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21/04/2022 | FRANCE | N°21/168007

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 21 avril 2022, 21/168007


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/16800-No Portalis 35L7-V-B7F-CEL7T

Décision déférée à la cour : jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS- RG no 21/00085

APPELANTE

S.C.I. MIRIAM IMMO
[Adresse 5]
[Localité 7]

représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au b

arreau de PARIS, toque : L0056
plaidant par Me Chantal TEBOUL-ASTRUC, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A. CREDIT LYONNAIS
[Adre...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/16800-No Portalis 35L7-V-B7F-CEL7T

Décision déférée à la cour : jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS- RG no 21/00085

APPELANTE

S.C.I. MIRIAM IMMO
[Adresse 5]
[Localité 7]

représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
plaidant par Me Chantal TEBOUL-ASTRUC, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A. CREDIT LYONNAIS
[Adresse 3]
[Localité 6]

Le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] - [Localité 7], représenté par son syndic en exercice, la Société TRAGESTIM, société par actions simplifiée au capital de 4.000 euros, inscrite au RCS de Paris sous le numéro B 789 591 146, dont le siège social est [Adresse 1] - [Localité 7], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Me Anne PONCY D'HERBES de l'AARPI TALON MEILLET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A 428

SERVICE DES IMPOTS DES PARTICULIERS VILLETTE
[Adresse 2]
[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :
-réputé contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 22 février 2021, et publié le 4 mars 2021 au service de la publicité foncière de Paris 11e bureau (volume 2021 S no5), le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 4] [Localité 7] a entrepris une saisie des biens immobiliers de la SCI Miriam Immo situés à la même adresse, pour avoir paiement de la somme de 20.053,45 euros, en vertu d'un jugement rendu le 17 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris.

Par acte d'huissier en date du 29 mars 2021, le syndicat des copropriétaires a fait assigner la SCI Miriam Immo à l'audience d'orientation du juge de l'exécution de Paris.

Le commandement a été dénoncé par le créancier poursuivant, par actes d'huissier du 29 mars 2021, à la SA Crédit Lyonnais et au Service des Impôts des Particuliers (SIP) Villette, créanciers inscrits, avec assignation à comparaître à l'audience d'orientation.

La SCI Miriam Immo ayant procédé à des règlements, le syndicat des copropriétaires a actualisé sa créance à la somme de 4.018,54 euros.

Par jugement d'orientation en date du 2 septembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a :
- ordonné la vente forcée des biens visés au commandement,
- fixé la date et le lieu de la vente,
- mentionné que le montant retenu pour la créance du poursuivant est de 2.514,78 euros, intérêts arrêtés au 14 avril 2021,
- débouté la SCI Miriam Immo du surplus de ses demandes,
- organisé les visites des biens et aménagé la publicité,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront compris dans les frais taxés de vente.

La SCI Miriam Immo a fait appel de cette décision par déclaration du 23 septembre 2021, puis a saisi le premier président d'une demande d'autorisation d'assigner à jour fixe par requête du 1er octobre 2021.

Par actes d'huissier des 3, 17 et 18 novembre 2021, déposés au greffe les 8 et 22 novembre 2021, elle a fait assigner respectivement à jour fixe le LCL, le SIP Villette et le syndicat des copropriétaires devant la cour d'appel de Paris, après y avoir été autorisée par ordonnance sur requête de la présidente de chambre délégataire en date du 8 octobre 2021.

