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21/04/2022 | FRANCE | N°19/05675

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 21 avril 2022, 19/05675


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 21 AVRIL 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05675 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B75EH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/09765







APPELANTE



Madame [L] [H]

[Adresse 1]

[Localit

é 4]



Représentée par Me Michel REMBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1319





INTIMEE



SARL STOCKHOLM Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 21 AVRIL 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05675 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B75EH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/09765

APPELANTE

Madame [L] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel REMBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1319

INTIMEE

SARL STOCKHOLM Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Cécile FOURCADE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1815

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 novembre 2011 à effet au 2 janvier 2012, Mme [L] [H] a été engagée par la société Stockholm en qualité de responsable hébergement statut agent de maîtrise, niveau 4, échelon 1, avec reprise d'ancienneté au sein du groupe Accor au 4 décembre 2000. Elle était affectée au sein de l'Hôtel Mercure [Localité 6] [Localité 5] [Localité 7].

La société emploie plus de dix salariés et les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

Mme [H], à l'issue de son congé maternité qui a débuté au mois de juin 2014, a bénéficié d'un congé parental total jusqu'au 2 septembre 2015 puis a repris son activité le 15 septembre 2015 à temps partiel dans le cadre d'un congé parental d'éducation, soit à 80 % de son temps de travail initial, soit 135 heures 20 par mois, congé prolongé jusqu'au 31 octobre 2016. Elle percevait, en dernier lieu, un salaire de base de 2.936,77 euros bruts sur 13 mois outre une prime bonus, soit une rémunération mensuelle moyenne de 3 339,58 euros.

Mme [H] a été, à plusieurs reprises, en arrêt maladie à compter de novembre 2015.

Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 12 août 2016 aux fins d'obtenir la condamnation de la société Stockholm au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Lors d'une visite médicale en date du 14 mars 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste, précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise (Stockholm Hôtel Mercure [Localité 7]).

Par courrier du 8 juin 2017, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 21 juin 2017 puis par courrier en date du 4 juillet 2017, la société Stockholm a notifié à Mme [H] la rupture de son contrat de travail pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement en date du 8 février 2019, le conseil de prud'hommes a'débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société Stockholm de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile'et a condamné la partie demanderesse aux dépens.

Le 29 avril 2019, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 2 juillet 2019, Mme [H] demande à la cour de':

- la déclarer tant recevable que bien fondée en son appel';

- réformer purement et simplement le jugement';

A titre principal,

- la dire fondée dans sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur';

- en fixer les effets au 4 juillet 2017';

- dire que la résiliation judiciaire du contrat doit produire les effets d'un licenciement nul';

Subsidiairement,

- dire illicite et par voie de conséquence nul, son licenciement pour inaptitude ;

Infiniment subsidiairement,

- dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement en date du 4 juillet 2017';

En tout état de cause,

- condamner la société Stockholm à lui verser'les sommes de':

556,61 euros au titre des rappels de salaire'et 55,66 euros au titre des congés payés afférents';

5.873,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis'et 587,35 euros au titre des congés payés afférents';

100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse';

20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail';

60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur';

3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- assortir la décision des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, et dire que ces intérêts seront capitalisés sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil';

- condamner la société Stockholm aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le'22 septembre 2019, la société Stockholm demande à la cour de':

- juger que la demande de résiliation judiciaire formulée par Mme [H] est manifestement infondée et injustifiée, qu'aucun fait de discrimination ou encore de harcèlement moral ne sont caractérisés';

- juger que la société a parfaitement rempli son obligation de reclassement à l'égard de Mme [H]';

- juger que le licenciement de Mme [H] est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse';

- juger qu'aucun manquement de la société n'est caractérisé au cours de l'exécution de la relation contractuelle et que la société n'a manqué à aucune de ses obligations';

- juger que Mme [H] ne peut prétendre à aucun rappel de salaire ou encore au versement de dommages intérêts au titre d'une prétendue exécution déloyale du contrat de travail ou encore d'un prétendu manquement à l'obligation de sécurité de résultat';

En conséquence,

- débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions';

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes';

- condamner Mme [H] aux entiers dépens';

- condamner Mme [H] à lui verser 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 2 février 2022.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat

Mme [H] considère que son employeur a commis des manquements graves à ses obligations qui justifient sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, en raison de la discrimination dont elle a fait l'objet à la suite de la reprise de ses fonctions à l'issue de son congé parental, les agissements subis caractérisant également un harcèlement moral à son égard. Par ailleurs, elle fait valoir que son inaptitude est la conséquence directe du harcèlement dont elle a fait l'objet et qu'aucune réelle recherche de reclassement n'a été diligentée.

