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21/04/2022 | FRANCE | N°19/03487

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 21 avril 2022, 19/03487


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 21 AVRIL 2022



(n° 2022/ , 15pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03487 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7Q4C



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/01501





APPELANT



Monsieur [C] [T]

[Adresse 2]
>[Localité 3]



Représenté par Me Emmanuel MAUGER de la SELARL MAUGER MESBAHI ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706





INTIMÉE



SAS SOPIC venant aux droits de la société GROU...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 21 AVRIL 2022

(n° 2022/ , 15pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03487 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7Q4C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/01501

APPELANT

Monsieur [C] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Emmanuel MAUGER de la SELARL MAUGER MESBAHI ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706

INTIMÉE

SAS SOPIC venant aux droits de la société GROUPEMENT D'ÉTUDES ET DE MÉTHODES D'ORDONNANCEMENT (GEMO)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence FROMENT MEURICE, avocat au barreau de PARIS, toque : R245

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Groupement d'études et de méthodes d'ordonnancement (GEMO), aux droits de laquelle vient désormais la SAS SOPIC, a pour activité la proposition de prestations intellectuelles dans la gestion de projets de construction. Elle remplit essentiellement des missions :

- d'ordonnancement, pilotage et coordination (O.P.C.) des opérations de construction ;

- d'assistance à maîtrise d'ouvrage en apportant conseil et support ;

- de management de projet (ou Project Management) pour le compte du maître d'ouvrage ;

- de maîtrise d'oeuvre d'exécution.

M. [C] [T] a été embauché par la société Groupement d'études et de méthodes d'ordonnancement (GEMO), par contrat de travail à durée indéterminée du 7 janvier 1991 à effet au 22 octobre 1990, en qualité de coordinateur, statut cadre, niveau 3.1 - coefficient 170 conformément aux dispositions de la convention collective des bureaux d'études techniques des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 (Syntec), à laquelle l'employeur est soumis.

En 2011, il a été promu ingénieur, statut cadre, niveau 3.2, coefficient 210.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle brute de base de 5 100 euros, à laquelle s'ajoutait un treizième mois calculé au prorata de la période d'activité au sein de la société GEMO, soit une moyenne mensuelle brute de 5 525 euros, pour 35 heures de travail hebdomadaires.

La société Groupement d'études et de méthodes d'ordonnancement (GEMO) occupait à titre habituel au moins 11 salariés au jour de la rupture du contrat de travail.

Le 29 octobre 2012, M. [T] a saisi une première fois le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux motifs d'une dégradation de ses conditions de travail et d'une inexécution par la société GEMO de ses obligations contractuelles. Par jugement du 19 septembre 2014, le conseil de prud'hommes de Paris a prononcé la résiliation judicaire du contrat de travail de M. [T] et condamné la société GEMO à lui verser différentes sommes à ce titre. Sur appel de la société GEMO, la cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 5 novembre 2015, infirmé le jugement précité, débouté M. [T] de l'intégralité de ses demandes et condamné ce dernier à payer à la société GEMO une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. Par arrêt du 2 mars 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. [T] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris.

M. [T] était placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 6 novembre 2015 jusqu'au 13 novembre 2015.

Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 novembre 2015.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [T] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Paris par requête enregistrée au greffe le 20 janvier 2016, aux fins de voir dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 22 février 2019, auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a fait droit à la fin de non recevoir soulevée par la SAS SOPIC et condamné M. [T] aux entiers dépens.

M. [T] a régulièrement relevé appel du jugement le 11 mars 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant transmises par voie électronique le 30 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [T] prie la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son action ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la SAS SOPIC, venant aux droits de la société GEMO, à lui verser les sommes suivantes :

* 16 575 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 657,50 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente au préavis,

* 46 041,67 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1 004,54 euros à titre d'indemnité du fractionnement des congés,

* 200 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à la remise des documents de fin de contrat,

- ordonner la remise du bulletin de paie, du solde de tout compte, d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi, du document relatif à la portabilité mutuelle et prévoyance, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document, en se réservant la liquidation de l'astreinte ;

- débouter la société SOPIC, venant aux droits de la société GEMO, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société SOPIC, venant aux droits de la société GEMO, à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée transmises par voie électronique le 15 juillet 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SAS SOPIC, venant aux droits de la société GEMO, prie la cour de :

- juger irrecevable la demande de M. [T] ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

- constater que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [T] s'analyse en une démission ;

- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 16 575 euros au titre du préavis non effectué ;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, outre telle amende civile qu'il plaira à la cour de fixer ;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. [T] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 janvier 2022.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'action de M. [T] :

La société SOPIC excipe de la fin de non recevoir issue du principe de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée, au visa de la conjugaison des articles 480 du code de procédure civile, 1351 du code civil dans son ancienne rédaction et R. 1452-6 du code du travail, dans sa version en vigueur avant le 1er août 2016, pour faire valoir que M. [T] est irrecevable dans son action, dès lors qu'il invoque au soutien de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, les mêmes faits que ceux dont il s'est prévalu pour fonder sa demande de résiliation judiciaire. Elle allègue que si les manquements invoqués aux fins de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ont été considérés insuffisants pour justifier la résiliation, il ne peut en être autrement pour la prise d'acte.

Elle soutient que M. [T], en prenant acte de la rupture, a décidé de remettre en cause le principe du double degré de juridiction de façon opportuniste et d'obtenir une nouvelle décision sur des faits déjà soumis à l'appréciation de deux juridictions du fond et de la Cour de cassation, n'ayant pas accepté d'être débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Elle souligne le bref délai écoulé entre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 novembre 2015 et la prise d'acte de M. [T] du 13 novembre 2015 ainsi que la teneur de celle-ci visant expressément la décision rendue le 5 novembre 2015.

M. [T] s'oppose à la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, au visa de l'article R. 1452-6 du code du travail, en sa version applicable au litige et fait valoir qu'il fonde sa prise d'acte de rupture sur des manquements nouveaux et persistants de la société SOPIC dans l'exécution du contrat de travail postérieurement aux débats devant la cour d'appel.

Aux termes de l'article R. 1452-6 du code du travail, en sa version en vigueur lors de la saisine initiale du conseil de prud'hommes par M. [T] :

'Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.'

Il résulte en outre de l'article 480 du code de procédure civile, en sa version applicable au litige, que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Enfin, aux termes de l'article 1351 du code civil, en sa version applicable au litige, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

La cour rappelle en outre que tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du dit contrat. Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire d'une démission. La rupture du contrat de travail est immédiate et la prise d'acte ne peut être rétractée.

La cour relève que la demande de M. [T] tendant à faire produire à sa prise d'acte du 13 novembre 2015, postérieurement à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 5 novembre 2015, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, repose sur un fondement juridique différent de celui de la demande afférente au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, car dans le premier cas, la rupture du contrat de travail est consommée et immédiate, alors que dans le second cas, le contrat se poursuit jusqu'à la décision de la juridiction saisie, voire au-delà si la résiliation n'est pas prononcée. En l'espèce, le contrat de travail s'est poursuivi au-delà de l'arrêt rendu le 5 novembre 2015, M. [T] ayant été débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Dans ces conditions, l'autorité de la chose jugée s'applique à la résiliation judiciaire et non à la demande fondée sur une prise d'acte, laquelle est intervenue postérieurement à l'arrêt rendu le 5 novembre 2015. De même, l'unicité de l'instance ne peut être opposée utilement à M. [T] de ce fait.

M. [T] est donc recevable à solliciter de voir produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre, si la prise d'acte de M. [T] repose sur des manquements de l'employeur préexistants à la décision précitée, dont certains se sont poursuivis au-delà de l'arrêt du 5 novembre 2015, qu'il avait renoncé à invoquer au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, le principe de l'unicité de l'instance ne trouve pas plus à s'appliquer dès lors que ces manquements constituent des moyens et non des prétentions au sens de l'article R. 1452-6 du code du travail.

En conséquence, la fin de non recevoir invoquée par la société SOPIC est rejetée et le jugement infirmé en ce qu'il a fait droit à celle-ci.

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre notifiant la prise d'acte du 13 novembre 2015 est rédigée dans les termes suivants :

« J'ai pris connaissance de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 5 novembre 2015 qui, malheureusement, et contrairement aux premiers Juges, n'a pas entendu ma dénonciation des manquements gravement fautifs de l'employeur à mon égard dans notre relation de travail.

Je n'accepte pas cette décision.

Je maintiens encore qu'après l'audience devant la Cour d'Appel de Paris, vous avez entretenu la dégradation de mes conditions de travail, ne m'avez pas fourni de mission conforme à mes fonctions et responsabilités, n'avez pas régularisé ma situation au regard de mes droits à congé et JRTT, etc...