Par conclusions récapitulatives du 18 mars 2022, la SCI Miriam Immo demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- jugé que le taux d'intérêt légal applicable était celui bénéficiant aux créanciers personnes morales,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 au bénéfice du créancier poursuivant,
- infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,
- débouter le syndicat des copropriétaires de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
- juger que ne sont pas exigibles les sommes comptabilisées au titre des frais d'exécution à hauteur de 2.606,62 euros,
- juger que le règlement de 2.947,81 euros opéré le 11 mai 2021 a été encaissé le 7 juin 2021 et qu'il convient de le déduire de la créance du syndicat,
- en outre, juger que les intérêts au taux légal réservés aux créanciers personnes morales s'élèvent à la somme de 1.821,92 euros,
En conséquence,
- juger que la créance de 4.018,54 euros hors frais taxés et émoluments, invoquée par le syndicat poursuivant en vertu du jugement du 17 mai 2019, n'était pas exigible à la date d'audience d'orientation du 10 juin 2021,
- juger qu'elle se trouvait, à cette date, créancière du syndicat de la somme de 3.004,22 euros,
- juger abusives les poursuites de saisie immobilière pratiquées par le syndicat,
- prononcer la nullité du commandement valant saisie du 22 février 2021 ainsi que des actes subséquents,
En tout état de cause,
- ordonner la mainlevée des actes de saisie immobilière auprès du service de la publicité foncière, aux frais du syndicat,
- compte tenu également des règlements opérés postérieurement au jugement dont appel pour voir mettre fin aux poursuites, condamner le syndicat intimé à lui restituer :
- les frais et émoluments de la saisie immobilière réglés à hauteur de la somme de 18.138,77 euros et 560,14 euros,
- le solde créditeur de 3.004,22 euros existant au jour de l'audience d'orientation du 10 juin 2021,
- la somme de 2.514,78 euros réglée le 2 décembre 2021,
- la dispenser de toute participation aux charges résultant des frais de la saisie immobilière en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour la jugerait redevable de quelque somme que ce soit en vertu du jugement du 17 mai 2019 servant de fondement aux poursuites,
- lui accorder la faculté de s'acquitter de la somme qui sera mise à sa charge dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir,
- suspendre toute mesure d'exécution forcée et notamment le cours de la présente saisie immobilière jusqu'à l'apurement intégral des sommes dues,
- renvoyer en tant que de besoin la procédure à une audience ultérieure pour vérification du respect du délai ainsi accordé.

La SCI Miriam Immo conteste les frais de poursuite antérieurs au commandement et le taux d'intérêt légal appliqué. Sur les frais, elle fait valoir que les dépens, qui n'ont fait l'objet d'aucune taxation, ne sont pas justifiés à hauteur d'au moins 2.606,62 euros sur les 2.871,78 euros réclamés. Elle explique que les frais des saisies-attributions des 17 janvier et 27 février 2020 ne sont justifiés qu'à hauteur de 132,58 euros chacune correspondant au coût du procès-verbal, de sorte qu'il convient de déduire une somme de 824,68 euros non justifiée pour chacune de ces saisies, et que la saisie-attribution du 22 janvier 2020 était inutile car elle n'a pas de compte à la Banque Postale, de sorte que les frais d'un montant de 957,26 euros doivent être déduits de la créance. Elle reproche au juge de l'exécution d'avoir estimé que les frais étaient dus sans avoir constaté qu'ils avaient réellement été exposés par le créancier. Sur le taux des intérêts, elle rappelle que le syndicat des copropriétaires ne peut revendiquer le bénéfice du taux applicable pour les créanciers personnes physiques, demande la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à sa contestation et estime que la somme de 1.821,92 euros doit être déduite du montant de la créance. Elle conclut qu'elle est créancière du syndicat à hauteur de la somme de 3.004,22 euros après déduction des frais et intérêts contestés et compte tenu du règlement d'un montant de 2.947,81 euros (chèque du 11 mai 2021 encaissé le 11 juin 2021).
Elle fonde sa demande de mainlevée du commandement sur les dispositions des articles L.111-7, L.121-2 et L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution et invoque le caractère disproportionné et inutile de la saisie immobilière et l'abus du droit de la copropriété. Elle fait valoir qu'elle a réglé la créance dès la délivrance du commandement mais que le syndicat s'est empressé de l'assigner et n'a jamais voulu admettre le dernier règlement de 2.947,81 euros encaissé le 7 juin 2021, alors que la créance du syndicat a été fixée à un montant de 2.514,78 euros, inférieur à ce règlement, qui l'avait donc couverte intégralement. Elle ajoute que les frais de la procédure n'ont pas été taxés ni justifiés en première instance et qu'en tout état de cause ils s'élèvent à un montant de 3.082,31 euros qui est disproportionné au regard du montant de la créance. Elle estime que la copropriété a donc requis la vente forcée avec mauvaise foi et abus de droit en se prévalant d'une créance déjà apurée. Elle souligne qu'à la suite du jugement fixant la créance à la somme de 2.514,78 euros et malgré le règlement de la somme de 2.947,81 euros, le syndicat des copropriétaires a poursuivi les formalités de saisie immobilière, de sorte qu'elle a été contrainte de payer la somme de 2.514,78 euros visée au jugement ainsi que la somme complémentaire de 25.635,53 euros correspondant aux frais et émoluments et charges courantes malgré l'absence de nouveau titre exécutoire, raison pour laquelle elle estime les poursuites abusives et demande la restitution de ces sommes.
Elle fonde sa demande de délais de paiement sur l'article 1343-5 du code civil.
Elle s'oppose à la demande de dommages-intérêts, estimant d'une part que le syndicat des copropriétaires ne peut former une telle demande incidente alors qu'il n'avait pas formulé une telle demande en première instance, et d'autre part que c'est le syndicat qui a commis des fautes à son égard et à l'égard de sa gérante âgée de 83 ans.

