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21/04/2022 | FRANCE | N°21/100267

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 21 avril 2022, 21/100267


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/10026 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDYF6

Décision déférée à la cour : jugement du 17 mai 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80581

APPELANTE

S.A. FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représentée par Me Marc BORTEN de l'AARPI LEANDRIetASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

toque : R271

INTIMÉE

Madame [C] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentée par Me Karima SAID, avocat au barreau de PARIS, toque ...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/10026 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDYF6

Décision déférée à la cour : jugement du 17 mai 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80581

APPELANTE

S.A. FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représentée par Me Marc BORTEN de l'AARPI LEANDRIetASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R271

INTIMÉE

Madame [C] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentée par Me Karima SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0446

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport et Madame Catherine LEFORT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseille

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par M. Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par arrêt daté du 20 février 2020, rendu sur appel d'une ordonnance de référé rendue par le Conseil de prud'hommes de Paris le 12 juin 2019, la Cour d'appel de Paris a ordonné la réintégration de Mme [R] au sein de la société France Télevisions dans ses fonctions de journaliste aux salaire et conditions contractuelles antérieurs à la rupture du contrat de travail survenue le 3 juillet 2019, et ce sous astreinte journalière de 500 euros devant courir à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt, qui interviendra le 28 février 2020.

Par jugement en date du 17 mai 2021, le juge de l'exécution de Paris a liquidé cette astreinte à 103 000 euros, a rejeté la demande de mise en place d'une astreinte définitive, et a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts. La société France Télevisions a été condamnée, en outre, à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 28 mai 2021 la société France Télevisions a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 29 juillet 2021, la société France Télévisions a exposé tout d'abord que selon jugement en date du 23 juillet 2021 et assorti de l'exécution provisoire, le Conseil de prud'hommes de Paris statuant au fond avait anéanti rétroactivement la mesure de réintégration de Mme [R] qui avait été ordonnée en référé ; elle en a déduit que par suite de la perte de fondement juridique de l'astreinte, les demandes de l'intimée devaient être intégralement rejetées. La société France Télévisions a précisé que dans le cadre du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, la demande de radiation de l'affaire devant la Cour de cassation qui avait été présentée par Mme [R] au visa de l'article 1009-1 du code de procédure civile avait été rejetée. Elle a ajouté que celle-ci était employée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée et rémunérée à la pige, sur la base de 346,94 euros la pige, si bien que contrairement à ce qu'avait estimé le juge de l'exécution, elle ne pouvait pas solliciter la mise en oeuvre d'une collaboration qui impliquerait un volume constant et déterminé de contrats avec une rémunération calculée sur la base de la moyenne des piges perçues sur les douze derniers mois, tout en précisant que la rémunération de l'intimée était fluctuante. La société France Télevisions a fait plaider en outre qu'au delà des difficultés pratiques et opérationnelles que soulevait l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, elle avait rencontré des obstacles à celle-ci, en raison de l'épidémie de Covid 19 et de ses répercussions sur son activité.

La société France Télevisions a demandé à la Cour :
- d'infirmer le jugement du juge de l'exécution en ce qu'il avait liquidé l'astreinte à 103 000 euros et l'avait condamnée au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuant à nouveau, de rejeter les demandes adverses ;
- d'ordonner la restitution par Mme [R] de la somme de 40 000 euros à elle versée en application d'une précédente décision du juge de l'exécution datée du 22 octobre 2020 liquidant l'astreinte sur la période comprise entre le 29 juin et le 17 septembre 2020 ;
- de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- subsidiairement, de réduire la somme due au titre de l'astreinte, laquelle n'aurait pu courir, en tout état de cause, que durant 131 jours, soit du 18 septembre 2020 au 27 janvier 2021 ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de mise en place d'une astreinte définitive et débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts.

Par ses conclusions notifiées le 23 février 2022, Mme [R] a répliqué que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris était revêtu de l'autorité de chose jugée en référé au sens de l'article 488 du code de procédure civile, dans la mesure où la société France Télevisions s'était désistée de son pourvoi en cassation le 25 novembre 2021. Elle a ajouté que l'intéressée n'avait nullement exécuté l'arrêt susvisé dans la mesure où elle ne lui avait proposé aucun poste, et qu'elle avait refusé de la réintégrer, alors même que les émissions auxquelles elle avait participé étaient toujours diffusées. Elle a souligné que la société France Télevisions ne prétendait pas ne plus employer de journalistes, et que de plus, la lecture de son registre du personnel montrait qu'elle continuait à recruter des salariés en contrat à durée déterminée ou indéterminée, et qu'il lui serait toujours possible de la faire travailler dans le secteur "événementiel et culture" ou "consommation et tendance", mais qu'en réalité elle s'était bornée à lui proposer seulement trois missions ponctuelles. Mme [R] a affirmé que la société France Télevisions se refusait à exécuter l'arrêt qui avait été rendu à son encontre, l'intéressée ne s'étant heurtée à aucune difficulté, et même qu'elle y faisait obstacle. Elle a affirmé que cet arrêt s'appliquait jusqu'au 23 juillet 2021, si bien que l'astreinte avait continué à courir jusqu'à cette date, ledit jugement ne pouvant avoir pour effet de se substituer purement et simplement à l'arrêt susvisé.

