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21/04/2022 | FRANCE | N°21/101317

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 21 avril 2022, 21/101317


Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/10131 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDYOW

Décision déférée à la cour : jugement du 25 mai 2021-juge de l'exécution de Paris-RG no 21/80364

APPELANTS

Madame [N] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209

Monsieur [H]

[J]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représenté par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209

INTIMÉE

S.A.S. SARELIA C...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/10131 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDYOW

Décision déférée à la cour : jugement du 25 mai 2021-juge de l'exécution de Paris-RG no 21/80364

APPELANTS

Madame [N] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209

Monsieur [H] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représenté par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209

INTIMÉE

S.A.S. SARELIA CONCEPT
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Laurent AZOGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1108

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport et Madame Catherine LEFORT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Selon bon de commande du 13 septembre 2019, édité le 16 septembre suivant (désigné par les parties comme « le bon de commande du 16 septembre 2019 », Mme [N] et M. [H] [J] (ci-après les époux [J]) ont commandé auprès de la SAS Sarélia Concept (ci-après la société Sarélia) les fourniture et pose d'une cuisine et d'éléments d'équipement électroménagers. Au bon de commande, la livraison était prévue entre les 1er et 10 novembre 2019.

Par ordonnance du 9 juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Sarélia à livrer aux époux [J] la cuisine, les éléments d'électroménager, les meubles complémentaires et le plan de travail prévus dans le « bon de commande du 16 septembre 2019 » et à les poser, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance, ladite astreinte ayant vocation à courir pendant 60 jours.

Cette ordonnance a été signifiée à deux reprises, une première fois le 13 août 2020, une seconde fois le 7 septembre suivant.

Par acte d'huissier du 23 février 2021, les époux [J] ont fait citer la société Sarélia devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir liquider l'astreinte à la somme de 18.000 euros.

Par jugement en date du 25 mai 2021, le juge de l'exécution a :
– débouté les époux [J] de l'intégralité de leurs demandes ;
– condamné les époux [J] à payer à la société Sarélia une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamné les époux [J] aux dépens ;
– débouté les époux [J] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration du 29 mai 2021, les époux [J] ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions signifiées le 13 juillet 2021, ils demandent à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel ;
statuant à nouveau :
- liquider l'astreinte fixée par l'ordonnance de référé dans son intégralité ;
- condamner la société Sarélia à leur verser la somme de 18.000 euros sur le fondement de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
- condamner la société Sarélia aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A cet effet, ils font valoir que :
- la cuisine a été posée avec retard et n'était pas conforme aux stipulations du bon de commande du 16 septembre 2019, ainsi qu'en atteste le certificat de fin de travaux dressé le 25 septembre 2020 à la suite de la livraison des meubles entre les 21 et 23 septembre précédents ;
- ce retard et cette non-conformité ne résultent pas d'une cause étrangère à la société Sarélia, mais de l'incurie de celle-ci : d'une part les meubles neufs prévus au bon de commande n'ont pas été livrés ; d'autre part le lave-linge livré n'était pas d'une marque conforme (Rosières et non AEG) au bon de commande du 16 septembre 2019 ; il ressort de l'attestation même de la société [I] du 4 mars 2021, produite par l'intimée, que la livraison du 5 août 2020 n'était pas conforme à la commande du 16 septembre 2019, de sorte que c'est à bon droit qu'ils l'ont refusée, contrairement à ce qu'a jugé le juge de l'exécution.