La société conteste avoir commis un manquement de nature à justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail et affirme au contraire avoir accompagné la salariée à son retour de congé parental et que c'est Mme [H] qui a tout mis en 'uvre pour s'opposer à l'organisation en place au sein de l'hôtel, ce qui a conduit à une dégradation des conditions de travail du personnel. Après enquête réalisée par la délégation unique du personnel, puis par le CHSCT, il s'est avéré que les accusations portées par Mme [H] étaient infondées. Elle soutient également qu'aucun poste correspondant aux préconisations du médecin du travail n'était disponible.

Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation est fondée. La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L'article L.1154-1 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière notamment de rémunération, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle en raison notamment de sa situation de famille. En application de l'article L. 1134-1du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur la demande de résiliation

Mme [H] soutient en substance qu'à son retour de congé parental le 15 septembre 2015 elle a subi une rétrogradation, avec la suppression de certaines de ses responsabilités, des pressions pour accepter des modifications de son planning avec notamment des horaires de fin d'après midi, de soirée mais aussi de nuit, des humiliations de la part du directeur et un traitement discriminant au sujet de son entretien d'évaluation. Enfin, elle précise qu'avant d'engager une procédure judiciaire, elle a pendant un an saisi le médecin du travail, la délégation du personnel et l'inspection du travail mais que son employeur, pourtant alerté de sa situation, n'a pas réagi.

Au soutien de ses affirmations, Mme [H] produit en premier lieu les organigrammes de la société qui attestent de la création, pendant son congé parental, d'un échelon hiérarchique supplémentaire entre elle et le directeur de l'hôtel auquel elle rapportait auparavant directement, à savoir un poste de directeur d'hébergement, confié à M. [F] qui est devenu son nouveau supérieur hiérarchique. Elle produit également la fiche de poste de responsable d'hébergement signée le 3 février 2012 et celle remise à son retour de congé en septembre 2015 dont la comparaison fait ressortir une diminution de ses attributions et responsabilités.

Mme [H] produit également de nombreux mails adressés à son employeur dans lesquels elle se plaint de la dégradation de ses conditions de travail, comme :

- son absence de bureau et de portable lors de son retour, avec ses effets personnels entreposés dans un carton,

- la modification de ses plannings la contraignant à des horaires de nuit, qu'elle a refusé, les plannings qu'elle produit sur les dernières années confirmant l'existence de cette modification pour des horaires de fin de journée,

- la dépossession de ses fonctions en matière de ressources humaines, avec notamment l'acceptation de congés d'un salarié subordonné sans qu'elle ne soit informée et des recrutements et rupture de période d'essai sans être associée,

- la réduction de son solde de congés payés et la retenue de salaire pour une demi journée de travail qui lui seront ultérieurement rétablis,

- l'iniquité de sa procédure d'évaluation prévue avec le directeur de l'hôtel et le directeur de l'hébergement au lieu d'un seul évaluateur, comme pour le reste du personnel.

Dans deux courriers des 2 décembre 2015 et 24 juin 2016 à son employeur, elle dressait le récapitulatif de l'ensemble des atteintes portées à ses conditions de travail et responsabilités depuis son retour de congé parental, portant gravement atteinte à son état de santé et rappelant qu'elle souhaitait retrouver le poste qui était le sien.

Elle justifie de certaines réponses apportées par son employeur, contestant notamment le bien-fondé de son refus de modification de ses plannings et qui par une lettre recommandée du 23 octobre 2015 la mettait en demeure de respecter les horaires de travail fixés.

