La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2022 | FRANCE | N°17/14253

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 22 avril 2022, 17/14253


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 22 Avril 2022



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/14253 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QWB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Octobre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15/02227





APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judicia

ires

TSA 80028

[Localité 3]

représentée par M. [K] [T] en vertu d'un pouvoir général



INTIMEE

SAS QUALICONSULT

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Nelly JEAN-MARIE, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 22 Avril 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/14253 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QWB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Octobre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15/02227

APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 3]

représentée par M. [K] [T] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

SAS QUALICONSULT

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Nelly JEAN-MARIE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Mélissa BENABOU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, et Monsieur Lionel LAFON, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 1 avril 2022 et prorogé au 22 avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf d'Ile de France d'un jugement rendu le 9 octobre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la société Qualiconsult.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que suite à un contrôle d'assiette portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf) a notifié le 9 octobre 2012 à la société Qualiconsult (la société) par une lettre d'observations, un rappel de cotisations et contributions sociales pour la somme de 920 749 euros correspondant à 12 chefs de redressement, une régularisation en faveur de la cotisante et 6 observations pour l'avenir. A l'issue d'un échange de courriers entre la cotisante et les inspecteurs, l'organisme de sécurité sociale a maintenu le redressement, tout en réduisant le chef de redressement n°10 « caractère obligatoire et collectif du régime de prévoyance complémentaire » à hauteur de 207 465 euros.

L'Urssaf a délivré le 21 décembre 2012 une mise en demeure invitant la société à régler les cotisations redressées (888 561 euros), augmentées des majorations de retard provisoires (131 832 euros). Après avoir saisi en vain la commission de recours amiable de sa contestation des chefs de redressement n°1,4,7,8,9 et 10, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny , lequel par jugement du 9 octobre 2017, a :

- dit l'action de la société Qualiconsult recevable,

- la dit partiellement fondée,

- annulé pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 :

- le chef de redressement n°1 de la lettre d'observations notifiée par l'Urssaf en date du 9 octobre 2012 relatif au caractère collectif d'un régime de retraite supplémentaire correspondant à un montant de 166 092 euros,

- le chef de redressement n°10 de la lettre d'observations notifiée par l'Urssaf en date du 9 octobre 2012 relatif au caractère collectif et obligatoire d'un régime de prévoyance correspondant à un montant de 207 465 euros,

- les majorations de retard réclamées par l'Urssaf sur le fondement des redressements n°1 et 10 annulés par le présent jugement.

- débouté l'Urssaf Ile de France de ses demandes reconventionnelles au titre des chefs de redressement n°1 et 10,

- confirmé le chef de redressement n°4 de la lettre d'observations notifié par l'Urssaf le 9 octobre 2012 relatif à l'utilisation de la carte carburant à titre professionnel,

- condamné la société à régler le chef de redressement n°4 sur la base du calcul retenu par le tribunal,

- renvoyé l'Urssaf à procéder au nouveau calcul du chef de redressement n°4 en limitant l'assiette du redressement au montant cumulé de ces prises de carburant marginales et non conformes, soit 33 370 euros,

- renvoyé l'Urssaf à procéder au nouveau calcul des majorations de retard relative au chef de redressement n°4.

Le jugement lui ayant été notifié le 23 octobre 2017, l'Urssaf en a interjeté appel le 23 novembre 2017.

Dans des écritures reprises oralement à l'audience par son représentant, l'Urssaf demande à la cour de :

- dire son appel recevable et bien fondé,

- lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas le chef de dispositif du jugement déféré qui concerne le chef de redressement n°10 relatif au caractère collectif et obligatoire d'un régime de prévoyance,

- infirmer le jugement déféré s'agissant du chef de redressement n°1 relatif au caractère collectif d'un régime de retraite et du chef de redressement n°4 relatif à l'utilisation de la carte carburant,

- dire bien fondé le chef de redressement n°1 et confirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable du 16 septembre 2013,

- dire bien fondé le chef de redressement n°4 pour une somme de 76 725 euros et confirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable,

Subsidiairement, par impossible,

- juger qu'il y a lieu de ramener le chef de redressement n°4 à la somme de 63 872 euros,

- condamner la société à lui payer la somme de 523 220 euros correspondant à 422 492 euros à titre de cotisations et contributions sociales et la somme de 100 728 euros à titre de majorations de retard pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011,

Subsidiairement, dans le cas où le jugement entrepris serait confirmé s'agissant du chef de redressement n°4,

- condamner la société à payer à l'Urssaf la somme de 409 639 euros en cotisations et contributions sociales pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011,