Par conclusions du 4 mars 2022, le syndicat des copropriétaires [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, la SAS Tragestim, demande à la cour d'appel de :
A titre principal,
- déclarer la SCI Miriam Immo mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement entrepris,
En tant que de besoin, statuant à nouveau et y ajoutant,
- débouter la société Miriam Immo de toutes ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,
- condamner à titre incident la SCI Miriam Immo au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner la SCI Miriam Immo au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Poncy d'Herbes.

Il fait valoir en premier lieu que l'appelante omet de faire état des échanges de correspondance officielle à la suite de la délivrance du commandement et qu'il a refusé l'échéancier proposé pour arrêter la procédure de saisie immobilière car les charges courantes n'étaient pas réglées et la dette est ancienne.
En deuxième lieu, il explique que la somme de 2.947,81 euros ne pouvait être prise en compte puisqu'elle a été réglée par chèque soumis à des délais d'encaissement, et que la somme de 2.448,78 euros versée à la suite d'un commandement aux fins de saisie-vente de 2019 a bien été déduite de la dette et a été imputée sur les frais d'exécution d'un montant de 2.871,78 euros. Il rappelle que les frais d'huissier sont à la charge du débiteur et sont justifiés. Il ajoute que l'application du taux légal réduit n'a pas éteint sa créance mais l'a seulement ramenée à la somme de 2.514,78 euros, si bien que la nullité du commandement n'est pas encourue puisqu'il justifie toujours d'une créance liquide et exigible.
Il soutient en outre que les frais de poursuite sont à la charge du débiteur en application de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution, et qu'ils justifient à eux seuls, même lorsque les causes du titre ont été apurées, la vente forcée du bien immobilier saisi, peu important qu'ils n'aient pas été taxés ou que l'article R. 322-58 du code des procédures civiles d'exécution ne mette ces frais à la charge de l'adjudicataire. Il souligne qu'en l'espèce l'encaissement du chèque de 2.947,18 euros ne couvre pas les frais taxés.
Il conteste le caractère abusif de la saisie immobilière et estime que c'est au contraire l'attitude de la SCI et de sa gérante qu'il convient de sanctionner par l'allocation de dommages-intérêts.
Il s'oppose aux demandes de délais de paiement et de suspension de la saisie immobilière jusqu'à apurement de la dette, cette dernière étant irrecevable car ne relevant pas des pouvoirs du juge de l'exécution. Il souligne que la SCI Miriam Immo a réglé le solde de la dette, frais compris, la veille de l'audience d'adjudication, reconnaissant ainsi le principe de la procédure. Il en conclut que la SCI était en capacité de régler sa dette et ses charges courantes et que c'est donc volontairement qu'elle s'est abstenue de respecter ses engagements, mettant en danger l'équilibre financier de la copropriété.

Le SIP Villette et la SA LCL, régulièrement cités à personne morale, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le montant de la créance

Pour retenir une créance de 2.514,78 euros, le juge de l'exécution a fait droit à une partie des contestations de la SCI Miriam Immo, notamment sur le taux légal applicable aux créanciers personnes morales en application de l'article L.313-2 du code monétaire et financier. Mais il a jugé que les frais d'exécution d'un montant de 2.606,62 euros étaient bien dus par le débiteur et qu'il ne pouvait être tenu compte du chèque du 11 mai 2021 d'un montant de 2.947,81 euros en ce qu'il n'était pas encore encaissé.

La cour déplore que la somme de 2.514,78 euros ne soit justifiée en détail par aucun décompte. Devant le premier juge, le syndicat des copropriétaires se prévalait d'une créance de 4.018,54 euros, se décomposant comme suit :
- principal (condamnations) : 17.017,48 euros
- intérêts échus au 14 avril 2021 : 3.290,25 euros
- dépens : 181,97 euros
- frais d'exécution ("dépens liés aux tentatives d'exécutions mobilières") : 2.871,78 euros
- frais d'inscription d'hypothèque judiciaire : 688,81 euros
- intérêts échus sur la période du 14 avril 2021 au 20 mai 2021 : 21,70 euros,
après déduction de deux versements de 2.448,78 euros et 17.604,67 euros.

