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19/04/2022 | FRANCE | N°21/106167

France | France, Cour d'appel de Paris, H4, 19 avril 2022, 21/106167


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 19 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/10616 - No Portalis 35L7-V-B7F-CD2C3

Décision déférée à la Cour : Décision du 5 mai 2021 - Ecole de Formation professionnelle des barreaux de la cour d'appel de Paris (EFB)

APPELANT

Monsieur [Z] [L] [C]
Né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 11], Cameroun
Chez Monsieur [P] [K]
[Adresse 2

]
[Localité 7]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assisté de Me Alberto CORDU...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 19 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/10616 - No Portalis 35L7-V-B7F-CD2C3

Décision déférée à la Cour : Décision du 5 mai 2021 - Ecole de Formation professionnelle des barreaux de la cour d'appel de Paris (EFB)

APPELANT

Monsieur [Z] [L] [C]
Né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 11], Cameroun
Chez Monsieur [P] [K]
[Adresse 2]
[Localité 7]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assisté de Me Alberto CORDUAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

EFB
[Adresse 9]
[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Dominique PIAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0324

LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS
[Adresse 4]
[Adresse 10]
[Localité 8]

Défaillant (signification à personne habilitée)

LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE PARIS
[Adresse 3]
[Localité 6]COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nicole COCHET, Première présidente de chambre et par Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

* * * * *

M. [Z] [L] [C] (ci-après M. [B]), né au Cameroun et de nationalité américaine, est un avocat inscrit au barreau de l'Etat de New York depuis janvier 2014.
Il travaille au sein d'un cabinet d'avocats à Paris, son employeur a accepté de l'embaucher en tant que juriste salarié dans l'attente qu'il devienne avocat en France.

Il a été autorisé par le conseil national des barreaux à se présenter à l'examen de contrôle de connaissances prévu par l'article 11 dernier alinéa de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971 et organisé par le centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris (l'EFB), afin de pouvoir s'inscrire à un barreau français et exercer la profession d'avocat en France.

A l'issue de la session d'examen 2021, il a obtenu une moyenne générale de 9,25 /20 se décomposant, conformément à l'article 4 de l'arrêté du 7 Janvier 1993 fixant le programme et les modalités de l'examen de contrôle des connaissances prévu à l'article 100 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, de la manière suivante:
- conclusions en matière civile : 8/20
- consultation en droit pénal : 4/20
- organisation judiciaire et procédure : 14/20
- déontologie : 11/20.

Après délibération en date du 5 mai 2021, le jury a prononcé un ajournement, cette décision lui ayant été notifiée par l'EFB le même jour.

M. [B] a fait appel de cette décision selon déclaration du 5 juin 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 28 septembre 2021, M. [B] demande à la cour de :
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :
?n'a pas prononcé son admission à l'examen de contrôle des connaissances,
?a prononcé son ajournement avec une moyenne obtenue de 9,25 /20,
statuant à nouveau,
à titre principal,
- le déclarer admis aux épreuves avec la moyenne de 10/20,
à titre subsidiaire,
- condamner l'EFB, par le biais de son jury d'examen, à prononcer une nouvelle délibération une fois qu'il aura de nouveau présenté l'épreuve de rédaction d'actes en droit civil,
à titre très subsidiaire,
- condamner l'EFB, par le biais de son jury d'examen à prononcer une nouvelle délibération une fois qu'il aura de nouveau présenté l'épreuve orale d'organisation judiciaire et procédure,
à titre infiniment subsidiaire,
- annuler la décision d'ajournement afin de lui donner une chance ultérieure de repasser l'intégralité des examens de contrôle des connaissances,
en tout état de cause,
- débouter l'EFB, le conseil de l'ordre des avocats de Paris et le ministère public de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident,
- condamner l'EFB à lui payer une somme de 12 000 euros au titre de dommages et intérêts pour avoir perdu la chance de devenir avocat et pour avoir subi un préjudice moral,
- condamner l'EFB à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 28 janvier 2022, l'établissement d'utilité publique Centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris (l'EFB) demande à la cour de :
in limine litis,
- prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. [B] tendant à le condamner à lui payer une somme de 12 000 euros au titre de dommages et intérêts pour avoir perdu la chance de devenir avocat et pour avoir subi un préjudice moral,
au fond,
- débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer la décision d'ajournement du jury d'examen,
- subsidiairement, ordonner que le jury d'examen prononce une nouvelle délibération une fois que M. [B] aura de nouveau présenté les épreuves de conclusions en matière civile, de consultation en droit pénal, l'épreuve orale d'organisation judiciaire et procédure dans la limite de celles qu'elle aura jugé irrégulières,
en tout état de cause,
- condamner M. [B] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [B] aux dépens, dont le recouvrement sera effectué, pour ceux-là concernant, par Me Dominique Piau conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [B] a fait signifier sa déclaration d'appel et l'avis de fixation puis ses conclusions au conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris par actes des 9 juillet, 4 août et 5 octobre 2021 remis à personne habilitée, lequel n'a pas constitué avocat.
Il a également fait signifier sa déclaration d'appel au procureur général par acte du 9 juillet 2021 remis à personne habilitée.