Elle verse également aux débats une attestation de M. [M], salarié et délégué syndical qui confirme la dégradation de sa situation et le rapport de l'inspection du travail du 25 juillet 2016 dans lequel l'inspecteur mentionne avoir procédé à un contrôle au sein de la société les 1er, 6 et 11 juillet 2016 avec l'audition de plusieurs salariés quant à la situation de Mme [H] l'ayant amené aux constats suivants :

- une évolution significative des tâches et responsabilités de Mme [H] avant et après son congé parental, celle-ci étant directement positionnée avant son congé sous le directeur de l'hôtel et participant au comité de direction alors que depuis son retour elle est positionnée à un niveau inférieur de chef de service et ne fait plus partie du comité de direction ; le rattachement du service débiteur qu'elle supervisait avant son départ à un autre département de l'entreprise ; le retrait de la responsabilité de l'élaboration des plannings de son service et de la transmission au service ressources humaines des données permettant l'établissement des fiches de paie ; l'absence d'association de la salariée à la réalisation des entretiens d'évaluation des personnes de son service alors qu'elle menait auparavant certains d'entre eux et supervisait l'organisation de l'ensemble des entretiens ; l'imposition depuis son retour d'horaires variables alors qu'elle était avant son départ autonome dans son organisation ;

- des reproches infondés concernant le refus par la salariée d'accepter ponctuellement des horaires de nuit, puisque l'accord du salarié est requis,

- l'absence de tenue d'un entretien professionnel après congé parental d'éducation prévu à l'article L. 61315'1 du code du travail.

L'inspecteur considérait en synthèse que plusieurs des responsabilités auparavant exercées par Mme [H] étaient désormais dévolues au directeur d'hébergement, et notamment que ce dernier poste était en majeure partie dédié à la supervision des secteurs réception et réservation autrefois confiée à la salariée, laquelle avait ainsi vu son emploi modifié avec les tâches essentielles d'encadrement notablement diminuées. Il relevait enfin que par deux courriers des 16 et 27 novembre 2015, le médecin du travail avait alerté la société sur la dégradation de l'état de santé de la salariée et qu'il avait lui même constaté que les difficultés rencontrées par Mme [H] depuis son retour nuisaient aux conditions de travail de l'ensemble des salariés du service hébergement. Il demandait donc à la société de rechercher en lien avec Mme [H] toutes mesures aptes à mettre un terme à la situation de tension actuelle.

Enfin, Mme [H] produit ses arrêts de travail du 23 novembre 2015 au 29 novembre 2015, puis du 30 novembre 2015 au 9 décembre 2015, du 8 au 15 avril 2016, du 11 au 26 juin 2016, des 3 et 4 août 2016 et des certificats médicaux mentionnant notamment un état anxio-dépressif et de stress, et son avis d'inaptitude du 14 mars 2017 la déclarant inapte à son poste de responsable hébergement et précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise (Stockholm'hôtel Mercure [Localité 7]).

Sont ainsi établis une modification du contenu du poste de la salariée à son retour de congé parental avec notamment une diminution de ses responsabilités et un changement de ses horaires de travail, ainsi qu'une dégradation de son état de santé ayant amené à une inaptitude à son poste.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer à la fois un harcèlement moral et une discrimination de la salariée en raison de sa situation de famille depuis son retour de congé parental en septembre 2015.

Il appartient donc à la société d'établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et discrimination.

La société qui conteste tout fait de discrimination ou de harcèlement moral fait valoir que Mme [H] ne produit que ses propres courriers, alors que, comme exposé ci dessus, elle invoque également un rapport précis et circonstancié de l'inspecteur du travail portant sur sa situation à son retour de congé parental.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société, il importe peu que Mme [H] n'ait pas subi de perte de revenus ni de réduction de sa classification hiérarchique à son retour de congé parental, seule devant être examinée la situation réelle de celle-ci à son retour et notamment quant aux missions et responsabilités confiées dans le cadre de la réorganisation de l'hôtel qui est avérée avec notamment la nomination d'un directeur de l'hébergement.

