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14/04/2022 | FRANCE | N°21/076857

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 14 avril 2022, 21/076857


Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/07685 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDQ7Z

Décision déférée à la cour : jugement du 14 avril 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81888

APPELANTE

ASSOCIATION D'AIDE AUX MAITRES D'OUVRAGE INDIVIDUELS
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toq

ue : E1677

INTIMÉE

CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIÈRE DU BÂTIMENT - CGIBAT
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Patricia HAR...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 AVRIL 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/07685 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDQ7Z

Décision déférée à la cour : jugement du 14 avril 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81888

APPELANTE

ASSOCIATION D'AIDE AUX MAITRES D'OUVRAGE INDIVIDUELS
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : E1677

INTIMÉE

CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIÈRE DU BÂTIMENT - CGIBAT
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Ayant pour avocat plaidant la SCP VAILLANT et ASSOCIE, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'Association d'Aide aux Maîtres d'Ouvrage Individuels (ci-après l'AAMOI) a fait citer la SA Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment (ci-après CGI BAT) devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de suppression de clauses abusives ou illicites contenues dans les actes de garantie de livraison et de remboursement s'inscrivant dans le cadre de contrats de construction de maison individuelle.

Par arrêt en date du 16 septembre 2016, la cour d'appel de Paris a :
- déclaré illicites ou abusives les clauses suivantes :
« les pénalités de retard cesseront de courir à la réception de la maison faite avec ou sans réserve ou à la livraison ou la prise de possession de celle-ci par le maître d'ouvrage »,
« les dépassements de prix ne résultant pas formellement d'une défaillance du constructeur sont formellement exclus de la garantie.
Il en va ainsi des augmentations, dépassements ou pénalités forfaitaires dus :
- à l'exclusion des travaux supplémentaires faisant l'objet d'avenants augmentant le prix de la construction et non acceptés formellement par la caisse de garantie »
l'article 3 du contrat intitulé « mise en jeu de la garantie »,
- ordonné la suppression de ces clauses illicites et la modification de l'article 3 du contrat intitulé « mise en jeu de la garantie »,
et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d'un délai d'exécution de deux mois à compter de la signification de l'arrêt.

Cette décision a été signifiée à la CGI BAT le 17 octobre 2016.

Par arrêt en date du 25 janvier 2018, la Cour de cassation a cassé cet arrêt, mais seulement concernant la deuxième clause.

La CGI BAT a saisi la cour d'appel de renvoi puis s'est désistée, selon ordonnance de désistement total du 19 juin 2018.

Par acte d'huissier en date du 26 novembre 2020, l'AAMOI a fait assigner la CGI BAT devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de liquidation de l'astreinte à la somme de 775.000 euros et de prononcé d'une astreinte définitive de 1.000 euros par jour de retard.

Par jugement en date du 14 avril 2021, le juge de l'exécution a déclaré irrecevables les prétentions de l'AAMOI et l'a condamnée au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018, confirmé par jugement du tribunal administratif du 2 décembre 2019, avait retiré à l'AAMOI son agrément l'habilitant à exercer certaines actions dans l'intérêt des consommateurs, et qu'il ressortait des motifs de l'arrêté que l'association n'agissait pas dans l'intérêt collectif des consommateurs, de sorte qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt légitime, au sens de l'article 31 du code de procédure civile, à solliciter la liquidation de l'astreinte.

