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20/04/2022 | FRANCE | N°20/00625

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 20 avril 2022, 20/00625


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 20 AVRIL 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00625 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBHX4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2019 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° J2018000246





APPELANTE



SARL LIBRE-FORME 8 prise en la personne de son représentant lé

gal ayant son siège social

3 rue Tronchet

75008 PARIS

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 404 103 582



Représentée par Me Jacques ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 20 AVRIL 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00625 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBHX4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2019 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° J2018000246

APPELANTE

SARL LIBRE-FORME 8 prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

3 rue Tronchet

75008 PARIS

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 404 103 582

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334,

Ayant pour avocat plaidant Me Pascal ADAM, avocat au barreau de PARIS, toque : A064

INTIMEES

Madame [F] [N] née le 28 Mars 1981 à LE CHESNAY domicilée

4 rue Herran

75016 PARIS

SARL MG [N] prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

14 rue Le Sueur

75016 PARIS

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 750 462 913

Représentées par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753,

Ayant pour avocat plaidant Me Stephen MONOD de l'ASSOCIATION MONOD AMAR BOUDRANT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0135,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente,

Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère,

Mme Camille LIGNIERES, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, et par Mme Meggy RIBEIRO, Greffière placée, présente lors du prononcé par mise à disposition.

***

Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 14 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- débouté la sarl Libre Forme 8 de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique et de sa perte de chiffre d'affaires,

- débouté la sarl Libre Forme 8 de sa demande de restitution de ' fiches menus' et de son fichier client,

- dit n'y avoir lieu à publication de la présente décision,

- débouté la sas MG [N] et Mme [F] [N] de leur demande reconventionnelle,

- débouté la sarl Libre Forme 8 de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la sarl Libre Forme 8 à payer à la sas MG [N] et à Mme [F] [N] la somme de 3.000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes contraires au terme du présent jugement,

- condamné la sarl Libre Forme 8 aux dépens ;

Vu l'appel relevé par la société Libre Forme 8 et ses dernières conclusions notifiées le 18 septembre 2020 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1165 et 1380 du code civil applicables à la présente procédure, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- débouter Mme [F] [N] et la société MG [N] de leur appel incident ainsi que de leurs demandes en paiement de la somme de 50.000 €, à titre de dommages-intérêts, et de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner conjointement et solidairement Mme [F] [N] et la société MG [N] à lui payer, à titre de dommages-intérêts :

*la somme de 192.128 € en réparation de son préjudice économique,

*la somme de 131.923 € au titre de perte de chiffre d'affaires pour les années 2012 et 2013,

- ordonner à la société MG [N], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la restitution de l'ensemble de ses fiches menus et de son fichier clients,

- ordonner la publication de la décision à intervenir sur le site internet de la société MG [N],

- condamner Mme [F] [N] et la société MG [N] à lui payer la somme de

6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 26 mai 2021 par la société MG [N] et par Mme [F] [N] qui demandent à la cour de :

- confirmer partiellement le jugement et, en conséquence, débouter la société Libre Forme 8 de l'ensemble de ses demandes à leur encontre,

- infirmer partiellement le jugement et, en conséquence, condamner la société Libre Forme 8 à leur payer la somme de 50.000 €, à titre de dommages-intérêts,

- y ajoutant, condamner la société Libre Forme 8 à leur verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Libre Forme 8 aux dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE LA COUR

La société Libre Forme 8, créée le 27 février 1996, a pour activité le conseil et l'assistance en matière d'hygiène alimentaire.

Par contrat à durée indéterminée du 2 novembre 2005, cette société a recruté Mme [N], en qualité de consultante, d'abord à temps partiel puis à temps complet suivant avenant du 27 février 2006.

Le 23 janvier 2012, la société Libre Forme 8 et Mme [N] ont signé une rupture conventionnelle de ce contrat de travail.

Puis, le 21 février 2012, un désaccord étant survenu sur le montant des commissions à régulariser, elles ont signé un protocole d'accord fixant ce montant et stipulant à l'article 3 :

'Madame [F] [N] s'engage à conserver un caractère strictement confidentiel aux informations dont elle a eu connaissance au cours ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sein de la société LIBRE FORME 8 .