Pour preuve, la Cour a constaté qu'a minima je dispose « actuellement des 123 jours de congés payés que (je) réclamais ».

Quelle est la normalité de cette situation qui montre que mes droits à congés n'ont jamais pu s'exercer régulièrement '

Ainsi, alors que la décision de la Cour d'Appel de Paris était en délibéré, le vendredi 16 octobre 2015 à midi, vous m'avez demandé « de bien vouloir reconsidérer (ma) période de congés », devant débuter le soir même, « et de la décaler à une période pendant laquelle le chantier n'est pas mis en péril par (mon) absence ».

Pour mémoire, j'avais sollicité une semaine de congés sur mon important reliquat le 18 septembre 2015 ; ma demande a été validée le 9 octobre 2015 par la Direction.

Revenir sur cette validation, quelques heures avant mon départ en congés, est en soi une nouvelle illustration de vos agissements fautifs à mon endroit, mais aussi de vos intimidations et pressions permanentes comme lorsque vous écrivez : « poser vos congés en cette période délicate de fin d'opération pose un problème de responsabilité professionnelle pour le bon déroulement de la fin de l'opération mais aussi relationnelle avec notre client ».

Notre relation de travail m'est aujourd'hui insupportable du fait de la persistance de vos manquements.

Aussi je suis contraint, sans attendre l'éventuel exercice de recours, de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de l'employeur.

Cette prise d'acte prend effet immédiatement, à la réception de la présente.

Je vous invite à établir mon solde de tout compte et les documents de fin de contrat ».

Aux termes de l'article L. 1231-1 du code du travail, 'Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai.'

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge doit examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans sa lettre de rupture. La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié.

Sur le manquement lié à la violation de l'obligation de sécurité par l'impossibilité pour le salarié de prendre ses congés :

M. [T] soutient que la société SOPIC a manqué à son obligation de sécurité. Il affirme que la jurisprudence afférente à la prise du repos hebdomadaire est transposable aux congés et que la fatigue accumulée du fait de l'impossibilité pour lui de prendre des congés peut compromettre sa santé et l'expose à des risques d'accident ou de maladie, tant physique que psychique.

Il fait valoir que les modalités de prise de ses congés ont posé des difficultés en 2005 et 2012 et que celles-ci se sont poursuivies en 2014 et 2015, plusieurs demandes de congés n'ayant jamais été validées en bonne et due forme par l'employeur de sorte qu'il subsistait 78 jours de congés à la fin du mois d'octobre 2015.

Il reproche à la société SOPIC d'avoir supprimé 5 jours sur les 15 jours qu'il avait posés, la société l'ayant ainsi obligé à prendre moins de 12 jours de congés consécutifs à l'été 2015.

De même, il allègue qu'en dépit d'une commission de sécurité favorable le 28 Août 2015, une fin de contrat le 31 août 2015 avec le client et la remise par ses soins à M. [S], le 06 octobre 2015, des procès-verbaux de réception de chantier, l'employeur avait émis des réserves le 16 octobre 2015 quant à sa demande de congés posée depuis le 18 septembre pour la période du 19 au 23 octobre 2015, alors même qu'il les avait validés le 09 octobre 2015.

Il invoque enfin les effets nocifs de cette situation sur son état de santé, ayant été placé à deux reprises en arrêt maladie au mois de juin 2015 et au mois de novembre 2015, le médecin lui ayant prescrit des anxiolytiques lors de son second arrêt.

La société SOPIC conteste avoir enfreint son obligation de sécurité et fait valoir l'ancienneté du grief ainsi que son absence de fondement. Elle soutient que l'analyse des bulletins de paie fait apparaître que M. [T] a bénéficié de 70 jours de congés entre les mois de juillet 2014 et d'octobre 2015, dont 55 jours pendant l'exercice précédant la prise d'acte. Elle évoque également la difficulté liée aux exigences des chantiers quant au choix inapproprié des dates de congés sollicitées par M. [T] au mois de juillet 2015 et au mois d'octobre 2015, soulignant qu'elle a finalement accédé à sa demande concernant la semaine du 19 au 23 octobre 2015.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, en sa version applicable au litige, dispose que :

' L 'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1 ° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

La prise de congés payés participe à la préservation de la santé des salariés.

La cour relève que dans son arrêt du 5 novembre 2015, la cour d'appel de Paris a constaté que la société GEMO avait régulièrement crédité sur le bulletin de paie du mois de juin 2014 de M. [T] les 123 jours de congés payés qu'il avait revendiqué et qu'elle n'avait commis aucun manquement grave à cet égard.

