Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRÊT DU 19 AVRIL 2022
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/06060 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7RXB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 février 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 18/00986
APPELANT
Monsieur [Z] [E]
Né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 9] (67)
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représenté et assisté de Me Marie-Claude ALEXIS de la SELAS ALEXIS SELAS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1138
INTIMÉES
Madame [V] [C]
[Adresse 4]
[Localité 6]
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 2]
[Localité 5]
SA MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]
Toutes trois représentées et assistées de Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : J084
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Nicole COCHET, Première présidente de chambre et par Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
* * * * *
Par acte authentique du 20 février 2007, M. [P] [R] a vendu à M. et Mme [Z] [E] un appartement sis au [Adresse 7] pour un prix de 495 000 euros.
Par lettre du 15 octobre 2007, M. [E] a alerté M. [R] sur des dysfonctionnements du système de chauffage et lui en a demandé la remise en état à ses frais.
Par acte du 14 octobre 2009, M. et Mme [E], représentés par leur avocat Mme [V] [C], ont assigné en référé, devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre, M. [R] et la société John Taylor, agent immobilier, aux fins d'obtenir une expertise.
Désigné par ordonnance de référé du 12 janvier 2010, l'expert a déposé son rapport le 21 décembre 2011.
M. [E], représenté par Mme [C], a assigné les 17 et 24 juillet 2012 M. [R] et la société John Taylor devant le tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement, pour le premier, des vices cachés au visa des articles 1641 et suivants du code civil et, pour le second, de l'article 1382 du même code.
Par ordonnance du 7 janvier 2014, le juge de la mise en état a désigné un expert aux fins de "chiffrer le montant de la réduction du prix de vente de l'appartement objet du litige qui devra éventuellement être restitué à M. [E]". L'expert a déposé son rapport le 25 juin 2015.
Par jugement du 24 novembre 2016, le tribunal a déclaré irrecevable l'action engagée par M. [E] en garantie des vices cachés au motif que l'assignation en référé a été signifiée le 14 octobre 2009, soit plus de deux ans après qu'il a eu connaissance des vices allégués, date qu'il a située avant la mise en demeure du 15 octobre 2007 que l'acquéreur a adressée au vendeur puisque cette lettre faisait état de la visite d'un chauffagiste, nécessairement antérieure.
Considérant que le rejet de ses prétentions s'expliquait par une faute de son conseil, M.[E] a assigné Mme [C], en même temps que ses assureurs, la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles et la Sa MMA Iard en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 13 février 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. [E] de toutes ses demandes,
- condamné M. [E] aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution par provision du présent jugement,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 19 mars 2019, M. [E] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 23 décembre 2021, M. [E] demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaires, le condamnant aux dépens,
- le déclarer plus généralement recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes et y faisant droit,
- confirmer le jugement en ce qu'il a admis que l'avocate avait commis des fautes,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts,
statuant à nouveau,
- condamner in solidum Mme [C], la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard, à lui payer la somme totale de 70 500 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts légaux à compter de la lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 12 décembre 2017, conformément à l'article 56 du code de procédure civile, outre la capitalisation des intérêts échus, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
à titre subsidiaire,
- condamner in solidum Mme [C], la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard à lui payer la somme de 20 797,10 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais engagés inutilement, avec intérêts légaux à compter de la lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 12 décembre 2017, conformément à l'article 56 du code de procédure civile, outre la capitalisation des intérêts échus, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
en tout état de cause,
- condamner in solidum Mme [C], la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer Mme [C], la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard irrecevables ou subsidiairement mal fondées en leurs prétentions,
- les en débouter,
- condamner in solidum Mme [C], la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Marie-Claude Alexis, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 10 décembre 2021, Mme [V] [C], la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel incident et les déclarer recevables,
- infirmer le jugement en ce qu'il a imputé à Mme [C] une faute,
- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,
statuant à nouveau,
- dire et juger que Mme [C] n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission,
- dire et juger que les demandes ne sont pas fondées,
- débouter l'appelant de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [E] à payer, à chacun des défendeurs (sic), la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Bruno Marguet, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 18 janvier 2022.
