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09/05/2022 | FRANCE | N°21/13431

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 09 mai 2022, 21/13431


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 09 Mai 2022



(n° , 4 pages)



N°de répertoire général : N° RG 21/13431 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECOT



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière

lors des débats et à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :





Statuant sur la requête déposée le 2 juin 2021 par M. [I] [U]né le [Date naissance 1] 1978 à ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 09 Mai 2022

(n° , 4 pages)

N°de répertoire général : N° RG 21/13431 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECOT

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 2 juin 2021 par M. [I] [U]né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 4] (MALI), élisant domicile au cabinet de Me Maxime BAILLY - Cabinet 41 société d'avocats Selarl- [Adresse 2] ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 14 mars 2022 ;

Entendus Me Maxime BAILLY de la SELARL 41 Société d'Avocats représentant M. [I] [U], Me Jennyfer BRONSARD, substituant Me Fabienne DELECROIX de l'ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Anne BOUCHET, Substitut Général, les débats ayant eu lieu en audience publique ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [I] [U], mis en examen du chef de viol sur personne vulnérable, a été placé en détention provisoire suivant décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris le 17 avril 2018 et écroué à la maison d'arrêt de Fleruy Merogis le même jour.

Libéré sous contrôle judiciaire le 14 novembre 2018, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'atteinte sexuelle avec violence dont il a été relaxé par jugement du 7 janvier 2021.

Le 2 juin 2021, il a saisi le premier président de la cour d'appel de Paris d'une requête aux fins d'être indemnisé des préjudices résultant de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Tant dans sa requête que ses écritures - en dernier lieu ses observations visées par le greffe le 8 mars 2022 - qu'il développe oralement à l'audience, il soutient que sa requête est recevable, et sollicite à titre d'indemnisation les sommes de

- 59 548, 42 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral à raison de 282,22 euros par jour de détention injustifiée subi,

-15 441, 66 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel pour pertes de salaire et indemnité de licenciement

- 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses explications orales à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat, s'appuyant sur ses dernières écritures, soutient que la requête est irrecevable, faute pour M. [U] d'avoir respecté l'obligation que lui fait l'article R 26 al 2, 3° de mentionner une adresse personnelle où lui notifier la décision à intervenir. A titre subsidiaire, il propose d'indemniser le préjudice matériel à hauteur de 9402, 47 euros, au titre de la perte de salaire, et de 1873,79 euros au titre de la perte de l'indemnité de licenciement. Il offre, au titre du préjudice moral, une réparation de 15 000 euros.

Le procureur général, reprenant oralement à l'audience les termes de son avis visé par le greffe le 8 février 2022, en renonçant cependant à invoquer l'irrecevabilité de la requête, considérant que M.[U] a donné les informations permettant de lui notifier la décision, conclut à une durée de détention indemnisable de 6 mois et 28 jours et recommande l'indemnisation du préjudice moral subi parle requérant et celle de son préjudice matériel selon les justificatifs produits, mais en retenant pour base de calcul son salaire net, et non pas son salaire brut.

SUR CE

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention.

A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel ; cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code.

M. [U] a adressé sa requête aux fins d'indemnisation dans le délai de six mois de la décision de relaxe, qui est définitive. Aucun des cas d'exclusion visés par l'article 149 du code de procédure pénale n'est par ailleurs concerné.

Quant au grief tiré par l'agent judiciaire de l'Etat de ce que M.[U] ne mentionne dans sa requête qu'un domicile élu, qui n'est pas, selon la jurisprudence de la Commission de la Cour de Cassation, une adresse utile pour une signification valable, ce qui lui ferait grief et justifierait l'irrecevabilité de la demande, ledit grief n'apparaît plus d'actualité : en effet dans ses dernières observations, M.[U] fait état de son adresse actuelle, celle de la maison d'arrêt de [Localité 6] où il se trouve actuellement incarcéré, et également d'une adresse chez un tiers à [Localité 3], outre l'adresse à domicile élu chez son conseil, laquelle, nonobstant la jurisprudence invoquée, demeure la plus fiable et la plus pérenne pour s'assurer qu'il soit effectivement informé de la décision à lui notifier , comme il a pu l'être de la convocation relative à la présente instance.

La requête sera dans ces conditions jugée recevable.

Sur l'indemnisation'

M. [U] a été incarcéré du 17 avril au 14 novembre 2018 : la durée de la détention indemnisable est donc de 6 mois et 28 jours.

Quant au préjudice moral, M.[U] , âgé de 39 ans lors de son incarcération et qui n'avait jamais été confronté au monde de la prison, s'est trouvé détenu de manière injustifiée, ce qui a entraîné une coupure réelle dans ses relations familiales mêmes si sa famille se trouve géographiquement éloignée, et l'a placé dans une situation de grand isolement.

Par ailleurs, incarcéré à [Localité 5], il a subi les conditions de détention difficiles de cet établissement, en lien avec une surpopulation majeure qui ne peut avoir d'impact autre que dommageable sur chaque détenu , puisqu'elle se traduit au minimum par une limitation de l'accès aux douches, aux promenades et aux activités possibles en détention, qui constituent des insuffisances attentatoire aux droits fondamentaux des personnes incarcérées.

Son préjudice moral sera, dans ces conditions, évalué à la somme de 17 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice matériel, il n'est pas discuté que M.[U] travaillait au moment de son placement en détention et qu'il a été licencié de cet emploi du fait de son incarcération, pour absence injustifiée : le principe de son indemnisation pour ces 6 mois et 28 jours de perte de salaire et au titre de l'indemnité de licenciement qu'il n'a pas perçue est donc acquis.

Quant à leur montant, il convient d'adopter,

- pour la perte de salaires, l'évaluation qu'en fait M.l'agent judiciaire de l'Etat dans la mesure où M.[U] s effectué ses calculs sur la base d'un salaire brut, alors que cette base ne peut être que celle du salaire net, et où il a faussement décompté 20 jours dans le mois qui en compte 30 : de ce chef l'indemnisation allouée est donc fixée à 9402, 47 euros

- pour l'indemnité de licenciement perdue en revanche , de 1/4 de mois par année d'ancienneté, c'est le chiffre du salaire brut qu'il convient de retenir, soit pour 5 ans et 6 mois d'ancienneté, la somme de 2433, 49 euros.

M.[U] se verra donc allouer, pour la réparation de son préjudice matériel, la somme totale de 11 835, 96 euros (9402,47 + 2433,49).

L'équité justifie que soit allouée à M.[U] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

Déclarons recevable la requête de M.[I] [U]

Lui allouons la somme de 17 000 euros en réparation de son préjudice moral

Lui allouons la somme de 11 835,96 euros (9402,47 + 2433,49) en réparation de son préjudice matériel

Lui allouons la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus de ses demandes,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 9 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA MAGISTRATE DÉLÉGUÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/13431
Date de la décision : 09/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-09;21.13431 ?
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