Par conclusions signifiées le 9 août 2021, la société Sarélia demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
- débouter les époux [J] de leur demande de liquidation de l'astreinte à hauteur de 18.000 euros ;
- condamner les époux [J] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que :
- elle a tenté de s'exécuter dès le 5 août 2020, mais elle en a été empêchée par les époux [J] qui ont refusé la livraison sans raison valable, en tout cas sans prouver que cette livraison n'était pas conforme à la commande ;
- la signification de l'ordonnance de référé date du 7 septembre 2020 ;
- les réserves portées sur le certificat de fin de travaux sont pour la plupart infondées : notamment aucune référence n'était mentionnée sur le bon de commande quant au mitigeur et les époux [J] ont fait le choix (et payé le prix correspondant) d'une cuisine d'exposition et non d'une cuisine neuve, ce qui justifie quelques imperfections ; elle admet n'avoir pas été en mesure de livrer, dans le délai fixé, 2 façades du casserolier, une façade d'un meuble haut et la référence du lave-linge commandé, tous manquements auxquels il a été remédié le 16 décembre 2020 ; le seul préjudice en résultant, purement esthétique, a consisté en la privation de la façade d'un élément haut pendant 2 mois et une semaine.

MOTIFS

Sur la demande de liquidation de l'astreinte

Aux termes de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, la liquidation de l'astreinte tient compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Lorsque la décision d'origine a fixé clairement les obligations assorties d'astreinte, le juge de l'exécution ne peut modifier lesdites obligations.

Pour ce qui concerne les obligations de faire, il appartient au débiteur, assigné en liquidation, de prouver qu'il a exécuté ladite obligation à l'issue du délai imparti par l'ordre judiciaire. La notion de cause étrangère permettant de supprimer l'astreinte en tout ou en partie, plus large que celle de force majeure, s'entend de tous les cas dans lesquels le débiteur s'est trouvé dans l'impossibilité, pour une raison quelconque, de se conformer à l'injonction du juge.

En l'espèce, une première signification de l'ordonnance de référé a eu lieu le 13 août 2020, de sorte que l'astreinte a commencé à courir le lundi 15 septembre 2020 conformément aux articles 641 et 642 du code de procédure civile, car le délai de 30 jours visé par l'ordonnance expirait normalement le samedi 12 septembre. Il importe peu que cette signification ait eu lieu à l'étude d'huissier, l'établissement de la société Sarélia étant fermé ce jour, dès lors qu'elle était régulière. La cour relève en outre que l'ordonnance de référé a été prononcée contradictoirement le 20 juillet 2020, la société Sarélia étant représentée par son conseil. Par conséquent ce n'est pas la seconde signification de l'ordonnance, intervenue le 7 septembre 2020, qui a fait courir le délai d'astreinte mais bien la première, en date du 13 août précédent.

Il y a donc lieu de vérifier si la société Sarélia a exécuté son obligation de livrer la cuisine, les éléments d'électroménager, les meubles complémentaires et le plan de travail, tels que prévus au bon de commande du 16 septembre 2019, et de les poser avant le 15 septembre 2020.

Les parties s'opposent en premier lieu sur la tentative de livraison qui a eu lieu le 5 août 2020. Il n'est pas contesté que les époux [J] ont refusé cette livraison au motif que les éléments d'électroménager n'étaient pas conformes à la commande. Du reste, les parties produisent toutes deux, parmi leurs pièces, la note signée en ce sens par M. [J] le 5 août 2020. En revanche, à la suite du juge de l'exécution, la société Sarélia fait grief aux époux [J] d'avoir refusé cette livraison sans motif valable, notamment sans justifier du défaut de conformité des éléments livrés ce jour-là. Or il est désormais produit, par les deux parties également, une attestation de M. [M] [I], responsable du magasin de [Localité 4] et fournisseur de la société Veneta Cucine, elle-même fournisseur de la société Sarélia, selon laquelle la commande effectuée au mois d'août 2020 était affectée d'une erreur de codification en ce qui concerne le lave-linge séchant de marque AEG. D'autre part, la plaque à induction elle-même n'était pas conforme à la commande du 16 septembre 2019 puisque le conseil de l'intimée, dans un courriel du 5 août 2020 adressé au conseil des appelants indiquait : « Ma cliente avait pourtant proposé à vos clients de lui installer une plaque de cuisine équivalente neuve (mentionnée dans le premier bon de commande) dans l'attente de recevoir la plaque de cuisson mentionnée dans le second bon de commande (NEFF ref. T4623XO) fin août/début septembre ».
Dès lors que la commande datait alors de onze mois, il ne peut être considéré que le refus par les époux [J] d'accepter la pose d'éléments électroménagers de substitution dans l'attente de la livraison de ceux qu'ils avaient réellement commandés, était injustifié.