- condamner la société au paiement des majorations de retard restant dues et pour ce faire renvoyer les parties à faire leur compte,

- débouter la société de ses plus amples, moyens, fins et conclusions.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société Qualiconsult demande à la cour de :

- rectifier les erreurs contenues dans l'ensemble des dispositions du jugement entrepris en remplaçant les occurrences présentes à chaque page du jugement correspondant à la « S.A.S. Qualiconsult Exploitation I.D.F. » par la société SAS Qualiconsult.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé le chef de redressement n°4 de la lettre d'observations notifiée par l'Urssaf dans sa lettre d'observations du 9 octobre 2012 ;

En conséquence :

- annuler le chef de redressement n° 4 de la lettre d'observations notifiée par l'Urssaf le 9 octobre 2012, relatif à l'utilisation de la carte carburant à titre professionnel correspondant à un montant de 76.725 euros;

- annuler les majorations de retard réclamées par l'Urssaf sur le fondement du chef de redressement n° 4, ou à tout le moins, d'accorder leur remise à la société,

A titre subsidiaire :

- réduire le redressement fondé sur l'utilisation de la carte carburant en tenant compte uniquement des prises de carburant réalisées un samedi ou un dimanche, soit une assiette de 70.000 euros et un montant du redressement ramené au principal à 26.992 euros ;

- réduire le montant de la mise en demeure correspondante notifiée par l'Urssaf le 21 décembre 2012 à de plus justes proportions ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°1 relatif au caractère collectif d'un régime de retraite complémentaire et le chef de redressement n°10 relatif au caractère collectif et obligatoire d'un régime de prévoyance et les majorations de retard y afférents,

A titre subsidiaire,

- réduire le redressement fondé sur le chef de redressement n°1 relatif au caractère collectif d'un régime de retraite supplémentaire pour le ramener à hauteur de 30.074 euros;

- réduire le montant de la mise en demeure correspondante notifiée par l'Urssaf le 21 décembre 2012 à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

- débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner l'Urssaf à payer à la société la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'Urssaf aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience du 10 février 2022 pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.

SUR CE, LA COUR

1. Sur l'erreur matérielle

La cour a constaté, comme les parties, que le jugement déféré comprenait une erreur matérielle en ce qu'il dénomme la société « Qualiconsult Exploitation I.D.F » alors qu'il n'est pas contestable que sa dénomination exacte est « Qualiconsult », cette erreur sera si nécessaire rectifiée par le présent arrêt.

2. Sur le fond

Il ressort des conclusions respectives des parties, dont elles ont repris le contenu oralement à l'audience du 10 février 2022 que seul le redressement n°1 relatif au régime de retraite à cotisations définies et le redressement n°4 relatif aux avantages en nature et participation véhicule : principe et évaluation » sont en discussion entre les parties devant la Cour, ainsi que la demande de remise des majorations de retard.

2.1 Sur le chef de redressement n°1 « régime de retraite supplémentaire à cotisations définies : non-respect du caractère collectif »

L'article L. 242-1, alinéa 6, du Code de la sécurité sociale pose en principe que sont exclues, dans la limite d'un plafond, de l'assiette des cotisations de sécurité sociale les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées par les organismes assureurs habilités, lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé par accord collectif, accord référendaire ou décision unilatérale de l'employeur.

L'article D.242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable : « Les opérations de retraite mentionnées au septième alinéa de l'article L.242-1 sont celles organisées par des contrats d'assurances souscrits par un ou plusieurs employeurs ou par tout groupe d'employeurs auprès d'entreprises relevant du code des assurances, d'institutions de prévoyance régies par l'article III du livre IX du présent code ou d'organismes mutualistes relevant du livre II du code de la mutualité au profit d'une ou plusieurs catégories objectifves de salariés. La contribution de l'employeur est fixée à un taux uniforme pour chacune de ces catégories. »

Par engagement unilatéral du 10 janvier 2008, la société Qualiconsult, a décidé de garantir à ses salariés cadres dans le cadre de la mise en place d'un régime de retraite supplémentaire à cotisations définies et de retraites à prestations définies une rente trimestrielle à terme échu dont le montant sera au minimum égale à 5% du dernier salaire brut perçu par les bénéficiaires. La mise en place à effet du 1er janvier 2008 de ce régime s'est faite au moyen de la souscription par l'employeur d'un contrat d'assurance « Planéo » auprès de la société AGF Vie. L'intimée ne produit pas ce contrat, mais verse aux débats « le règlement du régime de retraite à cotisations définies (art 83) » et « le règlement du régime de retraite à cotisations prestations définies (art 39)» qui reprennent les dispositions du contrat d'assurance de groupe souscrit par l'employeur.

