REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 29 AVRIL 2022
(n°171, 5 pages)
N° du répertoire général : N° RG 22/00173 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTDI
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Avril 2022 -Tribunal Judiciaire d'EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 22/00545
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en chambre du conseil, le 25 Avril 2022
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Anne-Laure MEANO, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Roxane AUBIN, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANTE
Madame [S] [I]
demeurant 64 rue du Général Leclerc - 91470 FORGES LES BAINS
comparante en personne, assistée Me Benjamin COMPIN, avocat choisi au barreau de l'Essonne, substitué par Me Kenza SAHMOU, élève avocat au barreau de Paris,
INTIMÉS
1°/ Mme [Z] [K] (Personne ayant fait l'objet de soins)
née le 16/10/1946 à PARIS
demeurant 2 TER RUE DES GRES - 91740 CONGERVILLE THIONVILLE
Ayant été hospitalisée au Centre hospitalier Barthélémy Durand
comparante en personne, assistée de Me Amaria BELGACEM, avocat commis d'office au barreau de Paris,
2°/ M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER BARTHELEMY DURAND
demeurant Avenue du 8 mai 1945 - 91152 ETAMPES
non comparant, non représenté,
MANDATAIRE SPÉCIAL
Madame [S] [I]
demeurant 64 rue du Général Leclerc - 91470 FORGES LES BAINS
comparante, assistée Me Benjamin COMPIN, avocat choisi au barreau de l'Essonne,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Brigitte RAYNAUD, avocate générale,ayant transmis un avis le 25/04/2022 à 09h39
DÉCISION
Par décision du 06 avril 2022, le directeur du centre hospitalier Barthélémy Durand a prononcé, sur le fondement des dispositions de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, à la demande d'un tiers puis pour péril imminent, l'admission en soins psychiatriques de Mme [Z] [K].
Mme [K] est sous sauvegarde de justice, Mme [I] étant désignée mandatairespéciale, chargée de la protection de sa personne.
Par requête du 11 avril 2022, le directeur de l'établissement a régulièrement saisi le juge des libertés et de la détention d'Evry aux fins de poursuite de la mesure.
Par ordonnance du 13 avril 2022, le juge des libertés et de la détention d'Evry a ordonné la mainlevée de la mesure, estimant en substance que Mme [Z] [K] se montrait lucide et que sa situation relevait davantage d'une problématique sociale.
L'ordonnance a été notifiée à Mme [K] le 14 avril 2022.
Par déclaration reçue le 20 avril 2022, Mme [I], mandataire spéciale, a interjeté appel de la dite ordonnance.
Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 25 avril 2022.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en chambre du conseil selon le souhait de Mme [K].
Mme [M] [P] poursuit l'infirmation de la décision; elle a été entendue en ses observations et son conseil a été entendu et a déposé des conclusions écrites reçues le 24 avril 2022, auxquelles il convient de se référer.
En substance, elle demande de constater la nullité de l'ordonnance entreprise car elle n'a été ni informée ni convoquée à l'audience du juge des libertés de la détention , et le maintien de Mme [K] sous le régime de l'hospitalisation sous contrainte, ainsi que la condamnation de l'État au paiement d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [K] a été entendue et précise qu'il est inexact de dire qu'elle n'a pas d'eau à son domicile alors qu'elle n'a pas d'eau chaude ; elle s'inquiète de ces chats restés seuls chez elle pendant son hospitalisation mais qu'elle a quand même pu aller voir récemment; elle expose qu'aucun soin ne lui a été proposé dans le cadre de l'hospitalisation.
Son conseil fait valoir substance que l'irrégularité soulevée doit aboutir en tout état de cause à la mainlevée de la mesure litigieuse , que le diagnostic d'un syndrome de Diogène n'a pas été posé, que l'hospitalisation sous contrainte n'est pas justifiée Mme [K] ayant simplement besoin d'une aide pour le ménage de sa maison.
Le représentant de l'hôpital , régulièrement convoqué, n'a pas comparu.
L'avocat général s'en rapporte à la sagesse de la cour.
Mme [K] a eu la parole en dernier.
MOTIFS,
Aux termes de l'article L.3212-1 du code de la santé publique,
.I-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
La décision d'admission est prononcée notamment lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande d'un tiers, et qu'il existe à la date d'admission un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical ( même article en son 2°).
Il résulte de l'article L 3211-12-1 du même code que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète et que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement.