Ensuite la première livraison effective a eu lieu entre les 21 et 23 septembre 2020, par conséquent au-delà du délai de 30 jours, qui expirait le 15 septembre comme dit précédemment.
En outre, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 25 septembre 2020 à l'issue des travaux d'installation que le lave-linge est de marque Rosières et non pas AEG ; qu'une porte d'un meuble haut est manquante ; que le meuble composé d'une porte à ouverture automatisée n'est pas conforme à la commande ; enfin que sur la tranche de la porte automatique de ce meuble, il manque une poignée. M. [J] a ajouté de sa main sur le certificat de fin de travaux que trois meubles neufs étaient manquants par rapport au bon de commande du 16 septembre 2019, que les façades du casserolier n'avaient pas été changées contrairement à ce que celui-ci prévoyait, enfin que de nombreux meubles étaient abîmés. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'intimée a contesté ces mentions, expliquant que les deux meubles manquants de 45 cm avaient été remplacés, lors de la validation de l'implantation par les époux [J] postérieurement à la signature du bon de commande, par deux meubles de 60 cm mieux adaptés, et que le bon de commande ne mentionnait aucune référence concernant le mitigeur, lequel présentait certes une légère rayure, mais qu'il s'agissait d'un modèle d'exposition. Ces explications sont satisfaisantes au regard du bon de commande, étant rappelé qu'une partie de la commande était constituée d'éléments d'exposition.
Enfin le fait que de nombreux meubles aient été livrés abîmés n'est nullement confirmé par le procès-verbal de constat d'huissier établi à la requête des appelants, excepté la rayure sur le mitigeur et une légère trace d'impact sur le tiroir casserolier.
En revanche, il est incontestable que deux façades du casserolier, qui devaient être changées selon le bon de commande, n'avaient pas été livrées, de même qu'un meuble neuf avec porte relevante de 600 ; qu'une façade d'un meuble haut de 60 cm était manquante ; enfin que le lave-linge livré n'était pas conforme à celui commandé (ce qui confirme encore le défaut de conformité du lave-linge lors de la livraison du 5 août 2020).
La société Sarélia soutient, sans être contredite par les appelants, que ces éléments ont finalement été livrés et installés le 16 décembre 2020, ce qui représente un retard de plus de trois mois par rapport au délai imparti par le juge des référés.

En définitive, hormis l'erreur de codification concernant le lave-linge, commise par la plateforme d'achat et attestée par son fournisseur, la société Sarélia ne justifie avoir rencontré aucune difficulté d'exécution ou cause étrangère qui légitime un tel retard dans l'exécution de ses obligations, étant rappelé que la tentative de livraison du 5 août 2020 n'était pas conforme. L'astreinte doit donc être liquidée sur la durée de 60 jours prévue par l'ordonnance de référé. En revanche, seuls les éléments précités étant non conformes ou manquants, soit une proportion limitée de ceux figurant au bon de commande, il convient de liquider l'astreinte au taux de 100 euros par jour de retard, soit une somme totale de 6000 euros.

Sur les demandes accessoires

L'issue du litige commande l'infirmation du jugement entrepris quant aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La société Sarélia, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1500 euros aux époux [J] en compensation de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Ordonne la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 9 juillet 2020 à la somme de 6000 euros pour la période de 60 jours comprise entre les 15 septembre et 15 novembre 2020 ;

Condamne la SAS Sarélia Concept à payer cette somme à Mme [N] [J] et M. [H] [J] au titre de la liquidation de l'astreinte ;

Condamne la SAS Sarélia Concept aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SAS Sarélia Concept à payer à Mme [N] [J] et M. [H] [J] la somme de 1500 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation de leurs frais irrépétibles.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/101317
Date de la décision : 21/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-04-21;21.101317 ?
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