Il ressort de ces règlements que chacun de ces régimes de retraite s'appliquera « aux cadres ayant une fonction d'encadrement, au sens de l'usage pratiqué dans l'entreprise » et répondront à des conditions de fin de carrière et de liquidation des autres régimes de retraite, ces ces conditions n'ayant pas nécessité d'être examinées dans le cadre du présent litige.

Dans la lettre d'observations du 9 octobre 2012, l'inspecteur de l'Urssaf a relevé :

« Les conditions particulières de ce contrat précisent que celui-ci a pour date d'effet le 1er janvier 2008 et que la catégorie concerne les cadres ayant une fonction d'encadrement.

Dans les faits, ne sont concernés par ce contrat que les salariés ayant une fonction de direction.

Les termes de la législation tels que définis plus haut précisent que l'exonération du financement patronal de ces contrats est subordonnée au respect du caractère collectif.

Or, la catégorie visée au contrat, exclue une partie des cadres et en ce sens ne constitue pas une catégorie objective.

Par conséquent, la participation patronale de ce contrat ne peut bénéficier des exonérations prévues par les textes cités en préambule.

Le financement par l'entreprise de ce contrat est réincorporé dans l'assiette des cotisations sociales sur l'ensemble de la procédure de contrôle. »

Pour contester ces éléments, la société fait valoir :

- en premier lieu, que l'inspecteur de l'Urssaf a requalifié la catégorie des bénéficiaires du régime en « salariés ayant une fonction de direction », sans justification, ni fondement,

- en second lieu, que la catégorie à laquelle elle entendait réserver le bénéfice du régime de retraite complémentaire est inspirée de la classification professionnelle prévue par la convention collective nationale des personnels des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (convention Syntec), en ce qu'elle correspond aux catégories de classification professionnelles 3.2 et 3.3 de cet accord collectif, et ce en adéquation avec les dispositions de la circulaire du 30 janvier 2019, applicable à la période contrôlée,

- en troisième lieu, que cette référence aux catégories de la convention collective est conforme aux dispositions de l'article R.242-1-1 du code de la sécurité sociale, issu du décret du 9 janvier 2012, qui énonce notamment comme critère objectif permettant d'établir le caractère collectif du contrat « la place dans les classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés au livre deuxième de la deuxième partie du code du travail », nonobstant le fait que le premier juge ne soit pas prononcé sur ce point, dans la mesure où aucune observation pour l'avenir n'a été formulée par l'Urssaf et que ce texte n'était pas applicable au moment du contrôle.

S'agissant du reproche fait par l'appelante à l'Urssaf d'avoir requalifié la catégorie des bénéficiaires du régime de retraite, en « salariés ayant une fonction de direction », c'est-à-dire en « cadre dirigeant », il convient de souligner que, contrairement à ce que soutient l'intimée, il s'agit d'une constatation de fait et non de droit. Il y a lieu de rappeler que les mentions du procès-verbal des agents de contrôle, dont la lettre d'observations est un élément constitutif, font foi jusqu'à preuve contraire et qu'il appartient au cotisant qui les conteste d'en rapporter la preuve contraire. Or, au cas particulier, la société ne produit aucune pièce susceptible d'établir qu'un cadre de la société, n'exerçant pas de fonction de direction au moment de son départ, a bénéficié du régime de retraite complémentaire litigieux. Elle n'établit donc pas que les constatations de fait de l'inspecteur de l'Urssaf, qu'elle conteste par de simples affirmations, sont inexactes.

En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle le caractère collectif de l'avantage de retraite complémentaire serait établi au motif qu'il est attribué à des cadres dont les fonctions correspondent à la classification professionnelle 3.2 et 3.3 de la convention Syntec dont dépend l'entreprise, il convient de constater qu'il n'est pas fait référence à ces catégories de salariés dans la décision unilatérale de l'employeur qui indique « la société Qualiconsult a considéré qu'il était important de compléter les droits à retraite de ses cadres ayant une fonction d'encadrement, en raison, notamment de l'avenir du rendement du régime de retraite par répartition dont ils bénéficient déjà. » et qu'il a été relevé plus avant que ce régime avait vocation à s'appliquer selon les termes même du règlement : « aux cadres ayant une fonction d'encadrement, définis selon l'usage de l'entreprise Qualiconsult à condition de faire partie de la catégorie ci-avant définie au 1/01/2008 ». Force est de constater qu'il n'existe aucune référence aux catégories définies par la convention Syntec dans la décision unilatérale de l'employeur et que celui-ci n'est donc pas fondé à les revendiquer à posteriori pour établir le caractère collectif du régime de retraite complémentaire qu'il a mis en place au profit de certains de ses salariés, ce d'autant plus qu'il n'établit même pas qu'au 1er janvier 2008 les catégories qu'il revendiquent existaient dans cette convention collective et que ce texte était applicable à la société.