A cet égard, la société SOPIC a confirmé le 20 mars 2015 à M. [T] que ses congés non pris au 31 mai 2015 nétaient pas perdus.

En outre, M. [T] a bénéficié au cours de l'exercice ayant couru du 1er juin 2014 au 31 mai 2015, de 55 jours de congés payés sur les 117 jours restant, outre 15 jours de congés payés sur la période du 1er juillet 2015 jusqu'à sa prise d'acte du 13 novembre 2015, soit un total de 70 jours de congés payés.

Par ailleurs, aucun élément médical n'est produit aux débats afférent à l'arrêt de travail du 16 juin 2015 au 19 juin 2015, permettant d'imputer celui-ci à une insuffisance de congés, alors qu'entre le 1er janvier 2015 et le 31 mars 2015, M. [T] avait bénéficié de 26 jours de congés payés.

S'agissant de son arrêt de travail du 6 novembre 2015 au 13 novembre 2015, M. [T] communique une ordonnance datée du 6 novembre 2015 d'un médecin généraliste lui prescrivant la prise d'un anxiolytique (xanax). Cependant, là encore, la cour relève que M. [T] a bénéficié d'un congé du 19 au 23 octobre 2015 et que son arrêt de travail est survenu au lendemain du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a rejeté ses demandes.

De surcroît, il résulte des échanges de mails intervenus entre les parties que M. [T], qui avait posé ses congés d'été du 13 au 31 juillet 2015, a demandé 'si la Société pour des raisons d'organisation et de continuité des missions dont j'ai la charge, souhaite que je sois présent du 15 juillet au 17 juillet pour assurer le rendez-vous hebdomadaire du 15 juillet et la visite du 17 juillet avec le SDIS, au plus tard le vendredi 03 juillet', de sorte que ses congés ont finalement été fixés du 20 juillet 2015 au 31 juillet 2015, soit 10 jours, mais avec l'accord du salarié et sans que cette situation ne lui ait été imposée.

En outre, dès le 8 juillet 2015, la société SOPIC a pourvu au remplacement de M. [T] durant ses congés d'été.

En revanche, la cour observe que la société SOPIC a effectivement tenté d'annuler la prise des congés payés par M. [T] au mois d'octobre 2015, notamment en lui adressant un mail à cette fin le vendredi 16 octobre 2015 à 12h04, en raison d'obligations professionnelles du salarié sur le chantier qui lui était dévolu, alors que le salarié avait posé ses dates depuis le 18 septembre 2015, lesquelles avaient été acceptées le 9 octobre 2015 et que l'employeur ne pouvait ensuite, sauf circonstances exceptionnelles, modifier l'ordre et les dates de départ, moins d'un mois avant la date de départ prévue.

A cet égard, la société SOPIC invoque l'exigence de la présence du salarié en raison du fait que M. [T] se trouvait en période de livraison de l'opération concernant le centre E. Leclerc sis à [Localité 4] dont il était chef de projet ; or, M. [T] justifie avoir transmis à M. [D], directeur du développement, l'ensemble des informations requises concernant les dossiers afférents à cette opération de restructuration du magasin E. Leclerc, le vendredi 16 octobre 2015 avant l'envoi du mail l'invitant à retarder ses congés.

Cependant, M. [T] a pu finalement bénéficier de ses congés tels que prévus initialement.

Enfin, M. [T] a pu exercer son droit à RTT les 21 août 2015 et 7 septembre 2015 et d'un congé individuel de formation pour examen les 30 et 31 mars 2015, sans justifier de sa présence audites épreuves.

Dans ces conditions, la cour retient, au vu des éléments qui précèdent, que M. [T] n'établit pas que la société SOPIC ait manqué à son obligation de sécurité en le privant de son droit à congés.

Sur le remboursement des frais professionnels :

M. [T] allègue le retard avec lequel l'employeur a remboursé ses frais professionnels afférents au 1er semestre, soit le 31 juillet 2015. Il fait valoir également la mise en demeure adressée à la société SOPIC par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2015 concernant ses frais engagés du mois d'août 2015 au mois d'octobre 2015, soit 609,30 euros et sollicitant le paiement de ses frais afférents au mois de novembre 2015, soit 102,20 euros.

La société SOPIC soutient que M. [T] a été indemnisé des frais qu'il a engagés et qu'il n'en sollicite pas le paiement.

