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14/04/2022 | FRANCE | N°21/131877

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 14 avril 2022, 21/131877


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/13187 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEBQG

Décision déférée à la cour : jugement du 29 juin 2021-juge de l'exécution de FONTAINEBLEAU - RG no 21/00553

APPELANTE

CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET DES MANDATAIRES JUDICIAIRES
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentée par

Me Florence REBUT DELANOE de l'ASSOCIATION L et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J060

INTIMÉS

Madame [B] [C] [D] épou...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/13187 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEBQG

Décision déférée à la cour : jugement du 29 juin 2021-juge de l'exécution de FONTAINEBLEAU - RG no 21/00553

APPELANTE

CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET DES MANDATAIRES JUDICIAIRES
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentée par Me Florence REBUT DELANOE de l'ASSOCIATION L et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J060

INTIMÉS

Madame [B] [C] [D] épouse [H]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Flavie MARIS-BONLIEU de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

Maître [I] [N] [R]
en sa qualité de mandataire judiciaire et liquidateur de Monsieur [T] [H]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représenté par Me Frank MAISANT de la SCP MAISANT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J055

Composition de la cour :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Fabienne SCHALLER, conseillère
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Arrêt :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Bénédicte PRUVOST, président et par M. Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****
M. [H] était auparavant administrateur judiciaire à Fontainebleau. Il a été placé en liquidation judiciaire selon jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'Evry le 14 mars 2019, qui a désigné Maître [R] en qualité de liquidateur. La Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires a été amenée à déclarer une créance de 1 000 000 euros au passif de ladite liquidation judiciaire. Déclarant agir en vertu d'une ordonnance sur requête du juge de l'exécution de Fontainebleau en date du 7 octobre 2019, la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires a pris le 25 octobre 2019 une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur un bien appartenant aux époux [H] et sis [Adresse 2], pour avoir conservation de la somme de 850 000 euros en principal. Cette inscription sera dénoncée à M. et Mme [H] le 30 octobre 2019.

Mme [H] ayant contesté cette mesure, le juge de l'exécution de Fontainebleau a selon jugement en date du 29 juin 2021 rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir qui avait été soulevée par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires, et a annulé l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire susvisée, après avoir relevé d'une part que l'article L 622-30 du code de commerce prohibait la prise d'inscriptions après le prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur, d'autre part qu'il s'agissait de la résidence principale de l'intéressé, si bien que l'article L 526-1 du même code était applicable. Le juge de l'exécution a également alloué à Mme [H] la somme de 1 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile, et a déclaré son jugement opposable à Maître [R] ès qualités de liquidateur de M. [H].

Par déclaration en date du 12 juillet 2021, la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 4 février 2022, la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires a fait valoir que M. [H] avait commis, en tant qu'administrateur, des détournements de fonds ce qui avait entraîné sa radiation le 10 avril 2019, et que depuis le prononcé du jugement dont appel, selon décision du 18 janvier 2022, le Tribunal judiciaire de Paris avait d'une part fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de M. [H] à hauteur de 449 639,41 euros, d'autre part condamné Mme [H] au paiement de pareille somme, car il s'agissait là d'une dette de communauté au sens de l'article 1409 du code civil. Elle en a déduit que sa créance à l'encontre de l'un et de l'autre était désormais établie. La Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires a ajouté que l'article L 526-1 du code de commerce n'était pas applicable, dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une dette professionnelle, eu égard aux agissement frauduleux qui étaient reprochés à M. [H], et qu'en tout état de cause, même si ce texte pouvait être invoqué, la jurisprudence considérait que si la saisie du bien était prohibée, il était possible d'y inscrire une hypothèque judiciaire provisoire. La Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de rejeter les demandes de Mme [H], et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En ses conclusions notifiées le 10 février 2022, Mme [H] a indiqué qu'étant mariée avec M. [H] sous le régime de la communauté, il était impossible d'individualiser ses parts et portions dans l'immeuble commun en matière d'indivision, et qu'il s'agissait bien ici d'une dette de communauté comme le Tribunal judiciaire Paris l'avait décidé. Elle en a déduit que l'immeuble, à l'instar de tous les biens de communauté, tombait dans l'emprise de la procédure collective, et que l'article L 622-30 du code de commerce interdisant la prise d'hypothèques était applicable. Mme [H] a également fait valoir que l'article L 526-1 du code de commerce pouvait être utilement invoqué dans la mesure où il s'agissait bien d'une dette professionnelle, née de l'activité d'administrateur de son mari, de sorte que le créancier ne pourrait reprendre les poursuites, comme il est dit à l'article L 643-11 I 2o du code de commerce, qu'après clôture de la liquidation judiciaire de M. [H].

Elle a demandé à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions en date du 31 août 2021, Maître [R], ès qualités de liquidateur de M. [H], s'en est rapporté.

MOTIFS

Par jugement en date du 18 janvier 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a d'une part constaté que la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires est titulaire d'une créance de 449 639,41 euros et dit que celle-ci doit être inscrite au passif de la liquidation judiciaire de M. [H], d'autre part condamné Mme [H] à payer pareille somme à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, après avoir relevé qu'il s'agissait là d'une dette de communauté. A ce stade de la procédure, Mme [H] ne peut donc plus soutenir utilement que la dette litigieuse ne constitue pas une dette de communauté, ni que les biens communs ne peuvent être saisis.

Conformément à l'article L 526-1 du code de commerce, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. La domiciliation de la personne dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire.

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. Lorsque le bien foncier n'est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration qu'à la condition d'être désignée dans un état descriptif de division.

L'insaisissabilité mentionnée aux deux premiers alinéas du présent article n'est pas opposable à l'administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l'encontre de la personne, soit des manoeuvres frauduleuses, soit l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l'article 1729 du code général des impôts.

Le texte susvisé fait référence à des droits qui naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne, et non pas à des dettes professionnelles stricto sensu. Il n'est pas contesté au cas d'espèce que M. [H] a commis des détournements à l'occasion de ses fonctions d'administrateur judiciaire. C'est en sa qualité qu'il avait adhéré à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, et c'est bien en tant que garante que celle-ci a indemnisé les créanciers victimes des détournements et réclame ensuite le remboursement des sommes dues par M. [H]. Dans ces conditions, le bien sis [Adresse 2], qui constitue la résidence principale du débiteur, est de plein droit insaisissable par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. En principe, l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire est prohibée, à partir du jugement d'ouverture de la procédure collective, par l'article L 622-30 du code de commerce, dans le but d'assurer l'égalité des créanciers, mais ce texte ne saurait être ici applicable car le bien échappe à l'emprise de la procédure collective. Et l'article L 526-1 du code de commerce, s'il prévoit que le bien est insaisissable, n'interdit pas la prise d'une surêté.

Le jugement sera donc infirmé et Mme [H] déboutée de ses prétentions.

L'équité commande de ne pas allouer à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [H] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- CONFIRME le jugement en date du 29 juin 2021 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires ;

- INFIRME le jugement en date du 29 juin 2021 en ce qu'il a annulé l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires le 25 octobre 2019 sur un bien appartenant à M. et Mme [H] et sis [Adresse 2] (77), a condamné la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires à payer à Mme [H] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires aux dépens ;

et statuant à nouveau :

- REJETTE la demande de Mme [H] à fin d'annulation de ladite inscription d'hypothèque judiciaire provisoire ;

- DEBOUTE la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Mme [H] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/131877
Date de la décision : 14/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-04-14;21.131877 ?
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