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27/05/2021 | FRANCE | N°20/083477

France | France, Cour d'appel de Paris, I7, 27 mai 2021, 20/083477


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 27 MAI 2021

(no 26, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : RG 20/08347 - No Portalis 35L7-V-B7E-CB6RZ

Décision déférée à la Cour : Décision no 1 de la Commission spécialisée du collège de l'Autorité des marchés financiers en date du 20 décembre 2019

REQUÉRANTS :

GLOBAL DERIVATIVE TRADING GMBH
Société anonyme de droit allemand
Prise en la personne de son gérant

M. [Y] [S]
Dont le siège social est au [Adresse 1]
[Adresse 2])

M. [S] [Y]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]
de nation...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 27 MAI 2021

(no 26, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : RG 20/08347 - No Portalis 35L7-V-B7E-CB6RZ

Décision déférée à la Cour : Décision no 1 de la Commission spécialisée du collège de l'Autorité des marchés financiers en date du 20 décembre 2019

REQUÉRANTS :

GLOBAL DERIVATIVE TRADING GMBH
Société anonyme de droit allemand
Prise en la personne de son gérant M. [Y] [S]
Dont le siège social est au [Adresse 1]
[Adresse 2])

M. [S] [Y]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]
de nationalité Allemande
résidant au [Adresse 3]
[Adresse 3])

Élisant tous domicile au cabinet de l'AARPI [Personne physico-morale 1]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

Représentés par Me Frank MARTIN LAPRADE de l'AARPI [Personne physico-morale 1], avocat au barreau de PARIS, toque : T04

EN PRÉSENCE DE :

L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
Prise en la personne de son président
[Adresse 5]
[Adresse 5]

Représentée par Monsieur [H] [Z], dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 avril 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

? Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre, présidente,
? Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre,
? Mme Sylvie TRÉARD, conseillère,

qui en ont délibéré.
GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général

ARRÊT :

? contradictoire

? rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

? signé par Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre, et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * *

Vu la décision de la commission spécialisée du collège de l'Autorité des marchés financiers, du 20 décembre 2019, de notifier des griefs à l'encontre de M. [Y] et des sociétés Global Derivative Trading GmbH et Jefferies International Ltd ;

Vu les notifications de griefs qui leur ont été adressées à chacun le 29 mai 2020 ;

Vu les déclarations de recours formés par M. [Y] et la société Global Derivative Trading GmbH contre la décision précitée de ladite commission spécialisée, déposées au greffe le 1er juillet 2020 ;

Vu l'exposé des moyens déposé au greffe le même jour par les demandeurs au recours ;

Vu les observations écrites déposées au greffe par l'Autorité des marchés financiers le 29 décembre 2020 ;

Vu les dernières écritures des demandeurs au recours déposées au greffe le 16 mars 2021 ;

Vu l'avis du ministère public du 23 mars 2021 communiqué le même jour aux demandeurs au recours et à l'Autorité des marchés financiers ;

Après avoir entendu en leurs observations orales, à l'audience publique du 1er avril 2021, le conseil des demandeurs au recours, ainsi que le représentant de l'Autorité des marchés financiers, et le ministère public, les demandeurs au recours ayant eu la parole en dernier et été en mesure de répliquer.

*
* *

FAITS ET PROCÉDURE

1.Le 27 février 2017, une enquête a été ouverte par l'Autorité des marchés financiers (ci-après l'« AMF ») sur le marché des « Futures Euro-OAT » et « Mid-Term Euro-OAT » et tout instrument qui leur seraient liés à compter du 1er janvier 2015.

2.À la suite du dépôt du rapport d'enquête, la commission spécialisée du collège de l'AMF a, le 20 décembre 2019, décidé de notifier des griefs de manipulation de cours à la société Global Derivative Trading GmbH (ci-après la société « GDT »), à M. [Y], en sa qualité de dirigeant de cette société, ainsi qu'à la société Jefferies International Ltd, et d'adresser concomitamment à cette dernière société une proposition d'entrée en voie de composition administrative.

3.Conformément à l'article L.465-3-6, III, du code monétaire et financier, l'AMF, le 12 février 2020, en a informé le parquet national financier (ci-après le « PNF ») lequel, le 25 avril suivant, lui a indiqué ne pas souhaiter mettre en mouvement l'action publique.

4.Le 29 mai 2020, les griefs ont été notifiés conformément à la décision du Collège précitée.