La cour observe que M. [T] justifie avoir transmis les justificatifs de ses frais professionnels:

- pour le mois de janvier 2015 : le 28 janvier 2015 ;

- pour les mois de février 2015 et mars 2015 : le 26 mars 2015 ;

- pour le mois d'avril 2015 : le 30 avril 2015 ;

- pour le mois de juin 2015 : le 30 juin 2015 ;

et que la société SOPIC a procédé à leur règlement, soit 991,10 euros, par courrier du 31 juillet 2015.

S'agissant des frais afférents aux mois d'août 2015 à octobre 2015, les justificatifs ont été transmis en fin de chaque mois par M. [T] et ceux du mois de novembre 2015, par son courrier du 10 novembre 2015.

La cour constate que l'employeur a payé avec retard les frais professionnels de M. [T] sans fournir d'explications à cet égard.

Dès lors ce manquement est établi.

Sur les jours de congés supplémentaires pour fractionnement au titre des années 2014-2015 :

M. [T] soutient que la charge de travail imposée par la société GEMO l'a contraint à une prise de congé d'une durée minimale de 12 jours ouvrables pendant la période du 1er mai au 31 octobre pour les années 2014 et 2015. Il allègue, au visa de l'article L. 3141-19 du code du travail et de la convention collective, que l'employeur ne lui a jamais accordé des jours de congé supplémentaires dûs à ce fractionnement pour les années 2010 à 2014 et ce en dépit de sa demande par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 Novembre 2015.

La société SOPIC fait valoir que la cour d'appel de Paris a constaté que M. [T] était rempli de ses droits avec les 123 jours de congés dont il disposait et soutient que ses revendications sont anciennes et ne peuvent justifier sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail intervenue le 13 novembre 2015.

Aux termes de l'article L. 3141-19 du code du travail, en sa version applicable au litige :

'Lorsque le congé est fractionné, la fraction d'au moins douze jours ouvrables continus est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. Les jours restant dus peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de cette période. Il est attribué deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus en plus de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément. Des dérogations peuvent être apportées aux dispositions du présent article, soit après accord individuel du salarié, soit par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement.'

En outre, il résulte de l'article 23 de la convention collective que : 'Tout salarié ETAM et I.C. ayant au moins 1 an de présence continue dans l'entreprise à la fin de la période ouvrant droit aux congés payés aura droit à 25 jours ouvrés de congés (correspondant à 30 jours ouvrables). Il est en outre accordé en fonction de l'ancienneté acquise à la date d'ouverture des droits :

- après une période de 5 années d'ancienneté : 1 jour ouvré supplémentaire ;

- après une période de 10 années d'ancienneté : 2 jours ouvrés supplémentaires ;

- après une période de 15 années d'ancienneté : 3 jours ouvrés supplémentaires ;

- après une période de 20 années d'ancienneté : 4 jours ouvrés supplémentaires,

indépendamment de l'application des dispositions relatives aux congés pour événements familiaux. Cette durée est formulée en jours ouvrés (lundis, mardis, mercredis, jeudis et vendredis non fériés et non chômés).

Il est précisé que lorsque l'employeur exige qu'une partie des congés à l'exclusion de la cinquième semaine soit prise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, il sera attribué:

- 2 jours ouvrés de congés supplémentaires lorsque le nombre de jours ouvrés de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à 5 ;

- 1 jour ouvré de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours ouvrés de congé pris en dehors de cette période est égal à 3 ou 4.'

Dans son courrier du 2 Novembre 2015, M. [T] vise 4 jours de congés payés supplémentaires en contrepartie des jours de fractionnement pour les années 2014 et 2012.

La cour relève que dans son arrêt du 5 novembre 2015, la cour d'appel de Paris a constaté que la société GEMO avait recrédité 6 jours de congés payés sur le bulletin de paie du mois d'octobre 2012 au titre des congés supplémentaires pour fractionnement et que les congés manquants avaient été recrédités lors de la mise à jour annuelle des congés payés de l'ensemble des salariés.

En outre, aucun élément n'est produit aux débats concernant les congés payés antérieurs ou contemporains de l'année 2012 de sorte que le grief concernant les congés payés afférent à cette période n'est pas établi.

S'agissant de l'année 2014, M. [T] a posé ses congés du 15 juillet au 26 juillet, puis du 11 août au 16 août, du 27 octobre 2014 au 31 octobre 2014, ces congés n'ouvrant aucun droit à des jours supplémentaires au titre du fractionnement.