Madame [F] [N] s'engage notamment, d'une part à ne pas utiliser pour son compte ou pour le compte de tout tiers et à ne pas révéler ou communiquer directement ou indirectement à tout tiers, toute information confidentielle et notamment de n'effectuer aucune copie manuelle ou informatique du progiciel Libre Forme 8 ainsi que des fichiers menus et du fichier client de la société Libre Forme 8 et de n'en effectuer aucune utilisation pour quelque motif que ce soit, d'autre part à ne pas agir de façon déloyale qui pourrait nuire à l'activité, à la réputation ou à l'image de la société Libre Forme 8 ou de nature à jeter le discrédit sur celle-ci, ses activités, ses produits, sa méthode, sa direction ou son personnel et ce, sans limitation de durée.'

Le 23 mars 2012, Mme [N] a fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés de Nanterre la SAS MG [N], constituée entre elle et la société RV Patrimoine, ayant pour activité à compter du 12 mars 2012 : conseil en hygiène de vie, alimentation, exercices physiques et massages. Elle a été désignée comme présidente de cette société après avoir déposé en banque le montant du capital le 13 février 2012.

Reprochant à la société MG [N] des actes de concurrence déloyale et parasitaires, la société Libre Forme 8 a obtenu, par ordonnance sur requête du 18 décembre 2014, l'autorisation de procéder à des mesures d'instruction dans les locaux de la société MG [N] sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

La société MG [N] a été déboutée de sa demande de rétractation par ordonnance du 1er octobre 2015 ; mais par arrêt du 11octobre 2016, la cour d'appel de Paris a rétracté l'ordonnance sur requête du 18 décembre 2016 et, en conséquence, ordonné la restitution à la société MG [N] de l'ensemble des données et documents saisis.

Entre temps, le 1er décembre 2016, la société Libre Forme 8 avait fait assigner Mme [N] devant le conseil de prud'hommes de Paris pour lui demander des dommages-intérêts en lui reprochant des actes des concurrence déloyale; par jugement du 24 janvier 2017, cette juridiction s'est déclarée incompétente au profit du tribunal de commerce de Paris et lui a renvoyé l'affaire.

Le 9 novembre 2016, la société Libre Forme 8 avait fait assigner la société MG [N] devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir des dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme.

Après avoir joint les procédures, ce tribunal, par le jugement déféré, a débouté la société Libre Forme 8 de ses demandes formées contre la société MG [N] et Mme [N] et a rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts présentée par celles-ci.

Sur les demandes de la société Libre Forme 8

La société Libre Forme 8, appelante, soutient que Mme [N] a violé son engagement de confidentialité, de loyauté et de non concurrence figurant au protocole d'accord du 21 février 2012.

Elle lui reproche ainsi qu'à la société MG [N] :

- d'avoir copié servilement la composition et la structure de ses fiches menus, qu'elle-même avait élaborées depuis son début d'activité en février 1996, en constituant une base de données de 250.000 fiches menus et en procédant à des développements du logiciel LF8, pour lequel elle bénéficiait d'une licence d'utilisation et qui est devenu une base de données de menus sophistiquées et performantes,

- d'avoir copié de façon servile des textes de ses brochures publicitaires,

- d'avoir capté sa clientèle par l'envoi de mailings et de cartes postales,

- d'avoir utilisé son slogan publicitaire 'Mincir et rester mince' sur son site internet avec reprise des mêmes textes de la méthode Libre Forme 8.

L'appelante souligne que la société MG [N] n'a pu réaliser un chiffre d'affaires de 120.700 € sur 9 mois en 2012 et de 187.223 € en 2013 sans puiser dans les fichiers de Libre Forme 8, alors qu'elle n'a procédé à aucun investissement de publicité ou de création d'un progiciel ni prospecté de clientèle.

Elle soutient avoir subi un préjudice correspondant à

- une perte de chiffre d'affaires de 131.923 € au cours des années 2012 et 2013,

- un préjudice économique de 192.128 € calculé sur la base de 25 % de ses investissements pour la création de sa base de données de fiches menus permettant l'élaboration de programmes alimentaires et ses nombreux dévéloppements.

La société MG [N] et Mme [N] contestent toute captation de clientèle et précisent que, s'agissant des méthodes d'amincissement et d'alimentation saine, les offres de service de coaching sont légion, le succès tenant à la personnalité du coach, ce qui est le cas pour Mme [N].

