RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 22 avril 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/11779 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4ECM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Créteil RG n° 13-00465
APPELANT
Monsieur [O] [X]
né le 08 Novembre 1981 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476, substitué par Me Nathalie BAILLOD, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
SAS [6]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372, substituée par Me Audrey BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1815
CPAM DU VAL DE MARNE
Division du Contentieux,
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 25 mars 2022, prorogé au vendredi 22 avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [O] [X] d'un jugement rendu le 28 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à la SAS [6] (la société), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [O] [X], salarié de la société en qualité de chaudronnier soudeur, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle le 20 septembre 2011 pour un canal carpien bilatéral, sur la base d'un certificat médical initial en date du 15 septembre 2011, puis une autre déclaration de maladie professionnelle le 9 octobre 2012 pour une épicondylite bilatérale, sur la base d'un certificat médical initial en date du 3 octobre 2012 ; que les 27 février 2012 et 22 février 2013, la caisse a notifié à M. [X] et à la société la prise en charge de ces maladies au titre de la législation professionnelle ; que pour le syndrome du canal carpien droit, l'assuré a été consolidé le 9 avril 2012 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 5 % porté à 9% par décision du tribunal du contentieux de l'incapacité du 26 février 2014 ; qu'entre-temps, M. [X] a déclaré une rechute du canal carpien droit du 27 septembre 2012, consolidée le 29 janvier 2013 ; que pour le canal carpien gauche, M. [X] a été consolidé le 29 janvier 2013, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 6 % porté à 8 % par décision du tribunal du contentieux de l'incapacité du 26 février 2014 ; que pour l'épicondylite droite, M. [X] a été consolidé le 30 avril 2013 avec un taux d'incapacité de 6 % porté à 9 % par le tribunal du contentieux de l'incapacité du 26 février 2014 ; que pour l'épicondylite gauche, M. [X] a été consolidé le 30 avril 2013 avec attribution d'un taux d'incapacité de 3 %, porté à 8 % par décision du tribunal du contentieux de l'incapacité du 26 février 2014 ; que le 13 avril 2013, M. [X] a été licencié pour inaptitude ; que le 23 avril 2013, M. [X] a saisi la caisse aux fins de conciliation ; que le 30 avril 2013, M. [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement en date du 28 juin 2017, le tribunal a :
vu le jugement en date du 20 mars 2014 ayant ordonné la jonction des recours ;
vu le jugement en date du 15 janvier 2015, ayant déclaré opposable à la société la prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de l'affection du syndrome bilatéral du canal carpien, déclarée par M. [O] [X], le 15 septembre 2011 ;
- donné acte à la caisse de son rapport à justice ;
- dit que les maladies déclarées par M. [O] [X] syndrome du canal carpien bilatéral-le 15 septembre 2011- épicondylite des coudes droit et gauche- le 3 octobre 2012, ne sont pas dues à la faute inexcusable de son employeur, la SAS [6] ;
- débouté M. [X] de toutes ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
M. [O] [X] a le 25 septembre 2017 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 11 septembre 2017.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, M. [O] [X] demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :
- dire que les maladies professionnelles syndrome du canal carpien bilatéral du 15 septembre 2011 et épicondylite bilatérale du 3 octobre 2012 dont il a été victime résultent de la faute inexcusable de la société ;
- ordonner la majoration à leur maximum des deux rentes qui lui ont été allouées ;
- désigner un expert avec mission d'évaluer les préjudices qu'il conserve pour chacune de ses maladies professionnelles, en prenant en considération la décision du Conseil cosntitutionnel n°2010-8 Q P C et selon la mission proposée ;
- lui allouer la somme de 8 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, étant précisé en tant que de besoin que cette somme sera avancée par la caisse conformément à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;
- condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour, de :
A titre principal :
- confirmer le jugement entrepris ;
- déclarer que M. [X] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable de la société ;
en conséquence,
- débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner M. [X] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens .
A titre subsidiaire :
- déclarer inopposables à la société les décisions rendues par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris ;
- déclarer que l'action récursoire de la caisse ne pourra porte, à l'égard de l'employeur, que sur les taux d'incapacité pris individuellement pour chacune des maladies déclarées ;
- limiter la mission de l'expert aux seuls postes de préjudice s énumérés par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;
- débouter M. [X] de sa demande de provision et subsidiairement la réduire sensiblement ;
- déclarer que les sommes allouées seront avancées par la caisse en application des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;
- renvoyer les parties devant le tribunal pour qu'il soit statué sur les demandes de M. [X] et ce afin de préserver le principe du double degré de juridiction ;
- débouter M. [X] et, en tant que de besoin toute autre partie, du surplus de leurs demandes.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil la caisse demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable présentée par M. [X] à l'encontre de la société, en application de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale ;
Dans le cas où la cour reconnaîtrait la faute inexcusable de l'employeur :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice, d'une part, sur le montant de la majoration des indemnités en capital versées à M. [X] dans les limites de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, et d'autre part, sur le principe de la demande en réparation des différents préjudices invoqués par M. [X] ;
- écarter de la mission de l'expert, l'évaluation du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'anxiété ;
- réduire à de plus justes proportions le montant de la provision sollicitée par M. [X] ;
En tout état de cause :
- condamner la société à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de sa faute ;
- en conséquence, dire que la caisse récupérera les sommes dont elle a aura été amenée à faire l'avance auprès de la société.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 26 janvier 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE :
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
La Cour de cassation a retenu par arrêt du 9 septembre 2021 que :
'En application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant. L'effectivité de ce droit impose, en particulier, d'avoir égard à l'obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter.
Aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel :
« La déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision. »
À la différence de l'article 901 du même code, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.
Il se déduit de l'article 562, alinéa 1er, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié). De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié).
Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier.
Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. (2° Civ., 9 septembre 2021, pourvois n° 20-13.673 ...).
En l'espèce, la déclaration d'appel 'total' qui tend à la réformation de la décision déférée à la cour, même si elle omet d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. Par suite il convient de retenir l'effet dévolutif de l'appel de M. [X].
Sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur :
Il résulte de l'application combinée des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ou de la maladie l'affectant ; il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée.
Il incombe néanmoins au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur dont il se prévaut ; il lui appartient en conséquence de prouver, d'une part que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d'autre part que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l'employeur est une cause certaine et non simplement possible de l'accident ou de la maladie.
En l'espèce, M. [X] soutient en substance que la société était consciente du danger auquel il était exposé, au regard de son activité consistant à usiner des quantités de pièces identiques dès lors que le tableau des maladies professionnelles n° 57 a été créé le 9 novembre 1972 ; que l'employeur a l'obligation d'évaluer les risques et qu'en l'absence d'évaluation des risques complète et effective la société ne saurait invoquer sa propre carence ; que le code du travail prévoit une évaluation particulière du risque en cas d'exposition aux vibrations mécaniques, alors que les machines anciennes et tout particulièrement la poinçonneuse sur laquelle il travaillait habituellement soumettaient les salariés aux vibrations mécaniques ; qu'une réglementation ancienne de la manutention de charges, prescrit à l'employeur de se renseigner et d'informer son personnel. Il soutient que la société a manqué à ses obligations en raison de l'absence de mise à disposition d'un matériel conforme et adapté, de l'absence de respect des dispositions relatives aux machines vibrantes, de l'absence de mise à disposition d'un matériel adapté pour la manutention de charges et de l'absence de formation et d'information quant aux gestes et postures. Il conclut que la société a manqué à ses obligations malgré sa connaissance du risque, ce qui caractérise sa faute inexcusable.