SUR CE,
Sur la faute
Le tribunal a jugé que :
- Mme [C] ne pouvait ignorer l'urgence à faire procéder à la délivrance de l'assignation en référé puisque les courriels et courriers échangés entre les parties au cours de l'été 2009 démontrent que le 27 août 2009, elle détenait les informations et pièces qu'elle estimait nécessaires à la défense des intérêts de M. [E], et notamment le devis du 3 octobre 2007, ayant même admis dès le 2 septembre 2009 que le délai pour agir expirait le 2 octobre 2009,
- elle a manqué à son obligation de diligences en adressant à M. [E] le projet d'assignation plus de deux semaines après le 14 septembre 2009, date à laquelle elle a appris que M. [E] était en règle auprès de l'avocate qu'il avait saisie antérieurement,
- la circonstance que M. [E] ait demandé à Mme [C], dans un courriel du 1er octobre 2009, de ne pas faire état du devis du 3 octobre 2007est inopérante puisqu'il ne l'a pas fait parce qu'il pensait que le point de départ de la prescription devait être fixé au 15 octobre 2007 mais parce qu'il considérait ce document insuffisant à justifier du montant de ses dommages et intérêts et dans cette hypothèse, il appartenait à Mme [C] de mettre en garde son client sur les incidences d'un tel choix procédural, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait.
M. [E] soutient que :
à titre principal,
- Mme [C] qu'il a mandatée le 6 juillet 2009 a manqué de diligence puisqu'elle s'est abstenue de saisir la juridiction compétente dans le délai de prescription de la garantie des vices cachés, alors qu'il lui appartenait de se préoccuper immédiatement de savoir si l'action était prescrite ou non compte tenu du bref délai de deux ans qui lui était imparti pour agir,
- le 23 juillet 2009 au plus tard, elle disposait des éléments lui permettant de calculer le point de départ de la prescription, notamment l'intervention d'un chauffagiste qui avait établi un devis le 3 octobre 2007,
- lui soumettre un projet d'assignation le 1er octobre 2009 était plus que tardif et il lui appartenait de faire diligence au plus vite, c'est-à-dire d'assigner sans attendre l'aval de son prédécesseur dès qu'elle s'est aperçue de l'existence du devis,
à titre subsidiaire,
- elle n'a pas informé son client de la fragilité de la procédure à engager compte-tenu de l'assignation tardive et aurait dû lui donner le conseil qui s'imposait s'il n'avait aucune chance d'obtenir satisfaction au titre de la garantie des vices cachés, à savoir la possibilité d'engager la responsabilité civile, non soumise au bref délai d'action, de la société Côté sud expertise, mandatée par l'agence immobilière, pour effectuer un diagnostic de performance énergétique, en décembre 2006, laquelle n'avait pas décelé dans son rapport un dysfonctionnement du système de chauffage.
Les intimées, formant appel incident, répondent que Mme [C] n'a pas commis de faute puisque:
- M. [E] ne prouve pas la date exacte de sa connaissance du vice caché et aucune des juridictions saisies n'a été en mesure de fixer avec précision cette date,
- il avait saisi un premier avocat au sujet de ce litige bien avant elle et il est très probable qu'il avait découvert les " vices cachés" dès son emménagement en mars ou avril 2007 car il avait nécessairement activé ses radiateurs électriques en l'absence de chauffage au sol,
- Mme [C] a alors, en fonction des éléments qui lui ont été soumis par son client, imaginé que la prescription pourrait être acquise à une date arbitrairement fixée au 2 octobre 2009 puisqu'elle ne résultait que des dires de l'appelant et qu'elle n'était corroborée par aucun élément probant, d'autant que les juridictions saisies ont constaté que le requérant ne produisait aucun document justifiant de la visite du chauffagiste le 3 octobre 2007,
- elle ne pouvait se voir imputer une faute en l'absence de preuve par M. [E] de la date de connaissance exacte du vice caché,
- sur le manquement à son devoir de conseil invoqué à titre subsidiaire, Mme [C] n'a pas failli à sa mission en ne l'informant pas de l'inutilité d'une procédure vouée à l'échec, d'une part, en l'absence de précision sur la date de sa connaissance du vice par l'appelant et d'autre part, en raison du fait que l'appelant a toujours indiqué qu'elle devait être fixée au 3 octobre 2017.