Elles contestent toute violation du protocole d'accord et tout acte de concurrence déloyale ou de parasitisme en faisant valoir, notamment :

- qu'entre le 20 février 2012 et le 17 avril 2012, la société MG [N] a élaboré son propre logiciel de gestion développement qui crée des menus personnalisés et utilise une base de données classant les aliments et les recettes par catégorie et en fonction des combinaisons au cours d'un même repas ou d'un repas à l'autre,

- que les quelques pièces produites par la société Libre Forme 8 ne démontrent pas l'utilisation de son fichier clients et que ce sont des clients de la société Libre Forme 8 qui les ont sollicitées, manifestant leur désir de devenir leurs propres clients en raison de leur confiance en Mme [N],

- que leurs fiches menus sont différentes de celles de la société Libre Forme 8, qu'elles ont élaboré une liste de courses pour aider leurs clients - ce qui n'était pas pratiqué par la société Libre Forme 8- et que les recettes proposées sont présentes sur de nombreux sites internet,

- que la société Libre Forme 8 n'a développé aucune méthode spécifique mais que sa méthode repose sur des techniques consacrées dans de nombreux ouvrages spécialisés en la matière et trouve son inspiration dans celle d'une entreprise suisse au sein de laquelle l'une de ses dirigeantes, Mme [D], avait travaillé,

- que le slogan 'Mincir et rester mince' n'a rien d'original,

- que rien dans leur activité ne peut entraîner la moindre confusion avec la société Libre Forme 8,

- que rien dans leur activité n'a été emprunté à la société Libre Forme 8 et qu'elles n'ont bénéficié d'aucun investissement, création ou propriété de cette société.

De surcroît, la société MG [N] et Mme [N] opposent l'absence des préjudices allégués tenant à une perte de chiffre d'affaires et à un préjudice économique.

Il convient d'observer, à titre préliminaire, que le protocole d'accord du 21 février 2012 ne prive pas Mme [N] de la possibilité d'exercer une activité similaire dans le même domaine que celui de la société Libre Forme 8, sauf à respecter certaines régles afin de ne pas procéder à des actes de concurrence déloyale ou parasitaire.

Les différents griefs de la société Libre Forme 8 doivent donc être examinés.

- Il ne peut être reproché à Mme [N] et à la société MG [N] d'avoir utilisé le slogan identique 'Mincir et rester mince', celui-ci étant banal et utilisé par de nombreux articles, sites internet et entreprises du secteur de la nutrition.

- Mme [N] et la société MG [N] justifient par leurs pièces 10, 11, 23 et 24 avoir fait procéder à des prestations informatiques à compter du 27 avril 2012 ; il ressort de leur pièce 11 que ces prestations concernent des évolutions du logiciel Profile à compter du 10 octobre 2012. Contrairement à ce que prétend la société Libre Forme 8, il ne s'agit pas seulement d'un logiciel de fiscalité puisque les évolutions permettaient notamment de saisir des menus et listes de plats, la sélection des aliments, la modification de l'aspect de la liste des aliments selon le repas, la saisine des caractéristiques des repas.

- Les brochures de la société MG [N] et de la société Libre Forme 8 reprennent des affirmations et conseils de base semblables, celles intitulées 'repas libre' comportant le même tableau des associations alimentaires en 4 cercles; il demeure que se présentant de façon différente dans leur format, couleurs, prescriptions et détails, celles de la société MG [N] ne constituent pas une copie servile de celles de la société Libre Forme 8.

- Pour contester avoir utilisé le fichier clients de la société Libre Forme 8, Mme [N] et la société MG [N] versent aux débats en pièce 8 les attestations rédigées par six personnes qui déclarent avoir été suivies dans le passé par Mme [N] au sein de la société Libre Forme 8 et avoir repris contact avec celle-ci, sans sollicitation de sa part, après son départ de la société Libre Forme 8 et la création de sa société.

Mais les pièces 26, 27 et 28 produites par la société Libre Forme 8 prouvent que le 12 juillet 2012, la société MG [N] a envoyé à Mme [V], cliente de Libre Forme 8, des souhaits de bon anniversaire accompagnés de sa brochure commerciale intitulée ' Le rythme de croisière'.