La société réplique en substance que M. [X] est défaillant dans l'administration de la preuve de la faute inexcusable qui lui incombe ; que le poste auquel il était affecté était un poste polyvalent ; que les machines ne sont ni vétustes ni obsolètes et répondent toutes aux normes réglementaires ; que les salariés bénéficiaient de matériels de levage pour la manipulation de grosses pièces ; que M. [X] travaillait sur les machines conformes avec des matériaux de qualité de sorte qu'il n'était exposé à aucun danger particulier pour sa santé ; qu'il a été systématiquement déclaré apte par la médecine du travail ; qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et que M. [X] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle avait ou aurait dû avoir conscience d'un danger auquel il aurait été exposé.
Il résulte des déclarations de Mme [G], PDG de la société, dans le cadre du rapport d'enquête de la caisse (pièce n° 19 des productions de l'appelant) que si M. [X] était polyvalent, comme l'ensemble du personnel, il travaillait principalement sur le poste 'poinçonneuse', les taches consistant à marquer les pièces des initiales de l'entreprise et à usiner les pièces pour les perforer, que les tôles étaient acheminées jusqu'au poste à l'aide d'un Fenwick puis déposées sur le tapis de la machine, que selon la commande, les matrices de la machine étaient insérées, s'agissant de matrices rondes, positionnées dans la machine et serrées au moyen d'une clé, que les pièces étaient automatiquement marquées et perforées.
Il résulte du questionnaire de l'assuré que M. [X] a déclaré travailler à titre principal sur la poinçonneuse, sur laquelle ses mains étaient sur un tablier qu'il fallait tirer, pousser, avancer, reculer, que les tôles en aluminium coupées pesaient 10 à 30 kg , tandis que les tôles non coupées pouvaient peser jusqu'à 90 kg. Il indiquait que selon lui, l'utilisation très fréquente et répétée de la poinçonneuse est à l'origine de ses lésions, qu'en effet lors d'importantes séries de conception de pièces de blindage, ses mains étaient en appui répété et prolongé dans un tablier qu'il fallait pousser, tirer, avancer et reculer de droite à gauche, d'avant en arrière. (pièce n° 7 des productions de l'appelant).
M. [S] [B], ancien collègue de travail de M. [X] atteste que les tôles de blindage pesaient de 30 à 90 kg et que M. [X] faisait appel à deux ouvriers afin de les 'cisailler, les retourner et les acheminer vers la poinçonneuse' dont il avait l'usage principal, que le 'maintien en position des tôles à poinçonner était assuré par un tablier qui devait être déplacé manuellement sur la superficie totale d'un gabarit de reproduction afin de percer les trous dans les blindages, que 'la planéité aléatoire des tôles entraînait un effort manuel supplémentaire lors du déplacement des pièces à poinçonner'. (Pièce n° 24 des productions de l'appelant).
Il résulte de l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 19 mars 2013 que M. [X] a été déclaré, après étude de poste le 7 mars 2013, inapte au poste de chaudronnier soudeur car inapte aux mouvements de manutention manuelle, inapte aux mouvements de serrage avec les deux mains et inapte aux gestes répétitifs avec les deux membres supérieurs, outre inapte au travail sur machines vibrantes. (pièce n° 11 des productions de l'appelant).
Il résulte de ce qui précède que M. [X] a été exposé de manière habituelle aux risques d'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail du tableau n°57 des maladies professionnelles dont il a été reconnu atteint au titre du syndrome carpien bilatéral et de l'épicondylite bilatérale.
L'article R.4121-1 du code du travail prévoit que 'l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L.4121-3 du code du travail'.
L'article R.4541-5 du même code prévoit que 'lorsque la manutention manuelle ne peut être évitée, l'employeur : 1° Evalue les risques que font encourir les opérations de manutention pour la santé et la sécurité des travailleurs ; 2° Organise les postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, notamment dorso lombaires, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques ou, à défaut de pouvoir les mettre en oeuvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible'.