Mme [R] a demandé à la Cour de confirmer le jugement en ce qui concerne l'astreinte, y ajoutant, de la liquider à hauteur de 52 500 euros au titre de la période allant du 13 avril au 26 juillet 2021, de déclarer irrecevable la demande de la société France Télevisions à fin de restitution de la somme de 40 000 euros qui à ses yeux constituait une prétention nouvelle, d'infirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande de dommages et intérêts, de lui accorder la somme de 30 000 euros de ce chef, et de lui allouer la somme de 3 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Par jugement en date du 23 juillet 2021, le Conseil de prud'hommes de Paris, statuant au fond, a requalifié les contrats de travail à durée déterminée conclus par Mme [R] avec la société France Télévisions à compter du 20 août 2007 en contrat de travail à durée indéterminée, et a condamné la société France Télévisions au paiement de diverses sommes au titre de l'indemnité de requalification et du rappel de supplément familial. Ce jugement a relevé que Mme [R] s'abstenait de démontrer que la fin de la relation de travail intervenue par le seul fait du terme stipulé dans le contrat à durée déterminée résulterait effectivement de la volonté de la société France Télévisions de porter atteinte à son droit d'obtenir en justice la requalification de son contrat de travail, et que l'intéressée devait être déboutée de l'intégralité de ses demandes afférentes à la nullité de la rupture ainsi qu'à la poursuite de la relation de travail en ce comprises ses demande de réintégration. Cette décision, notifiée le 23 juillet 2021 par le greffe et assortie de l'exécution provisoire, a anéanti rétroactivement la mesure de réintégration de Mme [R] qui avait été ordonnée en référé. En effet l'ordonnance de référé, conformément à l'article 488 du code de procédure civile, est dépourvue de l'autorité de chose jugée au principal. Contrairement à ce que soutient l'intimée, elle est dépourvue de tout droit à être réintégrée au sein de la société France Télévisions. L'astreinte a ainsi perdu tout fondement juridique.

Par suite le jugement sera infirmé en ce qu'il a liquidé cette astreinte à 103 000 euros, et a condamné la société France Télevisions à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. Et Mme [R] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes. Par ailleurs, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté celle-ci de sa demande de dommages et intérêts.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. L'article 566 permet toutefois aux parties d'ajouter aux prétentions soumises au premier juge des demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La société France Télévisions a été condamnée, en application d'une précédente décision du juge de l'exécution datée du 22 octobre 2020, à payer la somme de 40 000 euros à Mme [R] au titre de la liquidation de l'astreinte sur la période comprise entre le 29 juin et le 17 septembre 2020. S'il est exact que la société France Télévisions n'avait pas sollicité la répétition de cette somme devant le premier juge, il s'avère que par jugement daté du 23 juillet 2021 le Conseil de prud'hommes de Paris statuant au fond a anéanti rétroactivement la mesure de réintégration de la salariée qui avait été ordonnée en référé. Cette décision de justice a été prononcée postérieurement à la décision dont appel. Il s'agit là de la révélation d'un fait qui autorise l'appelante à former des demandes nouvelles devant la Cour. Par suite de la perte du fondement juridique de l'astreinte qui avait été instituée à l'encontre de Mme [R], elle doit restituer les sommes perçues au titre de sa liquidation, mais le juge de l'exécution ne peut délivrer de titres exécutoires hors les cas prévus par les textes. La demande en paiement de la somme de 40 000 euros est dès lors irrecevable.

La demande de la société France Télévisions en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance a été à juste titre rejetée, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Mme [R] sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement en date du 17 mai 2021 en ce qu'il a liquidé l'astreinte instituée par la Cour d'appel de Paris en son arrêt daté du 20 février 2020 à 103 000 euros, et a condamné la société France Télevisions à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

et statuant à nouveau :

- DEBOUTE Mme [R] de sa demande de liquidation d'astreinte et de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus ;

y ajoutant :

- DECLARE irrecevable la demande de Mme [R] à fin de condamnation de la société France Télévisions au paiement de la somme de 40 000 euros ;

- CONDAMNE Mme [R] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Borten conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/100267
Date de la décision : 21/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-04-21;21.100267 ?
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