En revanche, M. [T] a bénéficié de congés du 22 décembre 2014 au 3 janvier 2015, cette utilisation hors de la période du 1er mai au 31 octobre lui ouvrant droit à 2 jours de congés supplémentaires sur l'exercice 2014/2015.

Or, la société SOPIC ne justifie pas de la prise en compte de ces deux jours supplémentaires.

Ce manquement est donc établi.

Sur l'arrêt de travail intervenu au mois de juin 2015 :

M. [T] soutient qu'il a adressé son arrêt maladie du 16 au 19 juin 2015, dès le 16 juin 2015 à son employeur par mail et par lettre recommandée avec accusé de réception : que cependant, ce dernier a sollicité durant son arrêt de travail de fournir une activité professionnelle et exigera à l'issue de l'audience tenue le 10 septembre 2015 devant la la cour d'appel de Paris, jusqu'au 27 octobre 2015, la transmission d'une copie du certificat initial, faisant preuve d'une méfiance déplacée à son égard ; que même après qu'il a remis une copie du certificat initial à Mme [F], directrice des ressources humaines, qui l'en a remercié le 30 septembre 2015, la société SOPIC continuera d'insister à plusieurs reprises en prétextant que l'arrêt serait a priori erroné, invoquant une seule journée d'arrêt du 19 juin 2015.

M. [T] fait valoir que la suspicion de l'employeur matérialisée par divers agissements liés à la croyance d'une fraude à l'arrêt maladie de la part de son salarié caractérise une volonté de dégradation des conditions de travail de ce dernier ainsi qu'un harcèlement moral.

Il indique avoir été totalement déstabilisé et être retourné voir son médecin traitant le 5 novembre 2015 qui diagnostiquera un état dépressif lié à une souffrance sur le lieu de travail, entrainant une situation inquiétante et lui prescrira 8 jours d'arrêt de travail avec la prise d'un traitement d'anxiolytiques. Il affirme que Mme [F] lui a envoyé un courrier recommandé durant son arrêt maladie pour le menacer de déduire 3 jours de congés pour l'absence du 16 juin 2015 au 18 juin 2015 sur la paie du mois de Novembre 2015, ce qu'il n'a pu vérifier dès lors qu'il n'a toujours pas reçu son solde de tout compte.

La société SOPIC conteste toute forme de harcèlement moral et soutient que M. [T] a fourni un arrêt de travail portant sur la seule journée du 19 juin 2015, de sorte que Mme [F] lui a demandé de transmettre un arrêt couvrant l'intégralité de la période.

L'article L.1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié d'établir des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.

En l'espèce, M. [T] communique la copie du mail et de la lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 2015 ainsi que la copie totalement illisible d'un arrêt de travail qu'il a adressés à son employeur, à l'exclusion de tout autre document de nature à accréditer l'ensemble de ses allégations.

Il ne produit aucun certificat médical concernant 'un état dépressif lié à une souffrance sur le lieu de travail, entrainant une situation inquiétante', seule l'ordonnance du 6 novembre 2015 évoquée précédemment étant versée aux débats.

La société SOPIC produit a contrario la copie de l'arrêt de travail établi par le Dr [K] le 19 juin 2015 et portant sur la seule journée du 19 juin 2015, la demande de pièces complémentaires adressée par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) le 28 juillet 2015 concernant le retour de la prescription médicale au médecin pour demande d'éléments complémentaires relatives au salarié ainsi que sa demande précédente du 17 juillet 2015 mentionnant l'absence de réception de la prescription médicale.

De même, la société SOPIC communique les relances amicales de Mme [F] du 10 septembre 2015, du 30 septembre 2015 ainsi que du 12 octobre 2015 concernant l'arrêt de travail.

Dans ces conditions, la cour retient que M. [T] n'établit pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, aucun manquement de cette nature n'étant conséquemment retenu à l'encontre de la société SOPIC.

En définitive, au vu de l'ensemble des éléments précités, la cour retient que si M. [T] établit l'existence de deux manquements imputables à l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, ceux-ci ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du dit contrat.

M. [T] sera conséquemment débouté de sa demande tendant à voir produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes en paiement des indemnités compensatrice de préavis, des congés payés afférents au préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour retenant que la prise d'acte du 13 novembre 2015 produit les effets d'une démission.

Sur l'indemnité de fractionnement des congés :

M. [T] sollicite la somme de 1 004,54 euros au titre de 4 jours de congés supplémentaires pour fractionnement.

La société SOPIC s'oppose à la demande.