En l'espèce force est de constater que le document d'évaluation des risques datant du 16 décembre 2002 établi par la société, antérieurement à la constatation des maladies professionnelles, est insuffisant en ce qu'il ne détaille pas les postes de travail occupés par les salariés et notamment le poste poinçonneuse et en ce qu'il ne recense pas les risques qui y sont liés (pièce n° 14 des productions de l'appelant).
Il en résulte que la société qui n'a pas procédé à une évaluation des risques efficiente avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'elle n'a pas pris les mesures suffisantes pour les éviter notamment en organisant le poste de travail de façon à éviter ou réduire les risques en mettant à la disposition du salarié des aides mécanique ou des accessoires de préhension propres à rendre sa tâche moins pénible.
La société ne saurait utilement se prévaloir de ce que le poste de M. [X] était polyvalent et qu'il lui évitait tout geste contraignant ou répété, dès lors que le caractère répétitif des gestes effectués a été retenu dans le cadre de la reconnaissance du caractère professionnel des maladies et ainsi qu'il résulte de l'avis d'inaptitude du médecin du travail. Il importe peu que les machines aient été régulièrement contrôlées, qu'elles soient conformes à l'utilisation prévue par le constructeur, alors qu'il résulte de l'attestation de la société [5] (pièce n° 11 des productions de la société) que cette société vérifie le maintien en état de conservation des machines et que concernant la poinçonneuse, le rapport de visite n'a pas fait état d'un défaut de conservation, ce qui ne permet pas de conclure que la machine ne présentait aucun risque pour la sécurité et la santé des salariés dans l'utilisation qui en était faite. Il importe peu que M. [X] ait été déclaré apte au travail jusqu'au 20 mai 2011, dès lors qu'il est établi que la société n'a pas rempli ses obligations en matière d'évaluation des risques . La société ne saurait se prévaloir de ce que l'inspecteur du travail s'est rendu au sein de l'entreprise le 8 octobre 2012 et qu'il n'a constaté aucune anomalie, sur ses seules affirmations (pièce n° 16 de ses productions) sans autre pièce corroborant ces affirmations. La circonstance que le rapport de la caisse indique que les ouvriers n'ont pas de poste attitré, que les tâches s'effectuent par rotations, que les différents postes de l'atelier sont automatisés et que les employés disposent d'un fenwick pour le chargement des grosses pièces et de chariots ou de diables (pièce n° 17 des productions de la société) n'est pas de nature à établir que la société a pris les mesures suffisantes pour éviter les dangers pour son salarié.
Par suite, il convient par infirmation du jugement déféré, de retenir que la société qui devait ou aurait dû avoir conscience du danger et qui n'a pas pris les mesures nécessaires et suffisantes pour préserver son salarié, a commis une faute inexcusable qui est à l'origine des maladies professionnelles dont M. [X] a été déclaré atteint.
Sur les conséquences de la faute inexcusable :
M. [X] est fondé en sa demande de majoration des indemnités en capital attribuées, par application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, aucun taux d'incapacité n'étant supérieur à 10 %.
Il est fondé à solliciter une expertise, l'expert ayant la mission telle que précisée au dispositif de l'arrêt, afin d'évaluer les préjudices subis.
Au regard des éléments médicaux produits, il convient d'allouer à M. [X] une provision de 2 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices.
La caisse qui fera l'avance des majorations et provision ainsi allouées, en récupérera le montant auprès de la société, dans la limite des taux d'incapacité pris individuellement pour chaque maladie et dans la limite des taux initiaux, seuls opposables à la société.
Succombant en l'appel de M. [X], comme telle tenue aux dépens, la société sera condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DIT que l'appel opère effet dévolutif ;
INFIRME le jugement déféré en ses dispositions relatives à la faute inexcusable ;
STATUANT à nouveau de ce chef,
JUGE que les maladies professionnelles dont M. [O] [X] a été victime les 15 septembre 2011 et 3 octobre 2012 sont dues à la faute inexcusable de la société [6].