S'agissant des intérêts, le décompte ne fait pas apparaître le taux, mais il résultait des conclusions du créancier poursuivant que les intérêts avaient été calculés aux taux légaux applicables aux créanciers personnes physiques dont il prétendait à tort pouvoir bénéficier. Le syndicat des copropriétaires indiquait également dans ses conclusions que si par extraordinaire le juge de l'exécution estimait que le taux applicable était celui des professionnels, le montant de sa créance arrêtée au 20 mai 2021 se trouvait ramenée à la somme de 2.514,78 euros. Toutefois, aucun nouveau décompte, ne serait-ce des intérêts, n'était produit pour expliquer ce montant. Il était donc impossible pour le juge de l'exécution de distinguer, parmi ce montant de 2.514,78 euros, les intérêts, les frais et le principal.

A hauteur d'appel, le syndicat des copropriétaires, même s'il ne conteste plus que le taux légal des personnes physiques ne lui est pas applicable, ne produit toujours pas de décompte des intérêts avec les taux légaux exacts. Le seul décompte de créance qu'il produit (pièce 25) est le même que celui (précité) soumis au premier juge. Il ne justifie donc pas du montant des intérêts, mais il est certain qu'il ne s'agit pas des sommes de 3.290,25 euros et 21,70 euros mentionnées au décompte. En revanche, la SCI Miriam Immo produit un décompte des intérêts arrêtés au 20 mai 2015, et calculés avec les taux légaux applicables aux personnes physiques, y compris la majoration de cinq points, dont il ressort que les intérêts s'élevaient à la somme de 1.821,92 euros. Le syndicat des copropriétaires n'a pas contesté ce décompte. Il sera donc retenu cette somme de 1.821,92 euros pour les intérêts.

Il convient en outre, à la demande de la SCI Miriam Immo, de vérifier si les frais d'exécution antérieurs retenus par le premier juge étaient justifiés et dus.

A titre liminaire, il est précisé que contrairement à ce qui est mentionné dans le décompte du créancier, ces frais d'exécution ne sont pas des dépens. C'est donc en vain que la SCI Miriam Immo fait valoir que ces frais n'ont pas fait l'objet d'une taxation.

Aux termes de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution, les frais d'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

Sur la somme de 2.871,78 euros correspondant aux frais d'exécution, la SCI Miriam Immo conteste la somme totale de 2.606,62 euros qui correspond à :
- des frais relatifs à la saisie-attribution du 17 janvier 2020 d'un montant de 824,68 euros (496,40 + 328,28)
- des frais relatifs à la saisie-attribution du 27 février 2020 d'un montant de 824,68 euros (496,40 + 328,28)
- des frais relatifs à la saisie-attribution du 22 janvier 2020 d'un montant de 957,26 euros (496,40 + 328,28+132,58).

Il résulte des procès-verbaux de saisie-attribution des 17 janvier et 27 février 2020 et du décompte des sommes dues établi par le créancier (pièce 25) que les sommes de 496,40 euros correspondent à des « frais exécution TTC » sans plus de précisions et que les sommes de 328,28 euros correspondent aux frais des présentes procédures de saisie-attribution : dénonciation de la saisie-attribution, certificat de non contestation, signification de ce certificat, mainlevée quittance, étant précisé que le coût des actes (132,58 euros x 2) est à part et n'est pas contesté par l'appelante.

S'agissant des frais d'exécution antérieurs, le créancier ne justifie que d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente du 5 août 2019 dont le coût s'élève à la somme de 199,02 euros, qu'il convient de ne compter qu'une seule fois. Il est donc réclamé en trop la somme de 793,78 euros au titre des deux saisies-attributions.

S'agissant des frais de procédure de saisie-attribution, c'est à juste titre que la SCI Miriam Immo estime qu'ils ne sont pas justifiés, aucun acte n'étant produit par le créancier qui n'apporte donc pas la preuve qu'il les a réellement exposés. Il convient donc de déduire la somme 656,56 euros.