La cour ayant retenu l'existence de deux jours de congés supplémentaires pour fractionnement sur l'exercice 2014/2015, la société SOPIC sera condamnée à verser à M. [T] la somme de 502,27 euros à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail :

M. [T] revendique la réparation du préjudice subi du fait des manquements de son employeur caractérisé par l'impossibilité de prendre ses congés payés, le refus de remboursement de ses frais professionnels, et de façon plus générale, par la dégradation de ses conditions de travail qui ont perduré pendant et après la procédure d'appel du jugement. Il sollicite la somme de 30 000 euros à ce titre.

La société SOPIC s'oppose à la demande et soutient que M. [T] ne prouve pas qu'il aurait subi une dégradation générale de ses conditions de travail entre l'audience devant la cour d'appel de Paris qui s'est tenue le 10 septembre 2015 et sa prise d'acte intervenue le 13 novembre 2015.

Dans son arrêt rendu le 5 novembre 2015, la cour d'appel de Paris a dit que M. [T] était défaillant à établir que la société GEMO avait manqué gravement à ses obligations pour avoir dégradé ses conditions de travail au point de rendre impossible la relation de travail. Elle a relevé qu'il résultait de 'l'analyse de l'abondante correspondance entre les parties que Monsieur [T] remet en cause chaque propos ou décision de la société GEMO. Il a ainsi adressé un nombre impressionnant de courriers recommandés avec accusé de réception qui sont une succession de contestations sans fondement créant un climat de polémique sans fin et portant atteinte au pouvoir de direction de la société GEMO. En conséquence de quoi, la Cour constate que la société GEMO était fondée, en application de son pouvoir de direction, à formuler des reproches à Monsieur [T] sur son comportement relationnel dans les situations examinées.'

La cour observe que M. [T] ne produit aucun élément de nature à accréditer ses allégations pour la période du 10 septembre 2015, date des plaidoiries devant la cour d'appel de Paris et le 5 novembre 2015 ; qu'il était en arrêt maladie à compter du 6 novembre 2015 et n'a pas réintégré son poste de travail depuis, ayant mis un terme à son contrat par sa prise d'acte du 13 novembre 2015.

Dans ces conditions, M. [T] ne justifie pas de la dégradation de ses conditions de travail postérieurement au prononcé de l'arrêt du 5 novembre 2015 et pour la période intermédiaire entre l'audience des plaidoiries et le prononcé de la décision.

S'agissant des autres manquements invoqués, la cour n'a pas retenu le manquement afférent à l'impossibilité pour M. [T] de prendre ses congés et pour le surplus, la cour observe que l'employeur n'a pas refusé de rembourser les frais professionnels mais a procédé à ce règlement avec retard au mois de juillet 2015 ; que s'agissant des frais relatifs à la période d'août 2015 à novembre 2015, les fonds sont à la disposition de M. [T] depuis le 17 novembre 2015, le salarié n'ayant pas jugé utile de se présenter à l'entreprise pour en prendre possession et régulariser les documents relatifs à la fin de son contrat de travail.

Enfin, M. [T] ne justifie pas du préjudice qu'il invoque au soutien de sa demande.

En conséquence et au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la cour déboute M. [T] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour dégradation de ses conditions de travail.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive à la remise des documents de fin de contrat :

M. [T] revendique la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive de l'employeur à la remise des documents de fin de contrat, au visa des articles L. 1234-19, L. 1234-20, R. 1234-9 du code du travail. Il allègue qu'au vu des conditions dans lesquelles est intervenue la rupture de son contrat de travail, il a préféré demander à la société GEMO de lui adresser son solde de tout compte et ses documents de fin de contrat ; que six demandes en ce sens ont été adressées en vain à l'employeur, qui s'est cantonné à invoquer le caractère quérable et non portable desdits documents.

La société SOPIC s'oppose à la demande et fait valoir que M. [T] a été informé de la mise à disposition de ses documents de fin de contrat dès le 18 novembre 2015, soit quelques jours après la date de sa prise d'acte, qu'il était informé à cette occasion que les documents lui revenant étaient disponibles pour qu'il vienne les chercher au siège de la société et qu'il a refusé de se déplacer pour venir les chercher en excipant du conflit existant. Elle se réfère aux courriels adressés au salarié les 18, 20 et 23 novembre 2015 afin de lui proposer de prendre rendez-vous pour qu'il puisse récupérer ces documents, en vain. Elle évoque l'altercation provoquée par M. [T] à l'encontre de M. [E], représentant l'employeur, à l'issue de l'audience de conciliation du 16 juin 2016, au cours de laquelle les conseillers présents ont expliqué au salarié qu'il lui appartenait de se déplacer dans les locaux de la société, ayant nécessité le dépôt d'une déclaration de main courante dans le commissariat de police situé en face du conseil de prud'hommes et dans lequel M. [E] avait trouvé refuge.