SUR CE,

Le Ministère public et le conseil de l'ordre intimés à tort dans cette procédure qui ne concerne que l'EFB sont mis hors de cause.

Sur la recevabilité de la demande de condamnation à des dommages et intérêts

L'EFB soulève à bon droit l'irrecevabilité de cette demande au motif que l'article 14 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971 n'attribue compétence à la cour d'appel que pour connaître du recours à l'encontre des décisions concernant la formation professionnelle et non d'une action en responsabilité permettant d'obtenir une indemnisation de préjudices.

Sur la demande d'annulation de la délibération du jury

M. [B] soutient que :
- l'EFB a méconnu le principe d'égalité entre les candidats et a commis des erreurs d'appréciation dans la correction de ses copies,
- aucun barème n'a été appliqué pour l'épreuve de rédaction de conclusions en droit civil de sorte qu'il est impossible d'apprécier les notes appliquées par le jury d'examen et leur objectivité dans un contexte où aucune double correction n'est prévue et d'assurer l'égalité de traitement entre les candidats,
- Mme [N] [W], présidente de chambre honoraire auprès du tribunal de commerce de Paris n'est pas un magistrat de l'ordre judiciaire au sens de l'article 69 du décret du 27 novembre 1971 de sorte que la composition du jury d'examen prévue par ce texte n'a pas été respectée et aucune preuve de la réunion effective du jury d'examen n'est apportée,
- des questions sur les sanctions imposées par les autorités américaines à des entreprises françaises, ainsi que sur l'extraterritorialité du droit américain qui étaient hors programme ont été posées à M. [B] lors de l'examen oral d'organisation judiciaire et de procédure et ses copies d'examen n'ont pas été anonymisées, en contravention avec l'article 4 de l'arrêté du 7 janvier 1993,
- la délibération du jury doit être annulée et la cour, évoquant, doit prononcer son admission ou à titre subsidiaire, le renvoyer devant le jury d'examen pour pouvoir repasser l'épreuve de rédaction d'actes en droit civil ou celle d'organisation judiciaire et procédure et plus subsidiairement, l'intégralité des épreuves.

L'EFB répond que :
- l'appréciation portée par un jury d'examen sur les mérites d'un candidat ne peut être utilement contestée devant la cour qui ne peut se prononcer que sur la régularité du déroulement et de l'organisation des épreuves au regard des principes généraux et des règles propres à l'examen en cause,
- M. [B] n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la régularité du déroulement et de l'organisation des épreuves,
- aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'EFB de prévoir un barème de correction des copies des épreuves,
- les appréciations portées par le jury d'examen ne sauraient être remises en cause devant la cour de céans,
- les volets situés dans les coins en haut à droite des copies ont été collés par les candidats eux-mêmes afin de masquer leur identité et ce n'est qu'une fois les copies corrigées et restituées par le correcteur au service des examens que l'EFB a décollé les coins afin de pouvoir attribuer les notes aux candidats concernés, ce que la production de l'original de la copie permet de confirmer, tout comme celle du procès-verbal de remise des copies par les correcteurs de celles-ci, lesquels ont reporté les notes au regard des numéros des copies,
- M. [B] n'apporte aucune preuve de ses allégations relatives aux questions posées qui auraient été hors programme et aucune disposition de l'arrêté du 7 janvier 1993 n'impose la tenue d'un procès-verbal d'examen,
- Mme [W] n'est pas membre du jury d'examen, qui est composé, au titre des magistrats de l'ordre judiciaire, de MM. [G] [I] et [X] [S] mais examinateur, au sens du III de l'article 69 du décret no91-1197 du 27 Novembre 1991 organisant la profession d'avocat, et les examinateurs, qui sont chargés de faire passer les épreuves orales, ne constituent pas le jury,
- le jury s'est réuni, n'entraînant donc aucune irrégularité sur l'organisation de l'examen,
- en toute hypothèse, la cour ne saurait prononcer une admission.