Le mandat de représentation en justice emporte, sauf convention contraire, mission d'assistance.
Ce mandat fait peser sur l'avocat une obligation de diligence, l'avocat étant tenu d'accomplir les actes de procédure nécessaires et d'assurer la défense de son client en préservant au mieux ses intérêts, ainsi qu'une obligation d'information et un devoir de conseil consistant à informer son client sur le choix des actions possibles et leurs risques, le déroulement de la procédure, le contenu de la décision rendue, les voies et délais de recours contre celle-ci et l'opportunité d'engager un recours.
Mme [C] a accusé réception du mandat confié le 6 juillet 2009, des pièces de son client le 23 juillet suivant et de l'adresse de la consoeur précédemment consultée le 27 août suivant.
Elle a écrit le 8 septembre à cette consoeur pour s'assurer que son client lui avait réglé ses honoraires et lui demander de lui transmettre ses pièces dans les meilleurs délais en lui précisant qu'elle devait "délivrer une assignation avant le délai de prescription expirant le 2 octobre prochain" laquelle lui a répondu dès le 11 septembre que M. [E] était en règle avec elle et qu'elle lui avait retourné l'ensemble de ses pièces.
Le jeudi 1er octobre à 18h44, Mme [C] a adressé par courriel à M. [E] son projet d'assignation en lui demandant de lui faire part de ses observation pour le lendemain si possible en lui précisant que l'assignation devait être délivrée à l'adversaire au plus tard le lundi suivant, ce qui a attiré la colère de ce dernier qui par retour de courriel à 19h25 lui a écrit : " Je NE SUIS PAS CONTENT. Vous avez réussi l'exploit de me laisser une dizaine d'heures de réflexion sur la pièce la plus importante de ce dossier alors que vous aviez en mains tous les éléments depuis plusieurs mois."
Au titre ce ses observations, il a indiqué : "Je ne crois pas qu'il soit intéressant d'adjoindre le devis Sermatech [du 3 octobre 2007]. En effet, il ne présente qu'une petite partie des travaux à entreprendre pour remettre en état le chauffage central."
Mme [C] lui a répondu par courriel du 7 octobre : " Je vous saurais gré de bien vouloir trouver ci-joint le projet d'assignation rectifié suivant vos observations, ayant supprimé le devis du 3 octobre 2007. Je vous confirme que, dans ces conditions, la prescription de deux ans expirera le 15 octobre prochain, date des courriers que vous avez adressés, et faisant état de la découverte des vices cachés."
Les lettres du 15 octobre 2009 adressées par M. [E] à son vendeur, à l'agence immobilière et au diagnostiqueur des performances énergétiques ne sont pas produites aux débats, ni par M. [E] ni par Mme [C] et ses assureurs qui n'ont communiqué aucune pièce à l'appui de leurs conclusions.
Toutefois, le tribunal de grande instance de Nanterre a, pour déclarer l'action en garantie des vices cachés de M. [E] prescrite dans son jugement du 24 novembre 2016, retenu que :
" [M. [E]] doit justifier de la date à laquelle il prétend avoir découvert ce dysfonctionnement.
Il écrit le 15 octobre 2007, par lettre recommandée avec accusé de réception à M.[R] que " cet appartement semblait chauffé au gaz : robinets d'amenée et de départ dans une armoire, charges de chauffage demandées par le syndic, chaudière de chauffage au gaz remplacée, etc et le chauffage électrique présent n'est qu'un chauffage d'appoint pour cet appartement".
Il poursuit : " lorsque j'ai voulu ouvrir les robinets d'eau de chauffage central, ils étaient bloqués. Le chauffagiste appelé m'a alors confirmé que le chauffage central n'existait plus. Il avait été démonté et aucun chauffage central de remplacement (par le sol par exemple) n'avait été installé".