S'agissant des conditions dans lesquelles l'altercation évoquée par l'employeur s'est déroulée, celles-ci sont contestées par M. [T] qui a également déposé une déclaration de main-courante en invoquant la simulation par l'employeur de l'agression. En outre, cet incident n'a aucune incidence sur l'issue du litige, de sorte que la cour écarte ce moyen.

La cour relève que la société SOPIC a, par courrier du 17 novembre 2015, informé M. [T] de la mise à sa disposition des documents de fin de contrat et du solde de tout compte auprès de Mme [F] ; qu'il résulte des échanges épistolaires entre les parties que M. [T] s'est obstiné à refuser de se présenter pour prendre possession de ces documents, lesquels sont quérables et non portables sauf pour le salarié à justifier de son impossibilité médicale de se déplacer pour en prendre possession dans les locaux de l'entreprise ; que M. [T] ne justifie pas de cette impossibilité.

En conséquence, M. [T] sera débouté de cette prétention.

Sur la remise des pièces :

M. [T] sollicite la remise du bulletin de paie, du solde de tout compte, d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi, du document relatif à la portabilité mutuelle et prévoyance, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document, en se réservant la liquidation de l'astreinte.

Il sera fait droit à cette demande en rappelant que les documents dont s'agit sont quérables et sans qu'il soit besoin d'assortir la remise d'une astreinte, M. [T] étant débouté de cette demande.

Sur les demandes reconventionnelles de la société SOPIC :

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

La société SOPIC sollicite la condamnation de M. [T] à lui verser la somme de 16 575 euros au titre du préavis non effectué. Elle fait valoir que la prise d'acte produisant les effets d'une démission, le salarié lui doit le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, soit en l'espèce trois mois de salaire selon l'article 15 de la convention collective, M. [T] bénéficiant du statut de cadre.

M. [T] s'oppose à la demande et soutient que la société SOPIC n'a subi aucun préjudice.

La cour ayant retenu que la prise d'acte de M. [T] de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'une démission, ce dernier est redevable à l'égard de son employeur du préavis prévu dans ce cadre à défaut de justifier de son impossibilité de l'exécuter ou d'en avoir été dispensé par l'employeur.

Aux termes de l'article 15 de la convention collective, 'sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis, dite aussi "délai-congé", est de 3 mois, quelle que soit la partie qui dénonce le contrat.'

En conséquence, M. [T] sera condamné à payer à la société SOPIC la somme de 16 575 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :

La société SOPIC sollicite la condamnation de M. [T] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ou, à titre subisdiaire, 1 euro, pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, outre telle amende civile qu'il plaira à la cour de fixer.

M. [T] conteste la demande et soutient que son action est tant recevable que bien fondée ; qu'en tout état de cause, la société SOPIC ne justifie d'aucun préjudice.

La cour ayant ayant déclaré M. [T] recevable en son action et ayant fait droit partiellement aux demandes formées par ce dernier, déboute la société SOPIC de ce chef de demande.

Sur le cours des intérêts :

La cour rappelle qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

Sur les mesures accessoires :

Au vu de la solution du litige, chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel, le jugement étant infirmé quant à la charge des dépens de première instance.

De même, M. [T] et la société SOPIC seront déboutés de leur demande respective fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DÉCLARE M. [C] [T] recevable en son action,

CONDAMNE la SAS SOPIC à lui verser la somme de 502,27 euros au titre de 2 jours de congés supplémentaires pour fractionnement sur l'exercice 2014/2015,

ORDONNE la remise par la SAS SOPIC du bulletin de paie, du solde de tout compte, d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi, du document relatif à la portabilité mutuelle et prévoyance, conformes à la décision à intervenir,

REJETTE la demande d'astreinte,

DÉBOUTE M. [C] [T] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE M. [C] [T] à payer à la SAS SOPIC la somme de 16 575 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

RAPPELLE que les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

DÉBOUTE la SAS SOPIC du surplus de ses demandes,

DÉBOUTE les parties de leur demande respective fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/03487
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;19.03487 ?
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