S'agissant du caractère collectif au regard des dispositions de l'article R.242-1-1 du code de la sécurité sociale, l'intimée reconnaît que ce texte issue du décret 9 janvier 2012 est postérieur au contrôle litigieux, et de ce fait, inapplicable à la présente cause.

Dès lors, c'est à bon droit que l'Urssaf a considéré que le caractère collectif du régime de retraite complémentaire mis en oeuvre par la décision unilatérale de l'employeur du 1er janvier 2008 n'était pas établi et que la part financée par l'employeur de ce régime devait être réintégrée dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

La décision du premier juge sera infirmée sur ce point.

2.2. Sur le chef de redressement n°4 « Avantages en nature et participation véhicule : principe et évaluation ».

En application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations. S'agissant de la mise à disposition du salarié par l'employeur d'un véhicule, en l'absence de justificatif établissant que le véhicule est à un usage exclusivement professionnel, l'économie de frais réalisé par le salarié doit donner lieu à l'intégration dans l'assiette des cotisations et contributions sociales de l'avantage en nature. En application de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002, l'avantage en nature peut résulter de l'usage privé par le salarié d'un véhicule pour lequel il bénéficie d'une «mise à disposition permanente ». Au cas particulier, il n'est pas contesté par la cotisante qu'elle mettait à disposition de façon permanente de certains de ses salariés des véhicules automobiles et qu'elle évaluait, d'une manière qui n'est pas contestée l'organisme de sécurité sociale cet avantage en nature par d'un manière forfaitaire, soit 9 % du prix d'achat remisé du véhicule, ce mode de calcul ressortant du point 4.7.2 de la procédure interne de la société.

Outre la mise à disposition des véhicules, la société mettait à disposition de manière permanente des salariés, bénéficiant d'un véhicule, une « carte carburant » permettant la prise en charge par l'employeur des frais de carburant. Les parties divergent sur la preuve des modalités d'usage de cette carte, permettant ou non d'en établir l'usage à titre personnel par les salariés qui en bénéficiaient.

Il n'est pas contesté que la procédure interne de la société dans son point 4.7.2 précise :

« La société doit apporter la preuve de la prise en charge par le collaborateur du carburant consommé pour ses déplacements privés (utilisation pendant le week-end, jours fériés, congés payés, R.T.T). La méthode acceptée par la législation est la suivante :

- le collaborateur doit effectuer le plein du véhicule avec la carte de carburant société la veille du jour non travaillé (ex vendredi soir). La société prend donc en charge la dépense,

- le collaborateur effectue le plein à sa charge le 1er jour de reprise (ex : lundi matin) et joint le justificatif pour preuve de note de frais (soit au minimum un justificatif par semaine joint à sa note de frais mensuelle). Si le véhicule n'a pas été utilisé à titre privé, il doit être mentionné sur un document signé du collaborateur qui sera agrafé à sa note de frais « pas d'utilisation à titre privé (date à préciser ) »

Il n'est pas contesté que cette procédure correspond à celle de décrite dans la circulaire DSS/SDFSS/5B n°2005-389 du 19 août 2005, dont il est indiqué qu'elle peut constituer un moyen de preuve suffisant de la prise en charge par le salarié des frais de carburant engagés à titre personnel.

Dans la lettre d'observations du 9 octobre 2012, l'Urssaf a relevé que cette procédure n'était en réalité pas mise en oeuvre par la société et a déduit de ce constat qu'elle ne rapportait pas la preuve de la prise en charge directe par les salariés du montant du carburant qu'ils dépensaient lorsqu'ils se servaient du véhicule mis à disposition pour leur usage personnel. L'organisme de sécurité sociale a donc réévalué l'assiette des avantages en nature et des participations à hauteur de 12% du prix d'achat TTC remisé pour tenir compte de la prise en charge du carburant.

Pour contester cette analyse, la société soutient qu'il appartient à l'appelante de rapporter la preuve de ce que les frais de carburant consommés par les salariés constituent un avantage en nature. Ce moyen est inopérant puisqu'il est acquis que le litige porte sur les frais de carburant consommés les week-end, jours fériés, congés payés, R.T.T des jours fériés, donc nécessairement à titre personnel.

