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21/04/2022 | FRANCE | N°21/17534

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 avril 2022, 21/17534


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 21 AVRIL 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17534 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEODI



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Septembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/53227





APPELANTE



S.C.I. SCI VIA PIERRE 2, agissant poursuites et diligences en la person

ne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



1 Cours Michelet

CS 30051

92076 PARIS LA DEFENSE CEDEX



Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENE...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 21 AVRIL 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17534 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEODI

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Septembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/53227

APPELANTE

S.C.I. SCI VIA PIERRE 2, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

1 Cours Michelet

CS 30051

92076 PARIS LA DEFENSE CEDEX

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Laurent HAY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. SHOWROOM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

11 rue Alibert

75010 PARIS

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Daniel REIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 22 novembre 2012, la société Via Pierre 2 a donné à bail commercial à la société Showroom des locaux au rez-de-chaussée d'un immeuble situé 11 rue Alibert à Paris 10ème destinés exclusivement à la vente de prêt-à-porter hommes/femmes/enfants.

Le bail comprend une clause de résiliation de plein droit en cas de manquement par le preneur à l'un quelconque de ses engagements contractuels non régularisé dans le mois suivant la délivrance d'une sommation de s'exécuter ou d'un commandement de payer.

Le 6 octobre 2020, la société Via Pierre 2 a fait délivrer à sa locataire une sommation d'avoir à respecter la clause de spécialisation du bail en cessant, dans le mois de la délivrance de l'acte, la vente de produits qui ne sont pas stipulés dans le bail.

Par acte du 11 mars 2021, la société Via Pierre 2 a fait assigner la société Showroom devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail ;

- ordonner l'expulsion de la société Showroom et de tous occupants de son chef ;

- régler le sort des meubles ;

- condamner la société Showroom à lui payer une indemnité d'occupation provisionnelle de 13.664 euros charges en sus pour la période allant du 7 novembre 2020 au 7 mars 2021, puis de 3.416 euros hors charges à compter du 8 mars 2021 jusqu'à complète libération des lieux ;

- lui déclarer acquise par provision les sommes détenues par elle comme dépôt de garantie.

Par ordonnance contradictoire du 21 septembre 2021, le juge des référés a débouté la société Via Pierre 2 de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens, considérant que la vente de masques et de produits sous verre ne caractérisait pas une infraction à la spécialisation du bail de vente de prêt-à-porter.

Par déclaration du 7 octobre 2021, la société Via Pierre 2 a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 9 mars 2022, elle demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau de :

- déclarer acquise la clause résolutoire insérée au contrat de location et rappelée aux termes des sommations infructueuses des 6 octobre 2020 et 7 octobre 2021 ;

- ordonner en conséquence l'expulsion de la société Showroom, ainsi que de tous occupants de son chef, des locaux qui lui étaient loués, situés au rez-de-chaussée à gauche de l'entrée de l'immeuble du 11 rue Alibert à Paris 10ème, et ce avec l'assistance de la force publique si nécessaire ;

- autoriser la séquestration des meubles et facultés mobilières pouvant se trouver dans les lieux loués soit dans l'immeuble soit dans un garde-meuble au choix de la concluante, aux frais risques et périls de la requise ;

- fixer à titre provisionnel l'indemnité d'occupation mensuelle due par la défenderesse à compter du 7 novembre 2020 à la somme de 3.416 euros, hors charges ;

- condamner la société Showroom à ce titre par provision pour la période du 7 novembre 2020 (date de l'acquisition de la clause résolutoire) au 7 mars 2021 au paiement de la somme de 13.664 euros, charges en sus, au profit de la concluante ;

- la condamner à payer par provision à la société concluante une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 3.416 euros, hors charges, à compter du 8 mars 2021, et ce jusqu'à parfaite libération des lieux ;

- déclarer acquises par provision au profit de la concluante les sommes qu'elle détient comme dépôt de garantie en exécution des clauses et conditions du bail ;

- débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner l'intimée à payer à la concluante une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'intimée aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement du coût des sommations des 8 octobre 2019, 6 octobre 2020 et 7 octobre 2021 pour les montants respectifs de 565,99 euros ttc, 53,02 euros ttc et 64,72 euros ttc, et au paiement du coût des procès-verbaux de constat des 22 mai 2021, 9 février 2022 et 18 février 2022.

En substance, la société Via Pierre 2 soutient que la société Showroom a d'évidence violé la clause de spécialisation du bail, parfaitement claire, en offrant à la vente des articles dérivés du chanvre, se prévalant de plusieurs procès-verbaux de constat qu'elle a fait établir par un huissier de justice et d'une seconde sommation de faire délivrée le 7 octobre 2021.

