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15/04/2022 | FRANCE | N°17/02188

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 15 avril 2022, 17/02188


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 15 Avril 2022



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/02188 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2TJR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Décembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15-02331/B





APPELANT

Monsieur [G] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

r

eprésenté par Me Florence BOURGOIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 95





INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 15 Avril 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/02188 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2TJR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Décembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15-02331/B

APPELANT

Monsieur [G] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Florence BOURGOIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 95

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [J] [G] d'un jugement rendu le 8 décembre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le 2 juillet 2014, M. [G] [J], magasinier vendeur au sein de la société [6], a établi une déclaration de maladie professionnelle à laquelle était joint un certificat médical initial du 26 juin 2014, établi par le docteur [U], pneumologue, faisant mention d'une ' pneumopathie lipidique confirmée histologiquement par lobectomie moyenne - inhalation d'huile minérale dans sa profession de mécanicien Poids-lourd - Tableau 36".

La caisse a diligenté une instruction et par décision du 5 janvier 2015, elle a notifié à M. [J] un refus de prise en charge, l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'ayant pas été reçu.

M. [J] a contesté cette décision et le 25 février 2015, la commission de recours amiable a refusé la prise en charge au titre du 2ème alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans le cadre du tableau n°36 au motif que 'les travaux effectués ne sont pas mentionnés dans la liste limitative'.

Le 5 mai 2015, M. [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny aux fins de contester la décision de la commission de recours amiable du 25 février 2015.

Le 21 mai 2015, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile de France, qui avait été saisi par la caisse, a rendu un avis défavorable, considérant que l'analyse du poste de travail et des tâches réalisées ne permet pas de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée le 2 juillet 2014.

La caisse a confirmé son refus de prise en charge au regard de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

M. [J] a contesté cette décision et le 4 novembre 2015, la commission de recours amiable a confirmé le refus de prise en charge au titre du 3ème alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

Le 22 décembre 2015, M. [J] a de nouveau saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny aux fins de contester la décision de la commission de recours amiable du 4 novembre 2015.

Par jugement du 8 décembre 2016, le tribunal, après avoir joint les instances, a déclaré M. [G] [J] recevable en son recours mais mal fondé, l'a débouté et a confirmé les décisions rendues par la commission de recours amiable de la caisse les 25 février 2015 et 4 novembre 2015 refusant la prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles de l'affection déclarée par M. [J] le 2 juillet 2014.

M. [J] a le 3 février 2017 interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 13 janvier 2017.

Par arrêt avant dire droit du 4 septembre 2020, la chambre 6-12 de la Cour d'appel de Paris a :

- déclaré l'appel recevable,

- infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Avant dire droit,

- désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Orléans Centre, Direction Régionale du service médical, secrétariat comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, [Adresse 2], pour qu'il donne un avis motivé sur la question de savoir si la maladie dont souffre M. [G] [J], constatée médicalement le 26 juin 2014, a été directement causée par son travail habituel,

- enjoint aux parties de communiquer les documents médicaux en leur possession en vue de la constitution du dossier prévu à l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale,

- sursis à statuer sur les autres demandes.

Le rapport motivé du CRRMP de la région Centre Val-de-Loire a été déposé le 16 décembre 2020.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, M. [J] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- reconnaître le caractère professionnel de la maladie de M. [J],

- condamner la caisse à régler à M. [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse par la voix de son conseil demande la confirmation du jugement entrepris en faisant valoir que les avis des deux CRRMP saisis ont conclu à l'absence de lien entre le travail habituel de l'appelant et la pathologie déclarée.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions de l'appelant déposées à l'audience du 25 février 2022 pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.

SUR CE, LA COUR

1. Sur la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels

Aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) et l'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale.