5.Le 1er juillet 2020, la société GDT, ainsi que M. [Y], ont déposé au greffe de la Cour un recours en annulation de cette décision (ci-après la « décision attaquée »).

6.Aux termes de leur exposé des moyens, ils demandent à la Cour :

? de déclarer leur recours recevable ;

? d'annuler la décision attaquée ;

? de condamner l'AMF à leur verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

7.L'AMF et le ministère public invitent la Cour à déclarer le recours irrecevable.

*
* *

MOTIVATION

I. SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS

8.Les demandeurs au recours font valoir quatre arguments au soutien de la recevabilité de celui-ci.

9.En premier lieu, ils considèrent qu'une décision de notification des griefs, sans proposition simultanée d'entrée en voie de composition administrative, constitue une seule et même décision individuelle de l'AMF, et entre, à ce titre, à défaut de dispositions dérogatoires expresses (telles que celles figurant à l'article L.465-3-6 du code monétaire et financier), dans le champ des voies de recours prévues à l'article L.621-30 du même code. Selon eux, il n'y a pas lieu de distinguer selon que la décision individuelle émane du Collège [Établissement 1] des sanctions (le texte ne procédant pas à cette distinction) et il importe peu que la décision attaquée (consistant à ne pas orienter la personne en cause vers une voie alternative à l'engagement immédiat des poursuites devant la Commission des sanctions) relève d'un choix discrétionnaire du Collège, cette circonstance ne faisant pas obstacle à l'ouverture de tout recours mais limitant uniquement l'étendue du contrôle juridictionnel.

10.En deuxième lieu, ils estiment que l'article L.621-14-1 du même code, relatif à la composition administrative, dont les dispositions finales soumettent expressément les décisions du Collège [Établissement 1] des sanctions, mentionnées par cet article, aux voies de recours prévues à l'article L.621-30, précité, confirme la recevabilité du présent recours. Ils soutiennent que ces dispositions finales n'excluant aucune décision individuelle de son champ d'application, elles concernent pas moins de trois types de décisions marquant les grandes étapes de la composition administrative (début-milieu-fin), peu important que ces décisions soient positives ou négatives. Ils en déduisent que sont susceptibles de recours, non seulement, les décisions positives de validation et d'homologation d'accords de composition administrative, prises respectivement par le Collège [Établissement 2] des sanctions, mais aussi, notamment, les décisions du Collège relatives à l'entrée en voie de composition administrative, qu'elles soient positives ou négatives (proposition ou refus de proposition d'entrée en voie de composition administrative).

11.En troisième lieu, après avoir rappelé que les dispositions finales de l'article L.621-14-1, précité, ne distinguent pas selon l'origine des décisions en cause (qu'elles émanent du Collège [Établissement 1] des sanctions), ni selon leur contenu (qu'elles soient positives ou négatives), ils en déduisent que sont également susceptibles de recours toutes les décisions négatives, dès lors qu'elles font grief, c'est-à-dire, à la fois les décisions de refus de validation et d'homologation d'accords de composition administrative, prises respectivement par le Collège [Établissement 2] des sanctions, et celles du Collège consistant à ne pas proposer d'entrée en voie de composition administrative. Ils se prévalent en ce sens d'une décision du Conseil d'État du 20 mars 2020 (CE, Assemblée, no 422186, 422274, Président de l'AMF et société Arkéa Direct Bank) ayant, d'une part, admis la recevabilité d'un recours formé par un professionnel contre une décision de la Commission des sanctions de refus d'homologation d'un accord de composition administrative et, d'autre part, précisé qu'il s'agissait d'un recours de pleine juridiction, comme le prévoit en matière de sanctions l'article R.621- 45 du code monétaire et financier.

12.En quatrième lieu, ils font valoir que toutes les décisions négatives en matière de composition administrative ont pour effet d'entraîner la saisine immédiate de la Commission des sanctions. Ils soutiennent que cela n'en fait pas pour autant des actes préparatoires de la décision à intervenir de cet organe de jugement (portant sanction ou mise hors de cause) et n'empêche pas la formation d'un recours autonome à l'encontre de ces décisions négatives. À cet égard, ils estiment qu'il serait absurde et contraire au principe de bonne administration de la justice de dénier son autonomie à un tel recours, en le subordonnant à l'intervention préalable d'une décision de l'organe de jugement, dans la mesure où le propre d'un recours de plein contentieux est d'amener la juridiction saisie à réformer la décision attaquée et à statuer au lieu et place de l'organe décisionnel (ici le Collège), soit en proposant à la personne en cause d'entrer en voie de composition administrative, soit en validant un accord de composition administrative, soit en l'homologuant, plutôt que de confirmer l'orientation d'une affaire vers la réponse répressive « plus sévère » consistant en une procédure de sanction devant l'organe de jugement.