Il n'appartient pas à la cour d'apprécier les mérites des candidats, en se substituant au jury d'examen souverain en la matière mais de contrôler la régularité de l'organisation et du déroulement de l'examen au regard des règles propres à l'examen, des principes généraux en la matière et notamment, du principe d'égalité des candidats.

La cour n'a donc pas à statuer sur une éventuelle erreur d'appréciation du jury argumentée sur une comparaison entre les copies de M. [B] de 2017 et 2021.

Aucune disposition de l'article 100 du décret no91-1197 du 27 novembre 1991 ou de l'arrêté du 7 janvier 1993 pris en application de l'article 100 précité n'impose d'appliquer un barème de correction pour l'examen de droit civil ni d'effectuer une double correction.

L'article 100 précité précise que l'examen de connaissances est subi devant le jury prévu à l'article 69 du même décret, lequel prévoit que :
" I. - Le jury d'examen comprend :
1o Deux professeurs des universités ou maîtres de conférences, chargés d'un enseignement juridique, dont le président du jury, désignés dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article 44 ;
2o Un magistrat de l'ordre judiciaire et un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel désignés dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 44 ;
3o Trois avocats désignés par décision conjointe des bâtonniers des ordres d'avocats du ressort du centre ;
4o Des enseignants en langues étrangères désignés dans les conditions fixées au 1o, qui ne siègent que pour les candidats qu'ils ont examinés.
(?)
III. - Les épreuves orales sont subies devant trois examinateurs désignés par le président du jury dans chacune des catégories mentionnées aux 1o, 2o et 3o du I.".

L'épreuve d'organisation judiciaire et procédure pour laquelle M. [B] a eu une note de 14/20 est une épreuve orale qui a été passée devant trois examinateurs dont Mme [N] [W], ancienne juge consulaire qui ne peut se prévaloir de la qualité de magistrat de l'ordre judiciaire, tel que défini à l'article 1er de l'ordonnance no58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
Cependant, elle n'était pas membre du jury d'examen et la nullité soulevée à ce seul titre doit être rejetée, alors que la preuve est rapportée de la présence de deux magistrats de l'ordre judiciaire dans ledit jury.
De même, les membres du jury d'examen ont signé un procès verbal après délibération et M. [B] n'avance aucun argument de nature à prouver que le jury ne s'est pas réuni.

Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 7 janvier 1993 précité :
"L'examen, dont le programme est annexé au présent arrêté, se compose d'un écrit et d'un oral.
(?)
Les épreuves sont organisées de manière à assurer l'anonymat des candidats.

L'EFB rapporte la preuve que M. [B] a été interrogé lors de l'oral de procédure sur le sujet no 9 " la mise en examen" et ce dernier ne rapporte aucune preuve de son allégation selon laquelle l'un des membres du jury lui aurait posé des questions sur les sanctions imposées par les autorités américaines à des entreprises françaises, ainsi que sur l'extraterritorialité du droit américain, alors que ces questions étaient très éloignées de son sujet.

Enfin, si l'EFB ne verse aux débats aucune copie en original mais des copies, elle produit les procès-verbaux de retour des copies de droit civil et de droit pénal par le correcteurs de celles-ci, lesquels ont reporté les notes au regard des numéros des copies, ce qui suffit à rapporter la preuve du caractère anonyme des copies.

En conséquence, aucun moyen de nullité n'est retenu et la décision du jury d'examen est confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens d'appel doivent incomber à M. [B], partie perdante.
Il convient, en équité, de ne pas condamner M. [B] au paiement d'une somme à l'EFB sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Met hors de cause le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris et le Ministère public,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par M. [Z] [L] [C],

Confirme la décision du jury d'examen du 5 mai 2021 ayant prononcé l'ajournement de M.[Z] [L] [C],

Condamne M. [Z] [L] [C] aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à condamnation de M. [Z] [L] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : H4
Numéro d'arrêt : 21/106167
Date de la décision : 19/04/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-04-19;21.106167 ?
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