Il ne verse aucune pièce attestant de la visite de ce chauffagiste, pas plus qu'il n'en établit la date. Or, il ressort de la lecture de ce courrier que la visite du chauffagiste est antérieure à la lettre du 15 octobre 2007."
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme [C] savait pertinemment que le point de départ du délai de prescription de deux ans de l'action en garantie des vices cachés qu'elle avait choisi d'intenter expirait le 2 octobre 2009 ainsi qu'elle l'a écrit dès le 8 septembre précédent à sa consoeur puisqu'elle avait connaissance de la date du devis effectué par le chauffagiste et du contenu de la lettre adressée au vendeur faisant état de la confirmation qu'il avait reçu par ce dernier du démontage du chauffage collectif et de l'absence de remplacement, notamment par un chauffage collectif par le sol.
Ayant reçu l'ensemble des pièces du dossier dès le 23 juillet 2009, elle disposait d'un délai suffisant pour rédiger un projet d'assignation, le soumettre à son client et faire délivrer une assignation à l'encontre du vendeur, au moins à titre conservatoire compte-tenu de l'urgence, en parallèle de sa vérification du paiement des honoraires de son prédécesseur, dans le respect de ses règles déontologiques.
En attendant le 1er octobre 2009 pour adresser son projet d'assignation alors qu'elle savait que l'action serait prescrite à compter du lendemain et en ne faisant délivrer au vendeur une assignation que le 14 octobre 2009, Mme [C] a commis un manquement à son obligation de diligence en laissant l'action se prescrire, comme l'ont retenu les premiers juges.
Le manquement à l'obligation de conseil invoqué à titre subsidiaire n'a pas à être examiné puisque la cour a retenu le moyen principal soutenu par M. [E].
Sur le préjudice et le lien de causalité
Le tribunal a jugé que M. [E] ne prouvait pas que la faute de son avocate lui avait fait perdre une chance réelle et sérieuse d'obtenir une solution favorable dans le litige l'opposant à M. [R] sur le fondement des vices cachés en ce que :
- le fait que M. [E] ignorait que le système de chauffage antérieurement utilisé était au gaz ne constitue pas un défaut de la chose,
- il n'était pas démontré que le dispositif du chauffage électrique était inadapté et qu'il rendait l'appartement impropre à sa destination.
M. [E] fait valoir que :
- en statuant comme il l'a fait, alors même qu'aucune des parties ne contestait l'effectivité du vice caché et le fait que la destruction par le cédant du système collectif de chauffage constituait bien un défaut de la chose vendue, tels que retenus par l'expert judiciaire, le tribunal a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile,
- en considérant qu'aucune des pièces communiquées ne permettrait de démontrer que le chauffage électrique serait inadapté et qu'il rendrait l'appartement impropre à sa destination, le tribunal a dénaturé à la fois ses conclusions puisqu'il soutenait non pas que le chauffage électrique rendrait l'appartement impropre à sa destination mais qu'il "n'aurait jamais acquis l'appartement litigieux au prix de cession proposé par les cédants s'il avait eu connaissance des déprédations commises par ces derniers" - et les pièces qu'il a versées aux débats sous les numéros 5 et 9, violant ainsi, l'article 4 du code de procédure civile,
- l'obligation de diligence de l'avocat est une obligation de résultat qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué,
- si l'avocate avait saisi la juridiction dans le délai de la garantie des vices cachés, il aurait eu d'importantes chances d'obtenir satisfaction,
- la perte de chance subie par M. [E] du fait de son avocate s'évalue à 90% des sommes réclamées, soit la somme de 70 500 euros, son préjudice matériel s'élevant à 78 381,59 euros correspondant aux frais de procédure engagés inutilement (20 797, 10 euros), aux pertes liées à la dévalorisation de l'immeuble (17 400 euros), aux frais de chauffage payés en doublon devant payer les charges de copropriété relatives au chauffage au gaz collectif (10 322,06 euros), aux travaux de remise en état du chauffage (21 862,43 euros) et au préjudice d'agrément (8 000 euros).