Ces précisions valent également en tous points pour la saisie-attribution du 22 janvier 2020 pratiquée entre les mains de la Banque Postale, pour laquelle la somme de 824,68 euros doit être déduite car non justifiée. En revanche, rien ne justifie que le coût de l'acte (132,58 euros), qui est produit, ne soit pas mis à la charge de la débitrice. Le fait qu'elle n'ait pas de compte à la Banque Postale ne saurait nuire au créancier qui a pu légitimement croire que c'était le cas, Mme [E], gérante de la SCI, disposant d'un compte à la Banque Postale, et n'a pu recouvrer sa créance par la précédente saisie-attribution du 17 janvier 2020 sur le compte de la SCI à la Caisse d'Epargne qui s'est avérée totalement infructueuse (0 euro sur le compte).

La SCI Miriam Immo est donc fondée à contester les frais à hauteur de 2.275,02 euros, et non 2.606,62 euros.

Il convient de souligner que le syndicat des copropriétaires s'est contenté de reproduire dans son décompte de créance les montants des frais indiqués par l'huissier dans chaque procès-verbal de saisie-attribution, alors même qu'aucune de ces trois saisies n'a été poursuivie si bien que les frais postérieurs n'ont en réalité pas été exposés, et alors même que ce "recopiage" aboutissait à compter trois fois les mêmes frais antérieurs (de surcroît non justifiés pour l'essentiel).

En conclusion, sur la somme de 4.018,54 euros revendiquée par le syndicat des copropriétaires devant le premier juge, il convenait de déduire les sommes de 2.275,02 euros, 3.290,25 euros et 21,70 euros, et d'ajouter la somme de 1.821,92 euros. Il en résultait une créance de 253,49 euros en principal, intérêts et frais (hors frais de procédure de saisie immobilière).

Par ailleurs, à hauteur d'appel, il convient de déduire la somme de 2.947,81 euros dont il n'est pas contesté qu'elle a été encaissée le 7 juin 2021, étant souligné que le chèque libellé à l'ordre de la Carpa avait été remis au conseil du syndicat des copropriétaires le 11 mai 2021 et n'a été encaissé que le 7 juin, mais surtout que ce dernier n'a pas fait état de cet encaissement lors de l'audience du juge de l'exécution du 10 juin 2021.

Au vu de ce paiement non pris en compte par le premier juge (et peu important la date de remise du chèque), il apparaît que la créance du syndicat des copropriétaires (hors frais de poursuite de saisie immobilière) était en réalité éteinte lors de l'audience d'orientation et la SCI Miriam Immo avait même payé en trop la somme de 2.694,32 euros (et non 3.004,22 euros).

Sur la saisie immobilière

L'article L.111-7 du code des procédures civiles d'exécution dispose : « Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation. »

Selon l'article L.121-2 du même code, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

Aux termes de l'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier.

L'article L.111-8 du même code dispose que les frais d'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

La plupart des versements ayant été effectués après l'assignation devant le juge de l'exécution, c'est en vain que la SCI Miriam Immo invoque le caractère disproportionné de la mesure de saisie immobilière, qui s'apprécie au moment où la mesure a été engagée, au regard à la fois du montant de la dette lors de la délivrance du commandement (environ 20.000 euros) et de l'échec des tentatives de recouvrement antérieures.

En outre, c'est à juste titre que le syndicat des copropriétaires invoque la jurisprudence de la Cour de cassation rendue au visa de l'article L.111-8 selon laquelle les frais de poursuite sont l'accessoire de la dette, de sorte que le créancier poursuivant, bien qu'ayant été désintéressé des causes du commandement par le débiteur saisi, est fondé à continuer les poursuites de saisie immobilière contre celui-ci tant qu'il n'a pas obtenu le règlement de ces frais.

Pour autant il résulte des conclusions de première instance et notamment de la liste des pièces annexée que le syndicat des copropriétaires n'a pas mis le juge de l'exécution en mesure de chiffrer les frais de poursuites.

A hauteur d'appel, le créancier poursuivant fournit le décompte des frais, débours et émoluments dus en première instance d'un montant total de 3.082,31 euros. Ainsi le paiement intervenu le 7 juin 2021 ne couvrait pas intégralement ces frais.

Le syndicat des copropriétaires produit en outre un décompte des frais de poursuite actualisés et taxés à la somme de 18.138,77 euros le 13 décembre 2021.

La SCI Miriam Immo se prévaut d'autres versements effectués en décembre 2021 après le jugement d'orientation, qui ne sont pas contestés :
- 2.514,78 euros, correspondant au montant de la créance retenu par le jugement d'orientation,
- 25.635,53 euros réclamés par le conseil du syndicat des copropriétaires pour éviter l'adjudication, correspondant à la somme de 18.138,77 euros au titre des frais et émoluments taxés, outre des émoluments d'abandon de procédure de 560,14 euros, et à des charges courantes.