De plus, les pièces 22 et 23 produites par la société Libre Forme 8 prouvent que

le 4 janvier 2013, Mme [N] a adressé à 39 personnes qui étaient clientes de la société Libre Forme 8, des courriels contenant le message ' Bonne année 2013 avec MG Peps' et que le 3 juillet 2013, elle leur a encore envoyé un courriel intitulé 'Recettes estivales'.

Il est ainsi établi que Mme [N] a utilisé le fichier clients de la société Libre Forme 8 au mépris de l'interdiction figurant dans le protocole d'accord du 21 février 2012 .

- Par ailleurs, M. [G] a déclaré, par attestation du 28 novembre 2014, avoir effectué une cure d'amaigrissement auprès de Mme [N] en juin et juillet 2012 ainsi que pendant une semaine en septembre 2012. Il a joint à son attestation, notamment, les menus prescrits qu'elle lui avait transmis par courriels pendant ces périodes; leur examen, comparé avec les fiches menus de la société Libre Forme 8 montrent par exemple :

*que pour un mardi en semaine 2, la base des menus est identique à celle de la société Libre Forme 8 pour la semaine 2 - jour 11, à savoir : petite tranche de pastèque au petit déjeuner, salade de pastèques et crevettes à la menthe (même recette) au déjeuner et poulet avec endives braisées au dîner,

*que pour un dimanche, la base des menus est identique à celle de la société Libre Forme 8 pour la semaine 6 - jour 38 : à savoir une petite grappe de raisins au petit déjeuner, un poireau cuit avec de la sariette et une escalope de veau grillée avec du basilic au déjeuner et des poivrons rouges avec une brochette de saumon, crevettes et calamar (même recette) au dîner,

*que pour le mercredi 19 septembre 2012, la base des menus est semblable à celle de la société Libre Forme pour la semaine 7- jour 44, à savoir poire pelée au petit déjeuner, saumon fumé aux tagliatelles de concombre au déjeuner, la seule différence portant sur le dîner : escalopes de dinde aux champignons à la place de champignons de paris avec escalopes de veau.

Il résulte de cette comparaison que Mme [N] et la société MG [N] ont utilisé le fichier menus de la société Libre Forme 8 au mépris de l'interdiction figurant au protocole d'accord du 21 février 2012.

Le non repect par Mme [N] de ses engagements et les actes de concurrence déloyale commis par la société MG [N] engagent leur responsabilité.

En réparation de son préjudice, la société Libre Forme 8 demande en premier lieu la somme de 131.923 € pour perte de chiffre d'affaires en 2012 et en 2013 ; elle expose :

- qu'en 2012, elle a perdu 203 nouveaux clients par rapport à 2011 et que sur 86 clients suivis seuls 11 sont restés,

- que la moyenne annuelle de son chiffre d'affaires pour la période 2007 à 2011 a été de 549.049 €,

- que son chiffre d'affaires n'a été que de 474.562 € en 2012, soit une perte de 74.487 €,

- que son chiffre d'affaires n'a été que de 491.613 € en 2013, soit une perte de 57.436 € ,

- que dans son pouvoir souverain d'appréciation, la cour peut retenir une perte de chiffre d'affaires au titre du préjudice subi.

Mme [N] et la société MG [N] objectent :

- que la société Libre Forme 8 n'a pas subi de baisse de chiffre d'affaires en 2012, mais au contraire une forte hausse,

- que son chiffre d'affaires a connu une forte progression entre 2006 et 2007, puis a augmenté de façon constante entre 2007 et 2010 sauf une légère baisse en 2009 et 2011, qui ne peut être imputée à Mme [N] qui était encore salariée de cette société,

- que la société Libre Forme 8 ne démontre pas que sa prétendue perte de clientèle ait eu un impact sur son chiffre d'affaires.

Il ressort de ses comptes de résultat que la société Libre Forme 8 a réalisé les chiffres d'affaires annuels suivant :

- 585.984 € pour l'exercice clos le 30 juin 2010,

- 474.270 € pour l'exercice clos le 30 juin 2011,

- 513.257 € pour l'exercice clos le 30 juin 2012,

- 501.709 € pour l'exercice clos le 30 juin 2013,

- 537.640 € pour l'execice clos le 30 juin 2014,

- 541.117 € pour l'exercice clos le 30 juin 2014.

