RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 22 Avril 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/11238 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4BF5
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/00845
APPELANTE
URSSAF - ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
TSA 80028
[Localité 3]
représentée par M. [J] [F] [H] en vertu d'un pouvoir général
INTIME
Monsieur [M] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, non assisté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par l'URSSAF Île de France d'un jugement rendu le 27 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à Monsieur [M] [X].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu' à la suite du non-paiement des cotisations du 4ème trimestre 2011 et du 1er trimestre 2012, l'URSSAF Île de France a délivré le 23 janvier 2017 une contrainte, après mise en demeure infructueuse, signifiée le 26 janvier 2017 pour la somme de 16 367 euros outre les majorations de retard ; que Monsieur [M] [X] en a formé opposition le 9 février 2017.
Par jugement du 27 juin 2017, le tribunal a :
reçu l'opposition de Monsieur [M] [X] ;
dit que la contrainte signifiée le 26 janvier 2017 par l'URSSAF Île de France est annulée ;
dit que les frais resteront à la charge de l'URSSAF Île de France ;
rejeté les autres demandes plus amples ou contraires.
Le tribunal a jugé que l'URSSAF Île de France ne justifiait pas avoir adressé préalablement à l'émission de la contrainte litigieuse une mise en demeure, en violation des articles L 244-2 et L 244-9 du code de la sécurité sociale.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 6 août 2017 à l'URSSAF Île de France qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 29 août 2017.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF Île de France demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
réformer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris en date du 27 juin 2017 ;
statuant à nouveau :
dire et juger que les Premiers Juges ont violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
dire et juger que la contrainte sera validée pour les montants réclamées par mise en demeure des 2 mai 2012 et 15 juin 2012, soit ensemble 16 269 euros de cotisations puis 1 040 euros de majorations de retard et 60 euros de pénalités ;
dire et jugée non prescrite son action en recouvrement ;
condamner Monsieur [M] [X] au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que l'absence ou l'omission de verser aux débats un accusé de réception de mise en demeure n'est assurément pas un moyen d'ordre public puisque cette question donne lieu à des décisions contraires des Juridictions amenées à y répondre ; que l'absence d'accusé de réception d'une mise en demeure relèverait de « l'ordre public de protection » que la Première chambre civile interdit au juge de relever d'office au motif qu'il n'appartient qu'aux parties ; que si la mise en demeure du 8 juin 2012 a bien été envoyée avec demande d'accusé de réception, elle n'a pu le verser aux débats, faute de l'avoir retrouvé ; que la cour de céans a déjà validé partiellement les contraintes pour les mises en demeure adressées en lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ; que sa créance n'est pas atteinte de prescription.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience, Monsieur [M] [X] demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
débouter l'URSSAF Île de France de ses demandes fins et conclusions.
Il expose qu'il est établi et non contesté que l'URSSAF n'est pas en mesure de produire la copie de l'accusé de réception de sa mise en demeure en date du 15 juin 2012 visant les cotisations réclamées au titre du 4ème trimestre 2011 pour une somme de 10 143 euros en principal, 710 euros euros de majorations et 60 euros de pénalités ; que dès lors, c'est donc à bon droit qu'il été jugé par le Tribunal que cet organisme n'a pas respecté les obligations légales applicables susvisées en matière de contrainte et que par conséquent, la contrainte litigieuse est donc nulle ; qu'il n'est pas possible de considérer que la contrainte peut être validée pour les montants retenus dans les autres mises en demeure valablement notifiées ; qu'il est constant que l'acte notifié par l'huissier instrumentaire vise bien le règlement d'une contrainte portant sur une somme globale et non d'une créance « morcelée » dont l'exigibilité serait relative et modulable ; que l'article 2 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 exige que « le créancier (soit) muni d'un titre exécutoire constant une créance liquide et exigible » afin d'être en mesure d' « ...en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution » ; qu'en l'espèce, à l'évidence la créance visée par la contrainte litigieuse n'était ni liquide, ni exigible et ne pouvant faire l'objet de l'émission d'un titre exécutoire valide.