La société soutient encore qu'une enquête de la délégation unique du personnel, une enquête du CHSCT, puis une visite de l'inspection du travail, ont écarté tout fait de discrimination ou de harcèlement visé par Mme [H] et également que plusieurs collaborateurs de l'hôtel nient fermement les accusations graves portées à son encontre.

Toutefois, la société se borne à affirmer que l'inspecteur du travail, dans son courrier en date du 25 juillet 2016, ne fait état que d'une 'évolution significative' des tâches et responsabilités confiées à Mme [H] avant et près son congé parental, sans estimer qu'une modification du contrat de travail était caractérisée, cette notion n'ayant été abordée que concernant les horaires de nuit et dans une mesure extrêmement réduite, alors que comme précédemment évoqué le rapport sur la situation de Mme [H] établi sur 4 pages pointait plusieurs difficultés et notamment une réduction de ses responsabilités, laquelle découle également de la comparaison des fiches de poste établies avant et après son congé.

De même, si comme le soutient l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, il peut faire évoluer les tâches effectuées par le salarié, dès l'instant où la nouvelle tâche correspond à sa qualification et si l'ajout d'un échelon hiérarchique intermédiaire entre un salarié et son supérieur hiérarchique n'implique pas une rétrogradation ou un déclassement nécessitant l'accord du salarié, c'est à la condition que ses fonctions et responsabilités ne soient pas modifiées.

Or, comme décrit précisément par l'inspecteur du travail, le recrutement d'un directeur de l'hébergement a entraîné la modification de l'emploi de la salariée, avec une réduction à la fois de son champ de compétence et de ses responsabilités, ce qui caractérise une modification du contrat de travail qui doit recueillir l'accord de la salariée, étant en outre rappelé qu'en application de l'article L. 1225'55 du code du travail, à l'issue du congé parental d'éducation, le salarié doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

La société produit encore le rapport d'enquête du CHSCT qui conclut à l'absence de discrimination à l'égard de la salariée et des attestations de salariés qui indiquent l'absence de 'faits de discrimination, d'humiliation ou encore de harcèlement' à l'encontre de Mme [H] et considère que la salariée a bénéficié à son retour d'un espace de travail identique et similaire aux autres 'chefs de service', avec tous les moyens nécessaires à sa disposition.

Or, il sera relevé que la salariée occupait le poste de 'responsable hébergement' et non de chef de service et que la 'posture de défiance et d'opposition' qui lui est imputée résulte, au vu des pièces produites, de la réorganisation de l'hôtel opérée en son absence et qui a entraîné une nouvelle répartition de ses attributions avec un appauvrissement de ses responsabilités. De même, il ne saurait être fait grief à la salariée, dans ce contexte, de s'être plainte d'être 'déclassée', ou d'avoir refusé un travail de nuit qui requérait son accord, aucune mention de son contrat de travail ne le prévoyant et alors qu'elle était jusque là positionnée en horaires de début de journée.

Ainsi, la société échoue à démontrer que ses décisions étaient justifiées par des motifs objectifs, étrangers à tout harcèlement et discrimination liée à sa situation de famille qui sont dès lors établis.

Ces manquements, portant sur les fonctions mêmes de la salariée au sein de l'entreprise et ayant entraîné la dégradation de son état de santé, étaient d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible la poursuite du contrat.

La résiliation du contrat de travail sera donc ordonnée avec une prise d'effet au 4 juillet 2017, date du licenciement pour inaptitude et eu égard à la nature des manquements, elle produira les effets d'un licenciement nul.

Sur les demandes pécuniaires

Mme [H] a droit, d'une part, aux indemnités de rupture et, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale aux salaires des six derniers mois.

Mme [H] a été engagée dans le groupe le 4 décembre 2000 et licenciée le 4 juillet 2017. Son salaire de base s'élevait en dernier lieu à 2936,77 euros et la moyenne de sa rémunération à 3 339,58 euros.

Mme [H] est donc bien fondée à obtenir le paiement de la somme de 5873,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 587,35 euros à titre de congés payés afférents, peu important qu'elle n'ait pas été en mesure de l'exécuter.