Elle s'oppose à tout délai en raison de la mauvaise foi de la société Showroom et au délai dont elle a déjà bénéficié pour se mettre en conformité avec la clause de destination depuis la première sommation qui lui a été délivrée le 6 octobre 2020, relevant en outre que les dispositions de l'article 1343-5 du code civil auxquelles renvoie l'article L.145-4 du code de commerce, qui fondent la demande de l'intimée, ne concernent que le paiement des sommes dues au bailleur.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 7 mars 2022, la société Showroom demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de condamnation de la demanderesse à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour devait considérer acquise la clause résolutoire,

Vu l'article 145-41 deuxième alinéa du code de commerce,

- lui accorder des délais d'une durée de deux mois, pour libérer le fonds des masques et

« produits sous verre », ou des produits qui ne seraient pas stipulés dans le bail,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Via Pierre 2 au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , pour les frais irrépétibles de première instance ;

- condamner la société Via Pierre à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700, pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Showroom soutient à titre principal qu'il y a contestation sérieuse sur les demandes de la société Via Pierre 2 , faisant valoir que faute pour la sommation qui lui a été délivrée le 6 octobre 2020 de caractériser la vente de biens étrangers à la spécialisation, il ne pouvait y avoir de constatation d'acquisition de la clause résolutoire comme il a été jugé en première instance; que c'est d'ailleurs ce qu'a expressément reconnu l'appelante en délivrant une nouvelle sommation le 7 octobre 2021, laquelle ne saurait être utilisée pour valider rétroactivement la première sommation imprécise et sans portée sur la base de laquelle la procédure a été engagée et sur laquelle la cour doit statuer ; qu'il revenait à l'appelante de lancer une nouvelle procédure sur la base de la sommation du 7 octobre 2021 ; que la société Showroom a fait réaliser un procès-verbal de constat le 5 novembre 2021 qui établit qu'elle exerce bien exclusivement l'activité de vente de vêtements ; que la société Via Pierre 2 a de mauvaise foi passé sous silence un constat qu'elle a fait réaliser le 17 décembre 2021 sur une ordonnance obtenue sur requête et qui, bien évidemment, ne relève aucune infraction aux clauses du bail.

A titre subsidiaire, l'intimée soutient que la clause résolutoire a été mise en oeuvre de mauvaise foi par le bailleur, lui reprochant alors de vendre des masques, cela en octobre 2020 en pleine crise sanitaire alors que la société Showroom devait diversifier son activité, les livraisons de vêtements ayant pris du retard.

A titre infiniment subsidiaire, l'intimée se prévaut de sa bonne foi pour solliciter un délai de deux mois afin de libérer le fonds des produits qui ne sont pas stipulés dans le bail.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Le bail commercial signé par les parties le 22 novembre 2012 contient une clause "Destination des lieux" aux termes de laquelle le preneur s'engage à exercer dans les lieux une activité de vente de prêt-à-porter hommes/femmes/enfants, à l'exclusion de toute autre activité.

Le bail contient en outre une clause de résiliation de plein droit aux termes de laquelle "En cas d'inexécution d'une seule des conditions du bail, d'une obligation que la loi, les règlements ou les usages mettent à la charge des locataires ou faute de paiement à son échéance de tout ou partie d'une somme due par le preneur à un titre quelconque [...], le bail sera résilié de plein droit, s'il plaît au bailleur, un mois après signification par le bailleur d'une sommation d'exécuter ou d'un commandement de payer demeuré sans effet. Le bail est résilié même dans le cas de paiement ou d'exécution partielle postérieurement à l'expiration de ce délai. [...]".

La société Via Pierre 2 produit un procès-verbal de constat dressé le 10 septembre 2020 par un huissier de justice duquel il résulte que sur la vitrine, l'inscription "THE F*** ING MASK sips CBD" est apposée, que des masques sont en exposition à l'intérieur du local et que des produits sous verre sont en exposition dans la vitrine.

Suite à ce procès-verbal de constat, la société Via Pierre 2 a fait délivrer à sa locataire une sommation d'avoir à respecter les clauses du bail, lui reprochant d'être en infraction avec le bail en exerçant une activité de vente de produits sous verres et de masques.

C'est à raison que le premier juge a considéré que la vente de masques devait être considérée comme entrant dans le champ de l'activité de vente de prêt-à-porter prévue au bail, s'agissant de masques en tissu ornés relevant de la tenue vestimentaire.