Le chèque de 2.514,78 euros n'a été remis au créancier que le 2 décembre 2021, soit trois mois après le jugement d'orientation alors que l'audience d'adjudication était fixée au 16 décembre 2021 et alors que le syndicat des copropriétaires n'a été assigné par la SCI Miriam Immo devant la cour que le 18 novembre 2021 et qu'il ne ressort pas des pièces produites qu'il aurait été informé de l'appel en cours avant cette date. Il ne peut donc lui être reproché d'avoir poursuivi la procédure en procédant aux formalités de publicité et aux visites du bien saisi, engageant ainsi d'onéreux frais supplémentaires.

Toutefois, compte tenu des paiements intervenus, soldant intégralement la dette en principal, intérêts, frais antérieurs et frais de la procédure, la cour ne peut qu'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de vente forcée.

En revanche, il n'y a pas lieu d'annuler le commandement comme le demande la SCI Miriam Immo, le paiement de la dette après la délivrance de cet acte n'ayant aucune incidence sur la validité de celui-ci et l'appelante n'invoquant aucun moyen de nullité du commandement. Il convient seulement d'en ordonner la mainlevée.

Sur la demande de restitution du trop versé

Il résulte du présent arrêt que la créance hors frais de saisie immobilière avait été soldée avant le jugement d'orientation et que les frais de poursuite dus s'élèvent à la somme de 18.138,77 euros, tandis que la SCI Miriam Immo a payé après le jugement d'orientation la somme de 28.150,31 euros qui s'ajoute au trop versé de 2.694,32 euros en première instance, soit un total de 30.844,63 euros.

Néanmoins, le juge de l'exécution ne peut, ni la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, délivrer un titre exécutoire, hors les cas prévus par la loi. C'est donc à juste titre que le syndicat des copropriétaires fait valoir que la demande de restitution du trop versé échappe au pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution. Dès lors, il n'appartient pas à la cour de statuer de cette demande de restitution qui doit être déclarée irrecevable.

Sur la demande de dommages-intérêts

A l'appui de sa demande de dommages-intérêts, le syndicat des copropriétaires invoque d'une part l'attitude de la SCI Miriam Immo, qui n'a cessé de se victimiser et dont la moralité de sa gérante est douteuse, et d'autre part le caractère nécessaire de la procédure de saisie immobilière pour recouvrer sa créance résultant d'un jugement de 2019 qui fait état de manquements de la SCI depuis 2012.

Toutefois, l'issue de la procédure démontre la bonne volonté de la SCI Miriam Immo de régulariser sa situation.

Il convient dès lors de débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Il convient de condamner le syndicat des copropriétaires, partie perdante en appel, aux dépens de la procédure d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance étaient inclus dans les frais soumis à la taxe qui ont déjà été payés par la SCI Miriam Immo. L'intimé étant condamné aux dépens, il sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires. Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige.

Le syndicat des copropriétaires ne conclut pas sur ce point. Rien en l'espèce ne justifie d'écarter la dispense de participation aux charges qui est prévue par la loi, et ce d'autant plus que la SCI Miriam Immo a déjà payé la plupart des frais engagés par le syndicat des copropriétaires, qui ne garde à sa charge que ses frais d'avocat.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement d'orientation rendu le 2 septembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Statuant à nouveau,

CONSTATE que la SCI Miriam Immo a soldé l'intégralité de la dette en principal, intérêts et frais, y compris les frais de poursuite de saisie immobilière,

DEBOUTE le syndicat des propriétaires [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, la SAS Tragestim, de sa demande de vente forcée,

REJETTE la demande d'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière formulée par la SCI Miriam Immo,

ORDONNE la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 22 février 2021 et publié le 4 mars 2021 au service de la publicité foncière de Paris 11e bureau (volume 2021 S no5),

DECLARE irrecevable la demande de restitution du trop versé formulée par la SCI Miriam Immo,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, la SAS Tragestim, de sa demande de dommages-intérêts,

RAPPELLE que la SCI Miriam Immo est dispensée de la contribution aux frais résultant de la procédure de saisie immobilière en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, la SAS Tragestim, de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, la SAS Tragestim, aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/168007
Date de la décision : 21/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-04-21;21.168007 ?
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