13.Dans ses observations, l'AMF fait également valoir quatre arguments au soutien de l'irrecevabilité du recours.

14.En premier lieu, elle soutient que les dispositions relatives à la composition administrative ne prévoient pas la possibilité d'un recours contre une décision du Collège de notifier des griefs sans proposer d'entrer en voie de composition administrative, seules étant visées comme susceptibles de recours les décisions relatives à la validation ou à l'homologation des accords de composition administrative, comme le confirment les débats parlementaires de la loi no 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et fiancière, dont sont issues ces dispositions, ainsi que des commentaires de doctrine.

15.En deuxième lieu, l'AMF rappelle que la procédure de sanction en matière boursière, telle que voulue par le législateur, relève de la compétence de deux organes distincts, à savoir, d'une part, le Collège, qui agit en qualité d'organe de poursuite et, d'autre part, la Commission des sanctions qui agit en tant qu'organe de jugement. Elle estime que cette séparation des pouvoirs entre le Collège [Établissement 2] des sanctions ne permet pas, pour autant, l'exercice d'un recours autonome contre la décision du Collège (d'ouvrir une procédure de sanction en notifiant des griefs ou de notifier des griefs en proposant une entrée en voie de composition administrative), indépendant du recours ouvert, le cas échéant, contre la décision ultérieure de la Commission des sanctions. Ellesoutient que, si tel avait été le cas, cette voie de droit, s'agissant d'une règle de procédure, aurait été prévue par le législateur. Elle se prévaut en ce sens de deux arrêts de la cour d'appel de Paris du 20 juin 2019 (RG no 19/00472) et du 9 juillet 2020 (RG no 19/19067) ayant respectivement déclaré irrecevable un recours contre une notification des griefs, ce qui a été validé par un arrêt de la Cour de cassation (Com., 16 décembre 2020, pourvoi no 19-21.091), ainsi qu'un recours contre une décision de notification des griefs. Selon elle, la décision du Conseil d'État du 20 mars 2020, dont se prévalent les demandeurs au recours, apparaît peu pertinente en l'espèce, cette jurisprudence concernant la recevabilité d'un recours, formé par le président de l'AMF et la société en cause, contre une décision de la Commission des sanctions de non-homologation d'un accord de composition administrative, ce recours étant, relève t-elle, précisément prévu par les dispositions des articles L.621-14-1 et L.621-30 du code monétaire et financier.

16.En troisième lieu, l'AMF fait valoir que la décision de proposer une entrée en voie de composition administrative est inséparable de celle de notifier des griefs dans laquelle elle s'incorpore, cette proposition étant adressée à la personne en cause en même temps que la notification de griefs, et relève, à ce titre, d'un choix discrétionnaire du Collège, conformément au principe d'opportunité des poursuites.

17.En quatrième lieu, elle conteste l'existence d'une décision de refus de proposition d'entrée en voie de composition administrative en faisant valoir que le fait de constater, dans un même dossier, qu'un autre mis en cause se voit proposer une composition administrative ne constitue pas une décision de refus-même implicite- de proposer cette même solution au mis en cause à l'encontre duquel une procédure de sanction est décidée. L'AMF écarte en outre l'hypothèse d'une éventuelle décision implicite de rejet, la réunion des conditions requises pour la qualification d'une telle décision n'étant pas démontrée (demande préalable du requérant, silence de l'administration, délai).

18.Le ministère public développe un argumentaire comparable.

***

Sur ce, la Cour,

19.L'article L.621-14-1 du code monétaire et financier, relatif à la procédure de composition administrative, introduite par la loi no 2010-1249 du 22 octobre 2010 et dont le champ d'application a été étendu par la loi no 2016-1698 du 9 décembre 2016, dispose :

« Lorsque le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers fait état de manquements commis par une personne (...), le collège de l'Autorité peut, en même temps qu'il notifie les griefs dans les conditions prévues à la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article L.621-15, lui adresser une proposition d'entrée en voie de composition administrative.