Au cas particulier, il n'est pas discuté par les parties que la maladie de M. [J] constatée médicalement le 26 juin 2014 correspond à la désignation de la maladie figurant au tableau n° 36 des maladies professionnelles : « affections provoquées par les huiles et graisses d'origine minérale ou de synthèse » et plus précisément au C du tableau visant une « Insuffisance respiratoire liée à un granulome pulmonaire confirmé médicalement ou à une pneumopathie dont la relation avec l'huile minérale ou la paraffine est confirmée par la présence au sein des macrophages alvéolaires de vacuoles intracytoplasmiques prenant les colorations usuelles des lipides ».

Le tableau n°36 C vise au titre de la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies les « travaux de paraffinage et travaux exposant à l'inhalation de brouillards d'huile minérale ». Il ressort des conclusions de l'appelant qu'il n'allègue pas que ses fonctions le conduisaient à effectuer les travaux visés au tableau n°36 C des maladies professionnelles.

Le CRRMP d'Ile de France saisi par la caisse a indiqué dans son avis du 21 mai 2015 que « l'analyse du poste de travail et des tâches réalisées ne permet pas de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 26/06/2014 ». Le CRRMP de la région Centre Val de Loire désigné par l'arrêt avant dire droit de la Cour a indiqué dans son avis du 16 décembre 2020 que :

« Compte tenu des éléments médico-administratifs présents au dossier,

après avoir pris connaissance du rapport de l'employeur,

après avoir pris connaissance de l'avis du médecin du travail,

L'étude des gestes, contraintes et postures générés par le (ou les) poste(s) de travail occupé(s) par l'assuré ne permet pas au comité de retenir l'existence d'un lien de causalité direct entre la pathologie et les activités professionnelles exercées par l'assuré. »

S'il résulte des dispositions de l'article L.461-1'du code de la sécurité sociale dernier alinéa et de celles de l'article D.461-30'du même code que le CRRMP rend un avis motivé, il reste que cet avis ne constitue que l'un des éléments de preuve parmi les autres dont les juges du fond apprécient souverainement la force probante.

Il ressort des pièces produites que l'assuré exerce les fonctions de « magasinier vendeur PRA, [...] chargé sous la responsabilité du responsable de magasin de la commercialisation de pièces de rechange, accessoires et produits sur l'un des lieux de vente de l'entreprise », que son lieu de travail était l'établissement de [Localité 7] (pièce n° 1 de l'appelant - contrat de travail).

Pour contester les deux avis des deux CRRMP, l'assuré soutient que ses conditions de travail l'exposaient nécessairement à l'inhalation de brouillards d'huile minérale. Il a notamment indiqué dans le questionnaire (pièce n°2 de l'appelant) que lui a soumis la caisse qu'il réalisait « des travaux d'acheminement de pièces détachées aux mécaniciens et aux carrossiers au sein même des ateliers, qu'il manipulait des produits nocifs : huiles de moteurs, produits adblue, batterie, nettoyant freins, sciure, liquide de refroidissement, pièces détachées imbibées d'huile, produit décon (produit décapant pour les injecteurs, bidon d'huile, ». S'agissant des gestes qu'il exécutait, il a précisé : « distribution d'huile de moteur, boîte de vitesse, pont arrière, huile verte au détail pour les mécaniciens : pompage de ces huiles stockées en fût et bidon de 30 litres pour l'huile verte dans des bidons de 5 litres (les fûts étaient stockés derrière mon poste de travail), s'agissant des produits à sa disposition, il rapporte : « différentes huiles en fût et bidon, nettoyant frein,, produit lave-glace, sciure, décon, adblue, liquide de refroidissement (bidon parfois percés) », pour ce qui concerne son poste de travail, il mentionne : « Bureau situé entre l'atelier et le sas de réception avec stockage de différents produits (huile, décon...) derrière mon poste de travail. Un casier situé au-dessus de mon poste de travail dans lequel sont stockés les produits périmés. », enfin, il indique que la maladie aurait une origine professionnelle au motif que : « Tout au long de ma carrière, j'ai été en contact avec différents produits nocifs, j'ai travaillé dans locaux confinés, mal aérés du fait de leur emplacement (en sous-sol, à l'arrière des ateliers...). Le contact avec des produits nocifs s'est accentué durant les 4 dernières années, sans avoir à disposition des moyens de protection.».