S'agissant de la vente de produits sous verres, que le premier juge a considéré comme n'étant pas d'évidence étrangère à l'activité de vente de prêt-à-porter au vu du constat d'huissier de justice du 10 septembre 2020 fondant la sommation de faire du 6 octobre 2020, la société Via Pierre 2 apporte en cause d'appel des éléments de preuve complémentaires.

Elle a fait établir le 19 janvier 2021 un procès-verbal de constat par un huissier de justice qui relève que l'activité de la boutique semble être la vente de produits et huiles à base de CBD, constatant sur la vitrine les inscriptions suivantes : "Lefleur - CBD - Clothes, botanics & dreams". Quelques vêtements sont accrochés à un portant et d'autres, en petit nombre, sont posés sur des étagères ; des produits sous verres sont en exposition dans la vitrine. Sont annexées des photographies illustrant ces constatations.

Il est produit par l'appelante une capture d'écran du site "LEFLEURCBD.CO" portant l'annonce suivante : "Une sélection raffinée pour votre bien être, faite avec amour de plantes de chanvre bio, huile de CBD full spectrum, cosmétiques, infusions..."

Autorisée par ordonnance du juge des requêtes en date du 11 mars 2021, la société Via Pierre 2 a fait établir un nouveau constat le 22 mai 2021. L'huissier de justice, autorisé à pénétrer dans la boutique pour y faire ses constatations, a relevé la présence de quelques vêtements et des fleurs à infuser sous cloches de verre en vitrine. Le vendeur présent lui a indiqué qu'il s'agit de fleurs au CBD (Cannabidiol), ou en d'autres termes du chanvre, ou encore de la marijuana mais sans THC, chaque fleur ayant son parfum particulier. L'huissier a constaté qu'étaient offerts à la vente des huiles corporelles à base de CBD, du substitut de tabac au CBD, des infusions au CBD, des vaporisateurs à remplir, des pollens de fleur au CBD, des bonbons au CBD, des bougies au CBD, de l'huile d'olive au CBD.

Une nouvelle sommation de faire a été délivrée à la société Showroom le 7 octobre 2021 sur le fondement de ce procès-verbal de constat du 22 mai 2021.

Le 9 février 2022, la société Via Pierre 2 a fait établir deux nouveaux procès-verbaux de constat les 9 et 18 février 2022. L'huissier de justice a constaté le 9 février la présence de quelques vêtements (tee-shirts) et de produits sous verre ainsi que des petites boîtes métalliques ou transparentes et des flacons compte gouttes. Le 18 février, il a constaté que la mention "Le fleur - CBD - Clothes, Botanics & Dreams " était toujours présente en vitrine, ainsi que la présence sur des étagères de t-shirts et des produits CBD précédemment constatés le 22 mai 2021. Il a fait procéder par une tierce personne à l'achat d'une boîte métallique décorée d'une fleur sur le couvercle et portant la mention "Le fleur CBD, Green magic".

L'ensemble de ces éléments établit bien que la société Showroom ne se livre pas qu'à la vente de vêtements dans la boutique donnée à bail, puisqu'elle y vend sous l'enseigne "Le fleur" des produits à base de CBD, fleurs sous verre, pollens de fleurs, huiles corporelles, infusions, substitut de tabac, vaporisateurs, bonbons, bougies, huile d'olive, ces divers produits étant incontestablement étrangers à la vente de vêtements.

L'infraction à la clause de spécialisation du bail se trouvait ainsi caractérisée lorsque la société Via Pierre 2 a fait délivrer la sommation du 6 octobre 2020, et elle l'était encore lorsqu'elle a fait délivrer une seconde sommation le 7 octobre 2021.

Le procès-verbal de constat établi par la société Showrooum le 16 novembre 2020, outre qu'il est intervenu plus d'un mois après la sommation du 6 octobre 2020, ne contredit pas les constatations opérées par la société Via Pierre 2 le 10 septembre 2020, puisque l'huissier de justice constate le 16 novembre 2020 non seulement la présence de vêtements mais aussi des accessoires suivants : huile CBD : 80 pièces ; infusion CBD : 55 pièces.

Le procès-verbal de constat que la société Showroom a fait établir le 5 novembre 2021, dans le mois de la seconde sommation du 7 octobre 2021, ne constate certes plus la vente de produits CBD, mais l'enseigne "lefleur" se trouve toujours présente sur la vitrine et les constats que le bailleur a fait dresser les 9 et 18 février 2022 établissent que la locataire s'est de nouveau livrée à la vente des produits CBD. Le procès-verbal de constat du 5 novembre 2021 apparaît ainsi avoir été opportunément établi par la société Choriambe dans le mois de la délivrance de la sommation du 7 octobre 2021, après retrait de la boutique des produits CBD.