Cette proposition suspend le délai fixé au deuxième alinéa du I de l'article L.621-15.

Toute personne à qui il a été proposé d'entrer en voie de composition administrative s'engage, dans le cadre d'un accord arrêté avec le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers, à verser au Trésor public une somme dont le montant maximum est celui de la sanction pécuniaire encourue au titre du III de l'article L.621-15.

L'accord est soumis au collège puis, s'il est validé par celui-ci, à la commission des sanctions, qui peut décider de l'homologuer. L'accord ainsi homologué est rendu public.

En l'absence d'accord homologué ou en cas de non-respect de celui-ci, la notification de griefs est transmise à la commission des sanctions qui fait application de l'article L.621-15.

Les décisions du collège et de la commission des sanctions mentionnées au présent article sont soumises aux voies de recours prévues à l'article L.621-30 (...) »
(souligné par la Cour).
20.L'article L.621-15, I, alinéa 1 et 2, du même code (dans sa rédaction issue de l'ordonnance no 2019-1067 du 21 octobre 2019), auquel renvoie l'alinéa 1er de l'article L.621-14-1, précité, précise :

« Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers (...).

Sous réserve de l'article L.465-3-6, s'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres ».

21.L'article L.465-3-6, V, du code monétaire et financier (dans sa rédaction issue de la loi no 2016-819 du 21 juin 2016), auquel renvoie, à son tour, l'alinéa 2 de l'article L.621-15, I, précité, indique :

« (...) toute décision par laquelle l'Autorité des marchés financiers renonce à procéder à la notification des griefs et toute décision par laquelle le procureur de la République financier renonce à mettre en mouvement l'action publique est définitive et n'est pas susceptible de recours (....) » (souligné par la Cour).

22.Par ailleurs, l'article L.621-30 du même code, dans sa rédaction issue de la loi no 2014-1662 du 30 décembre 2014, auquel renvoie le dernier alinéa de l'article L.621-14-1, précité, précise :

« L'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 est de la compétence du juge judiciaire. Ces recours n'ont pas d'effet suspensif sauf si la juridiction en décide autrement. Dans ce cas, la juridiction saisie peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Lorsque les recours mentionnés au premier alinéa du présent article visent une décision individuelle de l'Autorité des marchés financiers relative à une offre publique mentionnée aux sections 1 à 3 du chapitre III du titre III du livre IV, la juridiction saisie se prononce dans un délai de cinq mois à compter de la déclaration de recours.

Les décisions prononcées par la commission des sanctions peuvent faire l'objet d'un recours par les personnes sanctionnées et par le président de l'Autorité des marchés financiers, après accord du collège. En cas de recours d'une personne sanctionnée, le président de l'autorité peut, dans les mêmes conditions, former un recours (...) » (souligné par la Cour).

23.Il est constant qu'une décision de notification des griefs, avec ou sans proposition d'entrée en voie de composition administrative, constitue une décision individuelle de l'AMF et que cette décision s'inscrit dans le cadre de la procédure de sanction.

24.À l'instar de la notification des griefs qui la formalise, la décision de notification des griefs, avec ou sans proposition d'entrée en voie de composition administrative, constitue un acte préparatoire, qui se borne à marquer une étape intermédiaire dans le processus décisionnel et qui n'a pas d'autre effet que de rendre possible le prononcé d'une décision de sanction, sans y aboutir nécessairement.

25.La séparation des organes de poursuites et de jugement ne s'oppose pas à cette qualification d'acte préparatoire, ni ne justifie, en l'absence de dispositions législatives contraires, qu'un recours autonome ou immédiat soit ouvert contre chacune de leurs décisions respectives.

26.Ni les dispositions de l'article L.465-3-6 du code monétaire et financier, ni celles de l'article L.621-14-1 du même code, précitées, ne remettent en cause cette analyse.

27.En effet, le premier texte se borne à préciser, dans le cadre de la procédure dite d'aiguillage entre l'AMF et le PNF, que toute décision par laquelle l'AMF renonce à procéder à la notification des griefs, de même que toute décision par laquelle le PNF renonce à mettre en mouvement l'action publique, est définitive et n'est pas susceptible de recours. Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs au recours, il ne saurait en être déduit, selon un raisonnement a contrario, que toute décision préalable de notification des griefs est susceptible de recours.

