RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 09 Mai 2022
(n° , 3 pages)
N°de répertoire général : N° RG 19/21693 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBR6
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Nicole COCHET, Première présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, lors des débats et à la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 18 novembre 2019 par M. [J] [S] né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1] ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 14 mars 2022 ;
Entendus Me Raphael CHICHE représentant M. [J] [S], Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Anne BOUCHET, Substitut Général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [J] [S], mis en examen des chefs notamment d'association de malfaiteurs en vue de commettre des vols en bande organisée, recel de vols en bande organisée, vols en bande organisée avec armes, et violences volontaires aggravées sur personnes dépositaires de l'autorité publique, a été placé en détention provisoire suivant décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris le 13 octobre 2017 et écroué à la maison d'arrêt de Fresnes le même jour.
A l'issue de l'instruction, il a bénéficié d'un non lieu partiel et a été renvoyé, après requalification de plusieurs chefs devant le tribunal lequel, par jugement du 24 mai 2019, n'a retenu à son encontre que celui de recel de vol aggravé, le condamnant à ce titre à 6 mois d'emprisonnement et le relaxant des autres chefs, sa remise en liberté intervenant immédiatement.
Par requête enregistrée au greffe le 18 novembre 2019, il a saisi le premier président de la cour d'appel de Paris d'une requête aux fins d'être indemnisé des préjudices résultant de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.
Tant dans sa requête que dans les écritures visées par le greffe le 8 mars 2021 qu'il développe oralement à l'audience, M. [S]
- soutient que sa requête est recevable, puisqu'il sollicite son indemnisation pour les 7 mois et 11 jours courus du 13 octobre 2018 au 24 mai 2019, soit postérieurement aux deux périodes de détention pour autre cause qu'il a subies, et que sa détention provisoire de 586 jours a largement excédé la période de un an qui constituait le maximum de la détention provisoire applicable au délit au seul titre duquel il a été condamné ;
- sollicite à titre d'indemnisation les sommes de
- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral
- 29 202,90 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,dont 13362,90 euros de pertes de revenus et 15 840 euros au titre des frais de défense
- 3600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses explications orales à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat, reprenant ses écritures communiquées le 3 mars 2022, conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la demande
et subsidiairement
- à la limitation de la période indemnisable aux 7 mois et 12 jours courus entre le 13 octobre 2018 et le 25 mai 2019,
- au rejet de la demande d'indemnisation au titre des pertes de revenus faute de production des justifications suffisantes - contrat de travail et bulletins de paie,
- à la limitation à la somme de 12 960 euros de la demande formée au titre des frais de défense,
- à l'allocation au titre du préjudice moral d'une réparation de 10 000 euros.
Le procureur général reprenant oralement à l'audience les termes de son avis visé par le greffe le 8 février 2022, renonce à soutenir l'irrecevabilité de la requête pour défaut de démonstration du caractère définitif du non lieu partiel, le demandeur en ayant justifié par la production du certificat de non appel.
Il indique que compte tenu des deux périodes de détention pour autre cause incluses dans la période pour laquelle l'indemnisation au titre de l'article 149 du code de procédure pénale est demandée, la détention indemnisable serait de 11 mois et 9 jours, mais rappelant ensuite la jurisprudence applicable aux situations de non lieu partiel, il soutient que M. [S] encourant, pour le seul délit du chef duquel il a été condamné, une détention provisoire maximale de un an, il est irrecevable en sa demande d'indemnisation dès lors qu'il a été détenu provisoirement pour une durée imputable inférieure.
Subsidiairement, il demande que le préjudice moral de M. [S] soit apprécié au vu de son âge, de la séparation familiale provoquée par la détention et d'un choc carcéral amoindri par trois précédentes incarcérations, souligne l'insuffisante démonstration des pertes de revenus alléguées et adopte la même position que l'agent judiciaire de l'Etat sur la question du remboursement des frais de défense.
SUR CE
Sur la recevabilité':
Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention.
A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel ; cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code.
M. [S] a adressé sa requête aux fins d'indemnisation le 18 novembre 2019, soit dans le délai de six mois de la décision de relaxe partielle, qui est définitive. Aucun des cas d'exclusion visés par l'article 149 du code de procédure pénale n'étant concerné, sa requête est donc formellement recevable.
Il reste cependant à déterminer si M. [S] a réellement subi une détention injustifiée réparable en application du texte susvisé, compte tenu de ce qu'il n'a bénéficié que d'un non lieu puis d'une relaxe partiels, le jugement du 25 mai 2019 l'ayant en définitive retenu dans les liens de la poursuite du chef du délit de recel de vol par escalade.
En effet, dans une telle hypothèse, le droit à réparation n'existe que si la durée de la détention provisoire effectuée par le demandeur dans le cadre de la procédure dépasse celle qu'il aurait pu avoir à subir du chef de l'infraction pour laquelle il est finalement condamné.
Si M. [S] a été détenu provisoirement du 13 octobre 2017 au 24 mai 2019 , soit plus d'une année, ont cependant été mises à exécution pendant cette période deux peines prononcées à son encontre par le tribunal correctionnel de Créteil, l'une le 22 novembre 2017, de 18 mois d'emprisonnement, et l'autre le 22 novembre 2016, de 6 mois d'emprisonnement.
Ces détentions pour autre cause sont à déduire de la durée totale de détention pour en déterminer la durée indemnisable.
Elles ont couru, selon la fiche pénale de M. [S], du 22 novembre 2017 au 26 juillet 2018 pour l'une, du 4 décembre 2017 au 23 avril 2018 pour l'autre : il en résulte que la détention au titre de laquelle le requérant est fondé à demander réparation couvre la période précédente, du 13 octobre 2017 au 22 novembre 2017, et la période suivante , du 26 juillet 2018 au 24 mai 2019, soit ensemble 11 mois et 9 jours.
Le seuil maximal de la détention provisoire applicable au recel de vol par escalade, qui est de un an, dépasse ainsi la durée de détention provisoire effectuée, d'où résulte que M. [S], faute d'un droit à réparation, est irrecevable en sa demande.
Partie succombante, M. [S] supportera la charge des dépens.
L'équité n'appelle pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS':
Déclarons irrecevable la requête de M. [J] [S]
Condamnons M. [S] aux dépens
Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédue civile.
Décision rendue le 9 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA MAGISTRATE DÉLÉGUÉE