En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
En l'espèce, la décision d'admission a été fondée sur les conditions de vie insalubres de Mme [K], la mettant en danger ; sa régularité n'est pas contestée.
Sur la régularité de l'ordonnance entreprise
Par ordonnance du 06 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Étampes a placé Mme [Z] [K] sous le régime de la sauvegarde de justice et a désigné Mme [M] [P] en qualité de mandataire spécial pour accomplir, notamment, une mission de protection de la personne dans le respect des articles 457-1 à 463 du code civil.
Il résulte des pièces du dossier qu'elle n'a été ni informée ni convoquée à l'audience du juge des libertés et de la détention d'Évry, ce qui en application des dispositions de l'article R. 3211-13 du code de la santé publique, et 117 et 119 du code de procédure civile constitue une irrégularité de fond pouvant être invoquée en tout état de cause et qui ne peut être couverte en appel; l'ordonnance entreprise doit donc être annulée en raison de cette irrégularité.
En application de l'article 562 du code de procédure civile et en raison de l'effet dévolutif de l'appel il y a lieu d'examiner l'affaire au fond.
Sur le fond et la mesure d'hospitalisation complète
Le certificat médical de 24 heures établi le 07 avril 2022 relève que la patiente est opposée à l'hospitalisation et à la mise en place d'un mandataire judiciaire, qu'elle souhaite retourner dans sa maison 'malgré des conditions inquiétantes qu'elle ne nie pas' (plus d'électricité depuis quatre ans, présence de rats morts et d'une vingtaine de chats non stérilisés, accumulation d'objets), que la patiente montre une 'hyper exigence à l'égard d'autrui avec difficulté à déléguer' ; le maintien de l'hospitalisation complète est préconisé pour observations cliniques.
Le certificat médical de 72 heures du 09 avril 2022 conclut à l'hospitalisation complète en raison de troubles mentaux rendant impossible son consentement, imposant des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, relevant que Mme [K] ne semble pas s'inquiéter de sa situation de vie pouvant la mettre en danger et qu'une hospitalisation sous contrainte permettrait de travailler le volet social et de mettre hors danger la patiente, méfiante et irritable.
L'avis médical motivé du 11 avril 2022 conclut à la nécessité de poursuite de la prise en charge sous forme d'hospitalisation complète au vu des troubles constatés, il indique que Mme [K] présente des troubles de l'humeur et dénie la situation insalubre de son domicile, qu'elle banalise les éléments cliniques et les contradictions de son discours ; qu'elle indique préférer rentrer chez elle même si son logement est insalubre, précisant qu'elle 'doit rester dans sa voiture et se chauffer à l'aide de couvertures'.
Le certificat médical de situation du 21 avril 2022 indique que Mme [K], stable sur le plan comportemental, bien orientée, présente un discours cohérent, sans idée délirante ni hallucination mais qu'elle banalise l'état de son logement, sans électricité ni chauffage et objet d'un énorme encombrement de déchets domestiques, et qu'un syndrome de Diogène est fort probable.
À l'audience, sont produites des photos du jardin de Mme [K], dont l'authenticité n'est pas contestée , et dont il résulte que son jardin fait l'objet d'un très important entassement de déchets au milieu desquels se trouvent des rats morts et que la toiture de sa maison est crevée.
Les restrictions à l'exercice des libertés individuelles de Mme [K] sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre de l'hospitalisation complète requise , l'intéressée se trouvant dans l'impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles décrits, son état nécessitant actuellement des soins assortis d'une surveillance constante, nonobstant la capacité de la patiente relevée par le premier juge et confirmée par le délégué du premier président de la cour d'appel à présenter une argumentation, des réflexions et des préoccupations rationnelles ; toutefois les éléments de l'audience permettent de confirmer que Mme [K] nie la gravité de l'insalubrité de son logement et le danger en résultant pour elle.
L'ordonnance sera donc infirmée et Mme [K] sera maintenue en hospitalisation complète.
Les circonstances et l'équité ne justifient pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Nous, délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique,
DÉCLARANT nulle l'ordonnance du juge de la liberté et de la détention du tribunal judiciaire d'Évry du 13 avril 2022.
Et statuant sur le fond,
AUTORISONS le maintien de l'hospitalisation complète sous contrainte de Mme [Z] [K],
REJETONS toutes autres demandes,
LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Ordonnance rendue le 29 AVRIL 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 29 Avril 2022 par fax à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
' préfet de police
' avocat du préfet
X tuteur / curateur par LRAR
X avocat du tuteur/curateur
X Parquet près la cour d'appel de Paris