Il affirme que l'enquête de la caisse plus de trois mois après sa déclaration de maladie professionnelle rend ses conclusions inopérantes. Dans la mesure où l'intimée a respecté les délais légaux et réglementaires pour instruire la demande de prise en charge de la maladie professionnelle, l'assuré ne peut alléguer l'absence de caractère probant de cette enquête du seul fait qu'elle a été réalisé postérieurement à la déclaration de maladie professionnelle. Mais l'assuré produit une attestation de M. [I] (pièce n°12 de l'appelant) rédigée le 16 mai 2017 qui indique : « Je soussigné [I] [C] atteste sur l'honneur avoir vu le nettoyage de produits toxiques et fûts d'huile dans la partie du fond du magasin où travaillait mon collègue [J] [G] avant le passage des experts de la sécurité sociale en 2014 car j'avais accès au magasin pour venir chercher des pièces. » Cette attestation est de nature à établir, d'une part, que le salarié travaillait effectivement dans un environnement où se trouvait entreposé des fûts d'huile, et d'autre part, que ces produits ont été déplacés avant la réalisation de l'enquête par les agents de la caisse.

L'appelant verse également aux débats des photographies dont il n'est pas contesté qu'elles ont ont été prises sur son lieu de travail et dont il ressort la proximité entre son espace de travail et le lieu de stockage des différents produits, mais aussi avec la partie de l'établissement destinée à réaliser les réparations et dans laquelle les huiles toxiques étaient manipulées.

Enfin, l'assuré produit des certificats médicaux du docteur [U] du 26 juin 2014 (pièce n°6 de l'appelant), du docteur [W] du 7 juillet 2014 (pièce n°7 de l'appelant) et du docteur [U] du 1er février 2017 (pièce n°13 de l'appelant), qui diagnostiquent tous une pneumopathie lipidique, c'est à dire une pneumopathie résultant de l'accumulation sur un mode chronique de lipides dans les alvéoles pulmonaires, la présence des ces lipides, d'origine exogène, étant liée à l'aspiration de graisse d'origine animale, végétale, minérale de façon répétée. Le docteur [U] indique que la maladie dont souffre son patient a une origine professionnelle, au motif qu'il : « manipule quotidiennement des huiles minérales au cours de sa profession de magasinier, il travaille dans la mécanique des poids-lourds » en précisant en 2017 : « Il manipule des huiles minérales et d'autres produits toxiques ».

Il ressort de ces éléments qu'il est établit que la maladie déclarée le 26 juillet 2014 par M. [G] [J] a été directement causée par son travail habituel.

En conséquence, « L'insuffisance respiratoire liée à un granulome pulmonaire confirmé médicalement ou à une pneumopathie dont la relation avec l'huile minérale ou la paraffine est confirmée par la présence au sein des macrophages alvéolaires de vacuoles intracytoplasmiques prenant les colorations usuelles des lipides » déclarée le 2 juillet 2014 dont souffre M. [G] [J] devra être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La décision du premier juge doit être infirmée.

2. Sur l'article 700 du code de procédure civile

La caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis sera condamnée à payer à M. [G] [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

3. Sur les dépens

La caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis, succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 8 décembre 2016 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT que la maladie « insuffisance respiratoire liée à un granulome pulmonaire confirmé médicalement ou à une pneumopathie dont la relation avec l'huile minérale ou la paraffine est confirmée par la présence au sein des macrophages alvéolaires de vacuoles intracytoplasmiques prenant les colorations usuelles des lipides » déclarée 2 juillet 2014 dont souffre M. [G] [J] devra être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par l'assurance-maladie ;

RENVOIE M. [G] [J] devant la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis pour la liquidation de ses droits à la suite de la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie qu'il a déclarée le 2 juillet 2014 .

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis à payer à M. [G] [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis aux dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/02188
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;17.02188 ?
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