FIXE au maximum prévu par la loi la majoration des capitaux alloués à M. [O] [X] ;
AVANT DIRE DROIT sur la réparation des préjudices personnels de M. [X]':
Ordonne une expertise médicale judiciaire et désigne pour y procéder le
Docteur [L] [U]
[Adresse 4]
Tél : [XXXXXXXX01]
Email : [Courriel 8]
- Donne mission à l'expert de :
- entendre tout sachant et , en tant que de besoin, les médecins ayant suivi la situation médicale de M. [O] [X]
- de convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception,
- d'examiner M. [O] [X],
- d'entendre les parties.
-Dit qu'il appartient à l'assuré de transmettre sans délai à l'expert ses coordonnées (téléphone, adresse de messagerie, adresse postale) et tous documents utiles à l'expertise, dont le rapport d'évaluation du taux d'IPP;
-Dit qu'il appartient au service médical de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne de transmettre à l'expert sans délai tous les éléments médicaux ayant conduit à la prise en charge des maladies, et notamment le rapport d'évaluation du taux d'IPP;
-Dit qu'il appartient au service administratif de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne de transmettre à l'expert sans délai le dossier administratif et tous documents utiles à son expertise';
- Rappelle que M. [X] devra répondre aux convocations de l'expert et qu'à défaut de se présenter sans motif légitime et sans en avoir informé l'expert, l'expert est autorisé à dresser un procès verbal de carence et à déposer son rapport après deux convocations restées infructueuses ;
- Dit que l'expert devra :
-décrire les lésions occasionnées par chacune des maladies professionnelles
-en tenant compte de la date de consolidation fixée par la caisse, et au regard des lésions imputables à chaque maladie professionnelle:
-fixer les déficits fonctionnels temporaires en résultant, total et partiels,
-les souffrances endurées, en ne différenciant pas dans le quantum les souffrances physiques et morales,
- le préjudice esthétique temporaire et permanent,
- le préjudice d'agrément existant à la date de consolidation, compris comme l'incapacité d'exercer certaines activités régulières pratiquées avant les maladies,
- le préjudice sexuel,
- dire si l'assistance d'une tierce personne avant consolidation a été nécessaire et la quantifier,
-dire si des frais d'aménagement du véhicule ou du logement ont été rendus nécessaires,
-donner toutes informations de nature médicale susceptibles d'éclairer une demande faite au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,
-fournir tous éléments utiles de nature médicale à la solution du litige.
Dit que l'expert constatera le cas échéant que sa mission est devenue sans objet en raison de la conciliation des parties et, en ce cas, en fera part au magistrat chargé du contrôle de l' expertise ;
Dit que l'expert pourra en tant que de besoin être remplacé par simple ordonnance du président du Pôle social du tribunal judiciaire de Créteil ;
Ordonne la consignation par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne auprès du Régisseur du tribunal judiciaire de Créteil dans les 60 jours de la notification du présent arrêt de la somme de 1 200 euros à valoir sur la rémunération de l'expert ;
Dit que l'expert devra de ses constatations et conclusions rédiger un rapport qu'il adressera au greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Créteil ainsi qu'aux parties dans les 4 mois après qu'il aura reçu confirmation du dépôt de la consignation ;
ALLOUE à M. [O] [X] une indemnité provisionnelle d'un montant de 2 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels ;
DIT que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne devra verser directement à M. [X] la majoration des indemnités en capital allouées ainsi que l'indemnité provisionnelle accordée ;
CONDAMNE la société [6] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne les sommes dont elle doit faire l'avance, dans la limite des taux d'incapacité fixé initialement pour chacune des maladies ;
CONDAMNE la société [6] à payer à M. [O] [X] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société [6] aux dépens d'appel ;
RENVOIE l'affaire devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins de liquidation du préjudice.
La greffière,La présidente,