SUR CE,
- Sur le moyen tiré de la violation du contradictoire
En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge est tenu de respecter le contradictoire dès lors qu'il soulève un moyen d'office. Contrairement ce qu'affirme l'URSSAF, le tribunal a la faculté de relever tous les moyens de droit d'ordre public ou non, sous réserve de les soumettre au contradictoire des parties.
Si en matière de procédure orale, les moyens soulevés d'office par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement l'audience, la preuve contraire peut résulter des énonciations du jugement.
En la présente espèce, le tribunal a relevé que le moyen exposé par Monsieur [M] [X] au soutien de son opposition à la contrainte délivrée était la prescription de la créance. Le moyen soulevé d'office par le tribunal n'a pas été discuté préalablement par les parties, de sorte que la juridiction était tenue de rouvrir les débats afin de permettre aux parties de s'expliquer.
Le jugement déféré doit donc être infirmé sauf en ce qu'il a déclaré l'opposition recevable.
- Sur la nullité de la contrainte pour absence de mise en demeure préalable
L'article R 244-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret numéro 2009 ' 1596 du 18 décembre 2009 applicable au litige, dispose que :
L'envoi par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 155-1 de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.
Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant qui fait l'objet de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, saisit la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article R. 133-2, la prescription des actions mentionnées aux articles L. 244-7 et L. 244-11 est interrompue et de nouveaux délais recommencent à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif.
Selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
En la présente espèce, la contrainte émise le 23 janvier 2017 fait référence à trois mises en demeure pour respectivement les périodes du premier trimestre 2012 émise le 2 mai 2012, du premier trimestre 2012 émise le 8 juin 2012 et du quatrième trimestre 2011 émise le 15 juin 2012 pour respectivement 6 126 euros de cotisations et 330 euros de majorations de retard, 98 euros de cotisations et 5 euros de majorations de retard et 10'143 euros de cotisations, 60 euros de pénalités et 1 045 euros de majorations de retard.
L'URSSAF Île de France ne démontre pas avoir adressé en lettre recommandée avec demande d'accusé de réception la mise en demeure du 8 juin 2012. Faute de preuve d'une notification, elle est donc nulle en application des dispositions de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale.
La nullité de la mise en demeure privant de fondement l'obligation au paiement des sommes qui en font l'objet. En l'absence d'indivisibilité, les sommes correspondant à la mise en demeure annulée peuvent être retranchées de la contrainte sans affecter sa validité pour les sommes visées dans les mises en demeure régulières (Soc., 25 janvier 1990, pourvoi n° 87-11.638).
En conséquence, doivent être retranchées de la contrainte les sommes mentionnées dans la mise en demeure du 8 juin 2012, soit 98 euros de cotisations et 5 euros de majorations de retard.
En l'absence de tout autre moyen soulevé, il y a lieu de valider partiellement la contrainte pour les sommes suivantes :
- 16 269 euros de cotisations,
- 60 euros de pénalités,
- 1 040 euros de majorations de retard, soit la somme globale de 17 369 euros.
Monsieur [M] [X] qui succombe sera condamné aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement rendu le 27 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en ce qu'il a déclaré l'opposition de Monsieur [M] [X] à la contrainte décernée le 23 janvier 2017 recevable ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
ANNULE la mise en demeure en date du 8 juin 2012 ;
VALIDE partiellement la contrainte délivrée le 23 janvier 2017 pour les sommes suivantes :
- 16 269 euros de cotisations,
- 60 euros de pénalités,
- 1 040 euros de majorations de retard, soit la somme globale de 17 369 euros ;
CONDAMNE Monsieur [M] [X] à payer à l'URSSAF Île de France la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [M] [X] aux dépens d'appel.
La greffière, Le président.