Au demeurant, l'infraction à la clause de spécialisation du bail se trouve établie dès la délivrance de la sommation du 6 octobre 2020 sur le fondement du constat du 10 septembre 2020, lequel constatait la mention "sips CBD" en vitrine et la présence de produits sous verre, les constatations effectuées ultérieurement ayant confirmé qu'il s'agissait de la vente de produits CBD, étrangers à l'activité de vente de vêtements.

Il convient en outre de relever que l'infraction à la clause de spécialisation était caractérisée avant même le 6 octobre 2020, la société Via Pierre 2 produisant un premier constat d'huissier de justice en date du 4 octobre 2019, suivi d'une sommation interpellative du 8 octobre 2019, desquels il résulte qu'une activité de librairie était effectuée dans les lieux loués.

La société Via Pierre 2 est ainsi fondée à voir constater la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire à la date du 7 novembre 2020, la violation réitérée de la clause de spécialisation depuis au moins le 4 octobre 2019 jusqu'aux dernières constatations effectuées le 22 février 2022, constituant d'évidence pour le bailleur un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en ordonnant l'expulsion de la société locataire.

Compte tenu du long délai déjà écoulé depuis la sommation du 6 octobre 2020, le délai sollicité par la société Showroom pour libérer les lieux sera limité à un mois à compter de la signification du présent arrêt.

Occupante sans droit ni titre depuis la résiliation du bail le 7 novembre 2020, la société Showroom est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux.

En fixant cette indemnité d'occupation à un montant égal à cinq fois le dernier loyer appelé,

le bail stipule une clause pénale.

Si le juge des référés ne peut modérer une telle clause, il peut dire n'y avoir lieu à référé si elle apparaît représenter un avantage manifestement excessif pour le créancier, eu égard au pouvoir modérateur du juge du fond.

En l'espèce, en fixant l'indemnité à cinq fois le montant du loyer la clause apparaît représenter, au vu des éléments de la cause, un avantage manifestement excessif pour la société Via Pierre 2, en sorte que l'indemnité d'occupation sera fixée à son montant non contestable égal au montant du loyer et des charges courants, et il sera dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus de la demande.

Il y a lieu de suivre la même analyse pour le dépôt de garantie que le bailleur demande à conserver en application de la clause du contrat qui prévoit que le dépôt de garantie est acquis au bailleur à titre d'indemnité conventionnelle de résiliation, étant relevé que le bail n'est pas résilié pour non paiement des loyers de sorte que la clause apparaît représenter un avantage manifestement excessif pour le bailleur qui ne subit pas de préjudice financier. Il sera dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

Partie perdante, la société Showroom sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels incluront le coût des sommations des 8 octobre 2019, 6 octobre 2020 et 7 octobre 2021, mais exclueront le coût des constats d'huissier de justice, qui n'entrent pas dans le champ des dépens mais dans celui de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Showroom sera également condamnée à payer à la société Via Pierre 2 la somme de 2500 euros requise par cette dernière au titre de ses frais irrépétibles et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

L'ordonnance entreprise sera ainsi infirmée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la société Showroom de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la société Showroom de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate, à la date du 7 novembre 2020, l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial conclu le 22 novembre 2012 entre la société Via Pierre 2 et la société Showroom sur les locaux sis 11 rue Alibert à Paris 10ème,

Ordonne l'expulsion de la société Showroom et de tous occupants de son chef desdits locaux, avec l'assistance de la force publique si nécessaire, un mois après la signification du présent arrêt,

Autorise la séquestration des meubles et facultés mobilières pouvant se trouver dans les lieux loués, soit dans l'immeuble soit dans un garde-meuble au choix de la société Via Pierre 2, aux frais de la société Showroom,

Condamne la société Showroom, à titre provisionnel, au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer et des charges courants,

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande formée par le bailleur au titre de l'indemnité d'occupation et de la conservation du dépôt de garantie,

Condamne la société Showroom aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Grappotte-Benetreau, en ce compris le coût des sommations des 8 octobre 2019, 6 octobre 2020 et 7 octobre 2021, mais non compris le coût des constats d'huissier de justice,

Condamne la société Showroom à payer à la société Via Pierre 2 la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/17534
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;21.17534 ?
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