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29/04/2022 | FRANCE | N°22/00174

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 29 avril 2022, 22/00174


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12





SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 29 AVRIL 2022



(n° 172 , 5 pages)







N° du répertoire général : N° RG 22/00174 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTVB



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Avril 2022 -Tribunal Judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 22/01069



L'audie

nce a été prise au siège de la juridiction, en chambre du conseil, le 28 Avril 2022



Décision réputé contradictoire



COMPOSITION



Anne-Laure MEANO, présidente de chambre à la cour d'appel, agissant sur...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 29 AVRIL 2022

(n° 172 , 5 pages)

N° du répertoire général : N° RG 22/00174 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTVB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Avril 2022 -Tribunal Judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 22/01069

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en chambre du conseil, le 28 Avril 2022

Décision réputé contradictoire

COMPOSITION

Anne-Laure MEANO, présidente de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,

assistée de Nolwenn CADIOU, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision

APPELANT

Monsieur [E] [R] (Personne faisant l'objet des soins)

né le 07/03/1987 à PARIS 14

demeurant 14 rue de la Paix - 94250 GENTILLY

Actuellement hospitalisé à l'Hôpital Psychiatrique Paul Guiraud

comparant en personne et assisté de Me Marie-Laure MANCIPOZ, avocat commis d'office au barreau de Paris,

INTIMÉ

M. LE PRÉFET DE VAL DE MARNE

demeurant Agence régionale de Santé d'Ile de France - 25 Chemin des Bassins - 94010 CRETEIL CEDEX

non comparant, non représenté,

LIEU D'HOSPITALISATION

HOPITAL PSYCHIATRIQUE PAUL GUIRAUD

demeurant 54 avenue de la République - 94806 VILLEJUIF CEDEX

non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Anne BOUCHET, avocate générale,

DÉCISION

M. [E] [R] a été déclaré pénalement irresponsable en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, par décision du 24 novembre 2017 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris à la suite d'un homicide commis sur mineur de 15 ans en 2014, et a été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète.

Le préfet du Val-de-Marne a désigné l'Hopital Psychiatrique Paul Guiraud à Villejuif comme établissement d'accueil.

Par ordonnance du Juge des libertés de la détention de Créteil du 14 octobre 2021, le maintien en hospitalisation complète a été prononcé.

Le 12 avril 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Créteil, saisi à la requête du préfet du 30 mars 2022, dans le cadre du contrôle systématique à 6 mois, en application de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, a ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [E] [R].

M. [E] [R] a interjeté appel de l'ordonnance, par déclaration motivée reçue le 21 avril 2022, à 16h53, au greffe de la cour.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 28 avril 2022.

A l'audience tenue au siège de la cour, en chambre du conseil à la demande de M. [E] [R], celui-ci a comparu, assisté de son conseil, a poursuivi l'infirmation de l'ordonnance et a indiqué qu'il se sent stabilisé, ne s'oppose pas à l'hospitalisation complète mais aurait préféré d'autres modalités de soins.

Son conseil a été entendu en ses observations développées au regard de ses écritures (déclaration d'appel motivée) auxquelles il convient de se référer pour plus amples précisions.

En substance, il soutient que la procédure administrative est entachée d'irrégularité en l'absence de décision préfectorale de maintien de l'hospitalisation sans consentement, et sur le fond, que la dangerosité de M. [E] [R] n'est plus établie, le rapport d'expertise psychiatrique de 2017 ayant souligné ses capacités d'évolution favorable et une absence de dangerosité psychiatrique, les sorties ponctuelles autorisées se déroulant bien, les certificats médicaux répétant toujours les mêmes observations.

Le ministère public a été entendu et fait valoir que l'irrégularité soulevée n'est pas fondée, l'irresponsabilité pénale ayant été prononcée sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes, et ne nécessitant donc pas d'arrêté du représentant de l'État dans le département.

Sur le fond il conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise, indiquant que les certificats médicaux récents concluent à la nécessité de l'hospitalisation complète et un risque de décompensation majeure en cas d'arrêt du traitement, dans un contexte de dangerosité important résultant des faits commis initialement.

M. [E] [R] a eu la parole en dernier.

MOTIFS

Aux termes de l'article L3211-12-1 du code de la santé publique , l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure :

(...)

3° Avant l'expiration d'un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L. 3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai en application du 2° du présent I ou de l'un des mêmes articles L. 3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1, ou toute nouvelle décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale fait courir à nouveau ce délai. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi quinze jours au moins avant l'expiration du délai de six mois prévu au présent 3°.

L'article L. 3211-12 dispose notamment que 'le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.

Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.'.

Sur la régularité de la procédure

Devant le délégué du premier président de la cour d'appel, comme devant le juge des libertés la détention, le conseil de M. [E] [R] invoque la violation de l'art L. 3213-4 du code de la santé publique en l'absence d'arrêté préfectoral de maintien en hospitalisation complète.

Il fait valoir qu'en dehors des certificats médicaux de maintien mensuel aucun arrêté préfectoral ne figure au dossier et ne permet de vérifier si une décision administrative a été régulièrement prise et si elle a pu être notifiée et soutient que cette irrégularité porte nécessairement atteinte aux droits de M. [E] [R] .

