devenu définitif.

Toutefois, l'article L. 622-28 du code de commerce, inclus dans le chapitre II du titre II du livre VI du code de commerce relatif à la procédure de sauvegarde, dispose dans sa rédaction applicable au litige que «Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus».

Ces dispositions sont applicables à la liquidation judiciaire d'une société d'assurance, l'article L. 326-2 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, prévoyant qu'une telle liquidation est ouverte à la requête de l'ACPR et «est régie par le chapitre II du titre II du livre VI du code de commerce sous réserve des dispositions du présent chapitre», dispositions spécifiques dont aucune ne déroge à la règle de l'arrêt du cours des intérêts sus-mentionnée.

Or, l'article L. 211-13 du code des assurances sanctionne l'assureur qui n'a pas présenté d'offre d'indemnisation régulière dans les délais prévus à l'article L. 211-9 par l'application d'intérêts de retard majorés qui peuvent être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil applicable de manière générale à tous les intérêts moratoires.

Cette pénalité ayant la nature d'un intérêt moratoire, il en résulte que les dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce ont vocation à s'appliquer, de sorte que le jugement du 1er décembre 2016 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société MTA a interrompu le cours de ces intérêts sur la créance d'indemnisation [O] [E] née antérieurement à ce jugement.

Il convient ainsi de fixer la créance de M. [X] [E] en sa qualité d'ayant droit de [O] [E] au passif de la société MTA au titre de l'article L. 211-13 du code des assurances au double des intérêts au taux légal sur le montant des indemnités allouées, avant déduction des provisions versées et imputation de la créance des tiers payeurs, à compter du 16 juin 2014 et jusqu'au 1er décembre 2016, date de la liquidation judiciaire de la société MTA.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la CPAM et à la mutuelle B2V-BCAC qui sont en la cause.

Il convient, en revanche, de déclarer l'arrêt opposable au FGAO.

La société MTA, représentée par son liquidateur, Maître [W] [A] qui succombe partiellement dans ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel exposés depuis l'arrêt du 1er février 2021, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à la CPAM la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Vu les arrêts des 17 décembre 2018 et 1er février 2021,

Fixe le poste de préjudice corporel de [O] [E] lié aux dépenses de santé exposées avant son décès de la manière suivante :

- 635 276,26 euros au titre des frais d'hospitalisation, des frais médicaux, d'appareillage et de transport imputables à l'accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris,

- 4 993,39 euros au titre des dépenses de santé imputables à l'accident prises en charges par la mutuelle B2V-BCAC,

- 8 911,21 euros au titre des dépenses de santé imputables à l'accident demeurées à la charge de [O] [E],

Fixe la créance d'indemnisation de M. [X] [E], en qualité d'ayant droit de [O] [E], au passif de la société Mutuelle des transports assurances à la somme de 8 911,21 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

Fixe la créance de M. [X] [E] en sa qualité d'ayant droit de [O] [E] au passif de la société la société Mutuelle des transports assurances au titre de l'article L. 211-13 du code des assurances au double des intérêts au taux légal sur le montant des indemnités allouées par l'arrêt du 1er février 2021 et le présent arrêt avant déduction des provisions versées et imputation de la créance des tiers payeurs, à compter du 16 juin 2014 et jusqu'au 1er décembre 2016 , date de la liquidation judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances.

Fixe la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris au passif de la société Mutuelle des transports assurances à la somme de 635 276,26 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2015 sur la somme de 389 987,84 euros jusqu'au jour de la liquidation judiciaire,

Fixe la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris au passif de la société Mutuelle des transports assurances à la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

Condamne la société Mutuelle des transports assurances, représentée par Maître [W] [A], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire, à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

Condamne la société Mutuelle des transports assurances, représentée par Maître [W] [A], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens exposés en cause d'appel depuis l'arrêt du 1er février 2021,

Déclare le présent arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/05142
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;17.05142 ?
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