L'intimée soutient également que l'Urssaf ne peut lui reprocher de ne pas avoir fourni les justificatifs établissant la mise en oeuvre de cette procédure : preuve du plein effectué la veille du jour férié aux frais de la société, preuve du plein effectué au 1er jour de la reprise aux frais du salarié) ou attestation de non utilisation durant la période intermédiaire entre deux utilisations professionnelles de la mise en oeuvre, car la production de ces documents n'est pas imposée par la circulaire précitée. Elle soutient que le seul fait qu'elle prescrive à ses salariés de respecter ce mode opératoire établit la preuve de la prise en charge par ces derniers des frais de carburant, qu'ils exposent à titre personnel. Mais ce moyen est sans fondement dans la mesure où la société ne peut sérieusement soutenir qu'elle imposait à ses salariés une obligation quant à la prise en charge sur leurs deniers propres des frais de carburant exposés à titre personnel, sans exercer de contrôle sur la mise en oeuvre de cette prétendue contrainte. Or, il n'est pas contesté par l'intimée qu'elle n'a produit lors du contrôle aucun des justificatifs prévus dans le cadre de la procédure interne qu'elle avait elle-même définie.

C'est à bon droit que l'Urssaf a considéré que la société ne rapportait pas la preuve du fait que les salariés, titulaires de manière permanente d'une carte carburant au nom de l'employeur, prenaient en charge sur leurs deniers propres les frais de carburant qu'ils exposaient à titre personnel.

Le chef de redressement n°4 est fondé et le jugement sera infirmé sur ce point

3. Sur les majorations de retard.

L'Urssaf fait valoir à juste titre qu'elle n'est pas tenue de détailler dans la mise en demeure le montant des majorations de retard par chefs de redressement, dont l'application sur la période de contrôle s'impose de plein droit.

S'agissant de la demande de remise de majorations de retard, l'appelante fait également valoir à bon droit qu'une telle demande n'est recevable qu'après règlement complet des cotisations ayant donné lieu à l'application de ces majorations et pénalités et qu'en outre, toute demande de remise de majorations de retard ou de pénalités doit être soumise préalablement à l'Urssaf ou à la commission de recours amiable.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

4. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Qualiconsult, succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019 et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DIT que dans le jugement déféré du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 9 octobre 2017 (RG n°15-02227) les mots « Qualiconsult exploitation I.D.F » doivent être remplacés par le mot « Qualiconsult » ;

INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 9 octobre 2017 (RG n°15-02227) en ce qu'il a :

- annulé pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 le chef de redressement n°1 de la lettre d'observations notifiée par l'Urssaf Ile de France en date du 9 octobre 2012 relatif au caractère collectif d'un régime de retraite supplémentaire correspondant à un montant de 166 092 euros et les cotisations de retard y afférents,

- débouté l'Urssaf de sa demande reconventionnelle en paiement au titre du chef n°1,

- confirmé le chef de redressement n°4 de la lettre d'observations notifiée par l'Urssaf Ile de France du 9 octobre 2012 relatif à l'utilisation de la carte carburant à titre professionnel,

- condamné la société Qualiconsult à régler le chef de redressement n°4 sur la base de calcul retenue par le tribunal,

- renvoyé l'Urssaf Ile de France a procéder au nouveau calcul du chef de redressement n°4 en limitant l'assiette de redressement au montant cumulé de ces prises de carburant marginales et non conformes, soit 33 3370 euros,

- renvoyé l'Urssaf Ile de France à procéder au nouvel calcul des majorations de retard relatives au chef de redressement n°4,

- annulé les majorations de retard du chef de redressement n°1,

Et statuant à nouveau ;

VALIDE le chef de redressement n°1 : « Régime de retraite supplémentaire à cotisations définies : non respect du caractère collectif » de la lettre d'observations notifiée par l'Urssaf Ile de France le 9 octobre 2012 pour un montant de 166 092 euros, outre les majorations de retard,

VALIDE le chef de redressement n°4 : « Avantages en nature et participation véhicule : principe et évaluation » de la lettre d'observations notifiée par l'Urssaf Ile de France le 9 octobre 2012 pour un montant de 76 725 euros, outre les majorations de retard,

CONDAMNE la société Qualiconsult à payer à l'Urssaf la somme de 523 220 euros représentant 422 492 euros au titre des cotisations et contributions sociales et 100 728 euros en majorations de retard provisoires restant dues au titre des chefs de redressement de la lettre d'observations notifiée le 9 octobre 2012,

CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 9 octobre 2017 pour le surplus,

CONDAMNE la société Qualiconsult aux dépens de la procédure d'appel engagés depuis le 1er janvier 2019 et la déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/14253
Date de la décision : 22/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-22;17.14253 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award