Par déclaration en date du 20 avril 2021, l'AAMOI a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives du 3 janvier 2022, l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- déclarer l'association recevable en son action,
- constater que la CGI BAT n'a pas exécuté sa condamnation à supprimer et/ou modifier les clauses suivantes censurées par l'arrêt du 16 septembre 2016 :
- « les pénalités de retard cesseront de courir à la réception de la maison faite avec ou sans réserve ou à la livraison ou la prise de possession de celle-ci par le maître d'ouvrage » (article 2)
- la clause qui omet la prise en charge par le garanti des « conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix » (article 3)
- liquider l'astreinte provisoire assortissant cette condamnation à la somme de 715.000 euros et condamner la CGI BAT à lui payer cette somme,
- assortir d'une astreinte définitive la condamnation de la CGI BAT à modifier/supprimer les clauses susvisées,
- fixer le montant de l'astreinte définitive à la somme de 1.000 euros par jour, courant à compter de la signification du jugement et pendant une période de six mois à l'issue de laquelle il sera de nouveau statué,
- condamner la CGI BAT au paiement d'une indemnité de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, et aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Skog en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité, l'AAMOI fait valoir en premier lieu que l'action exercée devant le juge de l'exécution n'est pas une action attitrée mais une action « banale » fondée sur l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 qui autorise toute association déclarée à agir en justice sans autorisation spéciale, dès lors que les intérêts protégés correspondent à ceux visés aux statuts ; qu'elle est bien déclarée et a pour objet statutaire de veiller, par tous moyens légitimes et légaux, au maintien et au respect des règlements et lois en vigueur dans le domaine de la construction de maison individuelle ; qu'elle peut donc agir en liquidation de l'astreinte assortissant la condamnation du garant à supprimer des clauses illicites ou abusives afin précisément de veiller au respect de la loi dans le domaine de la construction de maison individuelle, puisqu'elle ne se fonde pas sur le code de la consommation ni sur un agrément, mais sur son titre exécutoire et le code des procédures civiles d'exécution. Elle approuve donc le juge de l'exécution d'avoir admis que son action n'était pas attitrée.
En second lieu, elle soutient qu'elle a un intérêt légitime à agir et critique les motifs du jugement du juge de l'exécution. Elle explique à titre principal que l'intérêt à agir s'apprécie au jour d'introduction de l'instance et qu'elle avait bien un intérêt, au 26 novembre 2020, à solliciter la liquidation d'une astreinte qu'elle avait elle-même obtenue, de sorte que le juge de l'exécution n'aurait pas dû fonder sa décision sur des éléments de fait datant de 2018. A titre subsidiaire, elle reproche au juge de l'exécution d'avoir déduit des motifs du retrait d'agrément que l'association n'agirait pas dans l'intérêt collectif des consommateurs, alors que l'arrêté de retrait ne contient aucun motif en ce sens et n'était pas définitif. Elle précise que les motifs du retrait d'agrément sont sans aucun fondement, à tel point que trois motifs sur quatre ont été abandonnés devant la cour administrative d'appel et que le quatrième est actuellement soumis à la censure du Conseil d'État. Elle rappelle que le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de remettre en cause les condamnations prononcées.
Sur le bien fondé de la demande de liquidation de l'astreinte, elle invoque l'inexécution de la condamnation en ce que les actes de garantie n'ont pas été modifiés. Elle estime qu'il appartient à la CGI BAT d'apporter la preuve qu'elle a modifié tous ses actes, que cette dernière n'a produit que 89 actes sur les 89.383 dont un n'est pas modifié conformément à l'arrêt de la cour d'appel ; que s'il est impossible de savoir le quota des actes illégaux sur le nombre d'actes délivrés, il est évident qu'ils existent, de sorte que la CGI BAT n'a pas exécuté l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Elle ajoute que les difficultés d'exécution invoquées par la CGI BAT, à savoir le bug informatique et l'attitude des constructeurs, ne sont pas établies. Elle explique que l'astreinte a démarré le 18 décembre 2016 et qu'au 18 novembre 2020, le montant de l'astreinte s'établit à 715.000 euros (500 x 1430 jours).

Sur l'astreinte définitive de 1.000 euros par jour de retard, elle fait valoir que la CGI BAT n'a pas exécuté spontanément son obligation et persiste à ne pas vouloir exécuter l'arrêt, malgré une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard qui s'est avérée insuffisante.