28.De même, si le législateur a expressément prévu, dans le second texte, d'ouvrir une voie de recours autonome contre certaines décisions du Collège [Établissement 1] des sanctions, dans le cadre spécifique de la composition administrative, à savoir les décisions relatives à la validation ou à l'homologation des accords de composition administrative, il n'a en revanche fait ce choix, ni pour l'acte de notification des griefs, ni pour la décision préalable de notification des griefs, avec ou sans proposition d'entrée en voie de composition administrative.

29.Contrairement à ce que prétendent les demandeurs au recours, la décision attaquée ne saurait être assimilée à une décision de refus d'homologation d'un accord de composition administrative et être, à ce titre, soumise, en vertu de l'article L.621-14-1 in fine du code monétaire et financier, aux voies de recours prévues à l'article L.621-30 du même code. À cet égard, la circonstance que la décision de notification des griefs attaquée ne soit pas assortie, en ce qui les concerne, d'une proposition d'entrée en voie de composition administrative, contrairement à ce qui a été décidé pour la société Jefferies International Ltd, est indifférente. En effet, comme cela vient d'être indiqué, la décision de notification des griefs, qu'elle soit assortie ou non d'une proposition d'entrée en voie de composition administrative, ne rentre pas dans les prévisions de l'article L.621-14-1 in fine du code monétaire et financier.

30.Au demeurant, celle-ci ne saurait être regardée comme une décision de refus de proposition d'entrée en voie de composition administrative, ni comme une décision implicite de rejet. En effet, comme le relève justement l'AMF, de telles décisions supposent qu'une demande préalable ait été présentée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En outre et surtout, en l'absence de texte ouvrant aux personnes concernées le droit de demander le bénéfice d'une procédure de composition administrative, ce n'est que sur son initiative et dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, au vu des éléments figurant dans le rapport d'enquête des services de l'AMF, que le Collège décide de faire usage de la faculté, qui lui réservée par l'article L.621-14-1 du code monétaire et financier, d'adresser une proposition d'entrée en voie de composition administrative, en même temps que la notification des griefs.

31.L'irrecevabilité des recours formés contre les actes préparatoires demeurant la règle à défaut de dispositions contraires, le présent recours est irrecevable.

32.Cette irrecevabilité ne prive pas les demandeurs au recours de tout accès au juge pour contester la régularité de la décision de notification des griefs, la régularité de la procédure pouvant être contestée ultérieurement, à l'occasion du recours exercé contre la décision de la Commission des sanctions.

33.En outre, cette irrecevabilité est conforme aux exigences de bonne administration de la justice. En effet, l'ouverture d'un recours autonome contre la décision de notification des griefs conduirait la Cour à porter une appréciation sur des questions sur lesquelles la Commission des sanctions ne s'est pas encore prononcée ou se trouve éventuellement sur le point de se prononcer et aurait pour conséquence une anticipation des débats au fond et, partant une confusion des différentes phases de la procédure, devant la Commission des sanctions, puis devant la Cour. Il en va d'autant plus ainsi qu'en l'absence de proposition d'entrée en voie de composition administrative, la notification des griefs est immédiatement transmise à la Commission des sanctions, conformément à l'article L.621-15, I, alinéa 2, du code monétaire et financier.

34.Dès lors, le recours en annulation formé par la société GDT et M. [Y] est irrecevable.

II. SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET SUR LES DÉPENS

35.Les demandeurs étant irrecevables en leur recours, ils ne peuvent prétendre à l'allocation d'une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles et supporteront les dépens de l'instance.

*
* *

PAR CES MOTIFS

DECLARE irrecevable le recours formé par la société Global Derivative Trading GmbH et M. [Y], par déclaration au greffe de la Cour du 1er juillet 2020, contre la décision de la commission spécialisée du collège de l'Autorité des marchés financiers, du 20 décembre 2019, de notifier des griefs à leur encontre, sans leur proposer d'entrée en voie de composition administrative ;

REJETTE la demande de la société Global Derivative Trading GmbH et de M. [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Global Derivative Trading GmbH et M. [Y] aux dépens.

LA GREFFIÈRE

Véronique COUVETLA PRÉSIDENTE

Brigitte BRUN-LALLEMAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : I7
Numéro d'arrêt : 20/083477
Date de la décision : 27/05/2021
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2021-05-27;20.083477 ?
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