Par ailleurs, pour réclamer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, Mme [H] indique qu'au mois de juillet 2019 elle était toujours sans emploi, percevant une allocation Pôle emploi de 1.581 euros et subissant une perte de revenus de plus de 1.200 euros par mois, outre un préjudice de carrière. Elle ne produit, sur sa situation postérieure à la rupture, qu'une attestation de versement par Pôle emploi d'allocations au 15 janvier 2018.

Au regard de l'ancienneté de la salariée, de son âge, de la rémunération qu'elle percevait au sein de l'entreprise et des éléments produits sur sa situation, le préjudice résultant du licenciement doit être arrêté à la somme de 30 000 euros. L'employeur sera condamné à payer cette somme.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, l'employeur doit en outre être condamné à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour du licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnité de chômage.

Sur le rappel de salaires au titre d'octobre 2015

Mme [H] fait valoir que son employeur a tenté de lui imposer un horaire de travail de nuit qu'elle a systématiquement refusé ; qu'il l'a ainsi soumise dans ses plannings à des vacations jusqu'à 23 heures 33 les 5-6-7-12-13-14 et 16 octobre 2015 mais qu'elle a quitté ses fonctions à 21 heures 15, refusant les horaires de nuit ; qu'il ressort du bulletin de paie d'octobre 2015 que l'employeur a considéré comme des absences les heures de 21 heures 15 à 23 heures 33 pour ces journées et a déduit 32 heures 67 pour un équivalent de 556,61 euros dont elle demande le paiement.

La société considère que c'est à bon droit que la salariée n'a pas été rémunérée pour une prestation de travail non effectuée.

Comme précédemment exposé, un employeur ne peut imposer à un salarié un passage en horaires de nuit, sans l'accord de celui-ci et la société était donc infondée à pratiquer des retenues de salaires à Mme [H] à ce titre.

La société sera donc condamnée à verser à Mme [H] la somme de 556,61 euros à titre de rappels de salaires pour octobre 2015 et 55,66 euros à titre de congés payés afférents.

Sur l'exécution déloyale du contrat travail

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Or, il ressort des développements qui précèdent qu'à son retour de congé parental Mme [H] n'a pas retrouvé les missions et responsabilités qui lui étaient dévolues avant son départ et qu'aucune amélioration de sa situation n'est intervenue malgré ses alertes et celle de l'inspecteur du travail, ce qui caractérise une exécution déloyale du contrat de travail par la société.

Le préjudice en résultant sera évalué au vu des éléments du dossier à la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat

En application de l'article L. 4121'1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Or, en l'occurrence, il est établi que la société a été informée tant par la salariée que par le médecin du travail (courriers des 16 et 27 novembre 2015) de la dégradation de l'état de santé de Mme [H] qui s'est trouvée à plusieurs reprises en arrêts de travail à compter de septembre 2015 puis en situation d'inaptitude à son poste au sein de l'hôtel de [Localité 7].

Or, la société ne justifie pas des mesures mises en oeuvre pour faire cesser cette situation et protéger la santé de la salariée, la seule organisation d'une enquête du CHSCT sur l'existence de faits discriminatoires étant insuffisante à cet égard.

Ce manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sera indemnisé à hauteur de la somme de 5 000 euros.

Sur les demandes accessoires

L'employeur, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel et participer aux frais irrépétibles engagés par la salariée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [H] aux torts de l'employeur'à la date du 4 juillet 2017';

DIT que la résiliation judiciaire du contrat produit les effets d'un licenciement nul';

CONDAMNE la société Stockholm à verser à Mme [H]'les sommes suivantes':

556,61 euros bruts au titre des rappels de salaire'et 55,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,

5.873,54 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis'et 587,35 euros bruts au titre des congés payés afférents,

30.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité,

3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter de la décision qui les ordonne ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dûs sur une année entière sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil';

DIT que la société devra rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à la salariée licenciée du jour de la rupture, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage ;

CONDAMNE la société Stockholm aux entiers dépens.

LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/05675
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;19.05675 ?
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