C'est en vain que la société Libre Forme 8 se réfère à la moyenne de ses chiffres d'affaires pour la période 2007 à 2011 alors que son chiffre d'affaires avait accusé une baisse sensible au 30 juin 2011, antérieurement au départ de Mme [N].

Cependant les agissements fautifs de Mme [N] et de la société MG ont été de nature à limiter l'accroissement de son chiffre d'affaires et partant de sa marge au cours des années 2012 et 2013.

Au regard des éléments d'appréciation qui lui sont soumis, la cour fixe à 30.000 € le préjudice subi de ce fait par la société Libre Forme 8.

La société Libre Forme 8 demande par ailleurs la somme de 192.128 € pour préjudice économique, faisant valoir que depuis sa création elle a procédé à d'importants investissements pour un montant total de 591.000 €, représentant pour partie des honoraires payés à Mme [D] et pour 177.506 € aux dépenses lui ayant permis de disposer d'un logiciel LF8 devenu une base de données de menus sophistiquée et performante ; elle demande une somme correspondant au quart de ces investissements.

Mme [N] et la société MG [N] concluent à l'absence de préjudice économique aux motifs :

- que la demande, dont le montant a varié depuis l'assignation, est dépourvue de sérieux,

- qu'il n'est pas indiqué pourquoi la société MG [N] devrait supporter 25 % des investissements, ni démontré que le préjudice allégué aurait été causé par cette société,

- que la société Libre Forme 8 ne justifie aucunement de frais ou démarche de prospection de clientèles, ou de marketing.

Elles invoquent l'absence de renommée de la société Libre Forme 8, leurs propres investissements et la réussite consécutive à la satisfaction de leurs clients en raison des compétences, du charisme et de la force de travail de Mme [N].

Mais il convient de retenir qu'en utilisant fautivement les fichiers clients et les fichiers menus créés par la société Libre Forme 8, Mme [N] et la société MG [N] ont profité au moins partiellement des investissements de cette société; pour réparer le préjudice en résultant, elles devront lui payer la somme de 50.000 €, à titre de dommages-intérêts;

Le jugement est infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages & intérêts en réparation du préjudice économique et de perte du chiffre d'affaires.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des fichiers menus et des fichiers clients dont la société Libre Forme 8 a gardé la libre disposition, ni d'ordonner la publication du présent arrêt.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [N] et de la société MG [N]

Prétendant avoir subi un harcèlement judiciaire et faisant état des diverses procédures menées à leur encontre, celles-ci demandent la somme de 50.000 €, à titre de dommages-intérêts. Elles alléguent :

- que les prétentions de la société Libre Forme 8 ne reposent sur aucune preuve d'un acte fautif ni aucun préjudice,

- que l'action à leur encontre n'est motivée que par la volonté d'empêcher un concurrent talentueux de prospérer dans son domaine et de l'épuiser par des procédures hasardeuses et inutiles.

Mais le comportement fautif de Mme [N] et de la société MG [N] ayant été retenu et aboutissant à leur condamnation à des dommages-intérêts, leur propre demande de dommages-intérêts ne peut être que rejetée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Mme [N] et la société MG [N] qui succombent doivent supporter les dépens.

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de les débouter de leur demande de ce chef et d'allouer la somme de 6.000 € à la société Libre Forme 8.

Le jugement sera innfirmé sur ces points.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société MG [N] et Mme [F] [N] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts,

- débouté la société LIBRE FORME 8 de sa demande de restitution des fiches menus et de son fichier clients,

- débouté la société LIBRE FORME 8 de sa demande de publication de la décision,

INFIRME le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :

- condamne solidairement Mme [F] [N] et la société MG [N] à payer à la société LIBRE FORME 8, à titre de dommages-intérêts, la somme de 30.000 euros au titre du préjudice lié à une perte de chiffre d'affaires ainsi que la somme de 50.000 euros au titre du préjudice économique,

- condamne solidairement Mme [F] [N] et la société MG [N] à payer à la société LIBRE FORME 8 la somme de 6.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE Mme [F] [N] et la société MG [N] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/00625
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;20.00625 ?
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