L'article 706-135 du code de procédure pénale dispose que : ' Sans préjudice de l'application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l'admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code s'il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques prononcées en application de l'article L. 3213-1 du même code.', c'est à dire les admissions en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État.

Parmi les dispositions applicables à ces admissions figurent celles de l'article L3213-4 du code de la santé publique prévoyant notamment qu'au-delà d'une certaine durée 'la mesure de soins peut être maintenue par le représentant de l'Etat dans le département pour des périodes maximales de six mois renouvelables selon les mêmes modalités.

Faute de décision du représentant de l'Etat à l'issue de chacun des délais prévus au premier alinéa, la levée de la mesure de soins est acquise.'

Toutefois, aux termes du dernier alinéa de ce même article, il est précisé que 'Le présent article n'est pas applicable aux personnes mentionnées au II de l'article L. 3211-12', c'est à dire aux patients sont en effet «présumés dangereux», ayant été admis en soins psychiatriques à la suite d'un arrêt ou jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour trouble mental ayant commis une infraction entraînant au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ; la levée de leur hospitalisation complète relève des dispositions de l'article L. 3213-8 du même code.

Or, M. [E] [R] relève bien de ce régime, puisqu'il a fait l'objet d'une ordonnance d'hospitalisation rendue par la chambre de l'instruction du 24 novembre 2017 pour irresponsabilité pénale suite au meurtre de sa fille mineure, infraction d'atteinte aux personnes entraînant une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement, et ce ainsi que le rappelle d'ailleurs cette ordonnance ainsi que la requête du préfet ayant saisi le juge des libertés le 30 mars 2022.

C'est donc à raison que le juge des libertés et de la détention a estimé qu'aucune violation de l'article L. 3213-4 précité ne pouvaient être retenue en l'espèce, le maintien de l'hospitalisation complète ne relevant pas d'un arrêté préfectoral.

Sur le bien-fondé de la mesure et son caractère proportionné

Il convient de rappeler que le juge n'a pas à substituer son avis à l'évaluation faite par les médecins s'agissant des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins (1re Civ., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-22.544, Bull. 2017, I, n° 206) ; il contrôle que les conditions de fond des mesures de soins, propres à chaque mesure sont remplies au moment où il statue, compte tenu des éléments médicaux dont il dispose.

M. [E] [R] se réfère principalement à des rapports d'expertise psychiatrique datant de plusieurs années (2016, 2017). Au demeurant il convient de relever plus particulièrement que le rapport d'expertise psychiatrique du 2 mai 2017 relève notamment que la maladie est sous-jacente et que la vulnérabilité psychique du patient perdure, une nouvelle rupture thérapeutique pouvant survenir s'il se retrouve dans un contexte d'une nouvelle vie affective et que son mieux-être lui fasse penser que son traitement ne lui est plus nécessaire.

Comme le relève exactement l'ordonnance entreprise, il résulte du dossier et des certificats médicaux mensuels, ainsi que du certificat du 8 avril 2022 après avis du collège médical que si l'état de M. [E] [R] s'améliore, puisqu'il a pu participer à des sorties thérapeutiques organisées par l'hôpital, et à des sorties organisées avec accompagnement de ses proches, qui se passent bien, et s'il ne tient pas de propos délirants, cependant la critique des troubles et l'adhésion aux soins restent partielles ; les avis médicaux préconisent ainsi la poursuite de l'hospitalisation complète.

Le certificat médical de situation et l'avis médical du 25 avril 2022, indiquent que l'état clinique de M. [E] [R] évolue peu, que le travail sur l'autonomie et la connaissance de sa pathologie psychotique chronique grave ainsi que sur la nécessité de prendre un traitement au long cours se poursuit; que l'amélioration de l'état clinique du patient découle d'un cadre très soutenu mais que la critique des troubles et l'adhésion aux soins reste partielle, avec tendance à rechercher à tout prix une vie normale.

Il conclut à la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, compte tenu d'un risque de décompensation majeure en cas de rupture de traitement, les permissions accompagnées régulières auprès de ses proches pour des courtes durées le week-end devant se poursuivre

Au vu de ces éléments, la désignation de deux experts psychiatres afin qu'ils donnent leur avis sur la situation de M. [E] [R] n'apparaît pas opportune en l'état, étant en outre souligné que le collège comprenant notamment deux psychiatres, en application des dispositions du code de la santé publique s'est prononcé récemment sur la nécessité de poursuite des soins sous leur forme actuelle.

Il en résulte que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes.

Ces éléments médicaux sont suffisamment précis pour justifier les restrictions à l'exercice des libertés individuelles de M. [E] [R], qui demeurent adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis, l'intéressé n'adhérant que partiellement aux soins et n'admettant que partiellement ces troubles, son état nécessitant des soins assortis d'une surveillance constante afin d'éviter une décompensation.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a maintenu la mesure de soins psychiatriques de M. [E] [R] sous la forme d'une hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS

Nous, délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil,

CONFIRMONS l'ordonnance entreprise,

REJETONS toute autre demande,

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor public.

Ordonnance rendue le 29 AVRIL 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le par fax à :

' patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

' avocat du patient

' directeur de l'hôpital

' tiers par LRAR

' préfet de police

' avocat du préfet

' tuteur / curateur par LRAR

' Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 22/00174
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;22.00174 ?
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