Les intimées concluent à la confirmation du jugement et répondent que :
- le tribunal n'a pas violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile mais a analysé les faits de la cause et les fondements juridiques avant de juger en droit et en fait sur les éléments qui lui étaient soumis et n'a pas nié que le vice était caché mais a considéré qu'il ne constituait pas un "vice/défaut de la chose" et qu'en tout état de cause, il ne satisfaisait pas aux conditions cumulatives exigées par l'article 1641 du code civil,
- il est illusoire d'affirmer que, connaissance prise de l'existence d'un chauffage uniquement par des radiateurs électriques, les acquéreurs n'auraient pas acheté l'appartement car ils savaient, dès avant leur achat, que ce système existait, le règlement de copropriété et le diagnostic énergétique le précisant, le montant de l'éventuelle réfection étant dérisoire par rapport au prix de vente et ce vice n'ayant pas empêché les acquéreurs d'y habiter pendant environ 10 ans,
- M. [E] ne justifie pas d'une perte de chance réelle et sérieuse d'obtenir gain de cause,
- les préjudices invoqués sont infondés et subsidiairement les frais de chauffage sont injustifiés et M. [E] est irrecevable pour défaut de qualité à agir à réclamer le paiement des travaux de remise en état du chauffage puisqu'il a cédé son bien.
L'avocat ne rapportant pas la preuve qu'il a rempli ses obligations est tenu de réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec le manquement commis, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits.
Il incombe à celui qui entend obtenir réparation d'une perte de chance de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable, le caractère hypothétique d'une telle perte de chance excluant toute indemnisation. Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, le juge du fond doit reconstituer fictivement le procès manqué par la faute de l'avocat. La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
M. [E] qui ne verse pas aux débats les conclusions de Mme [C] et de ses assurés devant le tribunal de grande instance ne justifie pas du fait que le tribunal aurait statué au delà des limites de sa saisine et ne tire aucune conséquence juridique du fait qu'il n'aurait pas respecté le principe du contradictoire.
L'article 1641 du code civil prévoit que :
Le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui le rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en n'aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avaient connus.
L'acte de vente de l'appartement rappelait les mentions du règlement de copropriété selon lesquelles les charges relatives au chauffage et à l'alimentation en eau chaude des bâtiments de la copropriété au moyen d'une chaudière au gaz étaient supportées par les copropriétaires.
Par ailleurs, y était annexé le diagnostic de performance énergétique lequel faisait également état d'un dispositif collectif de chauffage et de production d'eau chaude au gaz et mentionnait une consommation annuelle de gaz du logement de 1 304,35 m3 et un coût de 697 euros.
Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges en première instance, M. [E] ne soutenait pas qu'il ignorait que le chauffage antérieur était au gaz mais que le chauffage collectif au gaz avait été coupé, ajoutant que l'agence immobilière lui avait indiqué que le chauffage collectif se faisait par le sol et que les radiateurs électriques n'étaient qu'un chauffage d'appoint.
L'expert judiciaire a, dans son rapport du 21 décembre 2011, noté que la transformation du mode de chauffage consistant à supprimer le gaz pour passer à un système tout électrique a été faite par le vendeur dans les années 1990, par choix délibéré et sans contrainte technique.
Il a considéré que la présence de radiateurs électriques n'induisait pas l'absence de chauffage au gaz par le sol, mais plutôt l'existence d'un procédé mixte couramment mis en oeuvre, que la présence au sol de canalisations coupées ne pouvait signifier, même pour un professionnel averti, que le chauffage par le sol n'existait pas et que le type de chauffage installé était inadapté à la configuration de l'immeuble puisque le nombre de radiateurs électriques, leur implantation, leur dimension et la puissance électrique souscrite n'étaient pas appropriés pour un chauffage tout électrique pour en déduire que les désordres étaient cachés.
Il a, enfin, estimé que les désordres étaient des vices graves qui rendaient l'immeuble impropre à son usage et à sa destination.