Par conclusions en date du 11 février 2022, la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement du juge de l'exécution déclarant l'AAMOI irrecevable en son action,
A titre subsidiaire,
- liquider l'astreinte provisoire à la somme de 1 euro,
- débouter l'AAMOI du surplus de sa demande au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire,
- débouter l'AAMOI de sa demande de fixation d'une astreinte définitive,
- débouter l'AAMOI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- condamner l'AAMOI au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'irrecevabilité de l'action, elle invoque les articles 31 et 32 du code de procédure civile et soutient que l'AAMOI n'agit pas dans l'intérêt collectif des consommateurs. Elle explique que le préfet qui a retiré l'agrément de l'AAMOI, le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Versailles ont dénié toute légitimité à agir de l'association en ce qu'elle ne remplit plus les conditions requises pour considérer qu'elle représenterait l'intérêt collectif des maîtres d'ouvrage ; que c'est l'agrément qui avait permis à l'AAMOI d'agir contre elle sur le fondement des articles L.621-7 et L.621-9 du code de la consommation au nom et pour le compte de ses adhérents ; que l'agrément lui a été retiré pour des motifs inhabituels et sanctionnateurs, notamment le nombre insuffisant d'adhérents et la collusion avec un cabinet d'avocat spécialisé en droit de la construction de maisons individuelles ; que par un arrêt du 29 juin 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de l'AAMOI ; que du fait de ce retrait d'agrément, l'AAMOI a perdu sa qualité pour exercer l'action civile dans le cadre des dispositions du livre IV du code de la consommation ; qu'il ressort des motifs de l'arrêté, confirmés par le jugement et l'arrêt des juridictions administratives, que l'association a indéniablement trompé ses adhérents, de sorte qu'elle a perdu sa légitimité pour agir au nom et pour le compte des consommateurs et n'est plus en mesure de revendiquer la qualité de défenseur des intérêts de ses membres. Elle souligne que par un arrêt du 16 février 2021, la cour d'appel de Paris a déclaré l'AAMOI irrecevable pour défaut de qualité à agir du fait de l'effet rétroactif du retrait d'agrément à compter du 8 décembre 2015. Elle approuve le juge de l'exécution d'avoir jugé que les motifs du retrait d'agrément démontraient que l'association n'agissait pas dans l'intérêt collectif des consommateurs et ne justifiait donc pas d'un intérêt légitime au sens de l'article 31 du code de procédure civile. Elle ajoute qu'en demandant plus de 720.000 euros, l'AAMOI n'agit pas dans l'intérêt collectif des consommateurs mais dans son intérêt personnel.
A titre subsidiaire, sur le mal fondé des demandes, elle fait valoir qu'elle avait, dès le 6 décembre 2016, fait le nécessaire pour respecter l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 16 septembre 2016 en modifiant les actes de cautionnement et que l'AAMOI, qui en avait pourtant connaissance, a saisi le juge de l'exécution au motif qu'elle avait découvert 26 actes de caution sur trois ans non conformes à l'arrêt, sur les 89.383 cautions émises, ce qui révèle une intention de nuire. Elle indique qu'elle produit à titre d'exemples 85 actes de caution délivrés entre 2017 et 2020 et qu'elle a renoncé au bénéfice de l'arrêt de la Cour de cassation. Elle invoque en outre des difficultés d'exécution s'agissant des 36 actes de caution non conformes trouvés par l'AAMOI en raison d'un bug informatique ou de l'utilisation d'anciennes versions par des constructeurs. Elle souligne la mauvaise foi de l'AAMOI qui, revendiquant 2000 adhérents par an, avait les moyens de constater que les cautions émises étaient conformes et qui n'a d'autre but que de tenter de se donner une nouvelle légitimité à la suite du retrait d'agrément. Elle s'oppose enfin à la fixation d'une astreinte définitive puisqu'aucun acte de caution non conforme postérieur au 20 juillet 2020 n'est produit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 32 du même code dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social.

Aux termes de l'article 2 des statuts de l'AAMOI, cette association a pour objet notamment :
- d'assurer, du point de vue matériel et moral, la défense et la représentation des intérêts généraux de toutes les familles quelle que soit leur situation juridique et sociale ou leur nationalité, en particulier en leurs qualités de consommateurs, en tant que maîtres d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture de plan,
- de veiller, par tous moyens légitimes et légaux, y compris par voie de presse, d'édition et de formation, et d'une façon générale en utilisant tout support de l'information, quelle que soit sa nature, au maintien et au respect des règlements et lois en vigueur dans le domaine de la construction de maison individuelle.

Il est constant que l'AAMOI est régulièrement déclarée en préfecture, et ce depuis le 30 octobre 2001, et qu'elle a été agréée en 2006 en qualité d'association de défense des consommateurs.

Si la perte de son agrément en 2018 empêche l'association d'exercer une action en justice civile, pour la défense des consommateurs, sur le fondement des dispositions du code de la consommation, elle ne fait pas obstacle à la saisine du juge de l'exécution.

En effet, en l'espèce, l'AAMOI sollicite la liquidation d'une astreinte assortissant une obligation judiciaire de suppression de certaines clauses illicites ou abusives des contrats de cautionnement de la CGI BAT, qu'elle a obtenue en 2016 dans le cadre d'une action qu'elle a intentée seule sur le fondement de dispositions du code de la consommation alors qu'elle justifiait d'un agrément. Elle est donc la seule à avoir qualité pour solliciter la liquidation de l'astreinte, prononcée pour garantir l'exécution d'une décision de justice rendue dans l'intérêt collectif des consommateurs en ce qu'elle tend à assurer le respect de la loi en matière de contrat de construction de maison individuelle. C'est à juste titre qu'elle soutient qu'elle agit en l'espèce, non pas sur le fondement de dispositions du code de la consommation, mais en vertu de son titre exécutoire et du code des procédures civiles d'exécution, à savoir les articles L.131-1 et suivants. La perte de l'agrément ne prive pas l'association de son intérêt légitime à agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social, ce qui est le cas en l'espèce, puisque l'action en liquidation d'astreinte vise à assurer l'efficacité d'une décision de justice rendue dans l'intérêt collectif des consommateurs avant sa perte d'agrément et tend ainsi à faire respecter la réglementation dans le domaine de la construction de maison individuelle, ce qui entre précisément dans l'objet social de l'AAMOI.

En outre, la CGI BAT ne peut invoquer – et le juge de l'exécution ne pouvait retenir – les motifs fondant la décision de retrait d'agrément. En effet, le préfet, et juridictions administratives saisies, ne se sont nullement prononcés sur la question de l'intérêt de l'association à saisir le juge de l'exécution en liquidation d'astreinte. Il ne peut donc être déduit des motifs de l'arrêté préfectoral et des décisions de justice administrative que l'AAMOI n'agit pas dans l'intérêt collectif des consommateurs en l'espèce.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de déclarer l'AAMOI recevable en ses demandes.

Sur la demande de liquidation de l'astreinte

Aux termes de l'article L.131-4 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

L'article L.131-4 alinéa 3 du même code dispose que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Cette mesure, qui est indépendante des dommages et intérêts, a uniquement un but comminatoire et est destinée à impressionner le débiteur pour le contraindre à s'exécuter. Elle n'a aucune vocation à le punir ni à indemniser le créancier d'un préjudice.

Il appartient au débiteur de rapporter la preuve qu'il a exécuté les obligations assorties de l'astreinte ou qu'il a rencontré des difficultés pour s'exécuter.

En l'espèce, l'arrêt du 16 septembre 2016, qui ordonne la suppression de certaines clauses illicites ou abusives des contrats de la CGI BAT sous astreinte de 500 euros par jour de retard après un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt, a été signifié le 17 octobre 2016. Le délai d'astreinte a donc commencé à courir le 18 décembre 2016.

La CGI BAT apporte la preuve qu'elle a, de 2017 à 2020, délivré 89.383 actes de cautionnement correspondant aux garanties de livraison, dont 24.419 en 2017 et 22.875 en 2018. Elle justifie avoir informé l'AAMOI, dès le 6 décembre 2016, soit avant le début du délai d'astreinte, des modifications effectuées sur les conditions générales de ses contrats de garantie de livraison. Ne pouvant justifier des 89.383 actes, elle en produit 85 dont la conformité à l'arrêt du 16 septembre 2016 n'est pas contestée.

L'AAMOI apporte néanmoins la preuve qu'il existe, sur les 89.383 actes souscrits, 36 actes non conformes, qui sont pour la plupart datés de 2017 et 2018.

C'est à juste titre que la CGI BAT se prévaut de difficultés d'exécution liées au fait que d'anciennes versions ont été utilisées par les constructeurs qui les avaient manifestement gardées.

En tout état cause, il n'existe en l'espèce aucune résistance du débiteur à l'exécution de ses obligations puisqu'il justifie de ses diligences dans le délai fixé par la cour, avant que l'astreinte n'ait commencé à courir.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que la CGI BAT demande que l'astreinte soit liquidée à un euro.

Sur la demande de fixation d'une astreinte définitive

Il n'est justifié d'aucun acte de cautionnement non conforme en 2021, de sorte qu'il doit être considéré que la CGI BAT a intégralement exécuté ses obligations.
Il convient donc de rejeter la demande d'astreinte définitive.
Sur les demandes accessoires

L'AAMOI, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande en revanche de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles. Les demandes respectives des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 avril 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Statuant à nouveau,

DÉCLARE l'Association d'Aide aux Maîtres d'Ouvrage Individuels recevable en son action en liquidation de l'astreinte,

LIQUIDE l'astreinte, prononcée par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 16 septembre 2016, à la somme de UN euro,

CONDAMNE en conséquence la SA Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment à payer cette somme à l'Association d'Aide aux Maîtres d'Ouvrage Individuels,

DÉBOUTE l'Association d'Aide aux Maîtres d'Ouvrage Individuels de sa demande d'astreinte définitive,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Association d'Aide aux Maîtres d'Ouvrage Individuels aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/076857
Date de la décision : 14/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-04-14;21.076857 ?
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