Il ressort de ces conclusions que l'expert avait retenu l'existence d'un vice caché lié à l'absence de chauffage collectif et au caractère inadapté du chauffage électrique qui rendait le système de chauffage impropre à l'usage auquel il était destiné.
Dès lors, M. [E] a perdu une chance réelle et sérieuse d'obtenir gain de cause si son action en garantie des vices cachés n'avait pas été déclarée prescrite du fait du manque de diligence de son avocat et il sollicite à bon droit la fixation de cette perte de chance à 90%.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 7 juin 2016, il sollicitait non seulement la réduction du prix telle que fixée par l'expert mais également le remboursement des charges collectives de chauffage au gaz et des dépenses d'électricité pour le chauffage, le remboursement des travaux de remise en état, des frais de déménagement et de relogement pendant les travaux et l'indemnisation de son préjudice d'agrément, outre les frais de procédure.
En application de l'article 1644 du code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.
M. [E] sollicite à bon droit l'indemnisation de sa perte de chance d'obtenir le montant de la réduction du prix de vente telle qu'évaluée par expert à la somme de 17 400 euros.
De même, l'article 1645 du code civil prévoit que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
L'expert ayant relevé la connaissance du vice par le vendeur, M. [E] a perdu la chance d'être indemnisé des frais de chauffage au gaz qu'il a payés inutilement en sus des frais d'électricité, et dont il justifie pour un montant de 10 322,06 euros au vu des décomptes de charges produits.
En revanche, ne contestant pas avoir revendu son bien immobilier après dix ans d'occupation et ne justifiant pas de la réalisation de travaux de remise en état du système de chauffage puisqu'il ne verse aux débats que des devis mais aucune facture, il est infondé à solliciter l'indemnisation d'un préjudice à ce titre.
Il a perdu la chance d'obtenir la réparation du préjudice d'agrément subi pendant dix ans du fait du caractère inadapté du système de chauffage électrique seul existant, l'expert relevant qu'il était sous-dimensionné, que les convecteurs étaient mal implantés et en nombre insuffisant et que la mise en route du four provoquait une disjonction générale du système électrique, lequel préjudice aurait pu être évalué à la somme de 6 000 euros.
M. [E] réclame également au titre de son préjudice soumis à la perte de chance, le préjudice matériel correspondant aux frais de procédure qu'il considère comme inutilement engagés.
Les frais d'expertise d'une montant de 9 921,10 euros ont été inutilement avancés par ses soins dès lors que du fait de la faute de l'avocat, le tribunal n'a pu statuer au fond au vu de ce rapport d'expertise qui lui était favorable et dont les frais aurait été mis à la charge du vendeur.
Ce préjudice ne peut inclure la totalité les frais d'avocat relatifs à la procédure de référé -expertise puisque ces frais ne lui auraient été remboursés que pour partie, par le biais d'une condamnation de son adversaire sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile laquelle n'aurait pas dépassé la somme de 5 000 euros. M. [E] ne produit aucune facture d'honoraires relatives à l'assignation au fond et seul le coût de cette assignation d'un montant de 63,22 euros peut être pris en compte.
En conséquence, le préjudice de M. [E] s'élève à la somme de 28 176 euros [90 % x (10 322,06 + 6 000 +9 921,10 + 5 000 + 63,22)].
Mme [C] est condamnée in solidum avec la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard à payer cette somme avec intérêts au taux légal, à compter de ce jour, date d'évaluation des préjudices.
Il est fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de cette même date.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile sont infirmées.
Les dépens de première instance et d'appel d'appel doivent incomber à Mme [C] et ses assureurs, partie perdante, lesquels sont également condamnés in solidum à payer à M.[E] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum Mme [V] [C], la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles et la Sa MMA Iard à payer à M. [Z] [E] la somme de 28 176 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de ce jour,
Condamne in solidum Mme [V] [C], la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles et la Sa MMA Iard aux dépens, dont distraction au profit de Me Marie-Claude Alexis, avocat au barreau de Paris,
Condamne in solidum Mme [V] [C], la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles et la Sa MMA Iard à payer à M. [Z] [E] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE